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Re : Rocky Road : l'histoire d'une obsession
Maître W
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19/01/2008 01:44
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Ninj’

Sûr que je l’attendais de pied ferme ton commentaire, tu t’en doutes bien (et puis je t’ai assez emmerdé avec ça).

Merci beaucoup pour tes gentils mots sur l’écriture (je me suis appliqué au mieux pour faire avancer un texte au rythme d’escargot, quitte à répéter certains procédés comme soulignés par toi et Selenim) et sur ce qui a marché visiblement (ambiance, personnages…ce qui était mes deux objectifs majeurs)

Je ne sais pas si tu liras le forum depuis le début, dans le doute donc, je vais revenir sur le point qui te chagrine le plus à savoir l’identité de l’assassin. Pour toi, le doute ne semble pas permis et je peux comprendre cette déduction (la majorité pense comme toi, même moi…en fonction des jours !). Du reste, elle est très plausible, mais – et ce n’est pas par esprit de contradiction, crois moi - je te dirais que la réponse pourrait différente. De tous les indices que tu as fort justement remarqués et remontés, SEULE la fin des meurtres après le départ de la famille Kearns est un élément véritablement suspicieux, un fait concret, réel et qu’on peut constater (sans pour autant que cela signifie une preuve, tu en conviendras) et qui pourrait permettre qu'on accuse Kearns.

Tout le reste (irrecevable auprès d’un juge), bah ma foi…

1) Le verrou : c’est un verrou, mais qui ne revient suspicieux que parce que Danny en a rêvé dans un songe qui pourrait être prémonitoire. Ou pas.
2) La griffure : certes, tu ne crois pas au motif du chat. Tu as raison, moi non plus ! Mais, cela pourrait-être autre chose (une maitresse ?) et pas nécessairement une enfant qui se défend.
3) Les confessions : comme tu le dis, elles sont à demi audibles. Et donc sujettes à toute interprétation.
4) Idem pour le truc trop gros qu’il mange (pas un chewing-gum, ok, mais pas nécessairement cette confiserie) et un emballage dont la couleur pourrait être rose… ou pas.

Je ne parle même pas d'autres élements (croyance exacerbée et absence d'enfants chez les Kearns...)

La plupart de ces pistes (et c’est un grand confort pour moi que de mettre planqué derrière cela !) reposent surtout sur l’état délabré du flic. Tous ces éléments suscités surviennent alors que le flic n’est pas dans son état normal (ivre et drogué). A cela s’ajoute d’autres paramètres psychologiques suggérés au lecteur (obsession de l’échec, explosion de la cellule familiale, sentiment d’impuissance et de paranoïa…) qui pervertissent sa vision des réalités.

Mais ne te méprends pas : en disant cela, je ne disculpe aucunement le voisin.

En résumé, j’ai tenté de créer un soupçon…sans donner aucune certitude (absence de preuves une fois encore).
Ce que j’avais en tête, me demandes-tu ? Euh…sans doute interroger le lecteur sur une seule question : est-ce que Danny à un moment donné aurait pu sauver Jenny et par extension de façon sous entendu a-t-il laissé filer le tueur alors qu’il était à sa portée? Enfin, ce que je voulais aussi c’est un peu ce que tu as ressenti à savoir que dans un premier temps le lecteur qui reçoit en masse et de façon si peu subtile, voire grossière (je peux en convenir) et dans un temps très rapproché (notamment, la griffure, le verrou, le pseudo chewing-gum…) ces indices que j’ai cité et que tu as noté lors de ta lecture, que ce lecteur donc puisse se dire « Bien sûr, que c’est l’Irlandais qui a fait le coup ! ».

Mais qu’ensuite, avec le recul, ce même lecteur puisse faire ce diagnostic « attends, attends…ces indices finalement reposent réellement sur quoi ? ».

Je trouve très pertinent ta suggestion sur une révélation finale 40 ans après les faits par exemple en effet en mettant en lumière un élément connu de toujours mais qui aurait échappé à Danny à l’époque dans les années 50. Cela reste une bonne idée, même si j’hésite un peu car je trouve aussi cette solution un peu facile (alors qu’il a ressassé toute sa vie chaque scène de son échec, soudain, 4 décennies plus tard il réalise ce qui lui ai passé au travers).

A défaut de t’avoir convaincu, j’espère avoir été clair.

Merci pour ton commentaire encore une fois, toujours riche d’analyse et de remise en question pour moi

W

Contribution du : 12/03/2012 21:34
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Re : Rocky Road : l'histoire d'une obsession
Maître W
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Autre chose, j’ai oublié de te répondre sur les parenthèses :
Visiblement, tu penses que ce n’est pas une bonne idée et j’en prends acte. A ce jour, je ne sais pas encore te dire (manque de recul, sur un texte encore trop frais dans ma tête) si je regrette de les avoir mises ou pas.

A quoi correspond cette autre voix (démoniaque, caustique, destructrice) ?

Juste à accentuer la névrose et cette forme de paranoïa qui ronge le héros.

W

Contribution du : 12/03/2012 21:47
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Re : Rocky Road : l'histoire d'une obsession
Maître W
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Zenobi

Merci pour ta lecture.

Je suis déçu que tu aies si peu à en dire de ce texte et qu'à aucun moment, tu ne developpes à minima ce qui t'a laissé presque penser que je parodiais.

Je vais donc tenter de lire entre les lignes. Ce qu'il me semble avoir compris sur ta "critique", c'est que le texte n'avançait pas. Je dirais qu'il progresse très lentement en effet et que l'intrigue en elle-même et donc son évolution, sa résolution avec une identification nette et sans équivoque d'un coupable n'était pas mon enjeu.

