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Remerciements pour les Oiseaux peu féministes d'Hitchcock |
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Cinq commentaires donc, pas plus, mais de longs commentaires fournis, profonds, chacun d’eux différant des autres. C’est comme les relations humaines, mieux vaut la qualité que la quantité. Alors d’abord, merci à vous d’avoir tenté la lecture d’un texte de 30 000 caractères en catégorie Réflexions, a priori la plus difficile à comprendre — encore que l’ésotérisme stylistique semble bien évalué sur notre parfois très onirique site. Comme il y a des classements sur Oniris, et qu'il faut donc les consulter, j’ai vu que 'Tippi' était 3e sur 80 dans sa catégorie.
À David, le commentateur de l’EL, qui a sans doute influencé favorablement le CE. Oui, tu as raison, j’ai choisi un point de vue militant plutôt qu’une synthèse philosophique. J'ai préféré trancher dans le débat pour laisser se positionner la lectrice ou le lecteur. Un adoucissement de mon discours n’aurait pas survécu aux objections de mes copains/copines féministes, qui m’ont encouragé à sortir de ma zone de confort en écrivant un texte engagé, au moment où je trouvais mille défauts et approximations à leurs propres analyses. Je dirais, sans faire la leçon, mon péché mignon mais je me soigne... qu’il faut prendre les généralisations pour ce qu’elles sont : moins des théories qui s’appliquent au réel à tous les coups qu’une chose destinée à modifier ou enrichir les grilles de lecture que nous utilisons pour interpréter le réel, car en matière de réel, personne n’est objectif, sauf le comportement de la matière dans les sciences exactes… C’est pourquoi il y a des littératures et un travail sur les mots : changer de filtre pour voir le réel, sachant que toucher au symbolique, c’est aussi toucher au réel, en différé ; parler, écrire pour rendre le réel plus juste, plus humain, aimable. Sur ce sujet, aucun d’entre vous cinq n’a pensé à me reprocher d’avoir pris un film antiféministe (où le discours stigmatise une domination masculine et victimise les femmes) plutôt qu’un film féministe qui donne les solutions… Autrement dit : un film à critiquer plutôt qu’un film à exemplifier. C’est que je n’en ai pas trouvés ; peut-être qu’il en existe et qu’ils n’ont pas eu de succès. Les dessins animés de Disney/Pixar sont souvent dénoncés pour leur phallocentrisme naturel, avec des héros qui deviennent eux-mêmes et des princesses qui ont besoin d'être secourues et sauvées ; et quand ils tentent le féminisme, les héroïnes émancipées au début du film paient cher de l’avoir été, avant de rentrer dans le moule. (Les hommes aussi rentrent dans le moule mais celui-ci leur est plus favorable d'un point de vue "moderne".) Je n’ai pas compris : « Une fiction hors de ce cadre ne trouverait sans doute pas la même latitude, pour ne pas apparaitre comme militant, c'est à dire comme un discours interne à un collège de gens du même avis dès avant les propos, où les arguments s'aiguisent comme des armes. » J’espère m’adresser tout de même à ceux et celles qui ne sont pas convaincu-e-s par avance, ou leur donner du grain à moudre s’ils n’ont jamais pensé à voir la phallocratie imposé, suggérée par le cinéma… Socque, merci pour votre intérêt et pour avoir remarqué la structure. J’ai pensé à mon professeur de musicologie, qui revenait toujours aux mêmes notes et aux mêmes mesures de façon différente, ayant enrichi l’approche par de nouvelles lumières, tout en avançant insensiblement dans le déroulement de la partition. Le fin du fin, ai-je toujours pensé, serait d’intégrer les digressions dans la progression. Est-ce que j’y arriverai la prochaine fois ? Pepito, alors Pepito, il a deux faces, comme les biscuits nappés de chocolat d’un seul côté. Enfin bon, moi, je préférais les Granolas jusqu’à ce que je te rencontre sur Oniris. Côté tout choco : bah oui, c’est la puissance céleste, Ouranos, dieu primitif chez les Grecs, qui fait des bisous à Gaïa, plus connue. Côté granulé : c’est ma première analyse de film, après plusieurs "simples critiques" de cinéma. Tu dis que plusieurs des critiques émises pourraient être adressées à d’autres films : je le prends comme un compliment, ayant réussi une généralisation. Cela dit, j’aurais dû préciser que plusieurs de mes remarques