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Re : L'usure en pente douce |
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C’est tout le texte qui, à mes yeux, dégage cette impression de maniérisme (due déjà en soi, je trouve, à la longueur du récit au regard de l'anecdote), de « trop léché pour ce qu’il a à dire », le « pas de loup et de vie » étant simplement le plus saillant. Permettez-moi de relever quelques autres extraits représentatifs de ce qui m’a gênée, m’a donné l’impression de recherche d’effet :
Elle soupire en faisant cette moue de petite fille indécise – éternelle fragrance d’adolescence – la griffe du destin les prunelles argentées des digicodes parce que seule compte l’envie, l’envie et l’instant cette érosion inéluctable qui les a rattrapés (…) (Et pardon, je me suis trompée dans le titre de votre texte, qui est Même si ça fait loin...)
Contribution du : 29/04/2014 08:15
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Re : L'usure en pente douce |
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Maître W
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OK, pas de souci.
W
Contribution du : 29/04/2014 12:28
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Re : L'usure en pente douce |
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Citation :
Je ne suis pas hostile à ça, du tout. C’est une voie possible. Ce n’est pas la seule, mais c’en est une. Je ne suis pas un ayatollah du style. Plus exactement, la simplicité peut être un style. Je peux être désarmé par une phrase toute simple. Les enfants, en particulier, peuvent avoir de ces expressions dont la justesse apparait criante notamment parce qu’ils ne s’embarrassent pas en première intention de la forme, ni d’un jugement, et dont une approximation de langage éventuelle, faisant apparaître une vulnérabilité, fait naître la tendresse et donc l’émotion. Il m’est arrivé plusieurs fois d’explorer cette voie. Pas le moindre problème avec ça, donc. Citation :
Eh bien, je suis d’accord avec toi. Cette attitude ne fera pas nécessairement un bon auteur. En revanche, l’attitude inverse donne de bonnes (ou mauvaises) chances à l’auteur de perdre la boule et de faire n’importe quoi. C’est en tous cas la conclusion à laquelle je suis parvenu. Il reste à concilier cela avec le paradoxe de l’utilité des commentaires, parce que les commentaires peuvent être utiles quand même. Citation :
Pour moi, non plus. Pour être tout à fait honnête, je le trouve con, mais c’est peut-être personnel. Surtout, il est en contradiction totale avec ton désir de simplicité. Dès les deux premiers mots du texte, révélant la structure nominale de la première phrase, j’ai compris que le style serait ou se voudrait à l’économie, mais l’entreprise se fourvoie dès le sixième mot. L’échec est annoncé dès la première phrase. Il pourrait être rattrapé, mais rattraper une mauvaise première phrase, c’est pas coton. Il ne sera que confirmé à maintes reprises. Citation :
C’est bien comme ça que je l’ai vu, hélas. C.Q.F.D. Citation :
Bah, tu n’es pas le premier à me faire un procès pour enculage de mouches. Après tout, je te fais bien un procès pour laxisme. C’est de bonne guerre. Il y aurait de quoi écrire des dizaines de pages sur ce « négligemment », justement ! Que tu ne saches pas quoi dire, c'est dommage car on aurait pu dire bien des choses, en somme. D’ailleurs, rien que pour t’emmerder, je me propose à l’enculage d’un bon million de mouches. Voici : La matière première, c’est les mots. On peut considérer qu’il y en a d’importants et d’autres de moindre importance, peut-être même certains qui n’en auraient aucune. Je ne suis pas de cet avis, je considère au contraire que chaque mot a son importance et que la solidité d’une chaîne dépend de son maillon le plus faible. Evidemment, un maillon pourri est peut-être moins visible parmi une quantité de maillons faibles, mais il n’en demeure pas moins pourri. Ne tournons pas autour du pot et tant pis si je choque certaines personnes : ce genre de formulation, c’est ce qu’on trouve dans tous les textes médiocres d’écrivaillons, essentiellement