Rocky Road est surtout un texte sur le doute, celui qui obsède, celui qui détruit tout.

W

Contribution du : 13/03/2012 09:42
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Re : Rocky Road : l'histoire d'une obsession
Maître Onirien
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Hello Widj',

C'est toujours un plaisir de lire un de tes textes, et c'en est un autre d'en débattre avec toi après. Tu remercies à juste titre les lecteurs qui se fatiguent à faire des commentaires dont l'auteur puisse tirer quelque chose, il n'est que justice de remercier les auteurs qui font précisément cette démarche.

Bref, entrons dans le vif du sujet. J'ai lu les précédentes pages du forum, et vu que j'étais pas mal en phase avec certains autres lecteurs (Pascal, par exemple). Aussi je reprends certaines de tes réponses pour clarifier mon point de vue initial :

Comme je l’ai dit plus haut, d’entrée, mon choix et ma narration se sont portés sur l’atmosphère ; ce climat que je souhaitais moite, suffocant, mais aussi âpre, collant, poisseux comme le sang ; en utilisant également les atouts extérieurs (la nature, la nuit…) que j’ai tenté de rendre hostiles, menaçants.


Ça c'est plutôt réussi. J'ai moins été convaincu par le côté hostile de la faune (insecte et animale), mais toute l'ambiance climatique, descriptive, temporelle (qui se traduit aussi au travers de l'écriture) est une vraie réussite.

Et puis, second aspect, le caractère psychologique du héros, ce personnage du flic un peu cliché, certes (rude, grossier, alcoolo, divorcé…) son intériorité, ses états d’âme, son obsession aux confins de la démence avec en filigrane d’autres aspects sur sa vie personnelle, sa relation avec le père, son "héritage alcoolique", et aussi son rapport avec son corps.

Ça c'est plutôt pas mal aussi. J'ai pas particulièrement perçu le rapport avec son corps (pourtant c'est intéressant). Je vois quelques trucs à posteriori en y repensant mais sur le coup, la plupart des allusions corporelles ne m'ont évoqué que la vieillesse et les mutilations imposées par la nécessité de rester éveillé. A creuser peut être, je trouve que cette dimension épaissirait encore davantage le personnage (déjà très crédible au demeurant).

l’enquête et tout ce qui tourne autour d’elle serait sinon accessoire en tout cas très secondaire ; un prétexte en quelque sorte.

Dans le principe tout à fait ok avec ça. Dans les faits, je trouve que justement, tu t'es partiellement tiré une balle dans le pied avec cet objectif. J'y reviens.

Donc, la fin tragique est connue dès les premières lignes. Choix gonflé pour les uns, suicidaire pour les autres, je vous laisse débattre.

Choix tout court à mes yeux. Ça ne m'a posé aucun problème... dans un polar, la fin n'est pas toujours liée à "la victime va-t-elle s'en sortir ?", ni à "qui est l'assassin". Dans Columbo, par exemple, tu connais la réponse à ces deux points dès le début, c'est le concept même de la série. Si ton idée, c'était de planter une ambiance et d'y mettre en scène la descente aux enfers de ton personnage, ça me va.

« Quid de l’assassin, donc ? » pourrait on me demander, aussi ? Là encore, l’identité du « Barbare ? » ne me passionnait pas tellement, mais là pour le coup, j’étais piégé. Je n’avais pas le choix de faire face à ce problème pour la simple raison que cette identité est liée directement à mon choix, à l’objectif que je m’étais fixé : jouer avec et de mon personnage (et par extension, malmener le lecteur). Ainsi pour torturer psychologiquement mon héros, je ne pouvais pas faire autrement que de donner une réponse floue, une fin ouverte (en tout cas pour moi elle l’est) sur l’identité du meurtrier.

(...)

« Ouais, mais bon, Widjet, d’après toi Jim c’est « le Barbare » ou pas ? », franchement et très sérieusement, je répondrais : « Je ne sais pas. Ca dépend des jours et aussi de mon humeur ».


Ça, c'est le point que tu as à mon sens le moins réussi. Je m'explique. Ce qui ne me plaît pas (je l'ai dit) n'est pas que nous n'ayons pas la moindre certitude sur le meurtrier à la fin. Ça je m'en fous.

Tu nous donnes des indices. Comme l'a dit Pascal, tu ne donnes des indices qui ne désignent qu'un seule et même personne. Il est donc légitime qu'on croit que c'est l'Irlandais. Je parle bien de présomption, il est évident que rien de ce que tu lâches ne constitue une preuve, mais le lecteur s'en fout, des preuves, s'il a l'impression de savoir.

Pour moi, ton but était de jouer avec le personnage, l'intrigue était un prétexte, il fallait jouer cette carte à 100%.

Là, j'ai l'impression que tu as voulu satisfaire un minimum ton lecteur, lui donner un os à ronger, histoire de minimiser un peu la frustration potentielle de la fin. Et je trouve ça dommage, parce que pour arriver à ce résultat, j'ai un l'impression que tu as triché.

Je vais prendre deux exemples cinématographiques. [spoiler potentiel à ceux qui ne les auraient pas vus, attention]

1) Dans Scream (le premier, le seul valable), Craven s'amuse tout du long à distiller des faux indices, (je me souviens par exemple d'une scène dans les toilettes où on voit le pied du tueur, et plus tard, un plan sur le flic montre ses chaussures "étonnamment similaires"). Mais ce faisant, il ne s'amuse qu'à balader le spectateur d'un suspect à un autre, pour mieux lui asséner le coup de massue final : ha ha, je t'ai bien baisé.