s'appliquaient aux autres films. Bon, là, le parti pris était clair, croiser le féminisme et le mystère d’un film célèbre pour son mystère (de quoi les Oiseaux sont-ils la métaphore ? disaient les gens avant MASO (Mon Arrivée Sur Oniris). Disons qu’il y a une partie antiféministe propre au film (tuer Melanie et en faire un exemple pour protéger la phallocratie) et une partie phallocrate plus habituelle au cinéma, qui reflète la réalité (sans doute en l’exagérant même à l’époque des Oiseaux, 1963). C'est clair qu'on est moins virils en vrai qu'au cinéma, enfin je parle pour moi. Après quand on va au cinéma on se dit, ouf ! je suis du même côté que le grand baraqué qui a toujours raison. Ah ah tu as tout compris sur les psys. Oui, j’adore les psys, je devrais en épouser une, comme ça, je pourrais l’analyser :) Mais je préfère encore les Granolas. Widjet, c'est sympa de passer voir un de mes textes. Il existe un commentaire de Vertigo à la fin de la Marque du sacrée de JP Dupuy, présenté comme son livre le plus synthétique. J’ai trouvé le début de l’ouvrage difficile alors j’ai laissé tomber mais on m’en a dit du bien de source sûre ; et Dupuy est un illustre disciple de mon maître à penser, René Girard. Je suis content que tu remarques la simplicité de mon propos, en ligne directe avec ma « résolution » d’écrire des textes limpides, bien développés — même si c’est mon texte le plus ésotérique qui a été le mieux plumé. Merci pour tes félicitations, de la part de quelqu’un qui s’y connaît en lectures oniriennes (ce qui est aussi le cas de socque)… Lobia, merci pour votre lecture. Oui, Hitchcock a voulu renouveler le succès de Psychose et vous savez que si les écrivains ratent un texte, ou ne trouvent pas son public, ce n’est que partie remise ; au pire leurs cotes dégringolent auprès des journalistes s’ils sont très célèbres. Alors que les réalisateurs qui ratent un film sont ruinés, entraînent dans leur chute des collaborateurs, tombent en disgrâce auprès des producteurs, et ne peuvent plus faire leur métier. D’où le besoin impérieux d’utiliser les procédés qui fonctionnent, les procédés éprouvés. Aussi la « patte Hitchcock » n’est pas qu’une proposition artistique, c’est aussi « un truc qui marche à chaque fois » et rentabilise l’affaire. Donc là, je suis d'accord avec vous. Mais les grands cinéastes ont joué sur les deux tableaux et ont remporté la mise tout en marquant les esprits. Aussi, si vous regardez à nouveau les Oiseaux après avoir lu mon analyse, je pense que mon hypothèse vous semblera être la bonne, car trop d'éléments concordent. Plusieurs critiques fonctionnent sur les autres films mais comme je le disais plus haut, mon texte précise « le film n’est pas platement phallocrate, il est antiféministe. » Ce n’est pas comme dans les films d’Eastwood, un réalisateur qui ne cesse de magnifier la virilité ; plus c’est viril, mieux c’est, dit Clint, et cela commence dès la trilogie de Leone. Par exemple, dans son remarquable Invictus, Nelson Mandela au pouvoir s’abstient de toute revanche sur les Blancs et parvient à hisser le pays à un niveau de réconciliation spirituelle, en révélant ce qui est de plus beau dans l’homme… mais il n’y a que des hommes et les femmes sont des épouses discrètes ou des domestiques noires au service de familles blanches ; le salut ne les concerne pas. Ce n’est pas un film antiféministe, c’est un film humaniste qui suppose une phallocratie naturelle, qui n'est pas mise en question et qui part d’une situation réelle, un pays où le féminisme n’était peut-être pas une priorité. La plupart des films à succès, je pense, sont fondés sur une représentation avantageuse de la virilité, sauf si le sujet spécifique au film porte sur une défaillance masculine comme dans Un homme un vrai des Larrieux. Quant aux films d’initiation, ils sont centrés sur un personnage masculin, sauf Alice de Lucke et Jackson de 1951 et le Voyage de Chihiro, en ajoutant la récente Coraline. On peut trouver d’autres films « pour hommes » antiféministes mais ils sont moins nombreux dans la mesure où l’antiféminisme ne peut être distillé que de façon cachée afin d’échapper aux flèches politiquement correctes qui vous ternissent une réputation. Je pense au dernier James Bond : au début, il rate sa mission parce que son coéquipier et son chef sont des femmes et à la