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1 Utilisateur(s) anonymes
Remerciements aux lecteurs de "Ceux qui préfèrent perdre" (et aux autres) |
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Chevalier d'Oniris
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08/05/2015 22:47 De Buis-les-Baronnies
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J'ai remercié en MP les lecteurs de cette nouvelle ou de cet ensemble de très brèves nouvelles et je voulais profiter de ce remerciement général pour évoquer un sujet qui me tient à cœur et qui se trouve "au cœur" de ce texte, justement: il s'agit de la place accordée à ce "il" dans la littérature (et ailleurs). Par définition, le "il" (ou le "elle"), c'est la troisième personne, celui (ou celle) dont on parle et qui n'a pas droit à la parole ou du moins qui n'a pas la parole centrale, même si "on" peut le laisser parler de façon périphérique (et le "on" dont je parle ici n'est rien d'autre que le "protocole" que l'usage de cette troisième personne engendre de facto). Le "il", en quelque sorte objective, chosifie celui dont il parle.
Certes, le "Il" peut aussi évoquer les Dieux, ceux qui sont au-delà de nos échanges humains, mais souvent le "il" désigne celui qui va être mis à mort, afin que le "je" puisse (en) vivre (se sentir vivre mieux de ce sacrifice humain métaphorique)... C'est fou comme ce "il" (ou ce "elle", dans "Madame Bovary" par exemple), quand je le lis, me semble avoir un côté fatal. Désigner ainsi un personnage, c'est déjà selon moi, le mettre à mort. Là encore, je pense à Girard et à son bouc émissaire. J'ai déjà parlé du "Pharmacon", le remède, le poison et le bouc émissaire... Le "il" en tant que personnage joue souvent ces trois fonctions dans les romans réalistes ou naturalistes. C'est avec ces intuitions-là en tête que je suis allé à mon tour dans cette "pêche aux "ils" "... Ces texte ne sont bien sûr que le début d'une beaucoup plus longue suite de perdants... Qu'est-ce qu'y gagne le nouvelliste?... Et, avec lui, le lecteur? Toute la question est là. Merci en tout cas de m'avoir suivi dans mes méandres. Mauron
Contribution du : 02/12/2015 18:26
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Re : Remerciements aux lecteurs de "Ceux qui préfèrent perdre" (et aux autres) |
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Chevalier d'Oniris
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Hello Alain,
Je me suis toujours demandé ce que pouvait être perdre en parlant de sa propre vie. Une vie ratée n'a pas de sens pour moi. Une vie est une vie. Et vivre avec le sentiment d'avoir eu une vie ratée ne définit pas pour autant la réalité d'une vie ratée.
Contribution du : 02/12/2015 20:36
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Re : Remerciements aux lecteurs de "Ceux qui préfèrent perdre" (et aux autres) |
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Chevalier d'Oniris
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Coucou Phoebus
Perdre et rater, ce n'est pas du tout pareil pour moi... Certains jouent à "qui perd gagne", et il leur faut perdre pour avoir la sensation d'avoir gagné... C'est ce paradoxe-là que j'essaie de traduire aussi dans ce texte. C'est bon de perdre, de se perdre en perdant parce que de toute façon, l'échec est toujours certain tandis que toute réussite est improbable et, de toute façon, provisoire. Certains préfèrent avoir la maîtrise de leur perte comme ceux qui se suicident par exemple. Et puis, qui sommes-nous pour prétendre que quelqu'un aurait raté ou réussi sa vie? Je suis d'accord avec cette formule: "Une vie est une vie"... Et chacun selon moi la vit à sa mesure.
Contribution du : 02/12/2015 21:45
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Ma jouissance est sens ouïr, sans tutelle de sens jouir |
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Re : Remerciements aux lecteurs de "Ceux qui préfèrent perdre" (et aux autres) |
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Chevalier d'Oniris
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Pour le "on", je lisais les portraits avec le "on" définit par Heidegger. Et le mot perdre prenait alors tout son sens. Des gens à la recherche d'une singularité ( le camembert de Rosset) mais englués dans ce "on" qui les pourchasse sans répit.
