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1 Utilisateur(s) anonymes
à propos de "y aunque desde que nacì" |
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Maître des vers sereins
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11/02/2008 03:55 Groupe :
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Merci aux lecteurs et à Xuanvincent, TITEFEE, isfranco et Lotus d'avoir laissé un mot.
Et encore un merci à TITEFEE pour m'avoir fait entendre ce que j'ai écrit. La pièce de Pedro Calderòn de la Barca doit être dans le domaine publique, elle est visible sur le web, son titre est "La vida es sueño", ce qui se traduit par "la vie est un songe", mais sans doute pas sa traduction en français, je voulais la citer également sans alourdir la présentation du poème. Je ne suis pas sûr de me tromper en disant que cette pièce est aussi célèbre qu'une de molière pour la littérature espagnol, je m'y suis intéressé à cause de la phrase-titre, une photo me l'a montrée écrite sur un mur en colombie... et je me demandais d'où elle venait. Pour Xuan, sa traduction serait d'après la référence que je donne aussitôt après "et quoique depuis ma naissance" pour y aunque desde que nacì le traducteur esquive le problème de la conjugaison j'ai trouvé, mais bon, j'étais bien content de son boulot quand même. J'ai écrit d'après une traduction de Bernard Sesé dans l'édition bilingue "La vida es sueño/la vie est un songe" de Calderòn chez Aubier Flammarion, 1976. Suit l'extrait de la page 77 dont je me suis inspiré : "Ta voix a su m’attendrir, ta présence a su m’arrêter, mon respect pour toi me troubler. Qui es-tu ? Quoique je ne sache ici que si peu de chose du monde, car cette tour pour moi a été à la fois mon berceau et ma tombe; et quoique depuis ma naissance - si tant est que je puisse appeler cela naître – je ne vois rien que ce désert rustique, où je vis misérable, en squelette vivant, être animé frappé de mort; et quoique je n’aie jamais parlé qu’au seul homme que je n’aie jamais vu et qui partage ici mon infortune, grâce à qui j’ai quelques notions du ciel et de la terre ; et quoique ici, pour autant que cela t’étonne, et pour que tu me traites de monstre humain, parmi les chimères et les épouvantes, je sois l’homme des fauves et le fauve des hommes; et quoique dans ces grands malheurs j’aie étudié la politique, instruit par les bêtes, par les oiseaux enseignés, et que j’aie mesuré les cercles des astres suaves; toi seul a pu surprendre la passion de mes tourments, l’éblouissement dans mes yeux, l’étonnement à mon oreille. Toutes les fois que je te vois, je t’admire à nouveau; et plus je te regarde, plus je désire te regarder." J'ai pris des choses de la version en espagnol aussi, notamment le mot de la fin deseo (enfin, là où j'arrête en fait, il manque seize lignes et le vrai dernier mot est muerte) C'est une réplique de Sigismond à Rosaure, mais ce n'est pas amoureux, Rosaure est vêtue en homme à ce moment là dans la pièce. Le poème est là PS : Pour les mots en espagnol, j'ai pas les accents dans le bon sens sur certaines lettres avec mon clavier, et pour la citation, j'ai gardé la typo d'origine, il met pas d'espace avant les points-virgules, Mr Sesé...
Contribution du : 20/03/2009 19:05
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Un Fleuve |
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Re : à propos de "y aunque desde que nacì" |
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Maître Xuanzen
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25/03/2008 21:52 De FRANCE
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13170
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Merci David
pour ces intéressantes précisions et pour le poème original qui t'a inspiré ton poème.