très jeunes, qui se repiquent les uns les autres des formulations tellement éculées qu’elles n’en possèdent plus aucune valeur et, ce qui est sans doute pire encore, plus aucun sens, parce que leur très jeune âge explique sans doute qu’il n’aient pas encore été mis en présence de textes sérieux dont ils puissent s’inspirer à défaut d’exprimer des potentialités autodidactes. Ils ont donc à leur décharge des circonstances naturellement atténuantes et on peut espérer pour eux qu’ils se rendent un jour compte de l’effet désastreux de ce copiage de médiocrité. Je suis scié que tu n’aies pas encore remarqué cela. Les « négligemment », « imperceptiblement » et autres adverbes fiorituresques ne sont qu'un cas particulier de ce copiage et cette propagation de médiocrités, dans lesquels on trouve également "Vincent se mordille l'intérieur de LA joue" et autres joyeusetés du même tonneau. Et ne va pas, grand dadais, en conclure que je sois hostile aux adverbes comme ce pauvre King l’étale parmi d’autres conneries dans son déplorable enseignement « Ecriture, mémoires d’un métier ». Point du tout ! C’est au contraire une ressource fabuleuse de la langue, qui recèle des trésors de burlesque, notamment, et révèlent par leur utilisation les balaises d’entre les bouseux. Je vais même te dire le pire : en utilisant cet adverbe « négligemment », tu rates une occasion unique de mettre en application ton goût pour les descriptions visuelles, alors que tu le gaspilles ailleurs pour des prunes. Alors que je me fous éperdument que ton canapé soit caramel, j’aurais voulu voir la négligence de Jacqueline plutôt qu’on me mettre sous le nez ce panneau « Attention, braves gens : Jacqueline est négligente ! ». Toi qui te prétends cinéphile, essaie d’imaginer que tu doives tourner une scène dans laquelle il apparait évident, par un geste par exemple, que Jacqueline soit, à l’instant précis où elle doit l’être, négligente. Qu’il soit inscrit sur le script que Jacqueline doive être négligente, je m’en fous, tu te débrouilles comme tu veux, mais je veux voir un film, pas un script. Et par pitié, épargne-moi les soupirs et l’humectation de l’index, c’est pas un porno que tu dois tourner ! Comme je suis certain que tu irais encore me niquer l’affaire par un dialogue à la con, je t’impose en plus que le fil soit muet. Je ramasse les rushes dans une semaine, perds pas ton temps à me répondre des fadaises. Citation :
Mais c’est pas possible, tu le fais exprès ou quoi ? Tu me fais marcher, non ? Dans ton esprit, c’est donc bien le popcorn qui est climatisé ? Du popcorn climatisé ?! Bon, je crois que c’est moi qui dois être con. C’est quoi, du popcorn climatisé ? Dans le doute, fais quand même encore viser ton texte un coup par ta copine prof. Deux coups, même ! Chaque fois que tu changes une virgule. Citation :
Certaines chaises au design contemporain peuvent ne pas être droites, elles n’en ont pas pour autant des pieds de longueurs différentes et ne sont donc pas bancales. Dis-moi, elles tanguent, tes rues romaines ? Ou alors, c’est peut-être du roulis. Je suis un peu de mauvaise foi. Je ne dis pas que je n’ai pas à peu près compris où tu voulais en venir, mais vois-tu, la force d’un effet de style se perd rapidement dans l’approximation alors qu’il s’agit d’une mécanique de précision. La prochaine fois que tu écris un texte avec des rues bancales, passe donc à Montmartre, ça te coûtera moins cher. Après avoir bu une bonne pinte de gnôle, cela va de soi. Je crois que tu confonds Rome et Rhum. Ou alors, les rues de Rome et la route du Rhum, ça roule et tangue aussi pas mal de ce côté-là, même sans Rhum. Citation :
Tu me fais rougir, petit flatteur ! Justement, profite que je passe par là, je serai pas toujours là pour te tenir la main. Cela dit, si ça te rassure, je ne veux pas non plus t’effrayer. Citation :
Plutôt que de faire le pitre, réponds donc à ma question ! Tes portes cochères, là, ça se passait bien vers le début/milieu des années soixante-dix, oui ou non ? Si la réponse est « oui », alors, dans une prochaine mouture, tu pourrais peut-être ajouter des tablettes ou des iphones pour consulter les annonces du PAP, on ne serait plus à cet anachronisme près. Qu’est-ce que t’en dis ? Citation :
