L'Opéra d'Heindesville est grandiose. A chaque fois que je franchis son porche majestueux orné de cartouches racontant son histoire, je ne peux m'empêcher de faire un parallèle avec les beautés de l'ancienne Egypte.

Depuis que je suis presque sourd, je préfère les promenades silencieuses au cœur des forêts de résineux qui parsèment la région mais aujourd'hui, je n'ai pu m'empêcher de venir. Je ne veux plus rester inerte devant la maladie. Je dois exercer mon oreille, encore et encore.

J'entre dans la salle d'études. Un soliste répète. Quelques notes sibyllines résonnent mais je sais, au subtil jeu des doigts sur les touches du piano, que je ne les perçois pas toutes. Les sons qui me parviennent malgré mon handicap me semblent voleter dans l'air comme de gracieux confettis et sont un dérivatif à ma solitude. Je m'assied, les larmes aux yeux.

Rien n'est plus beau que la musique.

L’archer tendu, les cordes parallèles sur l’instrument, le soliste entama La Stravaganza de Vivaldi sur son violon. Depuis son balcon, la belle entendit l’extravagant concerto faire irruption dans son intimité et rompre la solitude dans laquelle elle se complaisait. Electrisée par l’avalanche de confettis, notes de musique colorées, elle se mit au piano. Elle écouta d’abord la cadence du violoniste aux attentions sibyllines, puis composa sur les cartouches d’ivoire et d’ébène sur le clavier. Leur petit duo improvisé balbutia un moment. L’un attendait l’autre tandis que l’autre essayait de se mettre au diapason. Dans l’âtre, une bûche de résineux répandit des fragrances moussues de sous-bois. Aussi les deux artistes se transportèrent sans s’en apercevoir au cœur d’une forêt, où la chute des aiguilles de pin retombait inerte sur le sol. Le petit air d’opéra ébauché avait avorté. Le piano s’était tut. La belle était devenue sourde à l’élan musical du malheureux soliste.

Logique de l’histoire : pianos et violons ne s’accordent pas de la même façon.

Hello Siebby,

Prête à relever le défi des 15 mots, mais pas ce soir. En Suisse, on est des couche-tôts et mon cerveau est déjà en veilleuse...

Mais ça va venir.
J'espère voir les textes de bien d'autres amateurs !

A +
ANIMAL

De justesse...!
Le carnaval
Sur la lagune
Comme tous les ans, l'oubli
Des années indésirables
Qui nous toisent, courtoises
Sous les paroles flatteuses
D'un forain, à l'ombre d'un briquet...

Ses canards baignant dans de répugnantes solution aqueuses
Rappel minéral
Au serpent d'Eden
Qui avait poussé l'idolâtre
En lieux et place d'une bonne verveine
à planter ses crocs vagabonds
Dans de bien tendres ficelles

- Allez, viens, ce soir c'est carnaval ! Je me sens d'humeur vagabonde. Si on faisait un tour sur la lagune ?

La ficelle était un peu grosse, je l'admets, mais j'essayais de jeter le voile de l'oubli sur les paroles peu courtoises échangées un peu avant dîner. Même si, d'après mes copines, il m'idolâtre, je crois que cette fois, on avait évité la rupture de justesse.

Je l'observais du coin de l'œil. Il manipulait son briquet d'une main nerveuse. Lorsque son regard se teintait de cette lueur acqueuse, un peu comme celui d'un serpent, je savais d'expérience qu'il était plutôt fâché. Ce n'était pas le moment que se pointe un visiteur indésirable, il aurait passé sa colère sur lui. Je n'aimais pas le voir comme ça. Je m'approchais tout contre lui :

- Descendons un moment au bar... Je sais que tu ne peux pas boire d'alcool en ce moment mais je t'offre une eau minérale ou une verveine.

Il ne put s'empêcher de sourire : c'est ce qu'elle buvait le jour de leur première rencontre...

Ce ne fut pas une mince affaire mais j'ai apprécié l'exercice...


Dans la lagune de l’oubli,
S’égare, indésirable, le carnaval des esprits vagabonds.
En ce lieu, paroles courtoises sont vaines,
L’on idolâtre les pensées minérales,
Qui, tels des briquets, s’enflamment tour à tour avec justesse,
Et embrasent l’aqueuse ficelle couleur verveine
D’un serpent brasillant.

J'ai pigé la ficelle un peu tard. Disons de justesse !
J'ai cru aux paroles courtoises : un petit oubli de précaution.
Tu sais j'ai accepté, la balade sur la lagune : c'était temps de carnaval.

Je t'en foutrais, c'était venin de serpent quand je croyais qu'on m'offrait de la verveine ! C'est comme de croire que tu va profiter de la douceur d'un élément aqueux et que tu te fracasses soudain sur quelque chose tout ce qu'il y a de plus minéral !
On jugeait bien indésirables les vagabonds. Ils m'ont collé au bûcher, et je les ai vu venir, les idolâtres du briquet !