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À l'ombre du silence (Poésie Contemporaine) |
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Apprenti Onirien
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02/07/2018 16:17 Groupe :
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Bonjour à tous, je suis l'auteur de ce poème.
Tout d'abord, merci pour vos commentaires, je suis content qu'il ait plu à la plupart d’entre vous. Je me suis dit qu’il serait bien d’apporter quelques explications sur la manière dont j’ai construit ce poème, et sur ce que j’ai voulu retranscrire. En premier lieu, une rapide explication de versification : J’ai voulu faire un poème en décomptant les syllabes de la manière qui me semblait la moins anachronique (sans doute à cause de mon jeune âge). C’est une liberté que j’ai prise, ce pourquoi cette poésie est classée en contemporaine. J’ai ainsi considéré par exemple, que toutes les terminaisons par « es », « ent »... suivies d’un mot commençant par une voyelle, ne se prononceraient pas comme une syllabe à part entière. « Ses murmures arrogants rient » (7), « Qui pourtant se dérobent à » (7), « Tout dans mes ténèbres est » (7)... Passons à l’explication du poème : Le premier quatrain est une forme d’introduction au reste. La tournure du début est semblable à la tournure de fin : À l’ombre du silence... dans l’ombre du silence. Elles sont mises en valeur à deux places stratégiques du poème, au début et à la fin, et elles font écho au titre. Mais elles révèlent aussi une progression de l’idée, « à l’ombre » évoquant davantage un silence protecteur, rassurant, où on se réfugie, tandis que « dans l’ombre » évoque davantage un silence menaçant, oppressant, destructeur. C’est cette progression dans l’appréhension du silence qui marque l’idée principale. Mais j’ai aussi voulu les placer ainsi car cela fait un chiasme sur l’ensemble du poème : le poème entier est prisonnier de cette figure d’enfermement, enfermé par le silence. L’idée de silence protecteur est directement remise en question dès le premier quatrain, au troisième vers, en parlant de « voile équivoque ». L’étoile est une référence personnelle à quelque chose que j’avais déjà écrit il y a plusieurs années pour cette même personne. En ce qui concerne le temps, le rapport à celui-ci est très paradoxal, car « il m’est étranger », et pourtant, je sens « ses murmures » « m’effleurant le corps », donc une proximité tactile avec lui, et que j’entends puisqu’ils « rient », donc une proximité auditive : difficile de dire qu’il m’est étranger, puisque je le ressens jusque sur ma peau et que je l’entends. Il y a une allitération en « r » dans ce vers, qui est censée marquer une frustration : « Ses muRmuRes aRRogants Rient, m’effleuRant le coRps ». De plus, alors que tout le poème est uniquement marqué par des ponctuations à l’hémistiche ou en fin de vers, ce vers est marqué par un déséquilibre, avec une virgule au bout de 7 syllabes. Cela s’inscrit toujours dans cette même idée de frustration, une syllabe de trop. Les rires apparaissent alors comme moqueurs, et le temps comme un élément cruel qui s’amuse à narguer, que je sens glisser jusque sur ma peau, mais que je suis incapable de saisir, qui m’échappe complètement. D’où le deuxième vers « Il est vrai que déjà tant d’années ont passé ». Les années passent, mais rien ne change, hormis la frustration qui grandit. Le deuxième quatrain est marqué par l’idée de confusion, tout se ressemble et se confond, justement à cause de ce rapport au temps. Il est question d’une inversion entre océan et horizon, une sorte d’hypallage, dans les deux premiers vers : « Du plus lointain rivage à l’océan perdu // D’un horizon sans fin de vagues souvenirs » au lieu de « Du plus lointain rivage à l’horizon