2) Dans Usual Suspects, plein de choses sont montrées d'une certaine manière, pour qu'au final on ne soupçonne pas non plus l'identité de Keyser Soze. A la fin, quand tombe la révélation on se dit : ah l'enfoiré ! Et on réfléchit à quelques scènes et on se dit "mouais, en fait il a triché plusieurs fois sur la mise en scène, pour montrer les évènements sous un angle qui ne nous permet pas de soupçonner le vrai Keyser Soze."
Sauf qu'en fait, il ne triche pas, vu que c'est Verbal, le narrateur, qui raconte. Et on sait tous, à la fin, pourquoi Verbal triche dans sa narration.

Pour moi, ce sont deux bons exemples de narrations "pièges" habilement menées.

Or, dans Rocky Road, une incohérence narrative me chiffonne :

L'histoire est racontée par Daniel, le héros. C'est une narration à la première personne. Par définition, dans ce type de narration, le lecteur voit tout ce que vois, entends, pense, fait le narrateur.

Or, si j'ai bien compris, en réalité, Daniel n'a jamais soupçonné de près ou de loin l'identité du meurtrier. Il le dit à l'époque : son seul indice sont les emballages de Rocky Road. Et le seul moment où un début de soupçon se fait sur l'Irlandais (à cause du cadenas), ce dernier est aussitôt balayé de son esprit.

Or, dans la narration, les indices (qui ne sont pas des preuves, nous sommes bien d'accord, mais des indices qui -ne pointant que vers un seul suspect- ne peuvent que l'accuser à nos yeux de lecteurs) nous sont présentés de manière limpide, claire, intelligible. Daniel est peut être embourbé dans l'alcool, nous, lecteur, nous voyons tout ça avec une lucidité en décalage totale avec l'état du personnage.

Pour moi c'est une faute narrative : soit tu nous mets vraiment dans les baskets de Daniel en terme de narration, en nous ne comprenons rien de plus que lui au moment des faits ni à la fin, soit tu nous sors de son personnage pour pouvoir garder une latitude entre ce que vois ou fait le personnage et ce qu'en perçoit le lecteur.

Rien ne t'empêche à ce niveau là de jouer sur les deux tableaux : narration à la première personne quand Daniel est sobre, à la troisième quand il est bourré ? Narration à la première personne au présent, à la troisième dans les flashbacks ?

Bref, peu importe ce choix ne dépend que de toi et aucun n'est meilleur qu'un autre. Mais là, tu as à mon sens donné au lecteur des infos qu'il n'aurait pas du avoir avec cette forme de narration. (ou pas aussi clairement du moins)

C'est un peu ce que je voulais te dire dans mon commentaire : il aurait été amusant que dans le flashback, on voit la scène complètement troublée par l'alcool, incohérence, confuse, et qu'on n'en tire rien de plus que Daniel. Par contre, à la fin, un élément nouveau pourrait déclencher un ressort dans sa mémoire et lui faire revoir cette scène avec une lucidité qu'il n'a jamais eu... et là comprendre tout ce qu'il a potentiellement raté.

Je te rejoins : il a rejoué cette scène un millier de fois dans sa tête en 40 ans, pourquoi n'aurait-il rien remarqué avant ? Quel élément nouveau pourrait dissiper la brume de ces souvenirs d'ivrogne ?

Deux exemples :

1) La version un peu surnatuelle : au moment où Jenny plonge sa main dans les entrailles de Daniel, elle lui transmet une lucidité qu'il n'a jamais eu, et il revoit la scène sous un jour nouveau. (Ca peut être soit une lucidité totale (après tout, c'est un fantôme, elle peut avoir des pouvoirs surnaturels), ou une lucidité partielle : un simple souvenir de Jenny elle-même, attachée sur une chaise, bâillonnée dans le noir, qui a vu l'espace d'une seconde la porte de la cave s'ouvrir, Daniel se tenir sur le seuil et scruter les ténèbres, avant de repartir sur une sollicitation de l'Irlandais et de sceller son sort à jamais...

2) La version plus rationnelle, celle des brumes de l'alcool qui se déchirent au bon mot clé.

Un exemple qui m'est arrivé quand j'étais (plus) jeune : lendemain de soirée chez une copine, durant laquelle j'ai pris une cuite mémorable en compagnie d'un pote. J'ai une gueule de bois pas possible, l'estomac au bord des lèvres, et un trou noir de six heures sur les évènements de la nuit passée. Au déjeuner, alors que je comate sans rien pouvoir avaler, une fille me demande : "alors, il était bon mon gâteau ?"

Et là, moment de stress. Aucun souvenir d'un gâteau. Quel gâteau ? Y a eu un gâteau ? Je regard mon pote, qui me sourit bêtement : "Hein qu'il était bon, le gâteau ?"

Quoi ? C'est un piège ? Ils veulent me rappeler à quel point j'étais bourré ? Se foutre de moi ?

Et, ce faisant, alors que j'hésite encore à répondre, des bribes de souvenirs jaillissent dans mon esprit :

Mon pote et moi, assis devant la propriété, dans la rue... discutant avec des assiettes en carton et une part de gâteau... trou noir... moi dans le jardin d'un voisin, déterminé à aller sonner chez lui pour aller pisser, retenu de justesse par mon pote... trou noir... mon pote et moi, hilares, toujours dans le jardin du voisin, en train de nous balancer des bouts du sus-mentionné gâteau à la tête... trou noir... moi, en train de tenter de traverser la haie du voisin, pour revenir dans le jardin de la copine, et de m'empêtrer dans le grillage qui les sépare en vociférant "mais c'est quoi ces putains de branches ?" (ce qui explique, au passage, que j'ai de longues griffures dans le cou et sur les bras)...

wouf ! retour à la réalité...

