Palimpseste, une aide littéraire de premier ordre : l'Audubon de la BD

Et histoire de vous inspirer, voici une poétique sélection de noms d'oiseaux : sittelle torchepot, fulligule milouinan, gypaëte barbu, accenteur mouchet, butor d'Amérique, capucin bec-de-plomb, circaête Jean-le-Blanc, tchagra à tête noire, rémiz penduline, puffin fuligineux, roselin gitagine et moineau friquet.

Alors qu'il n'est que vingt-deux heures, Marlène est déjà toute excitée à l'idée de retrouver sa fille le lendemain matin.

Déjà toute effervescente, elle s'électrise en repensant à son objectif pour demain : être à huit heures tapante devant le foyer de la Protection Maternelle et Infantile. L'assistante sociale tiendra la petite prête pour cette première sortie. Le règlement stipule que les parents ont une demi-heure pour se présenter et se voir remette leur enfant.

Comme la hâte de retrouver sa petite Colombe la surchauffe !

Elles iront lècher quelques vitrines, acheter des bonbons, dénicher une nouvelle robe rose pétant.... Le repas de midi sera pris dans un fast-food où l'on peut manger avec les doigts, puis elles iront au cinéma voir un film d'animation dont dit grand bien. Et pour finir, elles se baladeront dans la ville illuminée et courseront les pigeons, bien engoncées dans leurs manteaux d'hivers. Le retour au foyer doit se faire en fin d'après-midi, avant le dîner à l'Institution.

Plus que dix heures avant de se retrouver devant le portail, sonner, décliner son identité et récupérer sa fille.

Dix petites heures ! six cents minutes ! Une bonne nuit de sommeil en mangera déjà quatre cents, le temps de faire sa toilette demain et de prendre le métro en grignotera encore quatre-vingt-dix... Restent cent dix minutes ce soir, dont soixante pour avaler quelque chose et bouquiner avant de dormir. Elle décide de marcher un peu le nez au vent pour se délasser et sourire à sa nouvelle vie...

Pour la première fois, le service de l'Enfance lui confie Colombe une journée. C'est le fruit de ses énormes progrès.

Fini le moment où elle séduisait des visiteurs de commerce pour un repas bien arrosé....
Terminé le temps d'après, quand elle se prostituait à des hommes indistincts pour deux ou trois bouteilles....
Effacée la période suivante, à hanter les bars de nuit en passant de lascars en lascars pour finir leurs fonds de verres...

Rien n'est trop tard: elle est encore jolie et plutôt intelligente. Une fois sa formation terminée, elle trouvera un job et pourra enfin meubler son minuscule T1.

La vie redevient son amie. Enfin !

En levant les yeux, elle voit sa sœur astrale blanchir la nuit... Toutes les deux sont des oiseaux de la nuit, se cachant quand le soleil brille et dispensant des rayons d'une lumière aussi froides que son ventre. Quand elle était étudiante en Lettres, elle se souvenait de la Chouette, emblème d'Athena. Elle aurait bien aimé finir son cursus et ressembler à sa déesse préférée, plutôt que de basculer du côté de Sélène-la-nocturne.

Mais sous la protection de son astre fétiche, rien ne peut lui arriver! Elle sera demain en pleine forme à huit heures devant le centre ! Elle leur montrera la bonne mère qu'elle est devenues après quatre mois de sevrage....

Toute à la joie de cette renaissance, elle pousse inconsciemment la porte de son ancien troquet favori et, illuminée d'une joie profonde, commande avec une voix d'automate un verre de Côte du Rhône...

Oui c'est ça. Linotte pour tête de linotte marche mais par exemple "coucou" pour dire bonjour ne marche pas. Jolie texte en tout cas qui illustre à merveille le dicton: être ivrogne ou avoir des enfants il faut choisir, surtout si on est une femme...

