C'est un joli panel, chaque texte est original: de la création du monde à l'assassinat des héros Marvel en passant par la myopie et les inuits, autant de façon d'aborder le merveilleux... je ne sais pas ce qu'un psy pourrait tirer de toutes ces contraintes mais je pense qu'il aurait de quoi s'amuser...

Historia était une bien jolie ville, tout le monde connaissait son palais, ses temples, ses boutiques chics dans lesquels affluait tout le gratin du royaume. On parlait partout de ses rues pavées d'argent, et de ses toits en or, mais personnes ne parlait de ses bas-quartiers, de la boue et des rats...
C'est dans un de ces quartiers, le quartier de la lanterne, que l'on pouvait trouver la boutique du vieux Paul. Nous y vendions de tout, du bric-à-brac, beaucoup d'armoraks, de toute les tailles et de toutes les couleurs. Les clients étaient rares, les armoraks étaient passés de mode depuis bien longtemps et le vieux Paul n'avait pas l'intention de se recycler. Je m'occupais des rayons, tandis que le vieux se mourrait tranquillement derrière sa caisse vide.
Ma vie se déroulait mollement, dans une grisaille monotone ; j'allais tristement au travail, regardant au loin les griffons qui survolaient les beaux quartiers pour le plus grand plaisir des touristes ; je m'activais ensuite à ma tache, qui consistait de plus en plus à ne faire que dépoussiérer les objets en vitrine ; puis je rentrais dans mon taudis, en m'efforçant d'éviter les bandes de gnomes qui sillonnaient le quartier, le soir venu, à la recherche de proies faciles dont le fond des poches seraient encombrées de quelques pièces de cuivres.
Mais cette grisaille je la quittais, quelque fois ; je fermais les yeux et je partais dans un monde merveilleux, chimérique. Un monde ou les humains se seraient émancipés de la nature et de la magie, un monde qu'ils façonneraient à l'aide d'engins titanesques fait de métal, de poulies et d'engrenages, dans lequel les villes seraient monstrueusement grandes et parcourues de machines étonnantes. Ce monde c'était le monde des livres de mon enfance ; les hommes y fabriquaient toutes les machines possibles et imaginables, allant même jusqu'à traverser l'espace pour fouler le sol de la lune. J'avais gardé en mémoire toute ces fantaisies et je m'y évadais, m'imaginant arracher des arbres, ou bien éventrer une montagne au commande d'un engin effroyablement puissant, qui rugirait en se déplaçant, et il m'arrivait de m'endormir bercé par ces fantasmes. Mais la réalité m'arrachait souvent à mes rêveries, et il n'était pas rare qu'au creux de la nuit j'entende résonner le hurlement d'une banshee ou les sanglots d'une sirène...

Que dirait un psy? On va demander à Acratopège une consultation gratuite et collective...

A mon avis, on est tous partis pour douze années de e-divan deux fois par semaine...

Toutes les boîtes à musique se ressemblent. Il y a toujours le même mécanisme : le cylindre à picots de laiton et le peigne de lames d’acier fixé sur une sorte de minuscule table d’harmonie en zamak et le turluventricule invisible qui fait qu’au bout du compte ça sonne fort et clair. D’où vient qu’on a tous ressenti enfants cet émerveillement devant cette petite industrie magique et obstinée ?
Ma boîte à musique à moi était un chalet suisse et le déclenchement s’opérait lorsqu’on ouvrait le toit. Une charnière était cassée et il pendait lamentablement quand la boîte se mettait à chanter.
Une poule picorait à la fenêtre, un chat dormait sur le palier et une vache buvait au bassin dont l’eau était figurée par un éclat de miroir brisé. Des graviers disséminés formaient des rochers très réalistes et une brindille piquée et couverte de lichen un arbre vénérable. Malgré la cadre bucolique et serein, je n’aurais pas été plus surpris que ça, que surgissent du chalet un yéti, un dahu ou la bête du Gévaudan lorsque je la faisais revivre.
Je ne me souviens plus de la musiquette, mais l’émotion lorsque j’appliquais mes doigts sur les lames vibrantes pour étouffer le son qui ne rendait plus des cliquetis et tenter d’arrêter le cœur de la machine est intacte. Lorsque je relâchais la pression, le ressort à spirale relançait le mécanisme pour quelques notes encore.

Vos textes sont très bon et celui que j'aimes le plus.

C'est celui qui parles des justiciers...

Ainsi que celui de dowvid qui parles de la neige...

