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À propos de "Cercles intrépides"
Maître des vers sereins
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Bonjour à vous,



Merci à tous ceux qui ont donné un peu de vie à ce poème : Cercles intrépides


Je vais tenter de répondre à chaque commentaire à travers une sorte d'explication de texte, surtout pour les aspects formels, et donc cette première strophe qui n'aurait pas ou qui en aurait trop et ça ne serait pas conforme à un français correct ? Je ne vais pas répondre à cette question, elle revient souvent, je vais parler de ce que j'ai voulu dire ainsi.



"Sur la pointe d’un pied, faisant le grand écart,
Avec les bras en cœur dans la boîte à musique,

Où la vie a mené la danseuse onirique
Aussi loin qu’une ronde, où n’est aucun départ."

Pour une compréhension rapide (euh... peut-être) il suffit de faire précéder la strophe de "elle est". Ça serait ce qui est appelé en commentaire, la "proposition principale", mais la strophe elle même n'est qu'une simple description, avec tous les éléments pour la saisir, d'où l'élision de cette partie, un peu comme de dire "un cheval de bois !" au lieu de "il y a un cheval de bois et ça me surprend" :

La vie a mené la danseuse onirique à deux destinations qui se confondent, mais se différencient aussi dans leur nature statique ou mobile :

1 - sur la pointe de son propre pied dans une boite à musique.
2 - aussi loin qu'une ronde, où n'est aucun départ.

Le point 2 est une image d'un cercle vicieux, sous forme de "ronde" dont on ne sort pas, ça correspond au mouvement mécanique de la danseuse sur sa boite.

"Départ" ne correspond pas à "commencement" mais à "sortie".



"Un autre unijambiste avait un autre quart,
Il est soldat de plomb,
mais un soleil inique
A pris la liberté, dans son bleu mécanique,
À la jambe inconnue en retenant sa part."


Là aussi, beaucoup d'incompréhensions. Le "quart" du soldat est bien le "quart" du marin, bien que le soldat ne soit pas marin, mais la danseuse n'est pas vraiment unijambiste non plus, sa deuxième jambe est en l'air, avec son autre pied au bout :)

Du coup, on pourrait lire : un autre (véritablement) unijambiste avait un(e) autre (sorte) de quart (de tour, non plus au sens propre comme dans la boite à musique mais au sens figuré comme chez les marins, qui ne tournent pas forcement durant un "quart". Ça veut juste dire "tour de garde" et ça peut se faire sur place ou suivant des trajets divers, pas forcement circulaires)

Ce "quart" permettait de mettre en scène l'autre "cercle vicieux", celui du soldat condamné par son handicap à n'être jamais un soldat de plomb comme les autres pour l'enfant.

Un point virgule serait en effet très opportun à la fin du premier vers de cette strophe. Je vais concentrer l'explication sur les 3 autres vers :

"Il est soldat de plomb, mais un soleil inique (c'est une image d'un destin funeste)A pris la liberté ("prendre la liberté" a ici le sens d'enlever la liberté, et non pas celui de la saisir), dans son bleu mécanique (ça, c'est une image du bras armé du destin funeste sus-cité), À la jambe inconnue en retenant sa part (de plomb fondu, ça demande une connaissance du conte d'Andersen)."

J'ai trouvé vraiment jolie aussi d'imaginer la flamme d'un chalumeau dans ce qui n'était qu'une image du destin, avec une volonté de colorer la chose de ma part, mais elle est bien venue de la lecture de Pich24.

En fait, ce n'est pas "inique" et "mécanique" qui seraient là "pour la rime" car j'ai besoin de reformuler le destin du soldat après celui de la danseuse, mais "bleu" et "soleil" qui font chevilles dans une certaine mesure, en introduction de leur rime, parce que je voulais des couleurs.



"Un enfant les traînait sans cesse aux gémonies :
Danser pour son cochon, garder ses vieux brownies,
Valser mais pour de bon, servir comme un marteau."