Vous le savez sans doute, la lune est menteuse.
Lorsqu’elle croit, elle dessine un D, comme si elle décroissait.
Lorsqu’elle décroit, elle dessine un C, comme si elle croissait.
On peut facilement deviner de qui je tiens ces connaissances, il s’agit bien d’observations de grand-mère.
La mienne vouait un culte sans limite à l’astre sélène.
Elle ne se fiait qu’à son calendrier unique et ne vous parlait qu’en mois lunaires.
Lundi, jour de la lune, était non seulement son préféré, mais le seul où elle se montrait disponible, accessible, abordable.
L’organisation de sa vie dépendait exclusivement du satellite voisin.
J’ai hérité de ce penchant lunaire. J’attends toujours le lundi pour faire des projets d’avenir, m’occuper de la maison et des enfants.
Je donne aussi tous mes rendez-vous, sous la croupe luisante de l’astre au front d’argent.
Bien sur, je la préfère pleine, grosse assiette flottante, qui vous invite à la dévoration. Comme j’aime alors, traquer et déshabiller quelques mignonnes linottes, ou une triste tourterelle adoucie.
Ma nyctalopie, il est vrai, m’est fort utile.
Ce soir, j’attends ma souveraine, j’ai apporté des tournesols. On volera au firmament.
Mais ma belle ne vient pas, pas plus que la lune. Ce soir je dois me contenter de la compagnie d’un Butor limité.
Ce soir il n’y aura pas de festin. J’errerai, pauvre strige assoiffé, dans la nuit épaisse et sans étoile.
C’est son défaut, la lune n’est pas ponctuelle.

La pointe acérée d'un groupe d'hirondelles glisse dans un ciel délavé par une nuit d'averses butées. Un petit bonbon de lune flotte encore à demi dans cette mer glacée. Une légère brume à l'orée de la forêt que traversent les spectres de cerfs égarés termine ce tableau trop beau pour être vrai.

Dieu se recule et contemple son oeuvre. Il hésite encore. Pourquoi pas des martinets ou un grand duc qui rentre se coucher ? Le temps presse...

Dieu soupire. Il adore son job, la seule contrainte c'est la ponctualité. Il se rappelle les premiers jours de l'humanité, à cette époque Il débutait et Il n'était jamais prêt à l'heure du lever. Mais quelle importance ? Il n'y avait personne pour décrypter ses algorythmes et prédire l'heure exacte où apparaîtrait le soleil, aujourd'hui tout à changé.

Il a besoin d'une pause. L'odeur du café chaud l'accompagne sur le chemin de la salle de détente où il retrouve ses collègues aux yeux cernés.

"C'est pas possible ! Ne me dis pas que t'as toujours pas terminé ?" lui lance un technicien du premier. "Je dois lancer le décor de la future journée dans vingt minutes et j'ai toujours pas reçu tes fichiers !"

- Laisse-le, tu sais bien qu'il a des TOC, c'est pas de sa faute, arrête de le charier !

- J'aimerais bien t'y voir toi ! Un décor de 40 000 kilomètres de circonférence à fabriquer à la dernière minute, tout ça parce que Monsieur veut que tout soit parfait ! Il a déjà eu trois avertissements mais rien n'y fait !

- On trouve toujours une solution, arrête de grogner ! finit par marmonner Dieu dans sa barbe.

- Eh ben t'as intérêt à me sortir un ptit programme informatique dont tu as le secret ! Et pourquoi pas ralentir le temps puisque Tu te crois tout permis ! Comme la fois où Tu as créé les éclipses solaires parce que Tu voulais retoucher la finition des plumes d'un perroquet perdu dans la forêt amazonienne ! Tu nous as fait une crise d'angoisse parce que le vert émeraude ne Te plaisait pas, il a fallu que Tu plonges une partie de la planète dans le noir en plein après-midi pour faire un raccord de couleurs sur les ailes d'un oiseau que les hommes n'avaient même pas encore découvert !

- C'est bon, J'y vais ! J'espère que tu as reçu la commande de pigments parce que J'ai prévu des levers et des couchers de soleil à couper le souffle !

- Tu devrais être plus prudent, tu sais, ils ont quand même finit par comprendre que tu existais...

En retournant dans son bureau, Dieu sourit en repensant à son chef-d'oeuvre, un vrai miracle qui se reproduit tous les jours depuis plus de quatre milliards d'année. Il sait bien qu'Il ne se fera pas virer, les hommes sont trop habitués à Sa beauté, impossible de faire marche arrière.

Merci Costic... Je commençais à me trouver un peu seul cette semaine. Jolie histoire sur la Lune menteuse et chroniquement en retard...

Quant à Lobia: wahaaaa...
Vous avez encore beaucoup de textes comme ça ?
Je sens qu'on a une bonne recrue; là ! Continuez !

