Oui je crois que ce format est pas mal non ? Si certaines trouvent qu'il faut changer des critères n'hésitez pas !

Alors pour cette semaine, j'incite chacun à participer car ça sera une semaine un peu spéciale.

Les fins possibles sont :

- Elle fut applaudie par tout le monde. Elle l'avait tué.

- Ils se marièrent donc par dépit.

Ou encore

- Dans la corbeille à fruits, la banane pourissait.

- Il lui avait sauvé la vie. Il lui pris la sienne.

J'insite cette semaine sera un peu spéciale :)

Nico tu proposes 4 fins, est ce que l'on peut proposer plus de 1 texte?

LE VIEUX


C’est un vieux bonhomme ridé, blanchi, gentil. Un vieux monsieur qui a travaillé toute sa vie en croyant en Dieu et au Part Communiste, né alors que se terminait une guerre qui aurait du être la dernière...

Il y a bien quinze ans que sa femme est morte d’une saloperie qui lui a bouffé les intestins. Il l’a pleuré, un peu, puis sa vie a continué.

Il va, de temps en temps, faire quelques couses dans le supermarché le plus proche. La taille des lettres sur les affiches l’attire, lui, qui sait à peine écrire son prénom.
Il n’achète que le nécessaire : un peu de lard et quelques raves. Nourriture de pauvre, nourriture de paysan surtout. Finalement, rien que des choses que son jardin d’ex-ouvrier ne puisse lui fournir. Ah si, exception toutefois, il achète des bananes. Parce qu’il aime le gout, la forme et la couleur, et que jamais on en vit pousser sur les terres auvergnates.

Parfois, quelques événements traversent sa vie comme des comètes, lui gonflant le cœur d’émotions diverses : c’est la naissance de ses arrières petites filles, la mort du dernier de ses voisins connu, une fleur qui s’épanouie entre deux giboulées...
Neuf décennies que sa vie s’écoule ainsi sans heurts, sans bruits et il continue, immuable.

Une nuit, pourtant, une violente douleur lui déchire la poitrine alors qu’il est allongé dans le lit deux places de chez Conforama. Son côté est bien le seul où il reste un peu de chaleur....
Sa poitrine le brûle, mais petit à petit il ressent comme un grand vide cotonneux autour de lui....La douleur cesse et ses yeux, doucement, sans regrets, se ferment sur l’image d’une fillette courant derrière un ballon et riant avec lui.

Maintenant, il dort pour une éternité.

Au même instant : un enfant naît dans une clinique parisienne : c’est une fille, trois douzaines d’Irakiens meurent dans un attentat qui ne les visait pas, un avion décolle de Pékin avec une femme heureuse à son bord, et deux amants de dix sept ans font l’amour pour la première fois. Dans la corbeille à fruits, la banane pourrissait.

Liaisons contre-nature

La maîtresse de Feng Shui XII, superbe shar-peï de trois ans, était en chaleur. Le jeune mâle, malgré la différence d’espèces, ne pouvait s’y tromper. Mais il savait aussi que toute tentative d’accouplement serait très mal vue. Maîtresse Julia n’admettait aucune approche de la truffe des parties intéressantes, et n’accordait la léchouille sur la figure qu’à l’issue de gambades proprettes dans le parc. Feng Shui poussa un de ces soupirs déchirants dont les chiens ont le secret, un soupir venu des profondeurs blessées de tous les cockers aux yeux tristes. Ni soupirs ni regards ne fléchissaient Maîtresse Julia, Feng Shui l'avait appris de longue date.
Là, elle s’agitait de la manière qui indiquait un prochain voyage en voiture pour elle et lui. Feng Shui soupira derechef.
Après l’enfer habituel du véhicule et du mouvement, Maîtresse Julia et Feng Shui arrivèrent dans le jardin d’une grande maison. La porte s’ouvrit, apparurent un maître et une chienne shar-peï que Feng Shui identifia tout de suite comme prête à l’accouplement. Les maîtres échangèrent un discours naturellement incompréhensible :

— Nous nous sommes parlé au téléphone…
— Oui, j’attendais votre visite. Vous êtes Julia ? Enchanté, appelez-moi Luc… Voilà Futonne, elle est en pleines chaleurs. La saillie ne devrait pas poser de problèmes.
— Nous pouvons les laisser dans le jardin, peut-être ? Feng Shui est très prudent, il n’essaiera sûrement pas de s’éloigner.
— Bonne idée ! Voulez-vous prendre un verre pendant que nos amis, hum, font leur petite affaire ?
— Avec plaisir !