"Oui, il était délicieux ton gâteau !" :)

C'est un peu le même procédé qui est utilisé dans "Very Bad Trip", durant lequel les amis remontent via des indices (physiques pour le coup) le cours de la nuit passée.

Resterait bien sûr à trouver le "ressort" qui justifierait cette lucidité retrouvée (et le fait qu'il ne se soit jamais déclenché avant) mais j'ai toute confiance en ta créativité !

J'empiète sur ton territoire d'auteur là, et bien entendu ce ne sont que des suggestions qui selon moi, et sans nuire au reste de tes objectifs (ambiance, personnage) réduiraient ce sentiment de frustration et d'incohérence que j'ai ressenti. Je ne parle pas de la frustration de ne pas voir le crime résolu (je l'ai dit, ça je m'en fous) mais de celle d'avoir l'impression d'avoir été manipulé de manière maladroite, voir "malhonnête".

"Pourquoi ne pas avoir fouillé la cave après le départ ?" Voilà typiquement le genre de question - tout à fait normale - d'un esprit cartésien qui cherche à tout comprendre.

Je suis d'accord avec ta réponse sur ce type de détails. Mais à mon sens, ces questions ne se poseraient pas si tu ne donnais pas ces indices à ton lecteur. Ces indices sont presque inutiles, vu qu'au final ils n'apportent pas de résolution... On peut sans mal utiliser des phrases, des descriptions, des éléments inutiles pour contribuer à une atmosphère, une ambiance, un personnage, ce que tu as très bien fait. Mais sur des éléments qui ont directement trait à l'intrigue (à l'enquête, presque), je ne suis pas certain de la pertinence de donner des éléments au lecteur qui au final ne servent pas à grand chose (si ce n'est à rien vu que ça ne balade même pas le lecteur d'un suspect à un autre, étant donné qu'il n'y en a qu'un seul).


Seul comptait l’ambiance et le désagrégement mental de mon pauvre Danny obsédé par le fait que peut-être il aurait pu sauver Jenny et que peut-être il a laissé filer un assassin qui était sous son nez.

100% Ok avec ça, mais tu n'avais pas besoin pour autant de laisser croire à ton lecteur que c'était (probablement) Jim alors que Daniel, lui, ne s'en est jamais vraiment douté.

A l’instar de mon héros dévoré par ses démons, et parce que je vous respecte, j’ai décidé de vous embourber dans ce récit lent, introspectif, humide, oui, j’ai décidé de vous laisser vous démerder avec vos propres doutes, vos interrogations.

Et – pourquoi le cacher ? – ça me plait bien de vous laisser dans cet inconfort.


Oui, sauf que tu nous génères des questions en insistant lourdement sur Jim, avec des indices qui n'ont pas vraiment de raison d'être (vu que ton but n'est pas d'apporter une réponse claire).

Même, j'aurai tendance à croire que ces indices, en laissant espérer au lecteur une résolution claire, le distraient en lui faisant imaginer des choses, échafauder des théories, des hypothèses. Alors que, sans aucun indice, le lecteur serait tout entier absorbé par ton récit, par son ambiance, et concentré à 100% sur ton personnage ce qui, au final, était ton but véritable.

Ainsi pour torturer psychologiquement mon héros, je ne pouvais pas faire autrement que de donner une réponse floue, une fin ouverte (en tout cas pour moi elle l’est) sur l’identité du meurtrier.

Ça rejoint ce que je considère comme une "erreur de narration" : tu traites différemment ton lecteur et ton personnage, en usant d'une forme de narration qui normalement, doit les laisser sur un pied d'égalité.

Et pour le lecteur, ta fin n'est pas tellement ouverte. Elle l'est juridiquement : Jim n'a jamais été arrêté, et aucune preuve irréfutable ne permet d'affirmer que c'est lui. Mais tous les indices l'accusent ce qui, pour nous lecteur, suffit à en faire le coupable tout désigné (nous ne sommes pas des juges, mais des jurés. Un faisceau d'indices peut facilement mener à une condamnation).

A mon sens, pour faire une fin véritablement ouverte, tu n'aurais du donner aucun indice. Ou alors comme tu l'évoques, rallonger ta nouvelle (la longueur ne m'a pas dérangé) et distiller de faux indices tout au long de la nouvelle et sur plusieurs personnages. Là, ils sont tous regroupés vers la fin (dans la scène chez l'Irlandais), et pointent tous vers la même personne. Un traitement que je trouve en contradiction avec ta volonté de ne désigner aucun coupable et de faire une fin ouverte :)

[concernant les phrases entre parenthèse] Visiblement, tu penses que ce n’est pas une bonne idée et j’en prends acte. A ce jour, je ne sais pas encore te dire (manque de recul, sur un texte encore trop frais dans ma tête) si je regrette de les avoir mises ou pas.

