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2 Utilisateur(s) anonymes
Re : Contraintes contrastes |
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Chevalier d'Oniris
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04/09/2012 12:30 Groupe :
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2004
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J'attends, adossé à un tronc moussu en mâchonnant ma brindille que je rêve de remplacer par une cigarette. La lumière du jour commence à baisser, ils doivent arriver d'un moment à l'autre. Je sorts nerveusement mon revolver pour l'inspecter rapidement avant de le remettre dans son étui. C'est un soir agréable, des rayons dorés filtrent à travers les feuilles auxquelles ils marient leur couleur, tout prend une teinte irréelle. N'y tenant plus je sorts ma blague à tabac, il reste quelque brins au fond, je les mets dans une feuille et entreprends mon roulage. Ma cigarette est ridicule mais c'est déjà ça, je l'allume en prenant une grande inspiration, un panache de fumée bleu et diffuse se met bientôt à parcourir la courte clairière qui s'étend devant moi. Je bouge un peu pour me recaler contre l'arbre en étouffant un juron, mon flanc se remet à saigner de plus belle. Les rayons dorés s'inclinent de plus en plus en perdant de leur éclat. Pourquoi ne sont-ils toujours pas là ?
J'observe le balai incessant des insectes qui zigzaguent, tourbillonnent ; mon esprit s'émousse, il ne faut pas que je me laisse aller. Je sors mon revolver pour l'inspecter à nouveau, le remet maladroitement dans son étui. Un vrombissement se fait entendre, des avions, beaucoup d'avions, je ne serais pas le seul à mourir ce soir, c'est peut-être toute la révolution qui va mourir ce soir. Ou vont aller toute ces âmes qui ont elles mêmes abolies l'idée de Dieu ? La continuerons nous la-haut notre révolution ? Si il le faut... Une âme de partisan reste et restera toujours une âme de partisan. Derrière un bruissement se fait entendre, ça y est, la guardia civil, il leur en aura fallu du temps pour retrouver ma trace, si ils ne m'avaient pas touché j'aurais peut être pu arriver à temps à Barcelone pour recevoir les bombes. Je sors mon revolver, les hommes de la guardia me dépassent sans me voir, les uns après les autres, j'attends de voir un officier, je vois ma cible, c'est lui qui viendra avec moi dans la mort, j'espère qu'il a de la conversation, je tire.
Contribution du : 13/11/2012 14:38
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C'est la beauté du monde qui a fait naître la conscience des hommes... et son absurdité qui l'a brisée. |
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Re : Contraintes contrastes |
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Visiteur
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Superbe Tankipass, vraiment...superbe !
J'adore.
Contribution du : 13/11/2012 17:49
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Re : Contraintes contrastes |
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Chevalier d'Oniris
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20/05/2012 15:33 De Calvados
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1783
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@ Tankipass : idem. Un grand bravo.
Contribution du : 14/11/2012 11:24
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Ecrire, c'est raconter des histoires. Le reste c'est de la littérature. |
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Re : Contraintes contrastes |
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Chevalier d'Oniris
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04/09/2012 12:30 Groupe :
Évaluateurs Membres Oniris Auteurs Post(s):
2004
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Merci, Merci... La guerre d'Espagne émeut toujours, c'est bon signe...
Contribution du : 14/11/2012 14:22
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C'est la beauté du monde qui a fait naître la conscience des hommes... et son absurdité qui l'a brisée. |
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Re : Contraintes contrastes |
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Expert Onirien
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24/12/2008 15:36 Groupe :
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Petit Costic (IMC idéal soit 1m68, pour 56kg, 85-60-85 cm) joint sa modeste voix aux chaleureuses réactions pour le texte Tankipass: moment très « émotionnant » merci, on pourrait se croire dans une micro nouvelle d’Hemingway.
Contribution du : 14/11/2012 15:10
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Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant. V Hugo |
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Re : Contraintes contrastes |
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Expert Onirien
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24/12/2008 15:36 Groupe :
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Un régal ces squelettes". De Béranger. Merci aussi pour la chanson.
L’évènement passé, déjà, se recompose. Les spécialistes sont à son chevet et commencent leurs analyses. L’affaire à peine froide, ils entament une dissection minutieuse. Ils recherchent les origines, les tenants et les aboutissants. L’autopsie n’en finit pas. On compte sur ma participation. C’est mon boulot. Nous nous devons de démonter, déconstruire, conclure, contredire. Avant que passé lointain, récent, glorieux, lourd, résistant, militant, n’efface ses secrets. La pile croît. Du boulot en perspective, ou plutôt en tas. Un gros tas. Faut s’y mettre, c’est le début qui est difficile. Après ça ira. Je ne dois pas tenir compte de l’empilement exubérant qui me défie, me nargue : alors tu oses t’attaquer à moi ? Tu es bien sûr de vouloir donner l’assaut ? Tu veux vraiment plonger dans le tas ? Tu préfères ignorer le soleil ? Tu aimes mieux te désintéresser de cette brise douce qui souffle dehors ? Sans prévenir, un vieux refrain se met à tourner dans ma tête : "Dos à la mousse, brindille aux dents, la vie est douce, en attendant" L’argument fait le poids. Je capitule, je déserte, je marche, narines au vent.