En vert, ce qui fait sens, en bleu pour le garçon et en rose pour la fille :

- Vert : le tercet n'a d'autre but que de présenter la façon dont sont torturés les personnages par l'enfant.
- Rose : La danseuse "danse" et "valse pour de bon" c'est le sens vulgaire du verbe "valser" pour "trébucher" et non pas pour "danser la valse" qui est bien entendu le sens propre du verbe, en vérité, pour les plus jeunes qui liraient ces lignes.
- Bleu : Le soldat de plomb "garde" et "sert", c'est un bon soldat.

Chacune des quatre expressions correspond à un jeu d'enfant :

"danser pour son cochon" => être rangé derrière la tirelire
"garder ses vieux brownies" => être rangé avec un vieux goûter oublié
"valser mais pour de bon" => être utilisé comme un projectile
"Servir comme un marteau" => être utilisé comme un outil (tâche vulgaire pour un jouet, bien entendu)

Pour la rime "gémonies/brownies", on peut tout à fait la prononcer : gémoni'z/browni'z ou gémoni-e'z/browni-e'z si on prononce le E, je ne vois pas de raison de ne pas prononcer le S final, c'est bien le sens de l'accord en nombre des rimes classique, comme l'accord en genre évoque une ancienne prononciation systématique des E caducs.

C'est un choix personnel ou d'interprétation orale, elle peut se retrouver dans la diction de la marseillaise :

Allons enfants de la patri-i-E

Le E final est prononcé, c'est à la base un vers en huit syllabes qui en contera fréquemment 10 à l'oral, enfin au chant (au champs ça pouvait finir en argh... aussi, à mon avis)

Dans ces deux autres vers :

"Tremblez ! vos projets parricides
Vont enfin recevoir(eu) leurs prix ! (bis)"

La même logique qui fait prononcer les E finaux à certains lecteurs classiques est utilisée en chanson pour en créer entre certaines consonnes, comme ici entre R et L, et c'est le début de la compréhension d'une versification réellement "néo-classique". Le R et le L s'enchainent mal alors un E intermédiaire améliore la diction, l'orthographe et le mètre n'ont plus le même rôle, comme en chanson.

Ceux qui voudraient se lire mon tercet comme la marseillaise ne me dérange pas, mais j'étais plutôt dans une musique intérieure avec une diction sans surenchère. Les anglais ne viendront pas se plaindre si on prononce le mot dans notre langue, comme c'est l'usage auquel invite une actrice jouant une jeune touriste américaine dans cette publicité : Hello de Lu brownies : L'aéroport

C'est pas juste ironique, le personnage français donne une prononciation anglo-saxonne du mot "bronize" et le personnage américain rend lui une prononciation française, sans final en Z tout en marquant le pluriel en le précédant de l'article "des brôni !"

Si ma rime était dans la Sodome et Gomorrhe des prononciations
improbables, elle mériterait d'être sauvée, suivant la tradition, avec la preuve faite par cette publicité d'au moins une occurrence de la locution, sans E chez personne, sans Z chez quiconque n'est pas en train de tenter de séduire une américaine avec un paquet de biscuit :)

"vouait" pouvait parfaitement remplacer "trainait", mais je suis partie du mot "gémonies" et pas de l'expression complète. En vérifiant le sens, j'ai lu l'histoire de ses escaliers où les romains exhibaient les cadavres des repris de justice après leur châtiment, le verbe trainer correspondait aux cadavres que je comparais au jouets, pour leur nature inanimée. L'expression a le sens de "souhaiter des malheurs" et/ou "envoyer au diable" peut-être, mais ça reste un vœu, une pensée ou une parole, alors que le verbe "trainer" met en valeur l'acte concret. "vouait" est intéressant pour le hiatus aussi mais j'en reparlerai, il me reste un tercet.



"S’ils rêvaient d’incendie unis par leur misère,
Ou bien d’annihiler ce garçon débonnaire,

Ils ont plié bagage en papier d’un bateau."

C'est dans ce tercet que je vais transformer la trame du conte, la fin originale est la disparition quasi complète des deux héros dans un brasier, un simple poêle à bois.

