Les voyageurs pour l’étage sont priés de sortir.
Les numéros n’ont plus cours depuis longtemps.
Les étages supérieurs ont disparu, les étages inférieurs n’existent pas encore.
L’ascenseur ne se déplace plus qu’à l’horizontale.
Le vertige est un idéal commun que chacun est tenu d’endosser pour la postérité silencieuse.
Les savants se penchent sérieusement sur l’abîme des connaissances en la matière, noire.

Rapports récents de l’Association ‘Sauvegarde’

L’étage où le moindre chiffre n‘existe pas a été impossible à numéroter.
L’étage où le moindre mot devient volcan a été fermé pour des raisons de sécurité.

Étage 76,000336389776621
Nom de la planète : 2A216
Nom de la lune : B55-620-41-19
Désignation du secteur : Mer-Âgée
Chemin des plaines – Centre des Fossiles

L’étage 77 tiret 4 est une vaste forêt de cerisiers en fleurs.

[Dans chacun de ses cerisiers, voire dans chacune de ses fleurs, est contenu le souvenir d’un printemps,
d’un printemps passé, d’un printemps vécu par quelqu’un, quelque part, à tel ou tel étage de l’Espace et du Temps.
De façon périodique, de mystérieux enfants jouant à cache-cache apparaissent ça-et-là dans la forêt.].

…

On l’appelle « la dame aux cerisiers ».

Depuis quelques temps, elle erre en ce lieu. Elle parle volontiers aux passants, s’amuse parfois
de ces drôles de mômes surgis de nulle part. Une vieille dame aux cheveux blancs. Fatiguée mais
toujours en marche. Elle cherche son printemps. Le souvenir d’une belle saison, si cher à son cœur,
ces moments qui furent sa plus belle floraison. Elle le sait. Elle le ressent. Il y a encore à recevoir
de ce printemps, encore un secret à percer, une part du souvenir à comprendre avant la fin de toutes les saisons.
Alors elle inspecte chaque arbre. Scrute chaque branche. Apprend à connaître chaque fleur. Au beau milieu
de ces mystérieux enfants aux cache-cache périodiques.

La rosée du matin s’étire. Une silhouette se profile dans le rose forestier, tableau perpétuel
mi-aurore mi-crépuscule. Une autre journée commence. Un nuage prend la forme d’une hirondelle.

La dame aux cerisiers cherche son printemps. Et ainsi elle va et vient… dans la forêt de cerisiers en fleurs.

Un coup d’état-ge fomenté par l’état-major vient de reverser le cours de l’Histoire.
On craint pour l’existence même de l’étage 78, séquestré par une junte cruelle qui ne recule devant aucun palier, s’essuie sur la question de la torture et s’assoit sur l’ordonnance.
Mais la restauration s'ourdit en grand secret dans l'ascenseur social, les appels à la résistance de bas étage sont envoyés par pneumatique aux supérieurs.

L'étage 79 s'inscrit en pointillés dans l'histoire.

De par sa nature indécise il fluctue entre deux eaux : l'au-delà et l'ô qui s'étonne, la bouche en cul-de-poule gobant maints bobards plus ou moins crédibles.

Marche-pieds vers les eighties, c'est avec une nostalgie non feinte qu'il va clore la série des jours heureux ayant menés grand train dans ses couloirs.

Les portes claquent avec une douceur de fin du monde. En écho, les vitres des fenêtres mal arrimées et disjointes se brisent les unes après les autres. Les courants d'air règnent en maîtres absolus dans cet étage du bout d'un monde qui n'existera plus jamais ailleurs que dans des souvenirs disloqués par des mémoires obsolètes...

À l’étage quatre-vingt
vint un univers poreux
peuplé de de riants devins,
de bonimenteurs ombreux.

Ceux-ci prédisaient le pire
en lisant dans les oracles.
Un autre monde à venir,
des prodiges, des miracles,

prophétisaient les premiers
à l’œil fourbe, au nez chafouin.
Descendez donc l’escalier
le bonheur n’est plus très loin.

(En clin d'œil à vos précédents étages)




Document extrait des chroniques de l’étage 78 – Chant de résistance

Sans même passer par l’ascenseur…
Sans même passer par l’ascenseur…
Qu’ils tombent ces imposteurs – qu’ils tombent
Du haut de leur système – du haut de leurs remparts…
En nos cœurs… En nos chœurs…
Ressuscités les innocents – assassinés par ces barbares
Ressuscités tous les savants – décapités pour leur savoir
Ressuscités tous les poètes – sacs à malices chargés d’histoires…






Document extrait des chroniques de l’étage 79 – Poème du collectif ‘Pas d’Ô’

Prends place entre les pointillés…
Place une virgule – même visible à l’œil nul –
dans l’entrebâillement de la porte
pour l’empêcher de claquer.
Place une virgule – même si elle semble ridicule –
elle t’aidera à te rappeler.
Prends place entre les pointillés…
Prends place entre les pointillés…





› › › › › Parole entendue à l’étage quatre-vingt

Ils ont prétendu lire l’avenir, mais ont rendu cet univers illisible.
Voyez-vous ces poussières qui brûlent dans ce volcan, celles que les pluies emportent, et que le vent balaye ?
C’est là tout ce qu’il reste de leurs prédictions.

À l’étage 80 tiret 1.

C’est là que la plupart des explorateurs et exploratrices entendent parler de lui pour la première fois.

Le Passeur de Mots.

Il passe en bien des étages. Autant que possible, il invite untel et untelle à écrire.

On peut passer par l’ascenseur.
On peut passer par l’escalier.
Explorer cet univers par les chemins de l’écriture…


…


À l’étage 80 tiret 3.
C’est là que la plupart des exploratrices et explorateurs entendent parler d’elle pour la première fois.

L’Entre-Fée.

Elle apparaît en bien des étages.
À chacune de ses apparitions, son chemin reste un mystère.
Elle semble connaître le Passeur de Mots.

Étrange le vent qui brille.
Étrange le temps et l’espace.
Étrange le Multivers en son cœur…


…

L'étage 81 est celui de l'ennui.

Hommage à cet ennui sans lequel nous ne prendrions même pas le temps de respirer.

L'ennui effroyable, gigantesque, incommensurable, où il fait bon se revigorer parfois...

L'ennui où peut enfin s'épanouir la liberté de penser. Celui où l'on se pose après avoir mangé son insipide pain blanc, et après avoir donné les pauvres miettes restantes aux pigeons idiots sur le balcon.

Cet ennui qui aligne les mots comme on aligne les aspirations profondes jusqu'à ce qu'ils deviennent de merveilleuses images.

Un ennui mortel, qui, même dans le sommeil ne s'enfuirait jamais...