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Le pont Alessi |
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Expert Onirien
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Je remercie le CE pour la publication de cette nouvelle, tous les lectrices et lecteurs courageux de ce long texte, et bien sûr tous les auteurs des commentaires.
Avec chacun de ces commentateurs, je voudrais engager un dialogue et présenter personnellement mes remerciements. Jemabi Vous avez trouvé un aspect kafkaïen dans cette nouvelle, j’en suis fort honoré, moi qui suis un grand admirateur de Kafka. En revanche, je ne suis pas certain qu’un final par « une grande morale universelle », comme vous le suggérez, constitue une fin convenable pour ce texte. Je préfère qu’il reste « ouvert », et il me semble évident que cette ouverture oriente le lecteur. Je vous remercie grandement pour les appréciations très positives que vous avez réservées à ce récit et à son écriture. Jeanphi Vous décelez, dans votre lecture, une peinture et une critique de « l’individualisme ». Ce n’était pas mon intention d’auteur dans ce texte. Les trois personnages ne cultivent pas l’individualisme. S’ils se sont mis à l’écart de la vie sociale ( rien n’indique d’ailleurs que ce soit le cas pour Hermann), ce n’est pas par valorisation de l’ « individu » et rejet d’une vie sociale aliénante pour la subjectivité individuelle. Ils subissent plutôt les effets d’une société devenue folle, qui ne comprend pas ce qui lui arrive ; ils prennent position par rapport à elle, de façon solitaire, mais pas au nom de l’individualisme. Mais peut-être donnez-vous un autre sens à ce terme ? Je vous remercie pour votre commentaire et vos appréciations. Malitorne Un « vocabulaire emprunté » : dites-vous ! Mais à qui ? Et la citation qui suit en est le pur contre-exemple : « sans puérilités halloweeniennes », puisque le terme « halloweenienne » est un néologisme, que j’ai inventé, parce que sa sonorité me plaît, que son sens correspond précisément à ce que je voulais dire, et que sa signification est immédiatement compréhensible par chacun ! Vos remarques, d’autre part, sur cette vieille distinction entre fond et forme, si elle peut encore être utilisée, ne me semble pas ici vraiment pertinente. Elle le serait si le personnage principal, Léon, était le narrateur, mais il ne l’est pas. Vous caricaturez sacrément les personnages ! Vous faites de Léon un juge, qui se désole du « peuple décérébré », comme vous dites, et de l’état de la civilisation, prenant des « hauteurs de vue », une facilité selon vous : « c’est plus facile de juger quand on n’a pas les mains dans le cambouis ». Et pourtant, Léon n’émet aucun jugement ! Contrairement aux deux autres personnages. Il est facile de le vérifier, une relecture suffit. Léon ne juge pas, il agit, de façon particulière, mais il agit. Il marche, il vagabonde, il erre, il cherche des lignes nouvelles, des itinéraires destinés à constituer des « lignes de vie », empruntant au passé, sans passéisme, mais dans un présent qui rend possible un avenir. Ces lignes sont des lignes de fuite, il est vrai, mais aussi des lignes créatrices. Sa ‘démarche’ est rêveuse et solitaire, Jeanphi y a vu un « individualisme », mais s’il n’est pas dans l’action collective, sa quête pourtant ne vise pas le repli individuel sur soi. En vérité, j’ai été gêné par le format de la nouvelle. Déjà long pourtant, relativement à ce qui se publie habituellement sur Oniris, j’ai eu l’impression d’y être à l’étroit, et d’avoir le besoin, mais qu’il a fallu contenir, de développer la démarche des personnages, de leur donner plus de consistance, d’enrichir les aventures et la perspective dans laquelle se place Léon, plus particulièrement. D’où, peut-être