Contribution du : 20/03/2009 21:48
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http://xuanadoo35.unblog.fr/recueils-de-nouvelles/ (extraits de nouvelles en ligne) et http://xuanadoo35.over-blog.com/pages/Mes_coups_de_coeur_sites_amp_blogs-2436675.html (Annuaire littéraire) Voir, entendre, aimer. La vie est un cadeau dont je... |
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Re : à propos de "y aunque desde que nacì" |
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Maître Onirien
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15/01/2011 18:02 De Al Andalus
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Citation :
Oui, en fait, plus que Molière, il conviendrait plutôt de comparer à Shakespeare… C’est une des œuvres les plus importantes de la littérature espagnole, et mondiale, une œuvre extrêmement complexe quant au fond, et un chef d’œuvre quant à la forme, qui possède une multitude de lectures possibles. Le monologue que David a choisi est un des plus célèbres, après la tirade de « la vie est un songe » (qui explique le titre de la pièce), tirade qui est pour les espagnols et hispanophones ce que « to be or not to be » est pour les anglais. Pour essayer de faire comprendre les clefs de l’œuvre, voici, très brièvement et en schématisant, l’intrigue (en éliminant tous les éléments tragicocomiques, les croix de ma mère, quiproquos et autres imbroglios amoureux). Sigismond, prince héritier du trône de Pologne, a passé toute son existence dans un cachot, à cause d’une malédiction : si un jour il devient roi, ce sera un tyran. Mais finalement, on lui laisse une nouvelle chance : on le fait sortir de prison et on le laisse gouverner, mais s’il commet de mauvaises actions en tant que roi, alors il retourne en prison et on lui fait croire que le temps qu’il a passé à la cour n’était qu’un rêve. Dans son cachot, Sigismond réfléchit sur le réel, sur le rêve, mais aussi sur le bien et le mal, le pouvoir, la culpabilité, le destin et le libre-arbitre. Finalement, il arrivera à briser la terrible prophétie et deviendra un roi bon et juste. La thématique reprend, de manière explicite, le « mythe de la caverne » de Platon. On peut aussi établir des comparaisons avec l’œuvre de Shakespeare, principalement Hamlet et Mc Beth, écrites quelques décennies auparavant. Mais dans « la vida es sueño », Calderón de la Barca s’oppose à la théorie de la prédestination chère aux protestants, et défend celle, catholique, du libre-arbitre et du Salut par les œuvres. On est en pleine contre-réforme, l’aspect religieux est important pour comprendre l’œuvre : le cachot est l’enfer, la Cour le paradis, et le rachat de Sigismond dépend de ses actions, bonnes ou mauvaises. C’est donc une œuvre catholique, mais humaniste (ou post-humaniste), qui critique les despotes et les absolutismes. Au niveau de la forme, il s’agit d’un texte rimé, en octosyllabes, avec des rimes « riches » (rimas consonantes), et les différents monologues de la « vida es sueño » figurent dans toutes les anthologies poétiques. Le monologue choisi par David possède des allitérations magnifiques. Bon, évidemment, vous ne parlez peut-être pas l’espagnol, mais essayez de prononcer à voix haute ce passage, rien que pour les sons (en espagnol toutes les lettres se prononcent), et vous comprendrez : aquí, porque más te asombres y monstruo humano me nombres, entre asombros y quimeras, soy un hombre de las fieras y una fiera de los hombres. Bon, j’espère ne pas avoir été trop ch… Mais j’avoue que c’est une œuvre que j’adore. Maintenant, à propos de l’idée que tu as eue, David, de transposer ce monologue en changeant l’objet du texte, pour évoquer la lecture et l’écriture, j’avoue que je suis plus que réticent : -Tout d’abord, il s’agit d’une traduction presque littérale. Il n’y a guère que deux ou trois trucs qui changent par rapport à l’original. « vivre » est