Je trouve que sous cette forme, c'est maladroit. Tu écris suffisamment bien pour ne pas avoir besoin de distinguer visuellement les phrases que Daniel se dit à lui-même pour se raccrocher au peu de santé mentale qui lui reste et ne pas sombrer. Tu pourrais justifier d'une réelle rupture sur la forme d'un dialogue intérieur, dans le cas d'un personnage schyzophrène qui aurait, pour le coup, de vraies variations dans sa façon de se parler. Là, ton personnage est plus en train d'essayer de se rassurer... ça ne justifie pas à mes yeux ce changement de forme un peu superficiel, qui casse la narration. Donc c'est plus la forme de ces phrases que je critique (leur ton ne ressemblant pas non plus à Daniel), que leur fondement.

Voilà, je pense avoir fait le tour, et j'espère avoir été plus clair :)

N'hésite pas, sinon, bien entendu !

Contribution du : 13/03/2012 15:51
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Re : Rocky Road : l'histoire d'une obsession
Maître W
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Hello Ninj,'

Un régal ton point de vue, il est très pertinent et surtout très clairement énoncé et justifié, ce qui n'est pas obligatoirement évident (à écrire pour toi, j'imagine) et donc si facile à comprendre. Grace à clarté du propos, je pense avoir bien compris ce que tu voulais me dire.

"Là, j'ai l'impression que tu as voulu satisfaire un minimum ton lecteur, lui donner un os à ronger, histoire de minimiser un peu la frustration potentielle de la fin"

Pas faux ce que tu dis, mais je ne sais pas si c'était pour minimiser de la frustration finale. Je voulais en effet alimenter un peu plus le lecteur, c'est certain. Rétrospectivement, je peux expliquer cette démarche (sans vouloir pour autant me chercher une excuse), mais voilà "Rocky Road" a été écrit après "Monsieur Victor", texte qui lui offrait trop de portes à ouvrir au lecteur avec rien de véritablement concret à se mettre sous la dent ; cela a crée (au vu des réactions sur le site et même si jene changerai ni regretterai rien sur ce texte), beaucoup de frustration.

Merci pour ces deux exemples cinés, de vraies références en matière de comment tromper son monde. Je suis d'accord.

Or, si j'ai bien compris, en réalité, Daniel n'a jamais soupçonné de près ou de loin l'identité du meurtrier.

Exact. Au moment des faits, il ne sait pas. Mais des années plus tard et plus précisément grace aux apparitions fantomatiques de Jenny (toutes ne sont pas énoncées, le spectre de la gamine lui a rendu visite bien des fois, même si je n'insiste pas assez là-dessus) qui lui rappelle qu'il aurait pu la sauver, le doute sur l'identité du meurtrier commence à naitre et donc par conséquent, la culpabilité (qu'il avait déjà à l'époque sur le fait de ne pas capturer le tueur) et surtout l'obession d'avoir indirectement provoqué la mort de la petite fille entre véritablement en jeu.

Tu écris : "mais des indices qui -ne pointant que vers un seul suspect- ne peuvent que l'accuser à nos yeux de lecteurs"

C'est vrai encore une fois et c'est un peu le but du piège que j'ai essayé de tendre, c'est à dire que cette convergence d'indices très ciblés, le fait qu'aucun autre suspect ne soit mentionné, tout porte à croire que Kearns EST le Barbare.Donc bien sûr tout ceci est clairement orienté....mais cela étant, ces fameux indices sont ils de vrais indices ? Lesquels méritent cette appellation d'indices ?

"Le verrou neuf" apparait comme étant un indice ? Je suis moins convaincu que toi. Pourquoi rêvet il une identité d'indice à tes yeux de lecteur ? N'est il pas devenu soudainement un indice (important de surcroit) qu'uniquement dû au fait que la veille, Danny a rêvé que la gamine était enfermée dans une cave qui contenait un verrou neuf ? Mais, pour logiquement, pour un gars lambda (je ne parle même pas d'un juge au cours d'un procès) que vaut un rêve prémonitoire d'un type limite à moitié cinglé ?

Alors, ce verrou est il véritablement et intrinsequement un indice ? Dans la négative, Kearns t'apparait il autant suspect ?

Les propos de Kearns sont ils des indices ? Même en prenant les phrases dites, l'inflexion de voix, l'émotion apparente de Kearns...etc...qu'est ce qui les rend si...indices ?

Idem pour la couleur de l'emballage apparu furtivement sous un lampadaire. Attention, je ne parle pas du bonbon lui-même. La confiserie Rocky Road est réellement un indice (au même titre que la fin des meurtres est réellement une information, vérifiable et hors contexte émotionnel de Danny) L'emballage est trouvé dans les lieux des crimes, donc pas de doute ni de hasard. Mais, lors de la ballade, est ce que Jim mangeait cette barre chocolatée ? L'emballage (et sa couleur rose) sous la lumière était il celui d'un Rocky Road ? Pour Danny, il semble que oui. Danny étail lucide à cet instant ? Non.

Comme je le dis, la vraie grosse facilité que j'ai utilisé est le fait que beaucoup de chose émanent de cet homme dont on peut (pour des raisons qu'on peut comprendre) mettre légitimemen en cause la crédibilité...et même la santé mentale ?

Maintenant, il y a des éléments qui sont je l'avoue suspicieux et bien ancrés dans une réalité. Par exemple, la griffure. Sans être une preuve, c'est ce qui ressemble le plus un indice fiable, car cette griffure j'admets que c'est louche. Et c'est volontaire de ma part, il fallait que je contrebalance vis à vis des autres que j'estime comme pouvant être des faux indices (verrou) avec quelque chose plus solide, de plus douteux.