une ambiguïté sur sa « démarche ». Je vous remercie pour votre commentaire, qui me donne aussi l’occasion d’apporter quelques précisions sur le sens de cette nouvelle. Pouet Il y a du « Allez-y » dans Alessi, sans doute. Le pont est accueillant, comme tout pont, il invite au passage, il invite au lien et à la communication, en conformité avec sa fonction, c’est pourquoi le fermer constitue un paradoxe, une absurdité. Son nom n’est pas ironique. L’ironie se trouve plutôt dans son blocage, des deux côtés. Malheureusement, je ne connais pas « Le veilleur du jour ». Un si beau titre donne envie de lire ce livre… Vous caractérisez bien le monstre : l’Horizon noir. Il rassemble en lui, en effet, tous les maux de la civilisation de Métapontadine (et bien sûr cette civilisation ressemble beaucoup à la nôtre, dans son présent, comme dans son avenir) dont elle se masque les causes réelles, les « dénie » en effet, pour fantasmer, dans une réaction archaïque, ancestrale, ce Mal personnifié. Le mal est projeté dans l’Autre, évacué de soi. À ce fantasme, s’associe la recherche du bouc-émissaire, Léon pourrait le devenir ; et aussi cette figure de l’Autre, le voisin « estrapontin », celui de l’autre côté du pont, envié et jalousé. Il n’était pas vraiment dans mon intention d’opposer nature et culture, pas au sens traditionnel, du moins, de cette opposition. Il faudrait donner plus de longueur au texte, je crois, pour mieux cerner ce personnage de Léon, un simplet, d’une certaine façon, un « innocent » comme on disait autrefois, « naturel » pouvait-on y ajouter. Vous situez le texte entre surréalisme et science-fiction, ce qui me semble assez juste. Merci Pouet pour votre lecture, avec sa dose d’empathie et de pertinence. Larivière Heureux que cette nouvelle vous ait plu, avec son réalisme un peu particulier, « merveilleux » comme vous dites. Vos remarques sur le mal me semblent justes, mais il faudrait y ajouter ce « mal » dénié, qui menace aujourd’hui, l’épuisement des ressources ( le pétrole ou l’essence dans le texte), les difficultés énergétiques, le bouleversement climatique, etc. rassemblés et personnifiés dans un être surnaturel, démoniaque, qui masque les causes réelles. « Ce mal qui rend fou » : dites-vous, avec raison. Votre rapprochement avec Giono est flatteur. Merci beaucoup Larivière. Vincente J’apprécie ce que vous dites de Léon : « personnage représentant un flux de pensée et de vie », alors que dans Métapontadine, la « méta-cité », en quelque sorte, oui, le déclin et la mort dominent, sans compréhension véritable de la situation, où l’on se laisse aller à des réflexes archaïques. C’est une lecture possible et intéressante, à laquelle je n’avais pas pensée, le pont compris comme un « Allez-si… » dans sa forme conditionnelle. Je comprends vos réserves. Pas trop sur le début du texte ( est-il vraiment philosophique ? psychanalytique ?) mais sur la suite. Il me faut, en effet, éviter certaines redondances. Le mélange des temporalités ne vous a pas échappé : « on est au moyen-âge, aujourd’hui, et dans un futur proche à la fois », c’est exactement dans ces temporalités mêlées que je voulais situer l’action, et dans un espace aussi, constitué de lieux indéterminés. Une mise en scène à la fois « mi fellinienne, mi burtonienne » : j’en suis ravi et flatté. Merci Vincente de votre lecture attentive ; merci d’avoir été sensible à la part poétique du texte, et merci enfin pour vos réserves constructives. Robot Je vous remercie beaucoup pour vos appréciations positives sur la qualité littéraire du texte. Une suite, en effet, me semble nécessaire. J’ai eu l’impression, en évitant de donner trop de longueur à la nouvelle, de ne pas aller jusqu’au bout de ce cette histoire, de ce « conte » ; de ne pas lui avoir donné toute la dimension qui me venait à l’esprit. Cyrill Je crois qu’il fallait, en effet, ne pas situer précisément l’action de cette nouvelle dans le temps et dans l’espace. Elle mêle les temps et les époques. « Léon » lui-même porte un prénom désuet, semblant appartenir au passé, et pourtant j’ai appris qu’il est de plus en plus donné aux nouveau-nés, qu’il sera même l’un des prénoms les plus donnés en France pour l’année 2024. Votre remarque sur la parenté entre Léon et la terre me semble tout à fait pertinente. Léon aime la terre, en tous les sens du terme. Son itinéraire constitue aussi une quête pour lui redonner vie, la sauver du mal véritable qui la menace, et qui ne se trouve pas dans un « horizon noir » fantasmé par la population de Métapontadine, en proie à des réflexes archaïques dans son appréhension de ce qui lui arrive. Il en recherche des « réseaux de vie » et apprécie particulièrement les ponts, à propos desquels vous remarquez bien la charge symbolique du lien. Il est bien question, en effet, des « peurs irraisonnées », qui masquent les raisons réelles d’une crainte rationnelle sur l’avenir du « monde ». La procession des « bouilles d’enfer » constitue plutôt une tentative de conjurer le « Mal », comme dans les mécanismes mentaux archaïques ; une façon d’éloigner les « mauvais esprits », sans doute la fonction originelle des mascarons et des gargouilles. Merci beaucoup Cyrill pour votre pertinent commentaire. Eskisse Ce que vous dites des « ponts d’âme » me plaît bien, de même que « les petits chemins sur le côté ». Vous avez envisagé le texte avec sensibilité, et avez été réceptive à son imaginaire comme à sa poésie. « L’indétermination du cadre spatio-temporel » vous a convenu, j’en suis ravi. Je vous remercie beaucoup pour votre commentaire si sensible. Mokhtar J’en conviens, il y a, en effet, une touche d’absurde et de surréalisme dans cette nouvelle. Une part de « mystère » y est cultivée. Mais en grande part, elle fait sens. Comme il a été dit précédemment, le lieu est indéterminé, le temps aussi, non pas que l’époque à laquelle se situe l’action reste inconnue, mais en ce qu’elle mêle les temps : les époques archaïques et antiques, se superposent à notre présent, qui s’entrelace aux réactions moyenâgeuses, et à un futur proche de nos sociétés. La nouvelle se situe dans un monde imaginaire, mais où retentissent fortement les échos du monde réel. On peut, dans les détails, y déceler de multiples symboles, qui ne sont pas nécessairement ceux que j’ai élaborés consciemment et intentionnellement. Je n’ai pas pensé à la Méditerranée, à propos de la rivière sous le pont, mais pourquoi pas ? Le « carnaval », je l’ai plutôt envisagé comme une procession visant à conjurer le « Mal », retrouvant le sens premier des mascarons et des gargouilles, ou redonnant au carnaval » son sens ancien, païen, qui est celui d’un rituel reproduisant symboliquement un moment de crise sociale, par un « mal » qui se répand partout, par un désordre social ( reproduit par les déguisements) et une violence généralisée, auxquels il faut mettre fin en brûlant le personnage de Carnaval, ce qui devait permettre, croyait-on, la restauration de l’ordre purgé du mal destructeur. Mais j’ai voulu montrer que ce « mal » est un masque fantasmatique qui occulte les maux réels d’aujourd’hui : épuisement des ressources, difficultés énergétiques, surconsommation, troubles climatiques, etc. Sur ce mal, nommé « horizon noir » se projettent les mécanismes archaïques des comportements sociaux, dont nous n’avons pas su encore nous libérer, et qui menacent toujours de se réactiver. Léon, lui aussi, est en quête d’un passé ( il suit entre autres des « chemins oubliés » ), mais son rapport