En écrivant, j'ai eu "tortionnaire" à la place de "débonnaire" mais ça ne colle pas avec le mètre. Ce n'est pas grave de me faire des proposition en dehors des questions de métrique, mais le poème a du sens par sa nature formelle aussi, son thème à travers ce conte revisité est aussi celui du fond et de la forme, ou plutôt de l'apparence et de l'essence, ce qui semble dit et ce qui peut être lu. Du coup, la métrique et le reste ont un rôle d'images actives dans le poème, il n'aurait pas le même sens, et ne pourrait le trouver je crois, en dehors de ce contexte.

"débonnaire" a un sens de "bienveillant" et autant le dire, ça a bien failli me découdre les fonds de pantalons, je n'imagine pas une phrase du genre : "Elle s'occupe de ses enfants de façon bien débonnaire" pour marquer une qualité morale.

Pour moi, ce mot est fermement attaché à l'insouciance justement, l'absence d'attention, et c'est dans ce sens-là que je l'employais : l'enfant se moque du sort de ses deux jouets.

Même l'étymologie du mot repousse les limites : il est composé simplement à partir de "de bon aire" pour "de bonne naissance", à l'époque où c'était un gage de savoir vivre, la "bienveillance" ne repose pas sur une qualité de cœur, mais sur un critère que la personne n'a pu choisir, ça devient un don d'être bienveillant ?

Mais en fait ça rejoindrait presque cette attitude d'Andersen d'associer la qualité morale du courage à une "qualité" physique, même si c'est une jambe en moins en l’occurrence.

Bon, ça reste une faute au sens figuré, mais pas au sens propre, c'est bien le mot que je voulais accoler à ce perfide enfant : tout ce qu'il a de plus que les deux héros, ce n'est pas une seconde jambe, c'est bien une meilleur naissance comme humain plutôt que comme objet, un privilège excluant tout mérite (c'est peut-être un pléonasme, ça... ).

C'est du langage soutenu dans les dico, l'usage de "débonnaire", ça peut expliquer que ça ne soit pas tant relevé et peut-être le sens inversé du mot, "roturier", existe-t'il dans le langage courant.

Suis-je le seul à comprendre "débonnaire" comme "insouciant" ?

Voilà le dernier vers :

"Ils ont plié bagage en papier d’un bateau."

C'est construit comme cet effet de style qui fait qu'on peut prendre la porte et le train dans la même phrase, mais le vers signifie littéralement qu'ils plient bagage sous la forme d'un bateau en papier.



Je ne cherche pas une qualité narrative à ce que j'écris, c'est de la poésie, en aucun cas le sens viendra empiéter sur la musicalité. Pour la compréhension, le conte est disponible, il est fait pour des enfants et... j'allais écrire que ça ne demande pas beaucoup de recul mais justement, ça s'adresse à des perceptions particulières, c'est facile à comprendre pour un adulte mais ce n'est pas ce qui en fait une histoire pour enfant.

Le poème a pour but de faire entendre à tout public ce que, peut-être, Andersen a voulu adresser à ses jeunes lecteurs : se méfier des apparences, ou au moins, il a lourdement insisté pour tenter de faire gober qu'intrépide signifie "n'avoir qu'un seul pied" comme il a bien réussi à faire passer une princesse "au petit pois" pour une personne délicate :)

Ce n'est pas le fruit d'une étude scientifique ou littéraire, c'est juste de la poésie, je pense que ce conte porte en lui la capacité de "couper le cordon", ce qui est très rare je trouve, qu'un artiste vienne à la fois séduire et donner les moyens d'être quitté pour le meilleur. Dans le contexte, aider les enfants à parvenir à une lecture adulte, consciente de la polysémie des mots, de l'importance du contexte pour saisir leur sens, de leur capacité de tromper surtout, même avec humour dans ce cas.



J'ai pris peu de place pour les commentaires moins "inquisiteurs" mais ça me permet de développer des choses importantes dans l'écriture pour moi. Je reste encore un peu sur ces lignes pour laisser un remerciement à la fraicheur du commentaire de Pimpette, à la curiosité de socque, d'Arielle et Merseger, je suis content que quelque chose d'un peu solaire émerge de cette poésie aux angles sans doute encore trop aigus.