perdu // D’un océan sans fin de vagues souvenirs ». D’ailleurs le champ lexical utilisé tourne autour de la confusion : « perdu », « vagues », « même », « confondus »... On remarque d’ailleurs un jeu de mots avec « vagues » qui fait écho à la fois aux vagues d’un océan et à des souvenirs flous. Ces métaphores sur les souvenirs font référence à l’immensité d’une vie, et au nombre incroyable de choses vécues, tandis que « cet écho du passé » résonne « sans faiblir » fait allusion à des sentiments et des instants passés qui continuent de hanter le présent, mais sans que le temps les amoindrissent comme on pourrait le croire, c’est même plutôt un effet amplificateur. Une allitération en m et en s fait référence à l’idée de vague : « S’iMMiSCe et Se Mêle à Mes rêves confondus » La vague fait allusion aux souvenirs, aux rêves et aux sentiments, qui viennent sur le rivage de façon cyclique, car dès qu’ils se retirent, ils reviennent aussitôt. La ressemblance de l’état émotionnel au fil du temps apporte la confusion. Le troisième quatrain marque un tournant, puisque c’est le premier qui fait allusion directement à des sentiments amoureux, par l’expression « fané de ton amour » qui se situe en place stratégique à la fin du quatrain et au milieu du poème. Suite à cette strophe, le poème prendra une tournure beaucoup moins évasive et beaucoup plus directe dans la seconde partie. L’idée de courir « sur ces eaux » « qui se dérobent à chacun de mes pas » témoigne d’un douloureux rappel de la réalité après chaque égarement dans les rêves et les souvenirs. J’ai utilisé « Courir sur » et non « nager dans », pour marquer justement cette distance au rêve malgré la proximité apparente, et pour insister sur ce point, j’ai utilisé la ponctuation : « Et je cours, sur ces eaux, m’y noyant chaque jour ». Le terme « noyer » est du coup paradoxal avec l’idée de « courir sur ». C’est à la fois une continuité de cette idée de confusion, et à la fois une idée de plaisir et de souffrance, puisque se noyer signifie aussi bien s’épanouir que se tuer. « Et au premier rayon d’un soleil sans éclat » « Tout dans mes ténèbres est fane de ton amour ». L’idée de rayon de soleil, c’est la métaphore de la vérité, la réalité. Il n’y a donc rien de surprenant que cette réalité soit « sans éclat » même si c’est en apparence une figure paradoxale, car la réalité est fade. J’ai utilisé « et » plutôt que « mais » car je n’ai pas voulu opposer cette partie de la strophe à la première. Enfin, le dernier vers est tout simplement le tournant du poème. L’idée de ténèbres évoque simplement l’atmosphère réelle du rêve, le caractère sans couleur du monde réel. Le quatrième quatrain va de paire avec le cinquième, il s’agit de l’évocation de la femme aimée, et de sa sensualisation. On retrouve dans ce poème les 4 éléments (feu, eau, terre, air) -> l’air pour les murmures du temps qui effleurent le corps et le souffle de la femme aimée, la terre pour le rivage, l’amour qui fane, le feu que l’on « sème » et l’espoir qui « fleurit », l’eau pour l’océan de souvenirs et de rêves, et enfin le feu pour la passion amoureuse. On remarque que ces 4 éléments sont tous connotés positivement et négativement, et c’est précisément ce sentiment que j’ai voulu retranscrire, je voulais que le monde entier apparaisse à la fois comme un bonheur et un fléau, et qu’il tourne entièrement autour de la femme aimée, pour montrer l’intensité dévastatrice d’un amour passionné. On retrouve également les 5 sens, cette fois-ci directement sur la sensualisation de la femme aimée. La vue : « Tout l’univers se fige à un simple regard // Pourtant tout prend son sens en plein cœur de ses yeux ». L’ouïe : « Ta douce voix d’été ». L’été fait ici référence à la fois à une douce chaleur, et à quelque chose de plus