au passé est très différent de celui des habitants de Métapontadine. S’il suit des chemins du passé, ce n’est pas par passéisme, ce n’est pas dans une volonté de retour illusoire vers un passé de la civilisation, c’est pour construire des lignes nouvelles de vie, un futur vivable, qui retient le meilleur du passé, et invente un avenir inédit. Sa quête est solitaire, et il sait que les forces d’un esprit seul sont forcément restreintes et son action limitée, mais il veut trouver et montrer symboliquement la « voie » dans la mesure de ses moyens, et lui, l’ingénu, par son ingénuité même, saurait peut-être mieux que d’autres la trouver. Beaucoup d’idées sont sous-jacentes à ce texte, en particulier aussi avec la forte symbolique du pont, mais avant qu’il soit réfléchi, j’apprécie qu’il soit lu comme un conte poétique et merveilleux. Je suis heureux que ce texte ait su vous « captiver », vous « intéresser », et même vous « fasciner ». Je vous remercie grandement pour votre commentaire, et espère vous avoir un peu éclairé sur le sens de cette nouvelle. Des explications plus détaillées seraient trop longues, et je ne voudrais pas supprimer la part de mystère du texte, liée à une dimension poétique qui résiste à la rationalité. Etienne Norvins Un grand merci à vous pour vos appréciations sur la qualité littéraire du texte. Les références à ces grandes œuvres que sont Le Désert des Tartares de Buzzati, Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq, ou encore l’univers de Miyasaki sont particulièrement flatteuses. Si cette nouvelle est en parenté avec l’univers de pareils auteurs, c’est très humblement. Merci encore.
Contribution du : 18/09/2023 17:19
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Re : Le pont Alessi |
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Merci Louis, pour ce retour précis et détaillé sur vos intentions d'auteur.
Elles transparaissent dans votre nouvelle sans que celle-ci souffre de didactisme ni de moralisme, ce que j'ai grandement apprécié. Elle reste un conte que l'on peut lire simplement en s'émerveillant.
Contribution du : 18/09/2023 17:34
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Re : Le pont Alessi |
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Slt Louis et merci pour votre retour. Je me permets de vous conseiller en effet le Veilleur de jour ainsi que Les jardins statuaires du même auteur, qui à mon sens pourrait vous plaire, et dont l'ambiance m'a fait penser à votre nouvelle.
Au plaisir de vous lire.
Contribution du : 18/09/2023 17:41
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La compréhension n'est pas nécessaire à la poésie, mais la poésie est nécessaire à la compréhension. |
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Re : Le pont Alessi |
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Bonjour, merci pour votre retour, j'ai sans doute forcé le trait en associant la personnalité de chacun des personnages à une forme d'individualisme.
Je m'étais dit que la piste méritait d'être explorée lors de mon commentaire, je craignais effectivement d'avoir fait un amalgame entre replis communautaire et replis indentitaire. Merci de me corriger.
Contribution du : 18/09/2023 17:53
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Re : Le pont Alessi |
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Merci Louis pour ce retour bien sympathique ;)
Contribution du : 19/09/2023 18:06
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Re : Le pont Alessi |
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Par « emprunté » je voulais signifier que le vocabulaire utilisé manquait de naturel, je reconnais que le terme est mal employé. Si « halloweenienne » est un néologisme alors je comprends mieux.