Leurs phéromones tenaient un autre langage que Feng Shui, blasé, ne se donna pas la peine de déchiffrer. C’était si évident ! La chienne aussi avait tout compris. Elle soupira.
Enfin, au moins elle avait sans doute une idée des manières ! Feng Shui approcha une truffe dédaigneuse de l’arrière-train de Futonne qui poussa un gémissement de bon aloi.
Ils se marièrent donc par dépit.

L’invitation


Anne était toute contente. Luc avait accepté son invitation, il viendrait ce samedi, à 19 h 00 tapantes, c’est ce qui avait été convenu. Il était si beau ! Un ange, avec ses yeux d’un bleu presque trop pâle et ses cheveux blonds… Anne souriait en sortant du supermarché. Ça lui laissait trois jours pour tout préparer, elle voulait que ce soit inoubliable, elle allait lui faire ce fameux plat exotique, elle retenait jamais le nom, trop compliqué, dont sa copine Fatou lui avait parlé longtemps avant de lui faire goûter, un dimanche, avec toute la famille autour qui se régalait. Anne en avait encore l’eau à la bouche, c’était absolument délicieux.

Dès que le jeune homme avait dit oui, elle avait appelé Fatou pour lui donner la nouvelle « wahouh c’est trop cool ! tu vas t’habiller comment ? » et aussi pour lui demander la recette exacte. Elle était sûre que ça lui plairait, elle ne le connaissait pas encore très bien, forcément, ils venaient de se rencontrer, mais elle sentait les choses, il avait une tête à aimer l’aventure, même culinaire ! Fatou s’était montrée plus réservée « tu sais, c’est pas facile à faire et puis, t’es pas vraiment une pro de la cuisine, tu devrais peut-être assurer, un truc plus simple quoi… » Mais Anne avait souri avec assurance, non, non, elle s’en sortirait, c’était joué d’avance.

Une fois chez elle, Anne commença à ranger ses achats en fredonnant. Elle ne pouvait s’en empêcher, depuis que Luc avait dit oui, elle n’arrêtait plus de chantonner. C’était donc ça, le bonheur ! Elle disposa amoureusement les différents ingrédients sur la table, les cuisses de poulet, la farine, les épices, le gingembre, la cannelle, les raisins secs, les amandes…elle avait eu un doute sur les proportions, évidemment, un plat en amoureux, ça n’a pas grand-chose à voir avec une recette familiale. Dubitative, elle contempla les deux pommes et la banane qui paraissaient bien seules dans le grand compotier… Peut-être aurait-elle dû en prendre plus, même pour deux personnes… Elle haussa les épaules, non, ça devrait aller, et puis, si jamais elle retournerait en chercher. Allons ma fille, s’encouragea-t-elle, cette fois, il faut y aller. Fatou s’était moquée, « trois jours avant, c’est bien trop tôt ! » avait-elle dit, mais c’était un plat qui demandait à mijoter longtemps, ça, Anne le savait. En fait, contrairement à ce que Fatou avait prétendu, Anne était convaincue que le secret du succès de la recette était dans le temps de mijotation : plus ça restait sur le feu et plus ça prenait du goût, si on faisait attention à ne pas laisser sécher bien sûr.

Rassurée, Anne prit les deux pommes et commençait à peler la première quand la sonnette de l’entrée résonna dans l’appartement. La jeune fille secoua la tête, agacée. Qui cela pouvait-il bien être ? Elle hésita un instant à répondre, après tout, elle avait mieux à faire, mais sa curiosité ou bien son éducation la décida. Elle posa le fruit à moitié pelé sur le plan de travail, s’essuya machinalement les mains et alla ouvrir la porte de son minuscule studio.