Bon, quand tu voudras bien arrêter de faire le zouave, je te répondrai que j’avais bien compris l’idée et que je n’ai pas changé d’avis depuis tout à l’heure au sujet de la mécanique de précision des effets de style. Citation :
Tu écrirais donc « … ils ont vieilli et, à force de frottement, leurs sentiments ont fini par se polir et déteindre ». C’est bien ça ? L’idéal serait qu’un(e) véritable correc(teur)(trice) vienne le confirmer ou l’infirmer, mais il me semble que le verbe polir, dans sa forme pronominale, ne signifierait pas exactement la même chose, voire ferait encore basculer ton texte dans le porno. Ah oui, au fait ! Je déteste Richard Anthony autant que Vincent Delerm, alors je te fais ce petit cadeau empoisonné. Et pour finir, puisque je me suis souvenu que j’avais promis de trouver des choses positives à dire, je dirais que : 1. Si je ne crois pas une seconde à la réalité du personnage masculin, je trouve en revanche le personnage féminin intéressant, du moins prometteur dans la succession de tes ébauches. 2. Je me dois bien de reconnaître que ton texte est moins chiant que les chansons de Delerm. Ça ne place pas forcément la barre très haut, mais ça en fait au moins une de franchie.
Contribution du : 29/04/2014 17:41
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Re : L'usure en pente douce |
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Maître W
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Shalom, Stony
Tu fais chier, moi qui pensais avoir la paix (j’ai une migraine depuis deux jours, donc j’ai répondu assez vite). Le plus simple – mais le moins intéressant - serait d’écourter l’échange « ok, j’ai raté le texte, je valide tout ce que tu dis et basta » d’autant que lesdits points sont tout à fait convaincants. Mais comme j’ai envie d’expliquer un peu et que je me sens un peu coupable d’expédier le truc (tu as pris le temps de le faire donc la moindre des choses est de rendre la pareille)… Bon, pour mon rapport au lecteur, je crois que tu as saisi, je ne vais pas développer. Juste un truc : tu écris « Il reste à concilier cela avec le paradoxe de l’utilité des commentaires, parce que les commentaires peuvent être utiles quand même ». Naturellement que c’est utile (tu en es la preuve) ! Mais faire passer le lecteur après soi-même, ne pas chercher à lui plaire absolument (surtout au détriment de notre propre plaisir) ne veut pas dire qu’il ne faut pas prendre en considération son avis et modifier son texte en conséquence ! Enfin si cette attitude vis-à-vis de lui ne fera pas nécessairement de moi un bon auteur, je crois que je m’en remettrai (et puis comme tu dis, je ne deviendrais pas fou à devenir une marionnette à la merci de sa versatilité). Moi, je cherche seulement à divertir, pas à entrer au Panthéon de la Littérature ou a devenir un écrivain professionnel. Non pas que je m’accroche avec aplomb à mon amateurisme et que je le revendique fièrement haut et fort, c’est juste que je suis conscient de mes limites et de ma compétence. Si être (un bon) écrivain, c’est se pendre la tête H24 sur chacune de ses phrases, avoir une approche chirurgicale sur sa façon d’écrire, je ne sais pas faire et surtout ça ne m’intéresse pas. Cela étant dit, je dois continuer de progresser pour limiter le nombre d’erreur basiques (notamment les temps du passé) et autres lourdeurs stylistiques (comme celles qu’on le remonte dans la plupart de mes récits). Tu sais, j’aurai pu m’inscrire dans des ateliers d’écritures, chercher à comprendre, à apprendre le « solfège » des mots, le sens et le langage de la ponctuation, bref, la technique mais je ne le souhaite pas. La technique – la vraie, celle qui s’enseigne – ça me gave. C’est sans doute très intéressant et forcément cela me permettrait d’être meilleur, mais je n’y tiens car ce que je gagnerais en maîtrise, je pense que je le perdrais en « amusement ». Les modes d’emploi, bien que nécessaires, me lassent vite, je veux jouer