Donc en résumé, oui ce que je donne au lecteur semble très clair pour lui mais uniquement parce que c'est très orienté (tous ces éléments ne vont que dans un seul sens et contre une seule personne) ...mais il me semble qu'a bien y regarder, le procédé demeure assez trompeur car finalement ces indices ne doivent leur identités et leur importance que grace à Danny, un mec largué dont le jugement et la perception est très altérée. Moi, en tant qu'auteur et personne saine d'esprit et rationnelle (en tout cas plus que Saltzman), je ne pense pas (mais je peux me tromper) filer beaucoup de choses réellement compromettantes en tant que tel pour le voisin Jim Kearns....non ? (en disant cela, je n'affirme rien, je m'interroge vraiment).

Quelque part dans ton post, tu as parfaitement dis les choses : ces indices, tout bien considérer (c'est à dire une fois avoir analyser leur provenance) sont pour ainsi dire presque inutiles, je dis presque parce que leur but premier était qu'on puisse à chaud les croire véritablement d'importance et recevable à titre d'indices.

Attention Ninj', je ne me défausse pas et comprends très bien ton point de vue qui est de soit et il est très possible que j'ai faitvraiment fausse route :

Pour te résumer :
- le lecteur = Danny donc je le mets dans les même conditions et lui donne le même nombre d'infos et en tant qu'auteur je tente de l'arnaquer de la même façon
- soit je fais du lecteur un spectateur du film (celui qui a un temps d'avance sur le héros), et dans ce cas, je passe du côté de la narration en supprimant le JE (jouer sur d'autres tableaux comme tu dis, ce qui aurait peut etre eu un autre inconvénient ( en terme d'immersion, créer cette soupape, ce détachement allait à l'encontre de ce que je voulais, c'était étouffer le lecteur). Et puis sincèrement,je ne sais pas si techniquement j'y serai arrivé.

Deux exemples :

1) La version un peu surnatuelle : au moment où Jenny plonge sa main dans les entrailles de Daniel, elle lui transmet une lucidité qu'il n'a jamais eu, et il revoit la scène sous un jour nouveau. (Ca peut être soit une lucidité totale (après tout, c'est un fantôme, elle peut avoir des pouvoirs surnaturels), ou une lucidité partielle : un simple souvenir de Jenny elle-même, attachée sur une chaise, bâillonnée dans le noir, qui a vu l'espace d'une seconde la porte de la cave s'ouvrir, Daniel se tenir sur le seuil et scruter les ténèbres, avant de repartir sur une sollicitation de l'Irlandais et de sceller son sort à jamais...


J'aime beaucoup cette solution qui me convainc et me stimule (tu t'en doutes) bienplus que l'autre, trop rationnelle (n'oublions pas que la fin bascule tout de même dans le fantastique)
Fais chier, j'aurai vraiment avoir eu l'idée !

A mon sens, pour faire une fin véritablement ouverte, tu n'aurais du donner aucun indice.

C'était aussi une solution, c'est vrai.

Je trouve que sous cette forme, c'est maladroit. Tu écris suffisamment bien pour ne pas avoir besoin de distinguer visuellement les phrases que Daniel se dit à lui-même pour se raccrocher au peu de santé mentale qui lui reste et ne pas sombrer. Tu pourrais justifier d'une réelle rupture sur la forme d'un dialogue intérieur, dans le cas d'un personnage schyzophrène qui aurait, pour le coup, de vraies variations dans sa façon de se parler. Là, ton personnage est plus en train d'essayer de se rassurer... ça ne justifie pas à mes yeux ce changement de forme un peu superficiel, qui casse la narration. Donc c'est plus la forme de ces phrases que je critique (leur ton ne ressemblant pas non plus à Daniel), que leur fondement.

Argument tout a fait recevable. Je vais y réflechir.

Merci infiniment de cet échange passionnant et ayant écrit ce post sans trop me relire, j'espère moi aussi avoir été assez clair

W

Contribution du : 13/03/2012 18:29
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Re : Rocky Road : l'histoire d'une obsession
Maître W
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Euh sinon...

Je tenais quand même à dire, qu'il se pourrait que demain ou un autre jour, je sois d'accord sur le fait que Jim Kearns soit bien le tueur.

Comment ça, je me fous de ta gueule ?

W

Contribution du : 13/03/2012 18:37
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Re : Rocky Road : l'histoire d'une obsession
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J'irai lire "Monsieur Victor", pour essayer de mieux comprendre ce qui change entre les deux textes et, en fonction des réactions au premier, ce qui t'as influencé à écrire celui-ci de cette manière :)

Citation :
Exact. Au moment des faits, il ne sait pas. Mais des années plus tard et plus précisément grace aux apparitions fantomatiques de Jenny (toutes ne sont pas énoncées, le spectre de la gamine lui a rendu visite bien des fois, même si je n'insiste pas assez là-dessus) qui lui rappelle qu'il aurait pu la sauver, le doute sur l'identité du meurtrier commence à naitre et donc par conséquent, la culpabilité (qu'il avait déjà à l'époque sur le fait de ne pas capturer le tueur) et surtout l'obession d'avoir indirectement provoqué la mort de la petite fille entre véritablement en jeu.


Je trouve ça assez cohérent, que le doute naisse avec les années et le poids de la culpabilité.

J'ai juste plus eu l'impression inverse en lisant : qu'il avait vu tout ce qu'il lui fallait pour comprendre à l'époque, l'avait aussitôt oublié (du fait de son état), et ne s'en était jamais rappelé.

Impression peut être due au fait que les "indices" (qui n'en sont pas forcément, certes), sont tous donnés dans le flashback des années 50. Alors que d'après ce que tu dis ci-dessus, narrativement parlant, il eût été plus cohérent qu'il ne voit rien à l'époque, et qu'il se rappelle ces détails à force de se remémorer ces évènements, et que de ces détails (qu'il croirait se rappeler) naisse le doute que tu évoques.

