Une lettrée ou un lettré pourrait-elle ou il m'indiquer s'il y a une différence entre abstrus et abscons et éventuellement s'il y a une nuance entre ces deux mots.
Mon Larousse me donne la même définition pour les deux termes.
Merci par avance.

Réponse du CNRTL @: http://www.cnrtl.fr/definition/abscons

Stylistique - Etant donné que pour abstrus comme pour abscons, l'anton. est l'adj. clair, abscons peut être considéré comme un renforcement superl. de abstrus. L'approche de ce qui est abstrus est toujours difficile, mais non impossible. En revanche, si l'abscons est toujours difficile, l'approche en est peu sûre ou improbable, le plus souvent impossible. D'autre part, l'emploi de abscons est, du moins dans les énoncés les plus anc., plus étendu (ex. : cachettes absconses), que celui de abstrus, qui s'applique princ. au domaine intellectuel. Abscons est d'abord empl. à la fois au sens propre et au sens fig. Peu à peu, le sens fig. l'a emporté, sans jamais éliminer complètement le sens propre (ex. 3). Abscons est un mot rare qui appartient au style soutenu, avec une valeur nettement péj. (ex. 5).

Merci Gémini et je note la référence pour d'autres recherches.

On peut constater qu'il y a une nuance entre ces deux termes sans recourir au dictionnaire.

Il suffit de s'accouder à un comptoir à l'heure de l'apéro du soir.
Si vous dites à votre voisin que ses propos sont abstrus, il vous regardera avec la mansuétude qu'on réserve aux pauvres en esprit.
En revanche, si vous lui dites qu'ils sont abscons, il est probable que vous y perdiez une incisive.

Du vécu ?

« Mes chers compatriotes,

C’est un dilemme que je vais, aujourd’hui, vous demander de m’aider à trancher. J’ai en effet repéré deux adjectifs en voie d’extinction : abstrus, qui donne abstruse au féminin, et abscons, qui donne absconse au féminin, et je ne sais pas lequel des deux sauver. Ces deux mots signifient exactement la même chose, à savoir « difficile à comprendre, obscur ». D’ailleurs, avant que je vous en parle, admettez que le mot abscons aurait pu vous paraître abstrus, et que le mot abstrus aurait tout aussi bien pu vous sembler abscons.

Notez au passage que le français est paradoxalement riche en mots signifiant, peu ou prou, « incompréhensible ». Parmi eux, quelques jolies raretés, qui feront l’objet de soins ultérieurs, comme « amphigourique », « dont l’expression est embrouillée et obscure », sibyllin sibylline, dont le sens est difficile à saisir, obscur, un galimatias, qui désigne un discours ou écrit embrouillé et confus, le charabia, langage inintelligible ou style très confus, le baragouin, langage incompréhensible, le sabir, langage difficilement compréhensible, et j’en passe, comme disaient les gens qui, assis à la terrasse d’un café, voyaient passer Cocteau, Gabin, ou Vilar. Et Jean passe.

C’est le moment ou jamais d’écouter les propos aussi abstrus qu’abscons de Paul Claudel, parlant en 1943 de son Soulier de satin et du meilleur moyen de le rendre compréhensible.

(…)

Puisqu’il faudra n’en garder qu’un, faute de place disponible dans nos phrases, étudions donc les mérites comparés d’abstrus et d’abscons. Les deux adjectifs comportent 7 lettres, les trois premières et la dernière étant identiques, ce n’est donc pas sur ce terrain qu’on pourra les départager. Ils sont du reste assez voisins dans le dictionnaire, et si abscons a su s’entourer d’abscisse et d’absence, abstrus de son côté a conquis la compagnie d’abstrait et d’absurde. Rien que du beau linge, de part et d’autre. Petit avantage pour abstrus, qui rime avec malotru, alors qu’abscons ne rime avec rien de connu dans nos parages. Mais le match reste serré. Les deux mots sont trop proches, comme le prouve encore la superbe saynète pleine de sens que voici.

- Simone, je te demande deux minutes d’attention…
- J’te les accorde!
- Que penses tu de cette phrase : « L’apparence induit sa propre duplicité systémique ».
- C’est abscons ! Ne le prends pas mal, mais c’est abscons !
- Et si je dis « Le visible n’esquive que virtuellement sa scissiparité ».
- C’est abstrus ! Pardon de te le dire franchement, mais c’est abstrus !
- Et si je dis « Qu’est ce qu’on mange ce soir, Simone ? »
- Là c’est clair. Et je te réponds « Du lapin à la moutarde ».
- Et tu me demandes pas de t’embrasser ?
- Si ! Embrasse moi !

Nous voilà donc bien avancés, comme on dit lorsqu’on n’est pas du tout avancé. Je ne vois plus qu’une solution. Pile ou face. Pile, je sauve abscons. Face, j’abandonne abstrus. »


François Rollin

Chers amis, ce fil ne pouvait pas mieux tomber car depuis quelques jours je me torture l'esprit avec ce vers...

"J’apprivoise les mots pour, d’une idée diffuse"...

transformé par respect de la prosodie classique en ...

"J’apprivoise les mots pour, d’une idée abstruse"

Et bien me direz-vous, où est le problème ?

Il est non pas dans le sens, quoi que, mais surtout dans la prononciation, d'autres parlent de musicalité, un peu tordue (à mon goût) d'idée abstruse



J'aimerais donc avoir vos avis éclairés... si ce n'est point trop vous demandé !

Salut Alex,

Bien que le E de "idée" s'enchaîne avec le A de "abstruse", je trouve malgré tout que cela rend une sorte de hiatus en classique. Car en entend plus le son É que la finale E.
Je pense même que c'est la consonne d'appui D de Idée qui rend un son dur alors que le glissement du S de pensée abstruse par exemple rendrait un enchaînement plus souple.

Mais ce n'est qu' une manière de lire qui passe en néo.

Salut Robot ! Je pense comme toi... Je laisse tomber cette idée abstruse et tout à fait absconde ! Ca rentre dans le moule classique mais ça ne suffit pas à mon bonheur... Merci