Pich, Damy, Miguel, leni, rosebud, stellamaris et CharlesVerbaud, merci à vous aussi pour les horribles maux de tête de ses derniers jours, à retracer le fil de mon écriture bien plus instinctive que ne pourrait le laisser croire ce sujet, peut-être :)



PS pour les oublis :

Pour les temps, j'ai besoin d'un temps de narration et d'un temps de descriptions, sur le modèle par exemple :

Il était une fois un chevalier arrivant dans une région terrifiée par un dragon. Il a un écusson doré et un casque à plumes, etc.

Le présent permet de plonger dans l'action, l'imparfait de commenter les situations. Dans le lien vers le conte, il y a aussi ces deux temps utilisés.

@Damy : Ce n'est pas la page 15, c'est une page de titre de chapitre du traité de Sorgel :) mais j'ai trouvé quelque chose qui est peut-être ce dont vous parliez...

Dans le chapitre 6 "césure - hémistiche - accent" à la page 42, à la fin de l'article sur les accents mobiles, on peut lire ce vers de Baudelaire :

"L’œil inquiet fixé sur vos pas incertains"

Sorgel indique une erreur musicale, en y créant une inversion :

"L’œil fixé sur vos incertains pas"

Les deux dernières syllabes sont accentuées ainsi, c'est l'erreur que présente Sorgel. L'accent tonique se porte sur la dernière syllabe non muette d'un mot ordinairement, donc avec "incertains", c'est la syllabe "tains", mais avec "pas", ça ne peut être que... "pas", la syllabe accentuée.

C'est général et pas particulier au sonnet en tout cas, et en imaginant une inversion de termes à plusieurs syllabes :

L’œil fixé sur vos douteux souliers

L’œil fixé sur vos souliers douteux

Les accents toniques ne se rencontrent plus, pas de "couac" particulier.

En tout cas, je n'ai pas trouvé d'autres mentions sur les inversions dans le traité de Sorgel, mais j'ai pu rater un truc bien sûr. Si c'est d'une autre source, ça m'intéresse aussi.

@Stellamaris : pas de problème pour l'évaluation, je trouve que c'est important de marquer ses préférences, et le commentaire garde la part belle de l'intention sans doute possible, c'est largement suffisant.


Pour les hiatus, en général, je pense qu'en fait il n'y pas de problème à les utiliser en théorie, ce n'est pas cacophonique concrètement, ça dépend des cas. Surtout, je pense que la succession de voyelles où qu'elles se trouvent crée un accent tonique "obligatoire" par l'effet de la diction de deux syllabes distinctes sans voyelles intermédiaires, ainsi un "bon" hiatus serait dans le rythme, et un "mauvais" serait à contretemps.

Avec "incendie unis", le hiatus correspond à la césure, il l'accentue à mon idée. Avec "annihiler" c'est aussi une intonation que je veux "commander" à la lecture pour, avec l'intonation en gras :

"Ou bien d’annihiler ce garçon débonnaire"

Je pense qu'avec un autre verbe, j'enlevais une intonation :

"Ou bien de balancer ce garçon débonnaire"

C'était une tentative de rendre ça plus caverneux.




Contribution du : 17/11/2012 17:00
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Re : À propos de "Cercles intrépides"
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Je ne comprends pas bien votre passage sur la rime gémonies/brownies : que prononcez-vous au final ?

le e mais pas le s
gémoni-e (s) / browni-e (s)

le s mais pas le e
gémoniz / browniz

les deux ?
gémoni-ez browni-ez

aucun ?
gémoni browni

Les e muets des rimes féminines devant se prononcer, mais pas les s des rimes plurielles, seule la première solution serait valable. C'est une adaptation d'un mot anglais au français, pourquoi pas, soit.

Par contre si vous prononcez à l'anglaise browniz, pratiquer la même chose à gémoniz me semble incorrect, d'autant plus que l'on perd le e muet qui fait tout l'intérêt de l'alternance des rimes masculines et féminines, comme dans l'exemple de La Marseillaise. Idem pour la dernière solution.

Quant à prononcer à la fois le e et le z, ce n'est plus ni de l'anglais pour brownies, ni du français pour gémonies. Du Franglais ?