Evidemment, chose difficile à mettre en scène dans la mesure où contrairement au passé, la scène en 1998 se déroule dans une unité de temps continue... elle ne permet donc pas de faire naître un doute dans l'esprit du héros de manière diffuse et sur des années... ah vacherie, c'est compliqué la structure d'une nouvelle ;)

Citation :
"Le verrou neuf" apparait comme étant un indice ? Je suis moins convaincu que toi. Pourquoi rêvet il une identité d'indice à tes yeux de lecteur ? N'est il pas devenu soudainement un indice (important de surcroit) qu'uniquement dû au fait que la veille, Danny a rêvé que la gamine était enfermée dans une cave qui contenait un verrou neuf ? Mais, pour logiquement, pour un gars lambda (je ne parle même pas d'un juge au cours d'un procès) que vaut un rêve prémonitoire d'un type limite à moitié cinglé ?


Si bien sûr. C'est uniquement ce fameux rêve qui lui donne ce poids dans la nouvelle. Mais attention, tu n'as pas du tout dit que "La veille Daniel avait rêvé de la gamine enfermée dans un cave fermée par un verrou neuf"... non. Même si ça aurait quand même piqué l'imagination, tu as dit quelque chose de beaucoup plus insistant :

Citation :
Depuis peu, le spectre de Jenny m’apparaît dans une même scène qui revient sans arrêt. Elle est toujours habillée pareil. Sa robe, cette saloperie de robe blanche immaculée, pleine de fleurs, ces tulipes d’un rouge obsédant, écarlate. Elle est là, prisonnière dans une sorte de grenier qui pue le renfermé, derrière une vieille porte dont le bois humide et fendu au milieu laisse passer par intermittence un filet de lumière sale. Cette porte, je la mémorise avec une précision diabolique. Sa serrure a l’air neuve comme si on venait de la poser. Dessus, un cadenas massif et doré.


Pour moi, en termes d'impact sur l'histoire, il y a une grosse différence entre un rêve d'ivrogne fait la veille avec trois grammes dans le sang, et un rêve récurent dont la même scène revient sans arrêt. J'ai une attention assez soutenue quand je lis, et je loupe rarement ce genre de détails... du coup, là pour moi le cadenas a pris une importance presque primordiale...

... et du coup, complètement disproportionnée par rapport à son importance réelle (quasi nulle).

Même chose pour les autres "indices". Ca n'est pas tellement leur importance unitaire, qui compte, mais plutôt leur accumulation qui finit par tisser un véritable faisceau de présomption à l'encontre de Jim.

Citation :
Donc en résumé, oui ce que je donne au lecteur semble très clair pour lui mais uniquement parce que c'est très orienté (tous ces éléments ne vont que dans un seul sens et contre une seule personne) ...mais il me semble qu'a bien y regarder, le procédé demeure assez trompeur car finalement ces indices ne doivent leur identités et leur importance que grace à Danny, un mec largué dont le jugement et la perception est très altérée.


Là j'ai un peu de mal à comprendre ce que tu as voulu dire... ou faire. La fin de ta phrase me semble en contradiction avec son début. Danny ne rend pas ces indices importants (à part le rêve peut être), vu que justement, il passe complètement à côté. Effectivement, si il s'était pointé le lendemain au commissariat, empestant l'alcool, en beuglant :

"C'est Keats qu'a fait l'coup ! Il bouffe des Rocky Road, il a été griffé et sa cave est fermé par un cadenas que j'ai vu en rêve !"... ouais, il y a fort à parier qu'on l'aurait définitivement mis sur la touche.

Tu dis que son jugement et sa perception sont altérés (et il y a fort à parier qu'ils le sont, vu le personnage) mais dans la narration telle que tu la diriges, tout est cohérent. Daniel est bourré, ok, il est malade, il gerbe partout, mais à aucun moment il ne m'a semblé avoir perdu ses moyens. La preuve : malgré son état, il tique plusieurs fois sur des détails qu'on s'attendrait à ce que seul un bon flic à jeun ne remarque (les "indices").

Quand je lis des scènes de Bukowski où Hank, le narrateur, raconte ses péripéties à la première personne, là oui. Là je vois un véritable ivrogne, complètement bourré, complètement irrationnel, impulsif, obsédé, qui fait et dit n'importe quoi, qui ne comprend rien à rien et finit comme la loque qu'il est à téter le caniveau. Mais en comparaison, Danny n'a rien d'une loque.

Quand il interpelle la vieille Butler à la soirée, il lui dit :

Citation :
Vous êtes allergique aux arachides ? dis-je.


Alors que quelques lignes plus haut, il n'arrive plus à distinguer un seul visage net, et doit se concentrer pour visualiser la porte qui se trouve à 3 mètres de lui... Dans les faits, je trouve qu'il y a un vrai décalage entre le fait que tu sembles considérer qu'à ce stade, Danny est déjà une loque, absolument pas crédible et au bord de la folie... alors que pour moi, il est encore super lucide et réactif pour un mec complètement bourré.

C'est ça mon problème : à aucun moment, je n'ai eu l'impression de pouvoir / devoir douter de la justesse des perceptions, dires et déductions du héros. Alors que pour toi, il ne devrait pas être crédible étant déjà une loque.

Y a peut être des ajustements à faire ici ou là, pour remettre tout ça plus en adéquation ?

