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1 Utilisateur(s) anonymes
Nombre de syllabes en poésie, E caducs... |
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Apprenti Onirien
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Bonjour,
j'ai un petit problème avec ce vers de Baudelaire au sein d'un poème en alexandrins ("Paysage") : "Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais." En effet, je lui trouve 13 syllabes, donc : - soit je suis trop fatiguée pour encore compter correctement (ce qui n'est pas impossible vu que j'ai un peu de fièvre aujourd'hui), - soit il élide le E de la dernière syllabe de "féériques" (en vertu de quoi ?) et le prononce fé-é-ric. Quelqu'un a-t-il une explication ? Autre souci (toujours dans le même poème, décidément) : prononce-t-on un E muet en fin de mot avant une virgule et devant un mot commençant par une consonne dans le cas où cette virgule n'est pas située à la césure ? Si je ne suis pas claire, voici le vers en question : "Il est doux, à travers les brumes, de voir naître " Cela concerne le mot "brumes" : pour avoir les 12 syllabe, il faut prononcer le E (bru-me), mais dans ce vers ça me parait... comment dire... moche, voilà. Question de rythme. D'accord, c'est purement subjectif, j'en conviens. Si au moins ça cadrait avec le reste du rythme du poème, mais non ! Alors, vos avis sur la question ? Elide-t-on le E devant une virgule si on n'est pas à la césure ?
Contribution du : 21/04/2013 17:51
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"Caressez longuement votre phrase et elle finira par sourire..." (Anatole France) |
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Re : Nombre de syllabes en poésie, E caducs... |
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"Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais."
C'est le "e" de fée qui est élidé, et non pas celui de la fin : "Pour bâtir dans la nuit mes fériques palais." D'autre part, un "E" muet ne peut jamais s'élider lorsque le mot qui suit commence par une consonne, virgule ou pas virgule. En classique ou Néo classique il n'est pas possible d'avoir un tel "E" muet à l'hémistiche d'un alexandrin. Exemple : - "Je riais sur la route, pensant à mes enfants" Mais il est correct d'écrire : - "Je riais sur la route en pensant à mes gosses" Par contre, le "E" muet en fin de vers s'élide (gosses).
Contribution du : 21/04/2013 19:02
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Re : Nombre de syllabes en poésie, E caducs... |
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Maître des vers sereins
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Citation :
"Il est doux, à travers les brumes, de voir naître " Le E final de "brumes" et de l'article "de" suivant ne se prononcent pas de la même façon. Il est tout juste un peu plus marqué que le E final de "forum" par exemple. Quand on prononce un M, on aspire : èm... et on expire : me... qu'il soit écrit ou pas, à la fin de "forum" comme de "brumes". de brumes forum Il y a une même voyelle finale dans ces mots, mais prononcée de trois façon différentes. Mais pour le vers du début, on peut déplacer l'intonation : "Il est doux, à travers les brumes, de voir naître" C'est en 3/3//3/3. On pourrait dire aussi : "Il est doux, à travers les brumes, de voir naître" En déplaçant l'intonation en 2/4//2/4. Elle n'a pas a être régulièrement espacée dans les hémistiches, on pourrait aussi bien lire du 3/3//2/4 si ça donne de l'élan au propos. Quand l'intonation tombe sur un E caduc, ça fait cette sensation de "moche", ce n'est pas que subjectif. En français, on marque d'une intonation la dernière syllabe d'un mot : dans "docteur" on accentue "teur". Sauf si la dernière syllabes est muette : dans "brumes" on accentue "bru". En poésie classique, la dernière syllabe peut ne pas être muette, c'est ce qui donne ces airs de drôles de prononciation. En pratique, ça peut se résoudre aussi en modulant ces intonations, de façon à ce que celle qui a lieu dans chaque mot soit plus forte que celle que peuvent avoir les E quand ils doivent sonner.
Contribution du : 22/04/2013 18:13
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Un Fleuve |
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Re : Nombre de syllabes en poésie, E caducs... |
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Visiteur
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Bonsoir,
Voir cet article : http://books.openedition.org/pup/1185 "Ou bien, quand les deux voyelles sont semblables, il y a contraction, comme cré-é > cré, qu'on rencontre parfois au Moyen Age. " Pour le second vers on a un rythme 3/3/3/3 Il est doux /Za travers/ les brumEs/ de voir naître... qui ne me heurte pas. Amicalement
Contribution du : 23/04/2013 23:25
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Re : Nombre de syllabes en poésie, E caducs... |
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Maître Onirien
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Pour ce vers de Baudelaire, on ne peut vraiment parler de rythme 3/3/3/3 (tétramètre isochrone, pour faire un peu l' érudit) car dans de tels cas l'accent tonique tombe toutes les trois syllabes (ex, Chénier : "Son beau corps/ a roulé/ sous la va/gue marine"). Or cet accent tonique ne peut en aucun cas tomber sur le "e" final d'un mot, qui est muet. Le vers en question se scande 3/3/2/4, comme cet autre vers célèbre de Baudelaire : "A la pâ/le clarté/des lam/pes languissantes".
Contribution du : 24/04/2013 00:40
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Re : Nombre de syllabes en poésie, E caducs... |
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Apprenti Onirien
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Eh bien, quelques jours sans passer lire ce sujet et déjà toutes ces réponses fournies !
