Je remercie le CE d’avoir accepté la publication de La file d'attente en Laboniris, et les correctrices pour leur travail dans l’ombre.

En Laboniris, nous devons présenter nos intentions d’écriture, qui justifient la présentation dans cette section.
Je suis ravi de cette possibilité qu’offre Le labo de présenter des écrits qui explorent des formes autres.
Voici en substance mon préambule, lorsque j’ai proposé ce texte :

Il s’agit d’une réflexion sur le temps et l'identité, qui renvoie à des concepts comme le paradoxe et la relativité de la perception, l'expérience de l'attente et de la perte de temps. Au-delà de la file d’attente qui constitue sa colonne vertébrale, c’est aussi la forme littéraire spécifique qu’il m’importe de proposer en lecture.
Le phagocytage du fond par une forme très alambiquée est censé provoquer à la lecture un tournis sémiologique qui permettrait d’aborder ces thématiques par des voies de compréhension parallèles et sans passer par la conscience.
Je tente de jouer avec des notions d'absurde, en utilisant des jeux de mots et des constructions syntaxiques sorties de leur contexte et qui peuvent défier la logique.
Le texte est construit de manière non linéaire, les phrases longues et les digressions reflètent la nature chaotique de l'attente et celle de la file d’attente. Les idées s'entrelacent et se répondent par association et sérendipité. J’essaie, un peu à l’insu de mon plein gré, de créer un effet de circularité et de répétition sans porte de sortie.
Je parviens à ce mode de pensée en entrant dans un état modifié de la conscience (cf hypnose) telle qu’elle m’a conduit à rédiger ce texte.

Je ne suis donc pas censé connaître son sens et ses implications dans la réalité. J’ai navigué à vue. C’est donc aux lecteurs que je donne la parole, et adresse tous mes remerciements pour m’avoir éclairé sur bien des points, et souvent questionné.

@ David : pas convaincu par l’ouverture de ce « fichu bocal à cornichon » et sa chute un peu brutale.
Désolé pour l’absence d’ivresse à partager, d’autant que c’est précisément cela que j’escomptais. Merci néanmoins d’avoir donné votre ressenti. Ne serait-ce que pour cette « volée de quilles bousculée ». Je comptais peut-être à tort qu’une quille ou l’autre, par la conduite de sa chute et l’implication de cette chute sur d’autres quilles... etc. permette d’envisager un début de relation de cause à effet, bien qu’invalidée par l’existence de quilles auto-générées par une I.A. formée à la physique quantique. Aussi ai-je usé de la linguistique ou même du conte pour contrer les effets pervers d’une boule de bowling écrasant tout sur son passage. Jusqu’à remettre en cause son propre réglage, et nombre de ceux existant sur décisions arbitraires.
Je conçois que se retrouver avec « un fond putain » en point final puisse décevoir comme une « mouche dans le potage », d’autant que rien ne vous a permis au cours de votre lecture de trouver à être bousculé. Cette mouche prend le dessus parce que le locuteur fait aveu d’inconsistance et de vanité quant à ce qu’il écrit.
Vous avez fort bien compris.

@ Myndie : tu m’ouvres les yeux sur ma volonté dystopique. Comme expliqué en préambule, je me suis attaché à la forme sans plus penser au propos, mais il est là. J’aurais été bien en mal des les préciser avant de lire ton commentaire. Tu soulignes une « atmosphère martiale » et la « toute puissance du net », puis plus loin un « aveu d’impuissance » compensé par la création.
« Quel est ce monde d’angoisse où la liberté semble avoir disparu, où l’on doit attendre dans la file, de recevoir un ticket qui autorise quoi ? » :
voilà bien toute la question. Et je suis incapable de répondre de façon sensée. Peut-être est-ce le monde qui nous attend, et attend surtout nos suivants. Monde fait d’inanités et d’absurde. Et de suivants décérébrés puis reformatés par une I.A. ?
Pas tous, non... Peut-être que les moins pragmatiques d’entre nous (le petit village gaulois) sauront conserver leur œil de peintre ou l’encre de leur matière grise. Mmhouais… Le tableau, lui, est noir de chez noir, pas facile de percer l’écume.
Grand merci, Myndie, pour ce commentaire fouillé. Je suis heureux de que ce Labo, ses gazoduc, ses zombis et ses horloges ramollies t’on évoqué, et ce que tes remarques m’évoquent encore en retour.