" Dans l'usage des moyens publics de transport en commun et dans le recours à des moyens d'information, le journal, chaque autre équivaut l'autre. Cet être en compagnie fond complètement le daseïn qui m'est propre dans le genre d'être des autres. A tel point que les autres s'effacent à force d'être indifférenciés et anodins. C'est ainsi, sans attirer l'attention, que le on étend imperceptiblement la dictature qui porte sa marque. Nous nous réjouissons et nous nous amusons comme on se réjouit. Nous lisons, voyons et jugeons en matière de littérature et d'art, comme on voit et juge. Mais nous nous retirons aussi de la grande masse comme on s'en retire. Nous trouvons révoltant ce que on trouve révoltant. Le on qui n'est rien de déterminé et que tous sont, encore que pas à titre de somme, prescrit le genre d'être à la quotidienneté. Le on a lui même ses propre manière d'être. La tendance de l'être avec, que nous avons nommé la distancialité repose sur l'être en compagnie qui, comme tel, est préoccupé par l'être dans la moyenne. Celui-ci est un caractère existential du on. C'est de lui qu'il y va essentiellement pour le on dans son être. C'est la raison pour laquelle il se maintient facticement dans la moyenne de ce qui est comme il faut, de ce qu'on vante, de ce qu'on déprécie, de ce à quoi on promet le succès, de ce à quoi on le dénie. Cet être dans la moyenne, à l'intérieur duquel est tout tracé d'avance jusqu'où il est permis de se risquer surveille toue exception tendant à ce faire jour, toute primauté est sourdement ravalée. Tout ce qui est original est terni du jour au lendemain comme archiconnu. Tout ce qui a été enlevé de haute lutte passe dans n'importe quelle main. Tout secret perd sa force. Le souci d'être dans la moyenne révèle une autre tendance essentielle au daseïn, que nous appelons le nivellement de toute les possibilités d'être." Alain,c'est la raison pour laquelle, la poésie est le moyen d'échapper à la quotidienneté et à l'emprise mortifère du on
Contribution du : 03/12/2015 13:19
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Re : Remerciements aux lecteurs de "Ceux qui préfèrent perdre" (et aux autres) |
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Chevalier d'Oniris
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C'est tout à fait ça, Phoebus, nous sommes perméables au "on" parce que "on", c'est tout simplement ce qui nous unit, cette humanité commune (on, étymologiquement, vient de "homme" et c'est notre condition humaine qui nous "réduit" au "on")... Nous aimons qu'ON nous aime. C'est notre faiblesse d'individus de toute façon soumis à ce qui est "toujours déjà là", à ce fatum social et psychique qui est à la fois notre grandeur et notre limite. Car que serions-nous sans les autres? Rien, bien sûr! Nous ne sommes pas seulement des "être pour la mort" pour reprendre la terminologie heideggerienne, nous sommes aussi (et peut-être surtout) des êtres en lien avec... Et comme vous le dites fort bien, des êtres en recherche de lien d'approbation, de reconnaissance, d'amour.