changé par « lire », « tour » par « page », et tu modifies quelques pronoms, mais vraiment rien de plus. Donc, je n’appelle pas ça plagiat, vu que tu mets en avant le nom de l’auteur, le titre de la pièce et le nom du traducteur, mais ça ne peut pas s’appeler non plus « texte original ». J’aurais préféré que tu nous fasse un délire personnel à partir d’une des phrase, plutôt que du mot à mot. -Ensuite, je trouve que cette idée de remplacer « vivre » par « lire », c’est très réducteur. La pièce de Calderón, comme j’ai essayé de le faire comprendre auparavant, possède de nombreuses interprétations possibles. L’imaginaire, les utopies, le fait de s’e´chapper, de vivre une vie « virtuelle » à travers les lectures et les rêves, tout cela est déjà présent dans l’œuvre (ne pas oublier que Calderón est contemporain de Cervantes, donc sur le sujet du livre, du rêve et de la folie, il y a beaucoup à dire), mais là, il n’y a qu’un petit bout de l’interprétation qui apparaît. -Enfin au niveau de la forme, je trouve que la traduction, même fidèle, retranscrit très mal la beauté des vers de Calderón. On ne se rend même pas compte qu’il s’agit de théâtre en vers ! Mais bon, ça, c’est un autre débat (éternel) : le traducteur doit-il être littéral ou littéraire ? Personnellement, je préfère le littéraire, c'est-à-dire quelqu’un qui préfère nous fournir un beau texte quitte à s’éloigner parfois de l’original, plutôt que celui qui nous offrira un texte médiocre alors qu’il avait entre ses mains un chef d’œuvre. Je crois que le traducteur littéraire est finalement plus fidèle que l’autre, même si cela paraît paradoxal pour beaucoup. Bon, la prochaine fois je vous causerai de sainte Thérèse d’Avila, hein, histoire de faire dans l’érotisme mystique ^^ Pour les hispanisites, et juste pour eux . que aunque yo aquí tan poco del mundo sé, que cuna y sepulcro fue esta torre para mí; y aunque desde que nací (si esto es nacer) sólo advierto este rústico desierto donde miserable vivo, siendo un esqueleto vivo, siendo un animado muerto; y aunque nunca vi ni hablé sino a un hombre solamente que aquí mis desdichas siente, por quien las noticias sé de cielo y tierra; y aunqué aquí, porque más te asombres y monstruo humano me nombres, entre asombros y quimeras, soy un hombre de las fieras y una fiera de los hombres. Y aunque en desdichas tan graves la política he estudiado, de los brutos enseñado, advertido de las aves; y de los astros süaves los círculos he medido: tú sólo, tú, has suspendido la pasión a mis enojos, la suspensión a mis ojos, la admiración al oído. Con cada vez que te veo nueva admiración me das, y cuando te miro más, aún más mirarte deseo. Calderón de la Barca, la vida es sueño.
Contribution du : 04/11/2011 00:10
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Re : à propos de "y aunque desde que nacì" |
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Maître des vers sereins
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11/02/2008 03:55 Groupe :
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J'en avais besoin de la traduction de Bernard Sesé, qui n'a pas demandé à être cité ici, alors il faut que je le replace dans ce contexte. L'avantage de sa traduction littérale sur une traduction littéraire, c'est la dimension historique, que la seconde ne peut rendre autrement que par choix entre des courants de pensées littéraires justement, mais une personne du 21ème siècle ne sera jamais une personne du 17ème, c'est le charme des auteurs anciens que le contexte de leurs mots ne puissent être saisi entièrement, et soit définitivement décalé. Même si les interprétations peuvent avoir un intérêt bien sûr, mais ce n'est plus le même travail de traduction. Une époque appartient à ses contemporains ; une analyse littéraire fera des choix, une traduction littéral livrera un texte aussi brut que possible, chacune aura ses biais.