Au plaisir de vous lire en vos œuvres

Merci pour ton retour éclairant Cyrill!
Mmmouaip! A la lumière de ce que tu apportes, je me rends compte que pour le coup, je me suis bien plantée
Moi qui aime tant pourtant le thème du temps, tant s'en faut, je suis passée en boitant!
C'est compliqué le Laboniris, plein de fausses pistes et tout ça...
(ah oui, Le chateau de Kafka!)
Mais comme tu fais l'aveu d'avoir conduit les yeux fermés et sans les phares, je suis satisfaite de ce que j'y ai vu, de tout ce que ton texte que, je le répète, j'ai beaucoup apprécié, m'a inspiré. J'ai fait comme en psychanalyse, quoi, le psy et le divan en moins

Non Myndie, tu ne t'es pas plantée, t'as planté des graines que j'avais négligé de voir et enrichi mon texte de sens en sus.
En sangsue, quoi

Le Château de Kafka est en creux, j'ai construit sur ses fondations. Et Dali est passé en courant comme le Chapelier Fou ou le Chat du Cheshire. Je ne l'ai pas retenu mais il a laissé des coulures d'horloges sur son passage et j'en ai fait de la matière à malaxer le temps et l'attente.
C'est bien dans cette interstice échappant au décompte des unités de temps qu'on peu imaginer ta "résistance non armée", ou seulement armée de pinceaux et de plumes.
Un peu comme un trou noir coopérant avec les résistants qui offrirait sa mémoire contre l'oubli.

Merci pour les infos. Pour le mot de la fin, j'espère qu'il est clair que ce n'est pas la vulgarité qui me dérangeait, mais je le prenais comme un retour à la conscience, une sortie d'hypnose, du narrateur. Un peu comme si l'auteur arrivait dans mon dos alors que je finissais de lire, pour s'asseoir à côté de moi, namého :)

J'ai bien compris comme ça aussi, David. Je trouvais sympa de me rapprocher de l'éventuel lecteur.
Étant donné que je n'escomptais pas beaucoup de retours, taper sur l'épaule d'un ou deux lecteurs pour me faire pardonner mes escobarderies me semblait de bon aloi... Il semble que ce n'était pas forcément une bonne idée...

Merci Jeanphi pour ton commentaire et l’« originalité époustouflante » que tu accordes à mon écrit, qui n’est pas une nouvelle à proprement parler.
Au delà du « monde en plein bouleversement identitaire, dominé par la numérisation et l’homogénéisation des caractères humains », tu vois une obstination à ne pas révéler l’objet d’un message caustique ».
C’est vrai, l’objet du message n’est pas révélé. Il est probablement trop complexe pour ma pensée limitée. Non pas que je m’estime inintelligent, mais la somme des problèmes existentiels qui se présentent à moi est trop immense.
NB : « putain » est bien employé comme un complément de nom, même s’il sonne un peu comme un juron intempestif.


Au plaisir de te lire, en bout-rimés ou ailleurs !

@ Celia : merci pour votre commentaire, tout particulièrement à propos de «cette énergie d’écriture ».
Je me doutais que ce "Labo" serait considéré comme difficile : je n'y donne pas de clés, c'est le produit de ma propre pensée, que j'ai tenté de laisser couler.
Ce pourquoi j'ai ouvert assez rapidement ce fil.
Ce n'est pas un passe-partout mais je suis heureux qu'il vous ait permis d'aborder cette réflexion.

@ JohanSchneider, merci pour votre avis de lecture. Vous retenez l’exercice de style, mais jugez qu’il tourne à vide. Je ne suis pas parvenu à vous faire vivre le monde que j’ai voulu esquisser par l’intermédiaire de l’attente. À vous faire ressentir son absurdité et son inanité, que mes tentatives de description échouent – évidemment – à à rendre concret. Je ne suis pas surpris que vous parliez de frustration arrivé au bout de votre lecture, ce final étant censé infirmer ce que je prétends et expose plus haut.

Bien que votre texte m'ait paru trop exigeant pour les capacités de conceptualisation de ma petite cervelle, je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu sur la teneur de mon commentaire.
J'aurais vraiment aimé "entrer" dans le texte ainsi que d'autres lecteurs sont parvenus à le faire.
Puisqu'il vaut mieux se répéter que se contredire, votre écriture est d'une qualité exceptionnelle et m'incitera certainement à continuer à vous lire. Si cette fois le rendez-vous est manqué ce n'est pas votre faute.
Il y a deux ou trois ans je me suis lancé dans les huit cents et quelques pages de L'être et le néant dont j'ai du piger environ le tiers. Mais je ne regrette pas de l'avoir lu, ne serait-ce que pour me confirmer à moi-même que je ne suis décidément pas sartrien.
Je ne regrette absolument pas d'avoir lu La file d'attente même si j'y suis resté assez hermétique.

Merci pour ces précisions, Johan. Je ne suis pas grand lecteur de philosophie, autant dire, même, presque ignare en la matière . J'écoute cependant volontiers des émissions de philo à la radio, ça passe mieux.
Cela pour dire que manier des concepts me plait et m'amuse, un peu comme me perdre dans un labyrinthe.
J'y rencontre, ou pas, quelques lecteurs parfois circonspects qui cherchent comme moi la sortie !