Drame à la Reggiani

Je suis le roi du ciseau,
de la barbiche en biseau.
Je le disais encore hier à Léon,
de qui je fignolais la toison,
lorsque vint à paraître une begum,
tourment de tous les hommes,
vêtue aussi courtement
que mon désir fut grand.
Je cherchai à séduire l'élégante,
ce qui fit perdre au client une moitié de bacchante.
Pour justifier ma maladresse,
je pris à témoin la déesse,
qui loin de me porter secours,
m'interdisit à jamais mon amour.
Pour alpaguer les mignonnes en jupette,
il est clair que je ne vaut pas tripette.
J'aurais aimé l'emballer,
mais ne suis pas doué pour roucouler.
Avouez que c'est ralant
d'avoir la vocation sans le talent.
Jamais je ne tutoierai les divas,
ne serai Don Juan ni Casanova,
ne posséderai de baise-en-ville.
Je ne suis que le barbier de Belleville.

Au moment où Marilyne Monroe, avec sa jupe tourbillommante, franchissait la porte du 'Hairissime shop', le jeune garçon coiffeur attaquait bravement au ciseau de la troisième génération la frange unique de Jean Genêt. Un choc foudroyant s'ensuivit et la précieuse ultime mèche descendit en planant rejoindre d'autres saloperies sur le carrelage!
Qu'arriva-t-il? Je vous le demande?
Vous ne savez pas?
Je vais vous le dire!
Marilyne,souriante et ravie, dans un ravissant accroupissement, ramassa le produit de l'ante- calvitie, en disant:
Et une de plus pour ma collection des mèches de tous les hommes que j'ai aimés...Julot...Perceval...Gastounet..et je paye bien entendu la coupe Melba du Monsieur!

Pimpette un peu grise le Dimanche

Une phrase

Maintenant que je vis reclus dans le petit appartement si charmant, au-dessus du salon où la moitié de ma vie s'est écoulée à corriger ce dont la nature, dans son effrayante iniquité, prive souvent les plus méritants de nos bourgeois, il m'arrive de laisser mes idées flotter vers cet instant resté mémorable, où la jeune Manon est entrée dans ma boutique, toute pimpante et court vêtue d'une jupette rouge sang plus propice à une course folle à travers les coquelicots qu'à une flânerie citadine, pour me réclamer la lotion capillaire qui offrait tant d'espoir à son père, juste au moment où l'agent comptable des ateliers Voilages et Rideaux, tournant la tête de curiosité, provoqua le seul accident fâcheux de ma carrière, sa frange sectionnée, sans qu'il me fût jamais possible de contester son refus d'acquitter la prestation.

Théâtrale (tentative tout à fait nouvelle pour moi)


- Et voici sur ce chef-d'oeuvre la touche finale !
- Vous êtes...
- Un maestro !

Entre la beauté fatale,
Sur la frange viennent déraper les ciseaux.

- Je suis vraiment confus...
- Une syllabe en trop !
- Mon regard fût involontairement distrait...
- Fort bien. Ainsi sera donc mon porte-monnaie.
Mademoiselle ! Constatez avec moi l'affront
De ce coiffeur aussi avide que mon front.

Arf, je ne sais pas décaler les lignes. Si quelqu'un a l'astuce... je suis preneur.

Merci, vous êtes tous déchaînés! A 100 j'envoie tout à Gallimard. On n'est pas plus bêtes que Queneau, je trouve.



Doutes

Le coiffeur du village est mort. Rien n'est encore officiel, mais vu l'état du corps, selon le témoignage d'un quidam, c'est quasi une certitude. Le coeur a été transpercé d'au moins deux coups de ciseau, mais cinq semblent plus probables, étant donné la taille de la mare de sang sur le carrelage, près d'une touffe de poils particulièrement garnie, dont on pense qu'elle a pu appartenir à un client, et provenant à chances égales d'une frange ou d'une moustache. Enfin, c'est ce qui se dit. Deux piétons, mais la police en cherche d'autres, jurent avoir vu, l'un une jeune fille en short, l'autre une vieille dame en bikini, pénétrer dans la boutique, une affichette à la main. Une centaine d'affichettes différentes auraient été collées par cent personnes différentes, ce même jour dans tout le village. Ce qui, pour les deux policiers tout juste sortis de l'école, porte la signature du crime.

Je suis coiffeur je coiffe au bol Je n'ai jamais jamais coupé un seul un seul petit accroche-coeur Mes visites en minijupette elles m'ont parfois coupé à coeur Je suis le seul à le savoir Et j'achète votre silence mais je paie en monnaie du pape Mon salon ferme j'ai d'la visite Passez mon bonjour à Queneau

Télégraphique

Coiffeur occupé avec vieux beau sourcilleux stop

Midinette frivole tenue vestimentaire réduite pénètre dans salon stop

Surpris Barbier distrait dérape stop

Frange du fossile taillée en biais stop

Fossile fulmine stop Refuse paiement stop
Exige constatation des faits par vénuste créature stop
signé Franck Provok

Tranchant

Un coiffeur paysagiste, un sécateur, une broussaille de cheveux, une minette en string, un client tout excité.
Il paraît que ça a merdé grave.

Bon, je fonce, sinon je le regretterai toute ma vie. Le coiffeur doit savoir qu'il me plait, lui, ses fossettes, son petit cul, ses yeux bleus. J'ai mis ma plus belle robe, je suis une bombe, je suis balistique. En y allant franco, il aura pas le temps de comprendre. Merde, y'a déjà quelqu'un. Tant pis, c'est plus le moment de reculer... Gling gling... Seins en avant, je lui fais le balancer de cheveux façon L'Oréal, il ne peut que craquer... Ca marche, ca marche, ouiiiii... Mais pourquoi il me regarde plus ? Pourquoi il ne parle qu'au client ? Putain le con !! Et maintenant y'a les deux me gueulent dessus, c'est le comble !