Le jeune homme la regardait en souriant. Anne n’eut pas le temps de lui demander ce qu’il voulait. Avant qu’elle ait eu le temps de réagir, il mit un doigt sur la bouche de la jeune femme et la poussa à l’intérieur avant de refermer la porte derrière lui. Elle sourit, chuchota contre la main du garçon, « Luc ? Mais qu’est-ce que tu fais voyons ? On avait dit same… » Elle poussa un léger cri de surprise en sentant un choc dans sa poitrine. Que se passait-il ? Le jeune homme continuait de lui sourire. Anne baissa les yeux et vit sans comprendre une large corolle rouge assombrir son chemisier bleu. Le bras du garçon apparut dans son champ de vision, elle aperçut brièvement la lame du couteau qui s’enfonçait à nouveau en elle. Stupéfaite, elle ouvrit la bouche pour protester, un flot de sang en jaillit brutalement. Le jeune homme lui souriait toujours, « mon dieu qu’il est beau ! » pensa-t-elle avec horreur avant de sombrer dans le néant.

C’est sa copine Fatou qui donna l’alerte deux jours plus tard. La police découvrit le corps d’Anne dans la cuisine. Dans la corbeille à fruits, la banane pourrissait…

HISTOIRE BANALE

Complètement découragée, en pleine déprime, elle arpentait sa chambre en ruminant sa défaite. C'était bien la peine de lui avoir cédé aussi facilement, ce malotru l'avait bel et bien plaquée, sous prétexte qu'il était déjà marié.
C'est ce qu'il ne lui avait pas dit quand ils s'étaient rencontrés à l'anniversaire de sa copine Lucie. Marié ? Il semblait si jeune... Elle n'y croyait pas. Il était beau comme un dieu, comment lui résister ?
Ils avaient fait l'amour sur le siège arrière de sa voiture, pas très confortable pour une première fois et il n'avait même pas de préservatif pour assurer... Bien entendu il avait promis de faire très attention et c'est ainsi qu'elle se trouvait maintenant enceinte, à 15 ans !

Désespérée, elle ouvrit la fenêtre et un vertige la saisit devant les quatorze étage qui la séparaient du sol : en finir là, maintenant, tout de suite... Elle enjamba le rebord de la fenêtre, mais une nausée la prit et elle reposa ses pieds sur la moquette pour se rendre aux toilettes afin de se soulager.

Son envie d'en finir l'avait quittée. Elle se dit qu'après tout ce bébé n'avait peut-être pas envie de mourir, lui ?

Après de violentes disputes avec ses parents, auxquels il avait bien fallu tout avouer, ils l'envoyèrent cacher sa honte chez une vieille parente qui vivait dans une vallée reculée des Alpes.

Quand, plus tôt que prévu, les douleurs de l'enfantement arrivèrent, une épaisse couche de neige recouvrait le sol depuis la veille : une vraie tempête s'était déclenchée ! Le téléphone était coupé, la vieille parente dut accoucher elle-même sa nièce et les secours arrivèrent trop tard : elle avait succombé à une hémorragie. Le bébé lui était bien vivant.

Il lui avait sauvé la vie, il lui prit la sienne.

1 seul texte kaos, comme d'habitude. Je n'en dirai pas plus pour l'instant.

Bravo aux 4 premiers auteurs qui ont eu beaucoup d'inspiration, la banane vous a davantage inspirée :)

Allez les autres, n'hésitez pas !

Derniers maux

Tous se tenaient la main. Alice n’aimait pas cela. À droite, une paluche moite glissait entre ses doigts comme un poisson visqueux. À gauche, elle avait l’impression de serrer quelques os fragiles, cassants. L’assemblée composée d’êtres à la dérive traquait son regard, avide de ses mots vomis. On se lâcha enfin, on s’assit.
C’était son tour, il fallait parler. Comme elle avait peur des regards trop consentants, elle baissa les yeux et commença :
_« Le monstre est là. Il ravage mes nuits, envahit mes jours. »
Une volupté apparaissait dans l’évocation du poison. Sa voix était calme. Les autres écoutaient dans un vibrant engourdissement. Puis nue au milieu d’une phrase, la vérité est apparue. Elle avait bien failli la noyer dans un afflux trop dense de mots. Mais bon, elle était là, il fallait maintenant l’encercler, l’éperonner. Alice leva à nouveau son regard. La salle était éclairée par des néons qui déversaient une lumière crue. Une dernière fois, au milieu d’une phrase très longue, le monstre parla clair.
Elle fut applaudie par tout le monde. Elle l’avait tué.

Plus que deux jours pour cette semaine :)