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À propos de "Sous-munition" |
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Maître des vers sereins
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11/02/2008 03:55 Groupe :
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Bonjour et merci aux lecteurs et commentateurs,
Le poème est là C'est un poème qui parle de l'enfance, sauf le titre, et des ressorts mystérieux, ou bien trop clairs, de l'imaginaire. Le titre serait un regard plus lucide sur la réalité de la guerre, aujourd'hui comme hier sans doute, "sous-munition" désigne des obus contenant des déchets radioactifs pour empoisonner l'adversaire, entre autres au moins je crois, donc rien de bien héroïque. L'expression invite bien sûr à généraliser cela au mines anti-personnelles, etc. La chanson des Buggles, fréquemment reprise, est un air qui me faisait un drôle d'effets : je ris, intérieurement ou pas, lorsque j'entends cette chanson. Sans trop comprendre pourquoi, au début. Il y a un chanteur et des choristes, elles s'occupent du fameux refrains : "video kills the radio star" (avec une diérèse à radi-o, en anglais, en latin aussi, pour la racine, le mot désignant un récepteur d'ondes radiophoniques n'existant pas dans cette langue ancienne). Les choristes ont des voix de jeunes femmes, plutôt dans l'aigu, un peu ingénues, c'est comme cela que je l'entend. Le chanteur lui-même ne prends pas un ton de crooner, il a une voix particulière, jeune également et non éraillée, un ton que je comparerais à celui d'une contine pour enfant, dans le sens de naïvement envoûtant. Entendre cette chanson me renvoie à une certaine rêveries, héroïque, enfantine, de petits garçon, de façon quasi immédiate (d'ailleurs, je ris sans raison dans ces cas là, c'est un signe). Comme par exemple s'imaginer à la guerre, dans une cachette, et puis l'ambiance est très dangereuse, etc. En même temps la chanson elle-même n'est pas naïve, et le poème n'est pas celui d'un enfant. Le poème raconte l'histoire d'un sergent abandonné dans un bunker, qui meurt à la suite d'une explosion, il y a des bruits, des odeurs, une certaine fatalité dans le second tercet, où le sergent semble dire qu'il s'y attendait, qu'il n'y pouvait rien. La chanson parle d'un changement vu comme important, dans la succession de progrès techniques de consommation de masse, encore "récents" d'un certain point de vue, pas géologiques quand même, mais à l'échelle des générations : la vidéo remplace la radio, lui prend très largement une place qui venait de se créer, ce qui augurait peut être que cette place était peut être instable encore (vous êtes tous sur internet, là ?). Pour résumer, c'est à la fois naïf, enfantin, dans le ton, et prémonitoire, relevant de la sagesse populaire, ou du bon sens, bref, des attributs du grand âge, caricaturalement ou symboliquement. Pour en revenir au poème, et à part tout ce que je viens d'écrire, je l'ai fait pour jouer avec les sons des mots, dans une langue "classique" formellement, le choix des rimes en act par exemple, les taine et les ordre, presque que des rimes riches, lourdes en consonnes. Je voulais que ça fasse du bruit. Pour ce qui pourrait s'appeler "le fond" ou bien "la poésie", j'avais en mémoire également en écrivant ce poème des commentaires sur le "dormeur du Val", l'un des fameux poèmes de Rimbaud, qui exprimaient, s'engueulaient même, pour savoir si cet autre poème relevait de pensée pacifiste, en avance sur son temps, et sa beauté tendrait vers ce point de vue, ou bien s'il s'agit d'une énième glorification de la mort au combat, du patriotisme, d'un certain point de vue, une manipulation, un jeu, sur des fondements lointains de l'imaginaire, pour rendre belle une scène manifestement pathétique : la mort violente d'un individu. Pour répondre à Chene : Ce n'est pas un hiatus au sens classique du terme, ou alors neo-classique, il y a à chaque fois un E muet entre les autres voyelles de part et d'autres des mots. Si le classique interdit le hiatus dans ce sens là, et très fortement dans un sonnet en particulier, c'est, comme souvent, une référence à l'écriture elle-même et non au son des mots. C'est d'une logique à s'arracher les cheveux, mais le classique "demande" des diérèses, "oblige" à des élisions qui provoque justement le phénomène du hiatus : La vi(e) est belle=pas hiatus Je suis ravi et