Lorsque le soleil s'affaisse, que baisse sa clarté
Lorsque s'élève, claire, pâle, d'une froide beauté
La couronne du ciel, qui illumine la nuit
Je me prends à errer en lisière des prairies

Quand le merle s'est tu et que la chouette hulule
Que m'attends mon foyer, j'oublie mon retard
Mais ce soir, une volée de corbeau blanc à la capuche pointue
M'a surpris... Une corde s'est tendu.

Mon corps se balance sous la lumière des astres
et même dans leur clarté, ma peau leur a paru
un petit peu trop foncée...

HUM! JOYEUX FRISSON PRESQUE CHARNEL! QU'EST-CE? LA NOUVELLE CONTRAINTE PARDI!
VOUS FEREZ UN TEXTE SUR LE THEME DE L'ALCOOL DANS LEQUEL APPARAITRONT CINQ PRENOMS MASCULINS ET UN PRENOM FEMININ AINSI QUE LE NOM DE N'IMPORTE QUELLE CREATURE MARINE... BON COURAGE!

Marine... Est-ce un prénom féminin autorisé pour une sirène payante, repêchée au Carlton de Lille dans un arrière-porc rempli de gnôle ? (non non... ce n'est pas ma contribution, juste une question ... et pour les prénoms, j'attends la liste de Misu tirée du "au pue bon" pour me donner de l'inspiration ("tirée": la liste, la Misu bien sûr))

Maddy s'appelait en réalité Madeleine. Fille à soldats sur la Somme, elle y avait fréquenté des Anglais et avait été rebaptisée à la mode de chez eux. Rentrée au pays après la guerre, elle avait augmenté ses tarifs et minaudait, teinte en rousse flamboyante et parée de fanfreluches victoriennes.

Emile, un des clients occasionnels de la morue, exerçait la profession de gendarme. Il avait donc été sensible à l'information donnée par Maddy en échange d'une broutille à oublier: des apprentis bouilleurs allaient fabriquer du petit marc dans la nuit, avec un alambic au père Laroche, le nouvel instituteur. Amédée et Victor, respectivement vendeur de bestiaux et agent d'une fabrique de charrues, avaient conspiré avec lui pour aller produire dans un coin désert une eau-de-vie personnelle, vierge de toute taxe.

Laroche! Encore un qui se prenait pour plus intelligent que les autres! Mais Emile savait où le trouver, lui et sa bande de crevards. Ils pensaient distiller leur tord-boyaux sans rien débourser ? Ils imaginaient filouter le briscard avec des fausses pistes de gamins ? Tss tss... ça sentait l'embrouille d'amateurs - le beau parleur qui veux se faire passer pour un moustachu de la contrebande.

La nuit venue, Emile se posta près du vieux pont juste avant que n'arrivent les contrevenants, chargés de leur purée de fruits fermentés. Ils tiraient une charrette où était posé un petit alambic flambant neuf, sans doute à peine déballé de chez Pierrot, un marchant bien connu pour écouler des cornues de piètre qualité auprès des blancs-becs.

Emile passa la nuit à attendre que la gnôle soit distillée. A quoi bon intervenir tant que les bouteilles ne sont pas prêtes ? A l’aube, elles seront pleines, juste bonnes à saisir.

Le lendemain matin, à l'heure où blanchit la campagne, Emile n'eut aucun mal à appréhender les trois gaillards. Ils se décomposèrent en voyant leurs ruses éventées. Pris la main dans le sac, ils proposèrent au gendarme de lui laisser toutes leurs bouteilles contre son indulgence. Mais Emile n'en avait cure, il voulait seulement avoir la paix dans sa commune et que l'instituteur arrête son arrogance, rapport à une instruction qu'il étalait agressivement sans qu'on lui demande pourtant rien. Les autres villageois devaient-ils vraiment souffrir sa suffisance, alors qu'on n'était dans un simple hameau de campagne, loin des cercles prétentieux des métropoles?

Laissant les lascars méditer une petite heure sur leur méfait, Emile fit rêveusement une petite promenade en solitaire pour chercher l'inspiration nécessaire à éduquer l'instituteur. En revenant, il avait trouvé qu'au fond, ce nouveau venu dans le village était en train de faire son expérience de la vie locale. Il apprendrait à se polir et à connaître la valeur des recommandations du brave gardien de la paix.

Une fois l'acquit et l'amende payés, la seule autre punition du trio fut l'obligation de partager les bouteilles en place publique entre tous les habitants du village.

Quant à l'alambic, Emile ordonna qu’il soit jeté à la rivière, où il sert depuis de résidence aux écrevisses.