personnel, une période particulière de promesses implicites. Promesses qui sont d’ailleurs évoquées dans le paragraphe. L’odorat : « Ton parfum m’enivrant ». Le toucher : « Sur ma peau le frisson de ton souffle léger ». Et le goût : « De tes lèvres le goût fantasmé tu me laisses ». Cette passion amoureuse prend donc ici toute sa dimension physique. La différence principale entre le quatrième et le cinquième quatrain, est que l’évocation de la femme aimée est à la troisième personne dans le premier, tandis qu’elle est interpellée dans le second. C’est significatif de l’évolution du poème, une montée en tension. Concernant l’évocation du « feu que l’on sème en tout temps », d’où il « fleurit l’espoir », il s’agit de l’espoir d’une réciprocité qui n’est pas officiellement énoncée, et l’espoir d’un avenir, qui naissent de la passion, qui naissent de chaque signe visible de cet amour. Et comme disait Jules César, « Les Hommes croient volontiers ce qu’ils désirent ». Enfin, la dernière strophe est l’aboutissement, la conclusion du poème. Il s’inscrit, tout comme la précédente, dans un registre élégiaque, comme une longue plainte douloureuse. « Brûlons ces feux rouges » est une référence à une musique que j’apprécie particulièrement et qui est proche de mon poème dans sa signification : Red Lights de Tiësto. Les feux rouges font référence à toutes les barrières, tous les obstacles qui semblent bien éphémères. On peut imaginer toutes formes de barrières, le quotidien, les habitudes, le travail, la distance, l’âge, l’angoisse, le passé, les relations sociales, la famille, la société... Des barrières instaurées artificiellement dont on peut s’affranchir si facilement, si on le veut réellement. De plus, c’est le rapport au feu qui est ambiguë, car on « brûle un feu » pour brûler du feu de l’amour. La répétition et l’omniprésence du feu dans cette seconde partie est volontaire, car c’est avec cette même passion qu’on peut passer outre les obstacles à son expression dans le monde réel. J’ai utilisé le terme « ternir » nos vies pour faire écho à la fin de la première partie du poème, pour reprendre l’idée d’un monde fade, vide de couleurs et de sens, fané d’amour, tout en faisant la promesse de « tout un monde à quelques pas d’ici », évoquant bien sûr un monde de bonheur. Enfin, le poème se termine donc sur la figure d’enfermement « dans l’ombre du silence », achevant la progression de l’appréhension de ce silence, et de tout ce qu’il renferme. L'absence de point final à la fin du poème, signifie que cet état n'est pas une fatalité, mais que l'histoire peut avoir une suite. Comme si la promesse de « tout un monde », s’accompagnait d’un « à condition de sortir de l’ombre du silence ». Dites moi ce que vous en pensez, vos impressions, tout ce que vous voulez, en tout cas vous êtes super courageux si vous avez réussi à tout lire ^^
Contribution du : 07/08/2018 18:11
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Re : À l'ombre du silence (Poésie Contemporaine) |
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Maître Onirien
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29/01/2013 15:18 Groupe :
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j'avoue ne pas être assez courageux ... et parvenu à la fin de votre analyse, je ne me souviens plus de son début !
Mais votre poème m'ayant plus, je resterai sur ma lecture première ! Bonne continuation dans les colonnes d'Oniris !
Contribution du : 07/08/2018 19:48
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Re : À l'ombre du silence (Poésie Contemporaine) |
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Visiteur
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Pas vraiment super courageuse, curieuse, ça oui, et j'avoue avoir un peu lu la fin en diagonale.