fin, une fois qu’on s’en est débarrassés, James Bond retrouve son génie et sa force. Quant aux petites comédies amoureuses « pour femmes », elles brocardent les défauts de la féminité au lieu de proposer une émancipation… Oh si vous détestez la psychanalyse, on va bien s'entendre Lobia :) ... même si le machisme ne date pas de Freud, qui se contente de l'essentialiser. On se souvient du fameux : « L’ambition sociale chez une femme est le résultat du névrose. » Hop, la moitié du gouvernement en thérapie de groupe ! Juste, si vous me permettez de vous remettre, le « phallus » ne désigne pas un godemichet vivant mais quelque chose de plus métaphorique… C'est Marie Bonaparte offrant de l'argent à Freud qui le refuse alors qu'il en a besoin, et qui lui dit, du moins dans le téléfilm mettant en scène Catherine Deneuve : "Ma fortune est la partie masculine de ma personnalité [et c'est pourquoi vous en avez peur]." *** Après les conseils à ceux qui se considèrent comme débutants en écriture, après ceux donnés pour rédiger un bon commentaire, que diriez-vous d'une liste de recommandations pour réussir ses remerciements ? :) En tout cas, merci à vous cinq, et salutations amicales.
Contribution du : 13/08/2013 22:20
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Re : Remerciements pour les Oiseaux peu féministes d'Hitchcock |
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Maître W
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Merci à toi.
5 commentaires, seulement. Pas juste, ça. W.
Contribution du : 13/08/2013 23:00
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Re : Remerciements pour les Oiseaux peu féministes d'Hitchcock |
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Onirien Confirmé
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je suis d'accord avec Widjet, 5 c'est pas assez ! Les GL et CE sont "trop" efficaces, "trop" rapides. Les textes passent trop vite, pas le temps de les lire et de découvrir les perles...
Contribution du : 14/08/2013 00:36
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Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d'eux. (René Char) |
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Re : Remerciements pour les Oiseaux peu féministes d'Hitchcock |
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Onirien Confirmé
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@ renaud : vous avez raison, le phallus désigné par Freud était métaphorique. Malheureusement beaucoup d'hommes l'ont oublié ou n'ont rien compris, ils sont persuadés que posséder cet appareil uro-génital fait d'eux les maîtres du monde, si si je vous assure, ça existe.
Mais vous avez bien fait de relever !
Contribution du : 14/08/2013 01:13
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Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d'eux. (René Char) |
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Re : Remerciements pour les Oiseaux peu féministes d'Hitchcock |
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Maître des vers sereins
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11/02/2008 03:55 Groupe :
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Citation :
Je n’ai pas compris : « Une fiction hors de ce cadre ne trouverait sans doute pas la même latitude, pour ne pas apparaitre comme militant, c'est à dire comme un discours interne à un collège de gens du même avis dès avant les propos, où les arguments s'aiguisent comme des armes. » J’espère m’adresser tout de même à ceux et celles qui ne sont pas convaincu-e-s par avance, ou leur donner du grain à moudre s’ils n’ont jamais pensé à voir la phallocratie imposé, suggérée par le cinéma… Dans le commentaire que je faisais, je comparais la nature de ce que faisait Hitchcock, une fiction, à ce que je lisais, une analyse, en avançant que la portée de la première l'emportait forcement sur la seconde. Dans la citation de ce que j'ai dit, je me rends compte qu'il ne peut y avoir d'inversion entre les deux, ou que ça ne résout rien en tout cas pour la pertinence, vu qu'une fiction contre l'anti-féminisme serait plus visible, surprenante/provocante pour son thème, qu'une fiction pour. Autrement dit, vu le sujet, il était plus simple de trouver "un film à critiquer plutôt qu’un film à exemplifier" comme analyse, et d'autant plus comme création.
