La production française de fantastique est parfois capable de quelques pépites Cherbi, comme le « Règne Animal » récemment sorti et couronné à juste titre de plusieurs Césars. Je te le recommande vivement, film très surprenant, presque dérangeant dans son traitement fort de l’animalité.

J’approuve Marite, c’est fort bien dit de la part de Cox qui rejoint dans ses analyses poussées celles de Louis. Nous voilà avec deux experts (et d’autres), c’est bon pour le site !

Je n'ai jamais dit, Malitorne, que la production Française n'en est pas capable, mais elle ne le fait que trop rarement (au panthéon de ma SF, par exemple, trône "simple mortel" de Pierre Jolivet. Et pas de coût d'effet spéciaux, comme quoi...). Peut-être aussi que les créateur n'osent pas.

Quant à cette idée de vengeance, avec Marite, je ne partage pas tout à fait votre point de vue. Pour moi, la vengeance est sous-jacente mais bien présente, c'est la forme qui lui est donnée qui nous est étrangère ou nous surprend. Et pour cause, on exclus souvent, dans nos contrées rationnelles et bien ordonnées, l'animisme en tant que religion "sérieuse". L'animisme n'en est pas moins une religion comme les autres. J'y vois aussi un lien étroit avec le quimbois, je me trompe?

Ouh la, expert, pas du tout Malitorne ! Bavard, tout au plus, et curieux de partager ma lecture :p
Je ne cherche pas à imiter Louis, mais les efforts et le respect qu’il met dans ses commentaires sont certainement sources d’inspiration !

Je suis bien d’accord qu’il y a une vengeance cherbiacuespe, je ne disais pas le contraire. Il y a bien une forme de destruction de l’identité du contremaître, qui était déjà suggérée dans sa transformation physique (avant de voir émerger la peau noire, il lui a fallu perdre la sienne ; les siens sont tombés, avant que des cheveux crepus ne lui poussent, etc… La métamorphose est destructive avant de reconstruire).
Je soulignais simplement que ça ne se réduisait pas à une vengeance ; qu'on dépassait la notion. Mon message était juste une proposition de réponse aux questions de Vilmon, pas une exégèse exhaustive. Pour l’animisme, je crois bien que ce n’est pas une religion mais une croyance qui peut être partagée par nombre de religions. Mais après, ça va devenir trop savant pour moi.

On est bien d'accord, Cox, finalement. Une vengeance, indiscutable, avec un peu plus que ça. Pour l'animisme voilà longtemps que je veux me plonger dans René Guenon et la religion primordiale. Va bien falloir s'y mettre.

Je ne connaissais pas l'appellation "quimbois" merci Cherbiacuespe... si j'ai bien compris, la pratique viendrait de l'Afrique car ce sont les esclaves ayant conservé des croyances originelles qui les ont emmêlées avec celles rencontrées dans leurs nouveaux environnements.
En ce qui concerne la nouvelle, pour retrouver son fils le marabout a donné en "paiement" aux puissances du "monde invisible" la vie du colon directement responsable du malheur. Est-ce fait dans un esprit de vengeance telle que nous la concevons ??? Difficile pour moi de le dire, c'est peut-être considéré plus simplement comme le rétablissement d'un équilibre entre les forces positives et négatives telles qu'elles sont conçues dans certaines croyances. Enfin, c'est ainsi que je le comprends.

Oui Marite, les esclaves sont arrivés avec leurs religions puis les ont mélangé d'une belle teinte de christianisme, et peut-être, mais là je m'avance, avec des croyances amérindiennes. Après tout, ils étaient là avant tout le monde.

Concernant la nouvelle, je comprends votre conception, je ne la partage pas complétement, voilà tout. Ceci dit, vous faites un rapprochement avec le yin et le yang taoïste très pertinent, qui ne m'a pas sauté aux yeux... Bien vu! Et argument de massue!

Je rappelle, pour les néophytes, que la massue est un instrument de guerre moyenâgeux et individuel, qui se maniait de haut en bas (mais aussi de droite à gauche et inversement, mais là dans un but souvent défensif) et qu'une massue qui s'abat sur un crâne, même bien dur, ça fait des dégâts. Pour les crânes vides, je vous laisse imaginer! Pour la manœuvre de bas en haut... j'ai un doute!

Bonjour,
Je le perçois comme une damnation parce que contremaître subit une transformation magique contre son gré en une personne qu’il ne veut pas être. Le transformer semblable aux membres de la tribut et qu’il parle leur langue ne fait pas qu’il a le mérite d’être un membre de cette tribut et qu’il soit accueilli à bras ouvert. Je crois que pour cette tribut, ce serait une honte et une insulte que cet homme qui les détestait devienne un membre à part entière de la tribut malgré son passé et qu’il n’a pas passé les rites sociaux de cette tribut et n’a pas gagné le mérite d’être un de leurs membres. Un exemple extrême (un peu en lien avec le récit de Luz), ce n’est pas parce qu’un nazi d’un camp de concentration se transforme magiquement en juif qu’il est accueilli comme un frère par les juifs du camp.
Vilmon

Vilmon, raisonnons par analogie, mouton et loup. Je pense que vous voyez d'ors et déjà ce que je veux dire. Si le loup se transforme en mouton, devient un mouton, est un mouton, pourquoi les moutons le rejetteraient-ils? Il n'y a aucune raison de le rejeter. Dans ce texte, on est exactement dans ce cas précis. Cela vaut aussi pour votre nazi si par magie, il se transforme en juif, devient juif, est un juif. Et, à fortiori, s'il se retrouve enfermé dans le camps, puisqu'il est juif.

D'autre part, c'est son "père créateur" qui l'accueille, qui est aussi le sorcier de la tribu. Il y a fort à prier que sa "création" soit donc reçue à bras ouvert, d'autant qu'il n'y a plus aucune ressemblance physique entre le contremaître et le nouvel homme, et, s'il y a contestation, pourquoi pas mais j'ai du mal à l'imaginer, rien n'empêche le nouveau venu de prouver son appartenance.

Je pense qu'il ne faut pas mélanger pomme et poire même si leur goût se ressemble. Le récit relate d'une relation oppresseur/oppressé avec toute la complexité des relations et des comportements humains (qui ne suivent pas toujours une logique cartésienne), la psychologie des classes sociales et des individus. Ce n'est pas une simple équation, il y a du ressentiment, de l'amertume et de la rancune provenant de situations du passé qui ne s'effacent pas facilement. Il y a des liens forgés en unisson contre un oppresseur commun qui ne se défont pas d'eux-mêmes. Je crois qu'il ne s'agit pas que de découper une feuille de papier carrée en forme de rond et de la ranger parmi les autres feuilles rondes.
Vilmon