J'aurais donc tendance à franciser le brownies pour une rime avec e muet prononcé et sans s
gémoni-e(s) / browni-e(s)

Heu... Est-ce clair ?

Contribution du : 18/11/2012 10:26
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Re : À propos de "Cercles intrépides"
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Les e muets des rimes féminines devant se prononcer, mais pas les s des rimes plurielles, seule la première solution serait valable.


C'est un choix, pas une règle. La versification ne compte pas les E finaux des vers féminins comme une syllabe, logiquement, ils ne se prononcent donc pas, sauf pour interpreter oralement un poème, mais dans ce cas, c'est toute la versification qui peut être revisitée librement pour faire une composition musicale, pas seulement la fin des vers.

Je prononce les syllabes réelles, c'est le plus spontané il me semble.

Mais j'ai déjà lu cette façon de lire et ça donne effectivement plus de relief à l'alternance classique, en brisant la régularité des vers à mon goût, et pour des poèmes comme :

"Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur."


Je n'ai pas voulu oraliser en mettant par exemple "montagneu" parce que je crois que ce n'est pas vraiment le son auquel vous faites référence, il ne s'agit pas de "plomber" les rimes féminines par un "heu", mais c'est quand même difficile à imaginer, notamment dans le cas ci-dessus de rimes féminines vocaliques "pensées/croisées" (malheureusement "faible" mais toujours valable pour parler de cette oralisation des fins de vers féminins).

Comment prononcez-vous les fins de vers 5 et 7 de Hugo ?

Contribution du : 18/11/2012 16:23
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Re : À propos de "Cercles intrépides"
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La versification ne compte pas les E finaux des vers féminins comme une syllabe, logiquement, ils ne se prononcent donc pas,


C'est là une erreur, la prononciation et le comptage sont deux choses différentes à la rime. La prononciation du e muet en poésie n'est pas un choix, c'est la règle.

Le e muet n'est pas compté à la rime, mais il se prononce, comme il l'est dans le vers. Un mot ne change pas de prononciation entre le vers et la rime. Si le e de pensé-e n'est pas élidé dans le vers, il doit être prononcé.

Il faut prononcer ces e muets, comme dans la Marseillaise, sans quoi quel serait l'intérêt d'alterner les rimes masculines et féminines ? Un vers avec rime féminine a une syllabe de plus que son équivalent avec une rime masculine, ce qui permet d'alterner des rythmes différents. En quoi pensée se différencierait de pensé ?

Derrière la poésie, il y a la chanson, c'est Banville qui le dit dans son traité.

Le e muet ne se prononce pas eu : montagne ne se prononce pas monta-gneu. Si effectivement vous prononcez ainsi, c'est à la fois laid et incorrect. Le e de "petit" ne se prononce pas eu "peutit", il faut faire pareil pour "monta-gne".

Prenons le vers de Hugo,
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,

J'inverse la fin (sacrilège !)
Je ne regarderai ni l'or qui tombe du soir ,

Le e de tombe se prononce dans le vers, et le mot a la même prononciation à la rime. Et vous ne prononcez pas tom-beu.

Je prononce pensé-e et croisé-e, sans problème, comme dans la Marseillaise

Allons enfant de la patri-e
Le jour de gloire est arrivé
Contre nous de la tyranni-e
L'étendard sanglant est levé.

Contribution du : 18/11/2012 16:41
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Re : À propos de "Cercles intrépides"
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Citation :

Mais j'ai déjà lu cette façon de lire et ça donne effectivement plus de relief à l'alternance classique, en brisant la régularité des vers à mon goût,


C'est effectivement la raison d'être de l'alternance des rimes masculines et féminines.

Contribution du : 18/11/2012 17:09
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Re : À propos de "Cercles intrépides"
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Vous chantez alors, vous rallongeait la syllabe, personne ne dit "j'étais perdu dans mes pensé-e" ce n'est pas du "français" correct, c'est de la chanson.

Banville interdit de faire compter comme une syllabe un E caduc à l'intérieur des vers, sinon, il n'y aurait pas de raison de ne pas placer ÉES dans un vers classique, il suffirait de le prononcer.

Ce n'est pas une "règle", pas du "français" usuelle, c'est un choix de poète.