La question que je me pose : cette réflexion fouillée, poussée, universitaire, intellectuellement intellectuelle, l'avez-vous menée avant d'écrire, en cours d'écriture ou après le résultat ? Question pas du tout péjorative, mais qui m'intrigue beaucoup ; j'écris pour le plaisir, pas souvent en contemporain, mais ça m'arrive. Ma démarche me semble tout autre : exprimer des sensations en veillant à ce que les sons ne heurtent pas l'oreille. Je suis d'autant plus étonnée que "ECS" veut dire économique et commerciale option scientifique, non ? mais pas vraiment filière littéraire ; Retraitée, ce genre d'analyses m'intéresse pour mesurer la complexité des cerveaux, mais me gâche un peu le plaisir de lecture. Cordialement, Éclaircie
Contribution du : 07/08/2018 22:47
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Re : À l'ombre du silence (Poésie Contemporaine) |
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Apprenti Onirien
Inscrit:
02/07/2018 16:17 Groupe :
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Bonsoir,
Oui effectivement, la prépa ECS signifie Économique et Commerciale option Scientifique, il s’agit en fait de la prépa HEC, mais cette filière est pluridisciplinaire et transversale, et ne laisse pas tomber la littérature ni la philosophie, avec 6 heures par semaine. Et puis j’ai toujours eu des aptitudes littéraires et un certain intérêt pour l’art malgré mon choix de filière et mon bac S ^^ Concernant le poème, j’ai voulu m’inspirer des auteurs célèbres. Je voyais que chaque ligne pouvait s’analyser, dans la forme comme dans le fond, alors je me suis bien cassé la tête, j’ai mis 6 mois à écrire ce poème. Je suis parti avec l’idée principale : le silence, le refoulement des sentiments, et la volonté de s’en affranchir. De là j’ai trouvé le titre, et en me questionnant sur la préposition à appliquer « à » ou « dans » l’ombre du silence, il m’est venu l’idée d’appliquer les deux, un au début et un à la fin, et d’en faire une progression d’idées. C’est là que j’ai eu l’idée de faire une première partie plus évasive et une seconde plus directe. Voilà, j’avais ma base, et je me suis lancé ensuite au feeling dans chaque chose que je voulais exprimer, une par une, en modifiant et remodifiant encore et encore la forme pour qu’elle signifie quelque chose qui me plaise. J’ai aussi modifié de nombreuses fois l’ordre des idées, des strophes, des vers, pour en faire quelque chose de cohérent. En cherchant, certaines figures de style me sont venues naturellement pendant l’écriture, je m’accrochais à un début d’idée qui venait et je travaillais dessus, comme l’allitération en r. Je cherchais un paradoxe, une idée de frustration, l’idée du temps qui me nargue, et là « murmures arrogants » m’a plu et j’ai voulu naturellement prolonger l’allitération en r qui débutait bien pour exprimer la frustration. À l’inverse, certaines choses sont totalement travaillées d’avance comme les 4 éléments et leur orientation complexe, et les 5 sens, que je voulais mettre en place avant de me lancer dans des idées concrètes (ils sont présents dans tellement de poèmes de grands auteurs que je me voyais mal faire l’impasse, et puis je me disais que je pouvais en faire quelque chose de bien). Quelques fois, une idée me venait comme « ton parfum m’enivrant » en 6 syllabes, je me disais que le côté olfactif étant réglé, et que je devais continuer ce vers avec un autre sens, et c’est le côté auditif qu’il qui l’a emporté avec « ta douce voix d’été ». Mais toute cette analyse n’est pas faite après écriture, c’est vraiment ce que j’ai voulu restranscrire à travers la forme, à la fois avant et pendant. J’espère vous avoir éclairé
Contribution du : 08/08/2018 02:29
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Re : À l'ombre du silence (Poésie Contemporaine) |
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Visiteur
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Merci Devos, tout est clair, oui, même et surtout à 2 h 41
J'espère que vos études vous laisseront le temps de hanter les colonnes d'Oniris. Belle preuve de patience et de persévérance, chapeau !
Contribution du : 08/08/2018 02:43
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Re : À l'ombre du silence (Poésie Contemporaine) |
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Apprenti Onirien
Inscrit:
02/07/2018 16:17 Groupe :
Évaluateurs Membres Oniris Auteurs Post(s):
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Merci à vous, je l’espère aussi, bonne continuation ;)
Contribution du : 08/08/2018 02:49
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