Contribution du : 14/08/2013 01:38
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Un Fleuve |
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Re : Remerciements pour les Oiseaux peu féministes d'Hitchcock |
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Maître Onirien
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07/02/2011 18:15 Groupe :
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Bonjour Renaud,
Je me permets d'intervenir sur votre fil suite à cette phrase : Citation : À David, le commentateur de l’EL, qui a sans doute influencé favorablement le CE. Le CE donne ses avis sans tenir compte des coms GL. Il ne s'agit pas de minimiser l'apport de ceux qui commentent en EL, ils sont suffisamment rares pour qu'on les encourage encore et encore (j'en profite pour rappeler que la sélection GL fonctionne jusqu'à la fin du mois d'août). Simplement, leurs avis n'ont pas d'incidence sur ceux du CE. Je referme la parenthèse et vous rends votre fil.
Contribution du : 14/08/2013 08:40
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Re : Remerciements pour les Oiseaux peu féministes d'Hitchcock |
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Expert Onirien
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17/04/2012 21:15 De Capens
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7576
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Bonjour Renaud,
5 commentaires... au mois d’Août... avec cette chaleur... sur une analyse de film... C'est plus des commentaires, ce sont des messages de potes ! Ahhh... quel affreux ce Pepito !
Contribution du : 14/08/2013 13:04
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Celui qui écrit dans mon dos ne voit que mon… (Adage du banni) |
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Re : Remerciements pour les Oiseaux peu féministes d'Hitchcock |
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Maître Onirien
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22/02/2010 10:47 De Luxembourg
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Je plussoie Pepito ^^ J'ai lu le texte aussi, avec assez de facilité et même du plaisir, je rédigerai un commentaire demain :)
Contribution du : 14/08/2013 14:57
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Re : Remerciements pour les Oiseaux peu féministes d'Hitchcock |
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Visiteur
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Merci les poteaux tout choco, parapharmaceutique, et à toc-art pour sa précision et éclaircissement. D’accord avec toi David, le cinéma est plus convaincant, impressionnant, surtout auprès des enfants ; d’ailleurs c’est la dernière phrase de l’analyse ; mais un texte toutes choses égales par ailleurs va plus profond et engage davantage le lecteur, je pense, par la formulation, l’articulation. Une différence principale, je pense, c’est la diffusion : beaucoup de cinéphages, peu de lecteurs/trices. Cela dit, je crois que la fiction peut être supérieure à l’argumentation. Cette dernière est dominée par l’auteur (au mieux) alors que la fiction peut dire beaucoup plus de choses en moins de temps, avec des raccourcis, des choses plus vraies dont la philosophie ne saurait rendre compte.
Merci Lobia pour votre remarque ; concernant l’association puissance sociale/anatomie masculine, elle est très ancienne, je crois que Freud l’a décrite et non inventée, mais au lieu de la remettre en question, il l’a essentialisée en disant « voilà pourquoi les hommes sont mieux ». Lalère...
Contribution du : 14/08/2013 17:16
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Re : Remerciements pour les Oiseaux peu féministes d'Hitchcock |
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Visiteur