tout de suite, moi ! Donc, raconter des histoires me plait, alors j’utilise l’écriture pour ça, écrire me plait, mais apprendre à (bien) écrire vachement moins. Encore une fois, je veux juste faire passer un bon moment, c’est mon but. Rien d’autre. Et pour ça, à l’instar de la méthode et le mode de fonctionnement des Américains, je préfère capitaliser sur mes points forts que chercher à améliorer à tout prix des points faibles (dont certains sont déjà irréversibles). Dans les lacunes que nous avons tous, il y a celles qu’on peut changer (peut-être pas pour en faire des points forts, mais au moins limiter leur mauvais impact) – c’est le cas par exemple pour moi sur les adverbes justement. Par le passé – Tchollos me le faisait remarquer – j’en mettais vraiment partout ! – J’ai encore des rechutes, mais je progresse un peu – et puis il y a celles qui sont déjà ancrées au plus profond et qui, au final, sont, malgré nous, acquises (soit par négligence de notre part, soit par habitude, soit par paresse ou par incapacité intellectuelles à les résoudre) ; ces carences là, il est vain selon moi de vouloir les corriger. C’est juste trop tard. La matière première, c’est les mots. On peut considérer qu’il y en a d’importants et d’autres de moindre importance, peut-être même certains qui n’en auraient aucune. Je ne suis pas de cet avis, je considère au contraire que chaque mot a son importance et que la solidité d’une chaîne dépend de son maillon le plus faible. Tu as très certainement raison. Évidemment, un maillon pourri est peut-être moins visible parmi une quantité de maillons faibles, mais il n’en demeure pas moins pourri. Sans aucun doute. Je ne vais pas reprendre tout ton paragraphe sur le sujet de l’emploi de certains adverbes, je crois que j’ai compris ce que tu voulais dire. Disons qu’à l’heure actuelle, malgré mes dizaines de textes, je n’ai pas encore réussi à m’approprier la bonne utilisation des adverbes ou que je sous estime leur emploi, leur rôle, leur portée. J’assume – pas trop mal - donc cette médiocrité. En revanche, dans toute ton explication, tu ne me donne pas vraiment de cas concret sur ce que serait la bonne utilisation d’un adverbe ; tu dis que l’adverbe « un trésor de langage », mais sans vraiment illustrer le propos. Je suis donc preneur d’exemple. Tu écris « Comme je suis certain que tu irais encore me niquer l’affaire par un dialogue à la con » Je suis aussi mauvais dialoguiste ? Ah merde ! « Dans ton esprit, c’est donc bien le popcorn qui est climatisé ? Du popcorn climatisé ?! » Oui, du popcorn climatisé ! Parfaitement ! Qu’est-ce que c’est ? Bah, c’est de l’humour (et un clin d’œil à « Je pense à toi », une chanson de… Delerm), et aussi une tentative d’originalité ; c’est tout. En bref, c’est une sorte d’association évidente (le duo ciné/popcorn au même titre que pour beaucoup la clope va de paire avec le café) ; et donc au lieu de parler de façon plus commune de la climatisation du lieu (la salle Gaumont) j’ai choisi son pendant, le popcorn. Plus clair ? Pas sûr… Certaines chaises au design contemporain peuvent ne pas être droites, elles n’en ont pas pour autant des pieds de longueurs différentes et ne sont donc pas bancales. Non tu n’es pas de mauvais foi, tu es juste « gâche-Noël » comme on dit. Tu n’es pas très fun, quoi (ce qui peut sembler paradoxal, car tu es plein d’humour). Plus sérieusement et je ne crois pas que je te ferai injure – tu l’admets toi-même (on en a déjà parlé) en disant que tu n’as aucune imagination, donc forcément – et sans prétendre pour autant que mon idée était bonne – tu es et reste très premier degré. Cela a ses avantages (notamment pour identifier des choses techniques), mais qu’est-ce que c’est castrateur (pour toi surtout). Presque à chaque fois, tes commentaires le démontrent et tes textes aussi (hormis ta « couille dans le potage » première version, hein, pas l’autre !). Sans vouloir te reprocher quoi que ce soit, mais manquer d’imaginaire, quelque part c’est s’amputer d’une bonne partie du plaisir que procure l’écriture (en tant qu’auteur et lecteur). Sans imaginaire, pas (vraiment) d’évasion, pas (beaucoup) de fantaisie, pas (peu) de fantasme, pas (manque) de souffle. C’est dommage. Ici, peu importe si la taille, le diamètre des rues, on s’en branle des données géométriques, c’est un personnage qui parle, qui ressent, c’est une perception, pas un exposé nécessitant un avis d’expert ! Tes portes cochères, là, ça se passait bien vers le début/milieu des années soixante-dix, oui ou non ? Oui, le digicode date de 1970. La nouvelle se passant de nos jours et notre couple étant marié depuis disons une trentaine d’année (le texte reste vague, il est dit « très longtemps »), ça nous amène aux années 80. C’est jouable non ? Bon, dans le doute, j’ai modifié ainsi « espionnés par les prunelles argentées des tous premiers digicodes » « Se polir » Une des définitions : devenir habituellement lisse et brillant par frottement. Le diamant se polit. Je ne vois pas trop le côté porno, pour ma part… (même si un des synonyme de polir est astiquer !). Je vais quand même trouver une autre formulation (tu vois que tu me fais cogiter et que je ne suis pas obtus !) Merci pour cet échange, l’ami ! W
Contribution du : 30/04/2014 00:27
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Re : L'usure en pente douce |
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Salam aleykoum, Widjet,
Mince, si j'avais su que t'avais la migraine, j'aurais attendu un peu pour te charrier. Là, j’ai un peu perdu mon temps pour rien puisque tu n’avais pas besoin de moi pour avoir mal à la tête. Ça pourrait te surprendre, mais on est bien plus proches que tu le crois et je pourrais reprendre à mon compte la majorité de ce que tu as écrit. J'ai toujours eu un réel problème avec l'apprentissage, ce qui s'est d'ailleurs matérialisé dans mes parcours scolaire et académique. Comprendre m'amuse, apprendre m'emmerde. Décortiquer un fonctionnement me passionne, thésauriser des connaissances ne m’intéresse pas. Ecrire est un énorme plaisir, lire est le plus souvent une contrainte. De plus, je suis confronté à des difficultés croissantes de mémorisation, ce qui m’oblige régulièrement à revoir des choses pourtant précédemment acquises. A l'école, je n'écoutais que très peu les cours, sauf ceux de Math et de Physique. A l'université, j'ai rapidement déserté les amphithéâtres. Peut-être est-ce une vanité crasse qui me pousse à vouloir découvrir les choses par moi-même. Je n’en sais rien, je ne suis pas psy et il n’est pas simple de s’analyser soi-même. Très paradoxalement, alors que j’adore pourtant comprendre les choses, percer des mystères, j’ai en même temps, parfois, une réticence à aborder trop profondément certaines choses, parce que j’ai grand peur de perdre leur magie, ce qui est le cas de la musique par exemple, peut-être parce que même l’athée que je suis, ou peut-être surtout l’athée que je suis n’est pas disposé à perdre les rares choses qui lui paraissent tenir du miracle et qu’il préfère y croire plutôt que d’essayer de les comprendre et risquer de s’apercevoir qu’il ne s’agisse que de la supercherie d’un mécanisme ingénieux. Je n’écoutais quasiment jamais le cours de Français, ne lisais quasiment rien des lectures scolaires obligatoires ou proposées. Le plus souvent, ça me laissait indifférent. Dans les autres cas, ça m’ennuyait. Je n’ai jamais rien su retenir de tous ces noms de fonctions grammaticales et n’y parviens d’ailleurs toujours pas. Il y a un an ou deux, j’ai acheté les Bescherelle Grammaire et Orthographe, pensant les potasser pour éviter de faire certaines fautes en écrivant ou de me retrouver confronté chaque fois aux mêmes interrogations, mais j’ai rapidement abandonné parce que ça m’ennuyait prodigieusement (adverbe dérivé du substantif « prodige » car, en effet, m’emmerder à ce point relève du prodige). Je vis parfaitement bien (double adverbe, mais nous y reviendrons) sans rien savoir de tout ça et me porte admirablement (parce que, quand même, j’allais pas répéter « bien » deux fois et que je trouve « admirablement » admirable) en faisant de la grammaire comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Mais il