garagiste=hiatus J'ai envie d'un milk-shake = à l'intérieur d'un vers classique, l'élision du E (le faire suivre d'une autre voyelle, au début du mot suivant) est "obligatoire", donc ce n'est pas le son produit par un hiatus qui est prohibé en lui même, mais la façon de placer les mots. Je crois que dans les traités du genre, c'est expliqué par les évolutions de la langue au cours des âges, ça me convient à moitié... Dans le roman 1984 où est défini la novlangue, celle où au lieu d'écrire bon et mauvais, il leur est préféré bon et inbon par exemple, dans un but affiché de réduire le vocabulaire en en chassant l'inutile, il y a peut être plus à comprendre : chaque mot, chaque orthographe, a une dimension spatiale, de ceux qui la comprenne, et une dimension temporelle, de ceux qui l'ont défini au cours des âges. Donc chasser les bizarreries ou les absurdités, comme cet ordre des voyelles à respecter dans une poésie dite classique, reviendrait à réduire l'axe temporel, sans toucher pour autant à l'axe spatial, mais peut être en le rendant plus facilement à même de s'étendre justement ? Chene, Elleonore et Isfranco s'interrogent sur le début du second vers : "Des bunkers d’Albuquerque aux murs criblés d’impact, Égosille à l’ozone, et d’une peur hautaine Un sergent... " La dépronominalisation du verbe est une licence poétique qui n'a pas d'autres justification, sauf qu'elle n'atteint pas au sens de la phrase : le sergent crie à en perdre la voix. L'ozone ne fait pas référence à l'hélium mais à l'odeur particulière qui suit les explosions, une odeur électrique peut être aussi, enfin, je voulais rendre une ambiance de champs de bataille. Pour Elleonore, dans le dernier tercet : "Elle fit un sourire au béton, la torpille. Une plaie amusée au point que le rubis, Sur le disque rayé, dessine une jonquille." Le "Elle" est bien la "torpille", le passé simple est là pour marquer la chute du poème, comme pour rapporter le fin mot de ces évènements, racontés au présent, par une conclusion au passé simple. Pour Isfranco, à propos du premier vers et de son singulier final et fautif : "Des bunkers d’Albuquerque aux murs criblés d’impact" J'ai assimilé "impact" à un nom indéfini, il s'écrirait par exemple "criblé de grêle" même si le nombre de grêlons est indéfinissable en théorie, le verbe cribler indique que c'est au-delà de l'énumération, à mon sens, et c'est par celui-là que j'ai préjugé qu'un singulier ne trahissait pas le sens de la phrase, à propos d'impact, comme cela l'aurait été pour la mitraille également par exemple. Donc pour résumer, et pour l'auteur qui n'est qu'un lecteur comme un autre, ce n'est pas un poème hermétique mais un qui dénonce le "charme ingénu" de la "mort glorieuse" en essayant de dénuder les fils qui peuvent lui tisser un tel adjectif (pour que ça sente un peu l'ozone). J'ai répondu un peu dans le désordre, et avec retard, je pourrais compléter éventuellement, bien sûr.
Contribution du : 01/11/2009 19:43
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Re : À propos de "Sous-munition" |
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J'ai lu avec intérêt.
J'aime bien cette chanson, mais n'en avais jamais vraiment écouté les paroles ... Encore une question toutefois, à propos des trois vers sur lesquels tu as eu l'amabilité de me répondre : le fait d'employer le passé simple au premier vers, n'eût-il pas dû (lol) entraîner un subjonctif imparfait (dessinât) au lieu d'un subjonctif présent (que j'avais d'ailleurs pris au départ pour un présent de l'indicatif) ? Mais je chipote, je chipote ... ;-)
Contribution du : 02/11/2009 17:31
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Re : À propos de "Sous-munition" |
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Maître des vers sereins
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Merci d'être passée Elleonore,
En fait, il y a un point après "torpille" : "Elle fit un sourire au béton, la torpille. Une plaie amusée au point que le rubis, Sur le disque rayé, dessine une jonquille." Dans la mesure où il s'agit de deux phrases distinctes, celle au passé simple est là pour revenir sur le tercet précédent : elle explique l'évènement. La derbnière phrase de ce tercet là est la conclusion, au présent comme l'action du poème dans son ensemble.
Contribution du : 03/11/2009 18:39
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