J'ai grave kiffé son bout de phrase à Pedro, et j'ai pas cherché plus loin que la pièce, la tirade, l'auteur, la version espagnol et francophone avec de petites révisions de mes études scolaires de la langue. J'ai quand même remarqué qu'il avait l'air balaise Pedro, ça me disait quelque chose "la vie est un songe", mais bien moins que Don Quichotte par exemple. La pièce, je l'ai lu de façon assez factuel : Rosaure et Sigismond sont les bons, ils sont francs et courageux et déshérités, en face il y a un couple d'escroc, un homme et une femme, qui va tenter de prendre le pouvoir au papa de Sig. Lui, il est enfermé, par superstition. Alors que Sig aura tout pour se taper tranquille, et le trône, et Rosaure, qui est une sacré gonzesse, il se débrouille à force de baratin pour : - la convaincre d'épouser l'ignoble salaud qui a voulu la rouler, et qu'elle souhaite occire au début, avec l'épée de son papa qu'elle aime, bien qu'il l'ait plaquée avec sa maman à sa naissance, laissant que cette épée, - Convaincre Rosaure également que, bien que lui Sigismond, la chauffe tant qu'il peut pendant toute la pièce, il va plutôt se taper la demi-mondaine qui intriguait à la cour avec l'autre salaud. - Il va également la convaincre que c'est le Bien de faire comme ça, pour la paix en Pologne, soit disant... Mouais... super étrange ta télénovela, Pedro, ça va que t'as le sens du rythme... mais ce n'était pas le propos du poème d'analyser l’œuvre de cette façon, et c'est bien comme pièce, c'est vrai, ça se ressent. Le propos du poème, je n'avais pas les mots, ou pas d'autres, au moment de son écriture. J'en ai trouvé un, une nuit longtemps après, dans une émission à ma télé aux deux chaines en clair, c'est "la confirmation". Je voulais faire ressortir cet aspect-là de ma lecture de la tirade de Pédro. L'émission faisait parler du mariage un prêtre, il présentait les vœux du mariage, et glosait un peu sur la chose, les vœux je veux dire. En fait les époux peuvent faire leurs vœux, relativement, à la carte. Mais bien sûr, c'était le bon temps où les gens s'appliquaient et prenaient le temps, de nos jours, disait ce monsieur le prêtre, il fournit un service prêt à emporter de vœux classiques minimum : fidélité, soutien, etc. Passionné par ses tâches, le prêtre cite une liste de vœux optionnels, l'un d'eux est la "confirmation" : ça consiste à confirmer à son conjoint, quand cette personne voit passer une étoile filante, que c'est bien réelle, sous la forme de, par exemple : "Moi aussi, je l'ai vu !" simplement. J'ai tout de suite tilté avec la tirade de Sigismond : Rosaure est la personne qui est venue lui confirmer l'existence du réelle, pour la première fois. Il connaissait un seul autre être humain, mais qui lui faisait un peu comme une petite voix dans la tête, je dirais. Du coup s'éclaira à postériori ma démarche d'écriture, d'après le texte original et sa traduction littéral, j'avançais une approche poétique mettant en avant ce principe d'altérité. Remplacer l'autre, Rosaure chez Pedro, par les mots, c'était aussi le reflet de ma lecture de l’œuvre : j'ai juste eu à coucher un peu avec le bouquin, sans autre engagement :) L'approche poétique arrivait directement du 17ème siècle, pour le fond ; pour la forme, le traducteur expurgeait le mètre et la rime ; qu'est-ce qui reste quand un poème est sur un bateau et que le mètre et la rime tombe à l'eau, le rythme. C'est une seule longue phrase cette tirade, dès l'origine, et traduite ça donne un vers libre, du mètre et de la rime initialement moteurs. Mon boulot, c'était l'image, je sais, ça a l'air facile la création quand c'est créée, essayez de ré-écrire à propos d'un frigo ou d'une équipe de foot. Ah, si, j'ai changé cela aussi par exemple : Depuis "et quoique dans ces grands malheurs j’aie étudié la politique, instruit par les bêtes, par les oiseaux enseignés, et que j’aie mesuré les cercles des astres suaves" venant de : "Y aunque en desdichas tan graves la política he estudiado, de los brutos enseñado, advertido de las aves; y de los astros süaves los círculos he medido" en : "et bien que dans ces grands malheurs j’aie étudié la politique, instruit par les bêtes, et des oiseaux avertis, et des astres suaves j’aie mesuré les cercles" Je voulais retrouver mon édition bilingue pour vérifier la ponctuation, mais les oiseaux qui avertissent, à mon avis, c'est soit des chasseurs, soit des charognards, de là, les cercles mesurés, ce sont ceux de l'orbite des astres en perspective avec ceux du vol circulaire de ces oiseaux. Le points-virgule après aves est un peu trop rapproché du suivant par rapport au reste de la tirade, il me semble bien que j'avais une virgule chez Flammarion. Ils dessinent des "phrases" en fait, liées mais relativement autonomes et assez longues par ailleurs, j'ai interprété le texte directement aussi.
Contribution du : 05/11/2011 16:36
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