Moi, je ne veux rien inverser chez Hugo, je le lis comme je parle simplement.

Pour le son "EU" j'ai bien compris la différence dont vous parlez, j'ai voulu le préciser après le poème d'Hugo, les E caducs sont "fermés", les autres "ouverts" pour la plupart, mais ça ne change rien au fait que Banville les interdit à l'intérieur des vers et que vous souhaitez les prononcer à la fin, mais ce n'est pas une règle, et encore moins la langue au sens propre.

Contribution du : 18/11/2012 17:31
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Re : À propos de "Cercles intrépides"
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Vous écrivez :

Citation :
Le e muet ne se prononce pas eu : montagne ne se prononce pas monta-gneu. Si effectivement vous prononcez ainsi, c'est à la fois laid et incorrect. Le e de "petit" ne se prononce pas eu "peutit", il faut faire pareil pour "monta-gne".


Après que j'ai écrit :

Citation :
Je n'ai pas voulu oraliser en mettant par exemple "montagneu" parce que je crois que ce n'est pas vraiment le son auquel vous faites référence, il ne s'agit pas de "plomber" les rimes féminines par un "heu"


Il n'y aucun désaccord sur ce point.

Contribution du : 18/11/2012 17:45
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Re : À propos de "Cercles intrépides"
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Pardon pour ce 3ème post mais je voudrais éviter un dialogue de sourd, ce n'est pas tant le problème pour moi que ce soit une règle ou pas.

Vous vous appuyez sur le traité de Banville pour trier le "faux" du "juste" mais cette prononciation du E final ne vient pas de la même référence à mon avis.

L'alternance féminin/masculin peut se passer de logique comme l'accord en nombre des rimes, vu que le pluriel est inaudible en français alors qu'un vers prétend à la musicalité. C'est juste une règle orthographique, une règle visuel, l'alternance comme l'accord en nombre des rimes.

Banville interdit de compter les E caduc suivant une voyelle comme des syllabes dans un vers, de les compter comme de les prononcer donc. Il interdit de placer la suite ÉES dans un vers, alors qu'en suivant la logique de la prononciation du E final des vers féminin, il n'y a plus aucune raison de le faire, et "croisé-es" par exemple compterait 3 syllabes à l'intérieur d'un vers, mais plus selon Banville. C'est une contradiction d'associer les deux règles au même critère.

C'est plutôt cette contradiction qui me posait question que le statut de cette façon de lire.

Edit :

Banville, traité, page 21 du téléchargement sur Gallica.

"C'est une règle absolue que, dans les vers féminins, la dernière syllabe du vers, dont L'E muet, seul ou suivi des lettres s ou nt, ne se prononce pas, ne compte pas. Ainsi dans ce vers :

é-tant tout ce que dieu peut a-voir de vi-si-ble (13)

L'E muet final ne se prononçant pas, la dernière syllabe ne compte pas, et on prononce comme s'il y avait :

é-tant tout ce que dieu peut a-voir de vi-si-bl' (12)

Ainsi un vers féminin de douze syllabes contient toujours en réalité 13 syllabes au moins, bien que métriquement il n'en ait que 12. Comme nous l'avons vu tout à l'heure, il peut contenir plus de 13 syllabes sans cesser d'être métriquement un vers de 12 syllabes ; cela tient à ce qu'une ou plusieurs syllabes disparaissent par ÉLISION."

Les dernières majuscules sont bien de Banville.

Contribution du : 18/11/2012 18:22

Edité par David le 19/11/2012 11:46:34
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Re : À propos de "Cercles intrépides"
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Il ne faut pas chercher à prononcer en vers comme en prose. Le vers se prononce comme une phrase chantée, car la poésie est l'art de faire un texte rythmé et musical sans l'appui de la musique instrumentée.

La prononciation des e muets est l'une des règles fondamentales de la versification. C'est entre autre ce qui la différencie de la prose, avec les diérèses et l'interdiction des hiatus.

Vous tenez absolument à confondre comptage des e muets et prononciation à la rime, cela n'est pas correct à la rime.