De fait, et vous le dites aussi, fort heureusement, la poésie et le poète peuvent questionner ce lien nécessaire et nécessairement "aliénant" (au sens étymologique et précis du terme, là aussi). L'autre m'aliène forcément, et cela dès le début. J'apprends à parler pour faire comme et faire avec, pour faire plaisir, je montre patte blanche en parlant afin d'entrer dans la grande communauté humaine par le portail de la mère et du père. Et parler, écrire, c'est tout d'abord se soumettre à des règles, à des contraintes, à des conformismes. Ce que j'appellerais la "Grande Parole". Seulement, il y a aussi cette "petite parole" qui m'est chère, ce moment où quelque chose se dit avec la loi, avec la voix des autres et du Grand Autre, et qui, pourtant, n'est plus tout à fait, n'est plus du tout seulement ce que les autres disent, ce qu"ON" voudrait me faire dire. Mon infinie solitude de vivant s'entend là, et souvent, JE ne veux pas l'entendre, je n'en veux rien savoir, de cette "petite parole" délicieusement "désaltérante" à tous les sens de ce terme, et délicieusement angoissante parce qu'elle me dit que je suis aussi infiniment seul, infiniment mortel et infiniment différent. Beaucoup préfèrent renoncer à l'entendre plutôt que d'en sentir la joie terrible. C'est de ceci que j'ai parlé en cinq chapitres qui se suivent dans ce texte que j'ai appelé: "Petite parole", ici, et qui est, à bien des égards, l'antidote du texte à propos duquel nous parlons... http://wizzz.telerama.fr/intolerablemauron/blog/16983385 Bien amicalement à vous, à toi, Phoebus, et merci pour ces échanges profonds et essentiels. Alain
Contribution du : 03/12/2015 20:17
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Re : Remerciements aux lecteurs de "Ceux qui préfèrent perdre" (et aux autres) |
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Chevalier d'Oniris
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Petite précision à propos de "l'être pour la mort", il est dit que cette traduction, et entre autre celle de Martineau, dans l'ouvrage "Être et Temps" de Heidegger était incorrecte, et a induit de mauvaises interprétations et que le terme allemand est plus proche de "l'être vers la mort".
Contribution du : 03/12/2015 21:41
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Re : Remerciements aux lecteurs de "Ceux qui préfèrent perdre" (et aux autres) |
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Chevalier d'Oniris
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En repensant au caractère singulier du camembert de Rosset, je suis tombé sur un joli petit texte :
Un âne singulier C'était l'âne le plus singulier qu'on pût rencontrer par les sentiers qui montent de Peïrouré aux collines. Pendant le printemps et l'été, passe encore ! Par ses dehors, rien ne le distinguait de tous les autres ânes... A première vue, un âne comme beaucoup d'autres ânes, un âne moyen. Non pas un âne pétulant, un de ces ânes qui sentent encore le lait d'ânesse, qui cabriolent sur les talus, qui ruent dans les brancards, lèvent la croupe et braient comme douze trompettes dès qu'ils reniflent l'odeur enivrante de l'âne, et Dieu sait que c'est une odeur répandue !...Pas davantage un de ces vieux ânes butés, qui marchent le museau entre leurs pattes, sournois, rusés, aigris, la lippe baveuse, méditant la ruade, le coup de dent, l'arrêt brusque, le départ en trombe... C'était un âne discret, le poil gris, bien brossé; un âne à l'oreille nonchalante, un âne à l'oreille modeste; un âne à la démarche mesurée; un âne sans indolence ni bassesse; un âne qui se savait âne et ne rougissait pas de l'être, mais qui l'était bien; qui savait marcher, s'arrêter, repartir, tourner, boire, brouter, regarder, écouter, obéir, tout comme un âne; un âne qui aimait certainement la réflexion; un âne qui avait beaucoup vu, beaucoup appris, beaucoup retenu dans sa vie... Hélas ! toutes ces qualités admirables, qui lui valaient beaucoup de considération dans le village, elles risquaient chaque année, à l'entrée de l'hiver, de tomber dans l'oubli. Cette estime qu'on lui témoignait et dont à part soi il faisait certainement ses délices, il était menacé de la perdre dès les premiers froids de décembre. Car alors cet âne parfait portait de beaux pantalons de velours côtelé, luisant, attachés au poitrail et au cou par des bretelles de cuir bien astiquées. L'échine et l'arrière-train recevaient la protection d'une couverture de laine et un bât sanglé avec soin fixait ce remarquable équipement. H. BOSCO "L'âne Culotte"
Contribution du : 04/12/2015 22:04
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