Et ici au Québec on n'en a de la neige...

CA Y EST C'EST DIMANCHE! JOUR DU SEIGNEUR ET DES CONTRAINTES! CETTE SEMAINE SERA TRISTE, REMPLIE DE LARMES, D'INCOMPREHENSIONS ET DE RÂLES S'ELEVANT DES PROFONDEURS DE NOS COEURS MEURTRIS, CAR OUI, CETTE SEMAINE NOUS DEVELOPPERONS SUR LE THEME DU CHAGRIN D'AMOUR... ET POUR NE PAS EGAYER LA CHOSE UNE EPITAPHE DEVRA SE GLISSER DANS NOS TEXTES. ALLONS-Y TRISTEMENT!

BARBE-BLEUE


...comme on n'en fait plus.

Sur le muret de pierre qui bordait le cimetière, une silhouette noire et bedonnante faisait tache dans le paysage. En s'approchant, on découvrait banalement un ecclésiastique acratopège en train de lire son bréviaire. C'était un de ces cimetières comme on n'en construit plus de nos jours : posé comme une couronne sur le sommet de la plus haute colline, il ne pouvait être atteint qu'en suivant le chemin caillouteux qui gravissait en colimaçon la pente raide.

Le père Brown ne tressaillit pas quand il entendit des pas dans son dos.

- Je vous attendais, mon cher Duc. Si vous êtes venu, c'est que vous savez que j'ai tout compris. Je ne vous dirai pas comment j'ai découvert le pot aux roses. Sachez seulement que malgré votre habileté au crime vous avez semé tout au long de votre vie toute une poussière de cailloux compromettants derrière vous. La police sera là dans quelques minutes : regardez, on aperçoit tout en bas des points noirs qui se mettent en chemin. Je crois même distinguer la brillance de quelques pistolets. Dites-moi si je me trompe.

Le Duc ne dit rien quand le père Brown lui fit signe de le suivre vers la partie la plus haute du cimetière, où la vie est la plus belle, où l'on enterre les morts des meilleures familles. Le prêtre s'inclina devant une rangée de pierres tombales identiques que seul le temps passé au milieu des intempéries distinguait l'une de l'autre. Sur chacune, on avait gravé :

A MON ÉPOUSE AIMÉE
CHAGRIN D'AMOUR NE DURE QU'UN INSTANT
PLAISIR D'AMOUR DURE TOUTE LA VIE

- Je sais comment vous avez séduit tour à tour ces jeunes filles, comment vous les avez dépouillées, maltraitées, comment vous les avez assassinées sitôt que vous en avez perdu le goût afin de vous sentir plus libre de fondre sur votre prochaine proie. Je sais aussi que vous ne regrettez rien de vos actes, mais j'espère qu'il subsiste en vous quelques gouttes de noblesse qui vous permettront de prendre ici la bonne décision.

Les gendarmes s'approchèrent. Le Duc fit mine de lever vers eux une arme qu'il ne possédait pas. On tira. Il s'écroula sans même pousser un cri.

Quand tout fut fini, le père Brown retourna s'asseoir sur le muret pour terminer sa sainte lecture. Le soleil se coucha derrière les collines en feu. Dans le ciel, les nuages du soir s'évanouirent en filaments violacés qu'on ne distinguait plus qu'à peine sur le ciel assombri. Il fit bientôt trop noir pour que le prêtre pût déchiffrer les caractères de son missel. Alors il leva les yeux vers son lecteur :

- Ce qui m'intrigue, c'est qu'on n'ait jamais retrouvé le début de cette nouvelle. Je me demande ce que le bon Gilbert Keith Chesterton a bien pu en faire. Il est peut-être le plus grand nouvelliste de tous les temps, mais en cette occasion il s'est montré bien désordonné !

(désolé d'avoir un tantinet dépassé la taille prescrite...)

De la neige et du frette, maudit. »Encore -18°C ce matin, -30°C avec le facteur vent à Breakeyville (Lévis).
Pas chaud pour la pompe à eau

@acratopege
ça passe pour cette fois, la prochaine fois aussi... Mais attention tout de même, mon courroux est imprévisible...

@dowvid
"Pas chaud pour la pompe à eau" C'est une sacrée épitaphe! Etonnante façon d'aborder le chagrin d'amour en tout cas...

Pour me mettre dans les gabarits, j'aurais dû supprimer quelques phrases descriptives tout à fait inutiles, mais bien dans le style de Chesterton. Alors merci de votre grande tolérance. Je ne le referai pas.