Dans un vers, le e muet de pensée doit être élidé, parce qu'il est considéré que sa prononciation n'y est pas jolie. Donc on l'élide pour ne pas le prononcer et on ne le compte pas, c'est la règle depuis Malherbe. L'élision est une façon d'éviter le comptage et la prononciation d'un e muet DANS le vers, mais cela ne prouve pas que lorsque ce e n'est pas élidé, il ne se prononce pas.

Si ces e muets n'étaient pas prononcés, il n'y aurait aucun intérêt à les élider, ni à alterner les rimes masculines et féminines.

Paul Valéry n'hésitera pas à ne pas élider certains e muets, et de ce fait il les prononce et les compte dans le vers

Nulle des nymphes, nulle ami-e ne m'attire

et nous sommes au XXème siècle, pas à la Renaissance. Pourtant au Moyen Âge et à la Renaissance, il en va de même :

Villon
Pi-es, corbeaulx nous ont les yeulx cavez

ronsard
Mari-e qui voudrait votre beau nom tourner

du Bellay
Mais je te pri-e bien qu'ayant fait bonne chère

lorsque ces e muets ne sont pas élidés, ils sont comptés et prononcés. A la rime ils ne sont pas élidés, ni comptés, et pourtant il faut les prononcer, comme en chanson, comme dans le vers lorsqu'ils ne sont pas élidés.

En fin de vers, l'avant-dernière syllabe, celle qui précède le e muet, est accentuée et étirée, pour que le son retombe sur le e muet prononcé.

site de l'académie de reims

Citation :

L'accentuation poétique
Dans un vers, certaines syllabes, plus accentuées que les autres, sont dites toniques (ce sont celles qui portent l'accent tonique). Le retour des accents crée le rythme. Placer les accents permet ensuite de placer les coupes (la césure en particulier) et de mesurer le rythme.
Lorsque le mot se termine par un "e" dit muet, c'est l'avant-dernière syllabe qui est accentuée. Dans tous les autres cas, c'est la dernière syllabe du mot qui est accentuée.
Dans le vers suivant, de Ronsard, les syllabes accentuées sont soulignées :
Je serai / sous la terre // et fan/me sans os (1-2-3/1-2-3//1-2-3/1-2-3)
Voici, autre exemple, l'accentuation d'un vers de La Fontaine :
Le long / d'un clair ruisseau / buvait / une colombe


C'est bien ce que nous retrouvons dans La Marseillaise, et c'est ce qui doit être fait dans tout poème.

Brassens par exemple utilise les e muets

Auprès de mon ar-bre,
Je vivais heureux
J'aurais jamais dû m'éloigner d' mon ar-bre
Auprès de mon ar-bre,
Je vivais heureux
J'aurais jamais dû le quitter des yeux.

En chanson, c'est très aléatoire,mais en poésie, c'est systématique.

Méfiez-vous du traité de Banville, car il a la réputation d'être plein d'incohérences. Il fustige par exemple l'interdiction de l'hiatus et l'alternance des rimes. C'est en le lisant que les poètes tels que Rimbaud, et à sa suite le surréalisme ont abandonné les règles de la versification. Banville est, sans le vouloir, un précurseur du vers libre. Il faut le lire avec du recul.

critique du traité de Banville

Contribution du : 19/11/2012 20:07
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Re : À propos de "Cercles intrépides"
Visiteur 
Dans tout poème ou dans tout poème se voulant classique ?

Pour ma part, j'avoue que la prononciation systématique des "e" muets (j'entends : dans le cas particulier des "e" muets qui font partie d'une syllabe prononcée sans lui, comme pour "vie" ou "Marie" ; sinon, si c'est le "e" muet qui fait la syllabe, naturellement je la prononce) ne me convient guère quand je me récite un poème non classique... et même dans Baudelaire (celui que je connais le mieux), je ne me rappelle pas avoir jamais eu à me livrer à cette gymnastique pour que le vers coulât bien.

Tiens, je vais aller reparcourir Les fleurs du mal pour voir.

Ah ben tiens, voilà : dès Au lecteur, j'ai le vers
"Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux", où "gaiement" occupe bien deux syllabes et non trois.

Contribution du : 19/11/2012 20:17
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