Merci beaucoup pour ces éclaircissements, en tout cas. C'est marrant mais avec l'élision du -e- du milieu (ou plutôt du son -é- du milieu), "féric" prononcé ainsi ma fait plus penser au chlorure ferrique qu'au monde du rêve et de l'imaginaire... Merci en tous cas Ludi, je n'avais pas pensé à cette élision. Il est vrai que, chlorure ferrique ou pas, le vers m'est beaucoup plus doux à l'oreille ainsi. Pour ce qui est du E muet à l'hémistiche en classique ou en néo-classique, il me semble l'avoir déjà vu (sans que j'en retrouve d'exemple là tout de suite...). Mais c'était peut-être dans du Victor Hugo, qui avait pas mal chamboulé les règles du théâtre classique avec son Hernani (cf la querelle des anciens et des modernes), donc ce n'est peut-être présent qu'en poésie néo-classique. Effectivement, David, un E final, même lorsqu'il est prononcé, est peu accentué. D'où l'effet "bizarre" du rythme 3-3-3-3, car généralement on accentue la dernière syllabe du "motif", dans ce découpage... ce qui donne l'effet disharmonieux qui me gêne. Alors que cela convient parfaitement au vers que nous cite Miguel. Mais le rythme 3-3-4-2, s'il est plus cohérent, me parait aussi plus heurté, en désaccord avec le thème onirique du vers. Décidément, j'ai du mal à l'aimer, cet alexandrin ! Bon, j'avoue que j'en fait certainement moi aussi dans mes vers, des bizarreries de style, et sûrement des plus malheureuses, mais je ne m'appelle pas Baudelaire ! Par contre, j'ai un peu de mal avec : " le E final de "forum"." => ??? Merci de ce lien, Merseger, j'y reviendrai sûrement. Et merci à tous de vos contributions !
Contribution du : 25/04/2013 09:00
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"Caressez longuement votre phrase et elle finira par sourire..." (Anatole France) |
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Re : Nombre de syllabes en poésie, E caducs... |
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Maître des vers sereins
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Citation :
Par contre, j'ai un peu de mal avec : " le E final de "forum"." => ??? Oui, un son de consonne ne serait jamais final, dans "forum", le dernier son serait "me" et pas "um". Quand on prononce un M, on aspire en fermant la bouche, le "relâchement" forme un E. Toutes les consonnes sont comme ça : des mouvements qui en se relâchant forment une voyelle E, d'une longueur différente et d'une intonation aussi, on prononcera plutôt Bé que Beu pour dire la lettre B. Pour reprendre le vers de Baudelaire, dans sa strophe : "Il est doux, à travers les brumes, de voir naître L’étoile dans l’azur, la lampe à la fenêtre, Les fleuves de charbon monter au firmament Et la lune verser son pâle enchantement." Il place un même E en intonation avant le centre de l'hémistiche : "Il est doux, à travers les brumes, de voir naître L’étoile dans l’azur, la lampe à la fenêtre, Les fleuves de charbon monter au firmament Et la lune verser son pâle enchantement." Ce sont comme des sons "longs", longs parce qu'ils ont la même longueur comme syllabe alors que le son est bien plus bref à l'oral. "lampe à la fenêtre" et "pâle enchantement" font aussi un peu glossolalie avec leurs liaisons en fin de vers pairs, mais à contre jeu des rimes suivies, comme une alternance avec "voir naitre" et "firmament".
Contribution du : 25/04/2013 18:11
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Un Fleuve |
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Re : Nombre de syllabes en poésie, E caducs... |
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Apprenti Onirien
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Merci.
Au vu de la rapidité et de la précision des réponses apportées à ma première question, j'expose mon problème suivant qui concerne également un autre type de e muet (décidément, ils me causent bien du soucis, ceux-là...): Un verbe du premier groupe à la deuxième personne du singulier prend bien entendu un s après le e muet. Lorsque ce mot est suivi d'un son voyelle, prononce-t-on ceux-ci ou pas ? (càd : prononce-t-on le e muet et fait-on la liaison?): Plus clairement, pour le passage suivant :"...tu pleures une..." - dit-on "TU + PLEUR + UNE" (3 syllabes, pas de liaison) - ou bien "TU + PLEUR + E + ZUNE" (4 syllabes et liaison) (navrée pour les orthographes ci-dessus, je ne peux pas utiliser les symboles phonétiques dans ce message.) J'aurais tendance à penser qu'on applique strictement la règle des syllabes et que c'est donc la deuxième solution, mais je trouve qu'elle sonne très bizarre à l'oreille... que la liaison, même si elle est justifiée par l'orthographe, parait malheureuse, "mal-t-à-propos"... Y a-t-il une règle spéciale à ce sujet ? Une exception ? Merci d'avance de vos lumières...
Contribution du : 26/04/2013 22:14
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"Caressez longuement votre phrase et elle finira par sourire..." (Anatole France) |
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Re : Nombre de syllabes en poésie, E caducs... |
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Visiteur
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Bonsoir Hetep...
La solution est la suivante : "TU + PLEUR + E + ZUNE" (4 syllabes et liaison) La règle est simple. Devant le "u" de "une" se trouve une consonne (s) et il ne peut donc pas y avoir élision du "e" précédant ladite consonne. Le "e" de pleure aurait été élidé à la première et la troisième personne du singulier Je pleur(e), il pleur(e) une... Au plaisir
Contribution du : 26/04/2013 22:30
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Re : Nombre de syllabes en poésie, E caducs... |
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Apprenti Onirien
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C'était donc bien ce que je pensais...
Ceci dit, ça reste moche à mon oreille, ou pour le moins étrange... Je vais donc retravailler mon vers de façon à avoir le bon nombre de syllabes, une bonne césure, et une sonorité qui me "charme" mieux l'oreille. Merci Alexandre !
Contribution du : 26/04/2013 23:13
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