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Merci pour Qurtuba !
Maître Onirien
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15/01/2011 18:02
De Al Andalus
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Merci à tous/toutes pour vos commentaires sur Qurtuba et merci aux correcteurs qui se sont farcis des mots arabes et religieux compliqués à écrire, parce qu'ils ont souvent plusieurs orthographes possibles en français.

Cela faisait longtemps que j’avais envie d’écrire sur l’Andalousie des trois religions, pour de nombreuses raisons, tout d’abord parce que le Moyen-âge me passionne (comme le savent bien ceux qui suivent en ce moment le roman historique que publie Oniris, « l’ange déchu » sur la sculpture médiévales) et parce que je vis depuis déjà 12 ans dans cette belle région d’al Andalus. ´

Ce qui est particulièrement intéressant sur cette époque, c’est bien entendu le multiculturalisme, le dialogue et les différends entre les trois religions, musulmane, chrétienne et juive… Et ce qui frappe tout spécialement, par rapport à la situation d’aujourd’hui en Europe, c’est de voir à quel point les rôles sont inversés : à Cordoue, les musulmans dominent le jeu, ce sont eux les « civilisés », les érudits, les tolérants alors que les chrétiens sont jugés comme des barbares, intransigeants, fanatiques… Un petit détail croustillant pour illustrer ce thème que j’ai finalement dû retirer de la version finale : Abd al Rahman III, le premier Calife de Cordoue, qui était à moitié basque, se teignait les cheveux et mettait du fond de teint pour avoir l’air plus arabe, il avait honte de sa chevelure blonde et de ses yeux bleus… Bref, tout le texte repose sur l’inversion des rôles, un petit jeu qui invite au relativisme (merci Perle de citer Montesquieu, c’est tout un honneur, effectivement j’avais les « lettres persanes » dans l’arrière fond de ma pensée)…

Ce relativisme m’a permis d’aborder des thèmes brûlants d’actualité en France et ailleurs –les rapports entre islam et christianisme, le multiculturalisme-, et extrêmement difficile à évoquer : je ne sais pas si j’aurais pu, sans cette pirouette historique, parler de manière aussi libre et approfondie de ces sujets, sans me faire taxer d’« islamophobe » ou au contraire d’« islamophile »… En réalité, ici ce relativisme me permet d’éviter le manichéisme, et m’empêche absolument de prendre parti pour un des personnages par rapport à l’autre, vu que le second degré de lecture voulu est un dialogue contemporain, où les rôles sont inversés : le cadi serait aujourd’hui un ministre ou un préfet d’un pays européen, alors que l’évêque serait un imam rigoriste… Du coup, si je blâme trop le cadi de mon histoire, cela veut dire que je donne raison aux communautaristes de notre époque, tandis que si j’accable mon évêque du Xème siècle, je me range du côté de ceux qui prônent un certain « assimilationnisme » (ne cherchez pas, le mot n’existe pas) tolérant en façade mais qui, sciemment ou non, refuse de prendre en compte les inégalités socio-économiques entre les différente communautés.

Cette lecture « moderne » du dialogue entre les deux hommes m’a fait commettre plusieurs maladresses, j’avoue, qu’a très bien relevées socque… J’en étais plus ou moins conscient à l’heure d’écrire mon texte, notamment le terme « culture », très anachronique, mais je pensais que le fait de dire à un moment donné que la conversation s’effectuait en arabe suffisait pour faire passer ce genre de terme (c’est la faute du traducteur, quoi, pas de l’auteur, enfin ! )… Par contre, quand Salman évoque sa crainte des intégristes, ce n’est pas pour moi un aveu d’impuissance, l’idée pour lui est de montrer à l’évêque qu’ils ont tous deux plusieurs ennemis en commun : les muladis (chrétiens fraîchement convertis à l’islam) et les rigoristes musulmans.

En refusant de prendre parti pour un des deux personnages, j’ai finalement décidé de les dénoncer tous deux, l’un autant que l’autre, puisque finalement, c’est le cynisme et la « realpolitique » qui l’emportent… Gilles P. parle de Talleyrand, je m’en réjouis puisqu’effectivement j’avais en tête un film absolument extraordinaire, que je vous conseille très fortement, « le souper » d’E. Molinaro, avec Claude Rich et Claude Brasseur dans les rôles de Talleyrand et de Fouché… Bref, le but de la manœuvre étant de montrer, comme l’ont bien perçu les lecteurs, qu’à la fin c’est toujours le faible qui trinque. En l’occurrence, les femmes, et surtout le muladi, qui est la victime finale du complot entre les deux personnages. Dans les situations tendues entre différentes cultures, le premier bouc-émissaire est en effet, bien souvent, celui qui appartient aux deux camps à la fois, ou à aucun des deux, et qui était censé enrichir le débat, c'est-à-dire le métis, le binational, l’agnostique… Tout parallélisme avec la situation d’aujourd’hui est évidemment voulue.

Pour conclure, voici pour Vendularge, un petit lien pour une image « exotique ». cliquez ici

Sinon, désolé si je n'ai pas cité tous les commentateurs, mais je vous remercie tous et toutes autant...

PS : je ne saurais que trop vous recommander de visiter Cordoue, une ville extraordinaire, et combiner votre tour de l’Andalousie avec Grenade et Séville, pour y découvrir ses fabuleux alcazars. Si vous préparez un voyage dans ce coin là, n'hésitez pas à m'envoyer un mp, je peux vous filer des petits tuyaux...

Contribution du : 09/12/2016 20:59
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Re : Merci pour Qurtuba !
Expert Onirien
Inscrit:
12/11/2015 13:04
Groupe :
Évaluateurs
Auteurs
Membres Oniris
Groupe de Lecture
Post(s): 3231
Hors Ligne
Bonjour Charivari et merci pour vos explications qui bien entendu éclairent ce texte par ailleurs sans ambiguïté sur la suprématie, le raffinement et l'érudition des musulmans dans ce contexte historique, de ce point de vue le discours de l'évêque n'est pas sans intérêt.

Leur joute verbale est centrale et je crois que nos grands politiques ont largement perdu cet art si particulier, j'en parle parce que le pouvoir de ces hommes est politique: ils décident de la vie et de la mort de leur peuple, du droit du commerce et de la distribution du travail. Dans nos contrées occidentales, les religieux n'ont plus cette place.

Les sacrifiés du système sont toujours les mêmes, ceux dont le sacrifice sert l'une ou l'autre cause où ceux dont l'existence ne sert personne.

Merci d'avoir satisfait à cette envie d'exotisme, ce sont vos illustrations qui m'intéressent, j'en ai vu quelques unes accompagnant vos textes, ici où là . J'aime assez qu'une atmosphère picturale vienne compléter un ressenti, et puis, c'est mon côté "conte" et que serait un conte sans ses couleurs. Quelque chose de puéril que j'assume volontiers surtout quand l'illustrateur est talentueux.

Belle journée
Vendularge

Contribution du : 10/12/2016 09:29
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