Le débat sur le fond et la forme n’est pas toujours dénué de pertinence, en ce qui me concerne me parle encore. Une scène d’action sera constituée de phrases courtes, accélérées, au contraire de descriptions amenées par des phrases amples, plutôt denses. Si mon personnage a un caractère simple il verra le monde par des mots simples, s’il est davantage intellectuel sa vision en sera plus approfondie. C’est une histoire de cohérence, d’harmonie, que le narrateur soit extérieur ou pas. J’avoue éprouver peu d’estime pour Léon – ce qui explique mon appréciation négative – archétype du vagabond rêveur qui parcourt le monde en sifflotant, spectateur étonné des turpitudes de l’homme. Au niveau purement narratif c’est une position idéale pour observer, en l’occurrence les travers d’une société qui déraille, Léon est en dehors et non partie prenante. Au niveau humain ça reste une conduite contestable, qui rejoint mon expression « les mains dans le cambouis », où à la place d’affronter la vie sociale et ses contraintes on la fuit pour je ne sais quelle raison. Quelque part Léon est un être inadapté, la pathologie n’est pas loin. Le vagabond des romans n'est que le Sans Domicile Fixe du réel, vous avez vu leurs tronches... Vous êtes complexe et tortueux dans vos écrits Louis, mon exact opposé, c’est ce qui me plaît chez vous. Comme je disais à Mokhtar, j’aurais grand plaisir à recevoir un jour un de vos commentaires. Pas de ces choses analytiques dont vous avez le secret, juste quelques lignes me suffiraient.
Contribution du : 20/09/2023 10:16
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Re : Le pont Alessi |
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Merci d’avoir pris la peine d’un retour, et celle d’explications personnalisées qui, finalement, ne sont pas vraiment intangibles et laisse une grande liberté d’interprétation personnelle et une part de mystère. D’autant plus que la « masse » des saynètes interdit la revue de détail.
Je suis certain qu’en relisant ce texte dans plusieurs mois, le commentateur serait susceptible de se livrer à des exégèses sensiblement différentes que celles de sa première approche. Je pense que la personnalité du lecteur, et son état d’esprit du moment, déterminent l’angle d’attaque et les variantes d’interprétation de ce texte foisonnant. La « quête » du personnage principal est toutefois éclaircie à mes yeux. Mais cet ingénu, idéaliste, philosophe, cherchant le bon chemin, a-t-il la vocation d’un parcours solitaire (tel le moine ou l’ermite), ou bien être une lumière éclairant la voie du salut pour l’humanité en crise ? Dans une démarche prophétique ? Beaucoup de questions posées ? Mais n’était-ce pas l’objectif originel ?
Contribution du : 25/09/2023 08:35
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Re : Le pont Alessi |
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Malitorne
Je crois que les relations entre « fond » et « forme », si l’on peut conserver cette distinction, ne sont pas si simples. Effet d’un « esprit complexe », allez-vous dire. Non, les choses ne sont pas simples, je préférerais qu’elles le soient, mais il n’en est pas ainsi. « Le simple est toujours le simplifié », écrivait Bachelard, c’est-à-dire le produit d’un processus de simplification. Évidemment, je ne fais pas référence ici à la « simplicité » en matière de personnalité. Il faut une « cohérence et une harmonie », dites-vous, entre la « forme » et le « fond ». Nécessairement ? Je ne suis pas un spécialiste de ces questions. Je m’interroge, … tout « simplement » Dans un premier exemple, vous évoquez une « scène d’action », que vous distinguez d’une « description ». La forme consisterait dans la construction de phrases, courtes, brèves, « accélérées », ainsi seraient-elles adaptées au « fond », et que faut-il ‘au fond’ entendre par « fond » ? Des actions brèves sans doute, dans cet exemple, telles qu’on les vit ou les observe hors du langage, ainsi qu’elles s’effectuent hors de la littérature. Fond et forme seraient indépendants l’un de l’autre, l’écriture viserait à les unifier dans une « harmonie », une totalité harmonieuse, où la forme duplique, dans l’ordre de la parole, le fond silencieux, devenu pourtant textuel, lui-même en réplique d’une réalité extérieure. Le rapport ici entre fond et forme serait d’imitation. Que dire alors, dans une comparaison