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Merci Acratopege pour votre passage et votre évaluation positive. Oui, je pense qu’il y a une peur du féminisme castrateur, cependant je ne l’ai pas trouvée dans le film. Melanie n’est pas dangereuse, sauf par extension pour un esprit de 2013. J’évite d’utiliser les catégories psychanalytiques toutes faites qui tombent comme des évidences et qui ne décrivent pas la réalité, serait-ce celle d’un film. Je dirais que le féminisme et la réaction au féminisme n’en sont pas encore à mettre des hommes en porte-à-faux entre une obligation de dominer les femmes et des femmes réelles qui les domineraient socialement. Je ne connais pas l’état de la condition féminine en 1963 mais je dirais que c’est le tout début ; qu’il y en a eu assez pour inspirer à Hitchcock ces oiseaux réactionnaires mais pas suffisamment pour faire le tour de la question dans les esprits. J’ai voulu rester près du film, même en assumant mon appartenance non neutre à l’année 2013, 50 ans plus tard. J’ai essayé de ne pas surinterpréter, en vérifiant les images et les répliques et d’après moi, il n’y a pas de prise de pouvoir des femmes ; elle n’est que très lointaine, facile à deviner rétrospectivement en 2013, mais pas sensible ; si j’avais surfé sur des extensions et des déductions rétrochronologiques, je serais passé, je pense, à côté de mon sujet et je n’aurais pas évité les platitudes. J’ai de la considération pour ce que vous écrivez, cependant j’écarte les interprétations herméneutiques, coup-de-poing mais convenues comme "l’oiseau-phallus dans sa cage-utérus" : d’après moi, ce sont des grilles rigides ou des projections fantasmatiques de la part de l’analyste ou encore l'expression d’un désir de deviner à peu de frais ce que les autres ne voient pas, et qu'ils ne peuvent pas voir parce qu'elles n'existent pas. Ces grilles ont été caricaturées dès Flaubert dans Bouvard et Pécuchet encore que l’exercice d'associations et d'interprétations ésotériques, s'il s'accompagne d’une connaissance approfondie des cultures archaïques, peut donner des chefs-d’œuvre comme le Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier. D’après moi, ces associations sont heuristiques mais ne doivent pas se substituer à un discours qui se veut rationnel. Je reste d'accord sur les oiseaux comme mécanisme défensif du masculin, puisque c’est ma thèse, et j’ajoute : comme genre des hommes et comme neutre de l’humanité ; car les apocalypses craintes concernent autant l’effondrement de la société que l’effondrement de la domination masculine, sans compter une émancipation des femmes qui peut générer angoisse en lieu et place de la jouissance d'une plus grande liberté. (Je développerai peut-être un jour l'idée que le lien entre cette émancipation et l'augmentation du bonheur collectif est un mythe, car plus les gens sont égaux, plus ils sont rivaux.)
Vous dites que le chapeau de Mitch est féminin et que le féminin fond sur le masculin, l’oiseau, pour l’attraper. Est-ce parce qu'on parle aux petits garçons de leur petit oiseau ?? C’est Mitch, le héros-presque-parfait, qui utilise son chapeau (d’homme) pour capturer un petit animal qui par sa faiblesse, puisqu’il faut faire des associations traditionnelles, est féminin-passif et non masculin-actif, quand il vole dans la boutique, il est féminin-actif, c'est-à-dire pour reprendre mon adjectif dissipé. L’association femme-petit oiseau est consommée par le film lui-même quand Mitch remet l’oiseau dans sa cage et conclut : « Rentrez dans votre cage, Melanie Daniels », une réplique qui ironise sur les libres-associations freudiennes, fait mouche auprès de Melanie et qui m’a inspiré mon premier sous-titre : « Remettre la femme dans sa case ». Stony ! Merci pour tes remarques, toutes pertinentes. Je n'en attendais pas moins de toi. Oui, comme tu dis, le nombre d’indices semble suffisant pour suggérer que l’hypothèse est pratiquement certaine. Mais je ne l’ai empruntée à personne et j'en veux pour preuve le récit de ma trouvaille. Je suis d'abord tombé sur une série d’articles féministes qui décortiquaient les représentations des sexes au cinéma. Ainsi, James Bond ou les adaptations de contes de fée par Disney et Pixar en prenaient pour leur grade, et les auteurs démontaient tous les rouages de la machinerie pour dire combien la signification avancée différait considérablement avec la signification réelle du film. Mon premier mouvement a été de tout rejeter en bloc, par mimétisme, étant donné que les articles rejetaient en bloc toute défense réactionnaire, et tu sais que je suis plus traditionnaliste que progressiste. Et puis j’ai revu les films analysés, pour voir d’un autre œil, féliciter les auteurs et enfin former le projet de les imiter à travers un exercice de style. Pour des raisons personnelles qui ne présentent aucun intérêt, j'ai pensé tout de suite à Marnie, d’Hitchcock, une névrosée qui se fait psychanalyser par son mari, présenté comme le sauveur. J’avais toujours rêvé de sauver une femme comme ça, et