y a des choses qui me surprennent, me marquent au point que je les retienne pour la vie entière. L’étonnement, l’émerveillement sont tels que je ne puisse quitter ces choses sans tourner autour dix fois, cent fois, que je ne puisse m’empêcher de les approcher, de les toucher, comme le feraient des singes devant un monolithe si des fois il venait à l’idée d’un cinéaste de mettre des singes en présence d’un monolithe. Et puis, parce que rien ne semble pouvoir éteindre l’émerveillement, je me décide à y pénétrer, à les disséquer, à les comparer, les découper en petits morceaux. Le miracle, c’est qu’après avoir tout fait qui puisse éteindre cet émerveillement, après avoir tout fait qui puisse tuer des choses si fugaces, d’apparence si fragile, elles sont toujours en vie, plus belles, vivantes et solides que jamais. Je n’admire rien tant que les choses simples contenant toute la complexité du monde. Alors que j’écrivais ces lignes, un collègue m’envoyait un email dans lequel il disait m’apporter dix cas de test. A l’instant même, j’en reçois un autre dans lequel il a écrit qu’il m’en apporte dix autres. Mais comment l’a-t-il écrit ? DIX DE MIEUX ! S’il avait été belge, JAMAIS il ne l’aurait écrit comme ça ; il aurait écrit « Dix de plus ». Ce tout petit mot (mieux), ces cinq petites lettres, c’est toute ma vie, ou du moins une part importante de celle-ci, qui m’a été arrachée : c’est l’homme qui m’a élevé, mon beau-père, français, parisien, dont je ne sais plus rien depuis trente ans, dont je ne sais même pas s’il est encore en vie. Sauf que, le temps de la lecture de cinq petites lettres écrites par un collègue français, mon beau-père était vivant, où qu’il se trouvât à cet instant, à la terrasse d’un café, devant la statue du maréchal Foch, sous une porte cochère, espionné par la prunelle argentée d’un digicode ou même au fond d’une caisse en bois, à Montparnasse, chez Lachaise ou ailleurs. Alors, la prochaine fois, triste impie, que tu diras que j’encule les mouches, sache que, même pour un athée hétérosexuel bénissant le mariage pour tous, fût-il celui de ce beau-père parisien et homosexuel, il est des choses qui sont sacrilège ! Le pardon t’est toutefois acquis inconditionnellement car il me reste de vingt siècles qui m’ont précédé et que je ne renie pas la capacité à pardonner à ceux qui m’ont offensé. C’est par le langage que le monde se présente à l’homme et c’est par le langage que l’homme se présente au monde, qu’il le formalise ou s’en plaint. C’est pour son langage, hélas, tant celui-ci le représente dans sa chair, qu’un homme en tue un autre. Au commencement était le verbe. Un homme est contenu tout entier dans chacun des mots de son langage. L’étymologie, c’est l’histoire des hommes. Le langage est son ADN. Le langage, c’est le miracle de la vie ! Tu me demandes des exemples et tu as raison de le faire, mais tu sais que mes exemples sont souvent puisés à la même source et je ne voulais pas saouler mes contemporains. Combien de fois ne lit-on pas qu’il faudrait traquer impitoyablement les adverbes et les adjectifs ? C’est dans le b.a.-ba de l’écriveur en herbe et tout écrivain sérieux te le dira. Même Ze Big Stephen King l’écrit, alors… Céline, lui, les double, les triple, et envoie tout le monde chier. Mais il n’est rien de plus facile et de lâche que d’envoyer les gens se faire foutre en faisant n’importe quoi juste pour le principe de la contestation stérile. Dans une interview, un journaliste demande à Céline : « Pourquoi écrivez-vous ? ». Il lui répond « J’écris pour gagner ma vie ». Le journaliste insiste et Céline prétend (c’est très vraisemblablement un mensonge, mais peu importe) qu’il s’est mis à écrire (« Voyage au bout de la nuit » ou son ébauche) pour acheter un appartement parce qu’il était hanté par le « terme ». Comme le journaliste n’a pas l’air très convaincu, il insiste encore : « C’est uniquement pour cette raison-là que vous avez décidé un jour de vous pencher sur des feuilles blanches ? » Céline répond : « Très uniquement ! ». Le journaliste insiste encore et Céline : « Oh, très uniquement ! ». La