avec le cinéma, plus parlante, de ces images lentes ( équivalentes de la forme en littérature) qui, au lieu de s’accélérer dans certaines actions de luttes, de combats, se ralentissent, usent même parfois du procédé nommé « ralenti » ? Par exemple ces scènes de combat dans Matrix ou d’autres films, dont les noms ne me reviennent pas en mémoire, et qui font de ces scènes de véritables ballets par l’effet de ralenti ? Ou encore ces étonnantes lenteurs, parfois exaspérantes, il est vrai, dans les scènes d’action des westerns de Sergio Leone ? C’est tout un rythme, toute une temporalité qui est en jeu. Il y aurait là pourtant, selon vos critères, une dysharmonie qui ôterait une qualité à ces images, et à ces films. Est-ce vraiment le cas ? N'y-t-il pas plutôt création d’un espace-temps particulier ? La forme ne crée-t-elle pas du fond, au cinéma comme en littérature ? Ce fond qui, de plus, ne se ‘confond’ pas vraiment avec le réel hors du film ou du roman, même le plus ‘réaliste’. La forme, le style ne sont pas nécessairement imitatifs. Votre deuxième exemple porte sur le rapport entre le narrateur et ses personnages. Là aussi, ce rapport est complexe, et très varié dans la littérature contemporaine. Vos options ne devraient pas mener à exclure toute une partie de la littérature d’aujourd’hui. Vous avez tendance, de plus, à vouloir figer les règles de la « nouvelle ». Oubliant que, la nouvelle contemporaine se passe, comme en poésie, des règles ‘académiques’, non pour fonctionner sans aucune règle, non pour reproduire sans cesse un même acte de transgression et de provocation, mais pour mettre en place, avec chaque récit, des règles nouvelles, préservant tout de même des invariants. Quant au personnage de Léon, bien sûr, il mène une vie en dehors de la cité des hommes. Mais ce n’est qu’un épisode de sa vie, cet écart, ce retrait. Rien n’est dit, en effet, de l’origine de son errance en cet écart, ni de sa fin. On est ‘au milieu’, et peut-être le milieu pour toute chose et tout être est-il plus essentiel que l’origine première et la fin dernière, comme on le croit communément. Mais Léon, au moins, a osé ‘faire un pas de côté’, ce que la société actuelle s’avère incapable. Revenir dans le monde social est pour lui une difficulté. On ne veut pas de lui chez les Estrapontins, on lui en ferme l’accès ; il risque sa vie du côté Métapontadine, comme le lui fait remarquer Hermann, lui signalant qu’il a le profil de la victime émissaire. Il est plus exclu qu’en dehors par choix de marginalité. Je préfère aussi, personnellement, l’action collective quand elle est possible, mais Léon se trouve dans une situation particulière, comme l’ont été nombre d’individus, non pas fictifs, mais bien réels, au cours de l’Histoire. Je commenterai bien volontiers l’un de vos textes, lorsqu’il m’intéressera. J’ai lu Pictes, mais je n’ai vu guère d’intérêt dans cette histoire de batailles, et un intérêt très limité dans la légende merveilleuse qui les accompagne. L'écriture dans sa 'forme' quoique aboutie, ne m'a pas semblé ajouter du "fond". Mokhtar Le destin de Léon n’est pas « écrit », c’est le cas de le dire. Il reste à écrire. Dans mon esprit, son parcours n’a pas la solitude pour vocation ; et peut-être rencontrera-t-il des êtres moins en proie à la folie engendrée par la peur que les habitants de Métapontadine, d’autres êtres, femmes et hommes, à la fois humains et clairvoyants ; d’autres communautés peut-être avec lesquelles il pourra se lier, dans le milieu desquelles il sera accueilli. Sa vocation ne me semble pas « prophétique », ( surtout pas ! Méfions-nous des prétendus prophètes. ) mais dans une contribution parmi d’autres, de la part d’un homme à la fois ingénu et éclairé, à la perpétuation de la vie sur terre, une vie plus juste, plus souriante, plus exaltante. Il nous faut, comme dit très justement Aurélien Barrau une « révolution politique, poétique et philosophique » ; il nous faut : « développer les outils politiques, poétiques et philosophiques fondant un tout autre monde ». Léon, lui, se fait explorateur poétique d’un monde nouveau. Il n’est qu’au début de son exploration, il lui faut encore la poursuivre. En poète un peu naïf, il cherche le « beau », et pour citer A. Barrau une dernière fois : « Travailler la beauté est plus urgent et plus radical qu’équilibrer son bilan carbone ».