même deux et dix, tout en leur imposant mon « amour » rédempteur (en réalité une véritable plaie pour la femme-victime-patiente), d'autant plus qu'au terme de toutes ces violences et profanations, elle guérit : elle en avait donc besoin. Bref, j’ai pensé à Marnie puis à l’autre film avec Tippi Hedren, les Oiseaux, qui m’a paru beaucoup plus simple à analyser, et dont le fameux « mystère de la dernière image » m'interrogeait, jusqu’à ce que le croisement s’impose comme une évidence : c’est Melanie qui déclenche les hostilités. On ne le voit plus en 2013 parce que Melanie nous semble au contraire rétrograde, réservée, avec une pointe de malice qui ne choque plus personne, avec une Lydia qui est la seule à se méfier d’elle et qui représente une époque antédiluvienne… Le film a perdu de son intelligibilité. En replaçant le propos à sa date de sortie, 1963, tout est devenu très logique. C’est ainsi que j’ai trouvé mon hypothèse, et non pas en la copiant sur un internaute que j'aurais plagié sans prévenir les lecteurs et lectrices d'Oniris, ou sur ces sources que tu assures multiples mais que tu ne citent pas. Aussi, je reste momentanément sceptique sur la célébrité de mon explication... Concernant la charge féministe, j’ai considéré que c’était la loi du genre. Ce qui m’intéressait, c’était de n’instruire qu’à charge. On rejoint là l’objection de David. J’ai procédé en adhérant au discours militant, qui entend rééquilibrer par son absence d’équilibre ou plus exactement par un rééquilibrage de l'auteur lui-même. Par exemple, pour développer le paragraphe sur la personnalité unique des personnages masculins, j’ai exposé l’idée que les hommes, tout dominants qu’ils étaient, n’en étaient pas moins dominés par leur domination : de sorte que c’étaient eux qui allaient au charbon, exposaient leurs corps aux attaques des oiseaux dans le film, protégeaient leurs familles, allaient à la guerre pour la patrie, exerçaient des métiers dangereux ou pénibles, étaient soumis à la rivalité dans la sphère sociale (ce que Victor Hugo nomme le diable, dans la citation que je fais de lui) alors que les femmes restaient au chaud avec les enfants, avec des activités plus douces, même si la corvée du linge durait des heures. J'ai considéré le passage et je me suis dit : c'est tout sauf féministe. Donc je l'ai enlevée. Et l'absence de cette idée rééquilibrante mais masculiniste m’a permis de mettre mon esprit dans la disposition de critiquer les hommes, de me battre contre moi-même, contre mes abus de pouvoir, contre des idées comme "si le patriarcat existe, j'aimerais bien en bénéficier" car c'est quelque chose de plus invisible et à vrai dire il est assez facile pour un homme de fasciner une femme de son âge ou plus jeune dans la mesure où la séduction et l'érotisme sont ancrés dans la domination masculine. Dominer les femmes est la manière d'être viril le plus naturelle ; même sans les victimiser, il leur impose sa façon de voir les choses, sauf si elles sont particulièrement vigilantes et qu'elles ont réfléchi et fait des études poussées (ce qui leur repousse le problème plus haut dans la hiérarchie). — Donc, voilà, je n'ai pas voulu « tout dire » et j'ai préféré creusé un seul sillon, tête baissée, laissant le texte militant vous positionner comme vous l'avez tous/tes fait. Je continue à lire ton commentaire... Si tu lis le passage concerné, je n’ai pas dit que les femmes étaient heureuses dans le film : « La femme émancipée, même faiblement émancipée, n’est pas heureuse. Contrairement à Annie, Lydia, Cathy, la mère hystérique, l’oiselière et la serveuse au restaurant, elle n’a pas sa place, elle n’est pas à sa place. » Je te remercie pour les relevés directs, qui me permettent de vérifier si le sens que je voulais exprimer a vraiment été compris. Je n’ai pas inclus l’ornithologue dans la liste des femmes pas à leur place, car les hommes et les oiseaux lui ôte sa légitimité, ce qu’elle ne conteste pas en restant de dos, affligée d’avoir tort après tant d’assurance usurpée. Je n’avais pas pensé à l’automobiliste qui fume à la station et commet donc une gaffe totale, merci pour cette indication Stony, que j’essaierai d'utiliser dans une version prochaine de mon texte. On n'est jamais de trop pour voir ce qu'il y a à voir... Ici, le personnage a troqué le bon sens attribué aux hommes par un comportement à risque, lui aussi masculin mais irresponsable ; et quoique personnage très secondaire, simple figurant, c’est lui qui allume l’incendie. Cependant, s’il n’entend pas la mise en garde, c’est parce que cinq ou six personnes dans le restaurant, dont Melanie, crient ensemble « attention ! attention ! » au lieu de ne laisser qu’un.e d’entre eux donner l’indication « ne jetez pas l’allumette car il y a une traînée d’essence par terre ». L’ironie veut que ce soit en partie à cause de ces cris désorganisés que l’homme laisse tomber son allumette ; mais ce ne sont pas des piaillements féminins, il y a des hommes aussi qui perdent la tête devant le risque. Concernant la référence biblique du fléau, le principe du film est clairement inspiré des plaies d’Égypte en effet. C'est quelque chose que je pourrai préciser, sommairement, sans entrer dans les détails religieux, car ce n'est pas le propos (quoique ce soit toujours le propos dans l'absolu). Eh bien, je dirais que l’image d’un Dieu vengeur (un dieu de transition entre l’archaïque et le chrétien) me fait penser à un conflit réel entre deux groupes sociaux, que les vainqueurs auraient voulu faire passer pour un châtiment divin, afin de s’innocenter et de rejeter la faute sur un dieu qui n'a pas son mot à dire. Je veux dire par là qu’il ne suffit pas de dire « fléau divin » pour ancrer un film dans un texte et de renvoyer la lectrice à ce texte en laissant supposer qu'elle le connaît. Pour un texte argumentatif, si j’avais exploité ce filon égyptien, il m’aurait fallu savoir de quoi je parle et étudier mon sujet. Ton objection me fait penser à celle d’Acratopege qui dit oiseau=phallus et qui semble considérer qu’il a tout dit, jouant sur cette espèce de micmac psychanalytique absolu « Vous êtes manipulé par votre inconscient et je vous connais mieux que vous-même » en échange de quoi « Vous pouvez à votre tour postuler un inconscient collectif et croire comprendre la société, les œuvres et votre voisin mieux qu’ils ne se comprennent. Il suffit de citer les associations d’idées les plus invraisemblables disponibles en stock d’ailleurs il suffit d’énoncer le noms des appareils génitaux de chacun pour avoir raison et s’il y a des protestations puritaines c’est qu’ils ont besoin de se faire soigner. » deux phrases qu’on peut aussi résumer par : « Laisse-moi te dire que tu es névrosé comme ça tu pourras dire que la société est schizophrène ». Existe aussi en version antireligieuse : « Vous ne savez pas qui vous êtes parce que vous croyez encore aux fadaises millénaires. Je vais vous éclairer à l'aide du XVIIIe siècle mais vous n'allez rien comprendre, vous adhérez à la religion comme les moules à leur rocher. » Soit on est malade, soit on n'est pas assez moderne, et le développement personnel sur ce point est limpide : si vous ne montez pas dans la hiérarchie, c'est parce que vous ressentez de la culpabilité judéo-chrétienne. Il y aurait des bibliothèques à remplir pour déconstruire tout ça, mais pour en revenir à notre sujet, c’est pourquoi l’explication corbeaux = curés, me laisse aussi froid que chapeau = utérus. Même toi tu n'y vois pas des curés, tu infères que l'inconscient collectif y voit des curés à la place des corbeaux. C'est avoir d'autrui une perception bien folle. Peut-être ai-je procédé moi aussi à des projections séduisantes, mais alors par défaillance. Concernant ta proposition d’un texte sur les Tontons flingueurs, ça ne me dit rien pour le moment. Concernant les subtilités en marge du militantisme, j’en ai laissée une malgré tout : Mitch n’est pas un don juan comme il se doit, alors qu’il a Annie à sa disposition en claquant des doigts (elle a déménagé rien que pour habiter dans le même village que lui !) J’ai songé au puritanisme sexuel ou à la censure à ces époques, notamment dans les pays anglo-saxons, où on ne couchait pas comme ça aussi facilement, alors que le Don Giovanni de Mozart, très antérieur, ne s’en prive pas. Peut-être que cela aurait entaché l'image de Mitch au lieu de l'améliorer comme je le pense. Je n’ai pas traité le thème de la censure, pour éviter de répéter des clichés… ... sachant que dans l’absolu, je sais très peu de choses. Si je me fais aussi péremptoire, c'est aussi pour rentrer dans le lard des gens ou inversement pour agiter la muleta. Olé ! Merci pour la lecture de ce message très long.
Contribution du : 15/08/2013 15:16
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