première fois que j’ai entendu ce couple d’adverbes, j’ai été scotché et je ne l’ai plus jamais oublié. Quoi de plus simple que d’ajouter un adverbe de quatre lettres devant un autre ? Sauf que ces quatre lettres ont bousculé mon langage et donc ma vie. Céline, parfois, double et même triple les adjectifs… et ça fonctionne ! Encore une fois, ça bouscule mon langage. Dans « Voyage au bout de la nuit », Céline écrit au sujet de journaux un peu jaunis qui pendent à un kiosque, un dimanche, et dont les feuilles ne se superposent plus exactement. Il écrit : « Formidable artichaut de nouvelles en train de rancir » Pourquoi ai-je été tellement marqué par cette métaphore au point que je puisse la reproduire par cœur des années après ? Quelle en était la force pour qu’elle y parvienne si bien ? Sans doute que je n’ai été contrarié par rien qui ne soit exactement à sa place et qu’aucun filtre n’a ralenti ni estompé l’impact qu’elle a produit dans mon cerveau. Eh bien, moi, je ne peux m’empêcher de me demander encore pourquoi et de chercher plus loin. Sans doute que l’artichaut correspondait parfaitement à la géométrique de ces journaux avachis dont les feuilles se superposaient tout en étant chacune un peu décalée par rapport à sa voisine. Sans doute que le verbe rancir ne faisait que renforcer l’image des feuilles jaunies, mais qu’en plus, je me représentais la fuite du temps par ces nouvelles devenant déjà un peu obsolètes. Et ces nouvelles sont-elles rancies ? Non, elles sont EN TRAIN de rancir, et le narrateur que j’incarne en lisant se trouve impuissant devant la fuite de ce temps, car l’affaire n’est pas finie, elle est EN TRAIN de se produite, mais je ne peux rien y faire. L’artichaut n’est pas un objet, c’est un être vivant, et derrière sa décrépitude se trouve l’ombre de la mort. Pour couronner le tout, il s’agit d’un FORMIDABLE artichaut, comme si ce légume se présentait soudain à moi comme un légume géant prêt à m’écraser de tout le poids du temps sur lequel je n’ai aucune prise. L’adjectif « formidable » n’est sans doute pas innocent, il invite sans doute à une représentation fantastique de la scène. Est-ce tout cela qui m’est passé par la tête, de cette façon, dans cet ordre ? Je ne saurais vraiment le dire car il ne s’agit ici que d’une analyse a posteriori, mais il me semble tout de même évident que chaque mot avait son rôle à tenir qu’aucun autre, peut-être, ne pouvait le faire. Alors, lorsque tu parles de rue bancale à Rome, bien sûr que j’ai compris l’idée et je ne la trouve d’ailleurs pas mauvaise dans son principe, mais est-ce vraiment de l’enculage de mouche que de chercher à comprendre pourquoi son impact n’est pas celui qu’a produit la formule de Céline ? Est-ce de l’enculage de mouche que de se demander s’il n’y a pas, peut-être, un petit souci de géométrie qui ne collerait pas assez bien. La métaphore du mobilier, c’est toi qui l’a faite, ce n’est pas moi, et c’est bien mon cerveau qui a dû la traiter. C’est toi qui m’as balancé une chaise et c’est moi qui étais prié de la superposer à la rue. Je ne te cherche pas des poux dans la tête, je ne cherche pas la petite bête. Je sais simplement qu’un petit truc m’a gêné pour que je puisse être réellement percuté. Après, c’est de l’analyse et elle pourrait bien être incomplète ou même fausse, mais mon explication me semblait assez logique et en rapport la métaphore que tu as toi-même faite. Plus loin, alors que le narrateur et son ami sont en train de discuter en envisageant l’avenir tantôt avec espoir, tantôt avec lucidité, Céline écrit « Les idées aussi finissent par avoir leur dimanche ». Quelle formule extraordinaire, une fois de plus ! Et c’est comme ça pendant des pages et des pages. Puisque l’ami Ludi, un type que je n’ai même jamais rencontré, a eu cette incroyable générosité de m’envoyer trois briques céliniennes illustrées par Tardi et que je vais bien entendu les lire, je te promets de relever les exemples dont ne je ne me rappelle pas aujourd’hui et de te les apporter. Juste encore un petit exemple. Il est de ma plume, celui-là, mais il est tellement évident