Contribution du : 26/09/2023 17:02
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Re : Le pont Alessi |
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Citation :
Évidemment, je ne fais pas référence ici à la « simplicité » en matière de personnalité. Et pourtant… Il est évident que je n’ai pas les armes pour débattre avec vous Louis, je le reconnais volontiers. Ma capacité d’abstraction demeure limitée. Je fais ce que je peux avec ce que j’ai, vous répondre intelligemment entraînerait une surchauffe fatale de mes neurones. La simplicité que je revendique va de pair avec une profondeur d’analyse relativement sommaire. En tout cas dans la maîtrise des concepts – ici le fond et la forme – je serais bien incapable de rivaliser avec vous. Je n’ai donc rien à opposer de pertinent à votre démonstration, l’exemple du ralenti au cinéma est bluffant. Bien vu. Je maintiens par contre ma position concernant les règles élémentaires d’une nouvelle et considère que beaucoup sur Oniris n’en sont pas. Écrire un texte court n’est pas suffisant pour y prétendre. Je participe à assez de concours ou d’appels à textes pour savoir de quoi je parle, à chaque fois les organisateurs citent les fondamentaux aux candidats. Ce sont toujours les mêmes, très schématiquement : brièveté, intrigue unique, limitation des personnages et des descriptions, chute frappante. L’ensemble, du début à la fin, doit demeurer accrocheur, le rythme primordial, ce qui pèche à mon avis dans votre nouvelle plus contemplative que dynamique. Un peu plan-plan quoi, tandis que dans Pictes ça défouraille grave ! (humour) L’approche contemporaine que vous évoquez n’y changera rien, d’ailleurs j’ai du mal à comprendre comment on veut à la fois des « règles nouvelles » tout en conservant des « invariants ». Ça peut fonctionner en effet avec la poésie, très codifiée, où il est possible de s’affranchir de la prosodie classique pour s’exprimer. La poésie étant l’art de jouer avec les mots, la liberté est grande. Davantage compliqué avec la nouvelle qui doit respecter un cadre, quel que soit son contenu, sinon elle sort de sa définition même. Je me doute que mes textes ne se prêtent pas à vos commentaires (et certainement pas le prochain à venir s’il parvient à franchir le CE !). Ils se donnent comme ils se présentent, sans double lecture ni sous-couche. Je ne cherche pas à faire cogiter le lecteur mais à l’entraîner dans une aventure, privilégie l’émotion avant la réflexion car sensitif je suis. Ainsi je regrette votre approche très intellectuelle des textes qui vous éloigne d’une certaine classe d’auteurs. C’est dommage mais ça contribue aussi à votre singularité, visiblement appréciée de tous sur le site.
Contribution du : 27/09/2023 17:32
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Re : Le pont Alessi |
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Merci Elena d’être toujours aussi sensible à mes écrits ( qui se font rares, il est vrai).
Tu reconnais plus de qualités à mon écriture, que moi-même je ne lui en accorde. J’ai souvent les yeux rivés sur les défauts qui m’apparaissent dans ce que j’écris, j’ai d’ailleurs depuis la publication du texte apporté quelques modifications à la nouvelle, changé quelques mots, quelques tournures de phrases. Alors c’est une satisfaction d’entendre des voix, comme la tienne, qui mettent l’accent sur les qualités. Je suis d’autre part ému, lorsque tu évoques cet effet d’ « empahie ». Je suis vraiment touché par vos mots, les tiens, et ceux d’autres commentateurs qui ont apprécié ce texte. Merci encore Elena.
Contribution du : 02/10/2023 18:53
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