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À propos de "Mot compte triple"
Maître des vers sereins
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11/02/2008 03:55
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Bonjour à vous,


Ce sujet juste pour saisir l'occasion de ressortir du grenier quelques vers ou poèmes en alexandrins, pour montrer ce qu'il est possible de faire dans cette étrange pratique plutôt connue pour ses nombreuses interdictions.

Faire parler les lettres de l'alphabet :


Rimbaud et son "voyelles" :

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! -


Hugo et sa "RÉPONSE À UN ACTE D’ACCUSATION" (extrait)

Donc, c’est moi qui suis l’ogre et le bouc émissaire.
Dans ce chaos du siècle où votre cœur se serre,
J’ai foulé le bon goût et l’ancien vers françois
Sous mes pieds, et, hideux, j’ai dit à l’ombre : Sois !
Et l’ombre fut. — Voilà votre réquisitoire.
Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire,
Toute cette clarté s’est éteinte, et je suis
Le responsable, et j’ai vidé l’urne des nuits.
De la chute de tout je suis la pioche inepte ;
C’est votre point de vue. Eh bien, soit, je l’accepte ;
C’est moi que votre prose en colère a choisi ;
Vous me criez : Raca ; moi je vous dis : Merci !
Cette marche du temps, qui ne sort d’une église
Que pour entrer dans l’autre, et qui se civilise ;
Ces grandes questions d’art et de liberté,
Voyons-les, j’y consens, par le moindre côté
Et par le petit bout de la lorgnette. En somme,
J’en conviens, oui, je suis cet abominable homme ;
Et, quoique, en vérité, je pense avoir commis
D’autres crimes encor que vous avez omis,
Avoir un peu touché les questions obscures,
Avoir sondé les maux, avoir cherché les cures,
De la vieille ânerie insulté les vieux bâts,
Secoué le passé du haut jusques en bas,
Et saccagé le fond tout autant que la forme,
Je me borne à ceci : je suis ce monstre énorme,
Je suis le démagogue horrible et débordé,
Et le dévastateur du vieil A B C D ;


Hugo et "À propos d'Horace" (extrait)

Ah! je prends Phyllodoce et Xantis à témoin
Que je suis amoureux de leurs claires tuniques ;
Mais je hais l'affreux tas des vils pédants iniques !
Confier un enfant, je vous demande un peu,
A tous ces êtres noirs! autant mettre, morbleu !
La mouche en pension chez une tarentule !
Ces moines, expliquer Platon, lire Catulle,
Tacite racontant le grand Agricola,
Lucrèce ! eux, déchiffrer Homère, ces gens-là !
Ces diacres ! ces bedeaux dont le groin renifle !
Crânes d'où sort la nuit, pattes d'où sort la giffle,
Vieux dadais à l'air rogue, au sourcil triomphant,
Qui ne savent pas même épeler un enfant !
Ils ignorent comment l'âme naît et veut croître.
Cela vous a Laharpe et Nonotte pour cloître !
Ils en sont à l'A, B, C, D, du coeur humain ;
Ils sont l'horrible Hier qui veut tuer Demain ;


idem, plus loin...

Le monologue avait le temps de varier.
Et je m'exaspérais, faisant la faute énorme,
Ayant raison au fond, d'avoir tort dans la forme.
Après l'abbé Tuet, je maudissais Bezout ;
Car, outre les pensums où l'esprit se dissout,
J'étais alors en proie à la mathématique.
Temps sombre ! Enfant ému du frisson poétique,
Pauvre oiseau qui heurtais du crâne mes barreaux,
On me livrait tout vif aux chiffres, noirs bourreaux ;
On me faisait de force ingurgiter l'algèbre ;
On me liait au fond d'un Boisbertrand funèbre ;
On me tordait, depuis les ailes jusqu'au bec,
Sur l'affreux chevalet des X et des Y ;



Plus largement, un vers classique n'a pas forcement besoin d'écrire une voyelle pour faire une syllabe, on peut faire entendre la consonne, et même l'onomatopée !


Voici des extraits de "Cyrano de Bergerac", d'Edmond Rostand, les lettres entre parenthèses marqueront les changement de locuteurs :

(p)Holà ! vos quinze sols !(c1)J’entre gratis !(p)Pourquoi ?
(c1)Je suis chevau-léger de la maison du Roi !
(p)Vous ?(c2)Je ne paye pas !(p)Mais… (c2)Je suis mousquetaire.
(c1) On ne commence qu’à deux heures. Le parterre
Est vide. Exerçons-nous au fleuret.(l1)Pst… Flanquin…
(l2)Champagne ?…(l1)Cartes. Dés. Jouons.(l2)Oui, mon coquin.

plus loin...

(cy)Si j'entends une fois encor cette chanson,
Je vous assomme tous.(b)Vous n'êtes pas Samson !
(cy)Voulez-vous me prêter, Monsieur, votre mâchoire ?
(d)C'est inouï !(s)C'est scandaleux !(b)C'est vexatoire !
(p)Ce qu'on s'amuse !(pa)Kss ! — Montfleury ! — Cyrano !
(cy)Silence !(pa)Hi han ! Bêê ! Ouah, ouah ! Cocorico !

plus loin...

(dg)Qu'est cela ?(lc)Rien ! C'est une chanson !
Une petite… (dg)Vous êtes gai, mon garçon !
(lc)L'approche du danger !(dg)Capitaine ! je… Peste !
Vous avez bonne mine aussi !(c)Oh !… (dg)Il me reste
Un canon que j'ai fait porter… là, dans ce coin,
Et vos hommes pourront s'en servir au besoin.
(c)Charmante attention !(ua)Douce sollicitude !
(dg)Ah çà ! mais ils sont fous !- N'ayant pas l'habitude
Du canon, prenez garde au recul.(c)Ah ! pfftt !(dg)Mais !…
(c)Le canon des Gascons ne recule jamais !


J'ajoute pour finir le poème de Tristan Corbière : "Sonnet (Avec la manière de s'en servir)" :

Réglons notre papier et formons bien nos lettres :

Vers filés à la main et d'un pied uniforme,
Emboîtant bien le pas, par quatre en peloton ;
Qu'en marquant la césure, un des quatre s'endorme...
Ça peut dormir debout comme soldats de plomb.

Sur le railway du Pinde est la ligne, la forme ;
Aux fils du télégraphe : - on en suit quatre, en long ;
A chaque pieu, la rime - exemple : chloroforme.
- Chaque vers est un fil, et la rime un jalon.

- Télégramme sacré - 20 mots. - Vite à mon aide...
(Sonnet - c'est un sonnet -) O Muse d'Archiméde !
- La preuve d'un sonnet est par l'addition :

- Je pose 4 et 4 = 8 ! Alors je procède,
En posant 3 et 3 ! - Tenons Pégase raide :
" O lyre ! O délire ! O... " - Sonnet - Attention !



Voilà, juste des chiffres et des lettres pour en finir avec ce poème sur le scrabble...

Il est visible ici !



Contribution du : 01/08/2015 15:14
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Un Fleuve
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