que l’encre est celle de Céline que les fleurs lui sont destinées. Dans « Paris en bouteille », j’évoque un patron de bistrot dont le prénom est Marcel. J’écris « Le Marcel patron […] ». On ne sait pas très bien si l’on est en présence de deux noms, d’un nom et d’un adjectif et, le cas échéant, si l’adjectif précède le nom ou s’il le suit. Personnellement, je suis très satisfait de cet effet et j’aimerais beaucoup pouvoir bouleverser le langage de mon lecteur comme Céline a bouleversé le mien. Ah, non, encore un petit exemple ! Il n’a rien à voir avec Céline, celui-là. Il s’agit d’une réplique dans « La folie des grandeurs ». Louis de Funès présente son (faux) neveu au Roi qui lui demande de qui il s’agit. De Funès répond : « Un mien neveu, Sire. » Je crois que je pourrais entendre cette réplique encore cent fois que je m’en tordrais cent fois de rire. Ce n’est pourtant qu’un malheureux petit adjectif possessif de quatre lettres qui provoque cette hilarité. Est-ce le caractère désuet, voire archaïque de l’utilisation de ce mot pourtant tellement courant ? Je ne sais pas et je ne me lance plus dans une analyse, mais je trouve ça prodigieux. Bon, je fais court pour le reste… Pour le verbe « polir » et quelques autres trucs, bien sûr que c’était surtout pour te charrier. Je ne suis pas aussi premier degré que tu sembles le croire. Au plaisir…
Contribution du : 30/04/2014 18:54
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Maître W
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@ robot et rb
Merci pour votre lecture et avis. Ce texte n est pas rate pour tout le monde. Rassurant. Widjet (Suis en vacances a l etranger donc pas trop bavard)
Contribution du : 08/05/2014 10:25
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Re : L'usure en pente douce |
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Maître Onirien
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17/04/2013 18:11 De Monts du Jura -
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Salut Widjet,
Suite à quelques semaines de vacances, j'ai du retard à rattraper dans les lectures. Je n'avais pas lu tout ce débat avant de poser mon commentaire tardif. Donc mon com. sur ta nouvelle est un ressenti direct comme j'aurais pu le déposer en espace lecture anonyme. En fait, les forums sont pour moi ce qu'indique leur nom (des champs de foire). Je déteste le côté café du commerce dont ils sont trop souvent porteurs et je ne m'y arrête pas souvent à présent.
Contribution du : 08/05/2014 10:40
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Re : L'usure en pente douce |
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Maître W
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Je comprends ton point de vue. J aime bien les forums lorsque les echanges sont instructifs. Je suis content de l avoir ouvert ne serait ce que pour ma discussion avec stony, enrichissante pour moi.
Maintenant, je sais que dans certains cas et pour certaines personnes, le forum influence et change le regard et l avis sur texte - en bien ou en mal - avant de l avoir lu. Heureux que tu aies pris connaissance du texte avec un oeil et surtout un coeur neuf. W
Contribution du : 08/05/2014 10:52
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Re : L'usure en pente douce |
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Maître W
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@newman
Merci d avoir lu et commente. 20 commentaires, ca faisait presque deux ans que je n avais pas autant ete commente, ca relativise l echec. W
Contribution du : 08/05/2014 21:54
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Re : L'usure en pente douce |
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Maître W
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@ Colinede
Merci pour la lecture et le commentaire. Entre temps,j'ai fait quelques corrections mais pas nécessairement celles relevées par toi (et puis j'ai gardé Delerm :) Mais je ne suis pas trop mécontent du résultat. Merci à toi W
Contribution du : 13/07/2014 12:19
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