Contribution du : 14/11/2012 15:45
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Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant. V Hugo |
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Re : Contraintes contrastes |
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Expert Onirien
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21/07/2012 17:47 Groupe :
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C’est moi qui l’ai vue le premier.
Je marchais et je l’ai reconnue de loin, penchée sur son sac à main, au milieu du trottoir. J’ai attendu d’arriver presque à sa hauteur, et sans m’arrêter de marcher j’ai doucement dit : « Natacha ? » Elle s’est redressée , elle s’est retournée vers moi ; je l’avais déjà dépassée et je continuais à la regarder par-dessus mon épaule. Elle m’a reconnu tout de suite et son visage s’est illuminé. 25 ans. Cela faisait 25 ans que l’on ne s’était pas revus. La dernière fois, c’était à l’occasion de nos trente ans. Natacha avait organisé une soirée pour tous les conscrits du village parce que, justement, on ne se voyait déjà plus beaucoup entre anciens copains de la communale. Elle m’a sauté dans les bras et on s’est embrassés. On se regardait, on se détaillait des pieds à la tête sans trop savoir quoi dire, ou par où commencer. Alors j’ai entendu la plus grosse énormité qu’on puisse imaginer – et c’est moi qui la disait : « On va à l’hôtel ? » Elle était stupéfaite. Mais j’ai compris à son air moqueur et bravache qu’elle allait dire oui. Et bras dessus, bras dessous, nous sommes repartis. Nous devenions intarissables, nous avions oublié le programme d’avant notre rencontre. Nous avions enfin quelque chose à faire. En montant à notre chambre, nous en étions aux enfants devenus grands, à nos divorces, à notre cinquantaine passée. On avait tellement de choses à se dire qu’on s’est gentiment assis sur le lit, côte-à-côte. On se donnait des coups de coudes. On riait. On s’est renversés à plat dos sur la couverture. Nos mains se sont touchées, nous avons pivoté l’un vers l’autre. La nuit, je me suis retrouvé en travers du lit, sa tête sur ma poitrine. Elle sifflotait entre ses dents la chanson de Béranger. Nous étions tellement émus, qu’on s’est mis à pleurer doucement, calmement, gaiement.
Contribution du : 14/11/2012 16:36
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Re : Contraintes contrastes |
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Visiteur
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Bon sang je ne pensais pas qu'autant de personnes adhérent à Béranger ! Ca me fait tout chaud dans mon coeur (de rocker il va sans dire).
Costic (qui n'êtes donc pas minus !), j'aime bien l'ambiance, mais je n'ai pas tout pigé, c'est un légiste qui parle ?? Rosebud j'aime bien aussi, même s'il me manque un peu de "nostalgie" en plus dans votre texte...c'est Béranger aussi qui me colle le spleen !! (plus que Johnny par exemple, ou que Carlos...)
Contribution du : 14/11/2012 17:35
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Re : Contraintes contrastes |
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Onirien Confirmé
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14/10/2012 18:29 Groupe :
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Ton dos sur la mousse se presse, oublieux des longues quêtes qui t'emmenaient dans les traces des écureuils flairer les cèpes et guetter la limace.
Douces, oui, douces étaient mes heures dans le cliquetis de tes pattes sur le ciment des villes. Brindille aux dents, oreilles au vent, nous marchions la vie, côte à côte, je riais à l'autan...Notre sac en bandoulière contenait notre promesse et quelques croûtes avant la nuit. Nous ne nous connaissions que d'un an, toi pauvre battue et moi perdu mendiant. Nous étions deux en attendant. J'ignore quel imbécile a tiré. Savoir, à quoi bon ? C'est la chasse des hommes. Si je m'enrage, c'est d'avoir cru que nous échapperions dans les bois, dans les vents. Si je m'enrage, c'est de voir à tes yeux qu'encore tu pardonnes parce que c'était l'automne...
Contribution du : 14/11/2012 18:17
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Re : Contraintes contrastes |
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Expert Onirien
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21/07/2012 17:47 Groupe :
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Pokilm, ton plus fervent laudateur sur Oniris est un peu resté sur sa faim. Tu t'embourgeoises avec ton autan et ton enrager pronominal.
Mais le cliquetis des papattes et le pardon automnal sauvent tout quand même. Et c'est une jolie histoire mélancolique. Et puis, fais ce que tu veux!
Contribution du : 14/11/2012 19:07
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