Bon, évidemment là on est dans le domaine de la chipouille hein, je creuse moi aussi pour déterrer des indices sur ce qui m'a dérangé à la lecture... ça ne veut pas dire que ces indices, que je te présente, sont recevables pour autant ;)

Merci pour cet échange passionnant en tout cas !

Contribution du : 13/03/2012 22:03
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Re : Rocky Road : l'histoire d'une obsession
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Ninj'

J'ai juste plus eu l'impression inverse en lisant : qu'il avait vu tout ce qu'il lui fallait pour comprendre à l'époque, l'avait aussitôt oublié (du fait de son état), et ne s'en était jamais rappelé.


Bah, je te dirais qu’on peut aussi voir ça ainsi…si tant est qu’on considère (et là aussi, c’est valable) que ce qu’il a vu a une réelle importance (ce qui je répète pourrait être le cas, hein), c'est-à-dire que ces indices là sont des éléments clés pour sinon accuser avoir de sérieuses suspicions contre Kearns. Je ne sais pas si je suis clair et j’avoue que du coup, ça me perturbe aussi (Euh je voulais faire quoi moi au juste dans ce texte ?)

Ah vacherie, c'est compliqué la structure d'une nouvelle ;)


Oh oui et je vois les marges de progrès qu’il me reste à faire !

Si bien sûr. C'est uniquement ce fameux rêve qui lui donne ce poids dans la nouvelle. Mais attention, tu n'as pas du tout dit que "La veille Daniel avait rêvé de la gamine enfermée dans un cave fermée par un verrou neuf"... non. Même si ça aurait quand même piqué l'imagination, tu as dit quelque chose de beaucoup plus insistant :
Citation :
Depuis peu, le spectre de Jenny m’apparaît dans une même scène qui revient sans arrêt. Elle est toujours habillée pareil. Sa robe, cette saloperie de robe blanche immaculée, pleine de fleurs, ces tulipes d’un rouge obsédant, écarlate. Elle est là, prisonnière dans une sorte de grenier qui pue le renfermé, derrière une vieille porte dont le bois humide et fendu au milieu laisse passer par intermittence un filet de lumière sale. Cette porte, je la mémorise avec une précision diabolique. Sa serrure a l’air neuve comme si on venait de la poser. Dessus, un cadenas massif et doré.


Ah oui, tiens, c’est vrai (tu connais mieux le texte que moi !), ça change (un peu) la donne tu as raison…mais cela demeure un rêve, donc matériellement parlant pas vraiment un indice (comment ça, je suis mauvais perdant ?) !

Même chose pour les autres "indices". Ca n'est pas tellement leur importance unitaire, qui compte, mais plutôt leur accumulation qui finit par tisser un véritable faisceau de présomption à l'encontre de Jim.


Je comprends bien et je conçois que ça puisse provoquer ça (du reste, pour celui ou celle qui croit Kearns coupable, c’est un argument qui tient la route, je l’admets). Cependant, cela peut aussi être vu comme un subterfuge un peu comme le type qui tente de répéter plusieurs fois le même mensonge en espérant que ça se transforme en vérité, l’accumulation.

Tu dis que son jugement et sa perception sont altérés (et il y a fort à parier qu'ils le sont, vu le personnage) mais dans la narration telle que tu la diriges, tout est cohérent. Daniel est bourré, ok, il est malade, il gerbe partout, mais à aucun moment il ne m'a semblé avoir perdu ses moyens. La preuve : malgré son état, il tique plusieurs fois sur des détails qu'on s'attendrait à ce que seul un bon flic à jeun ne remarque (les "indices").


Là, je dois confesser qu’il te manque un élément qui a une certaine importance. Mais ce n’est ni de ta faute ni de la mienne du reste (en fait un peu de ma faute car j’aurai pu demander à Oniris de répondre à ma requête si je l’avais formulé).
Cette chose que tu ne vois pas, c’est que dans cette scène (la soirée chez Kearns), il y a des passages où la police change (Selenim dans son comm fait mention des différentes polices – 3, de mémoire - dont je fais usage, mais qui hélas ne sont visible que sur un fichier pdf) afin de refléter l’état psychologique du héros. On peut trouver le procédé grossier, mais j’ai aimé faire cela et par flemme n’ai pas osé le demander en Centrale.
Donc durant cette soirée, les troubles visuelles de Danny son symboliser par une police où les caractères se dédoublent ou se floutent (si tu es intéressé je t’envoie le fichier pdf pour t’en rendre compte).

Sans dire que Danny est complètement à la ramasse, je voulais retranscrire le fait qu’il n’était à même d’être lucide, mais, tu as raison encore, peut-être aurais je du m’y prendre autrement.

C'est ça mon problème : à aucun moment, je n'ai eu l'impression de pouvoir / devoir douter de la justesse des perceptions, dires et déductions du héros. Alors que pour toi, il ne devrait pas être crédible étant déjà une loque.

Je vois que c’est là en effet où le ça coince. Il n’est pas clean, certes, drogué et bourré (ce qui provoque cette altération, et non la démence), mais en aucun cas fou (pas en 1959 où il est certes « seulement » obsédé, à cran, etc… mais il n’est pas encore visité par Jenny, il ne perd la boule que des années plus tard)

Y a peut être des ajustements à faire ici ou là, pour remettre tout ça plus en adéquation ?


Sans aucun doute oui.

Widjet

Contribution du : 13/03/2012 23:35
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Re : Rocky Road : l'histoire d'une obsession
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C'est plus clair m'sieur, merci pour toutes ces précisions ;)

Contribution du : 14/03/2012 12:28
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