[Étage 47 + 1 Ciel]

Ici, l'on pourrait se croire au paradis.

Au bout d'un long, très long tunnel, dans un halo éblouissant, apparaissent des silhouettes se mouvant comme en apesanteur. Certaines portent les cheveux longs, d'autres des barbes hirsutes. D'autres encore tiennent dans leurs mains en coupe, comme des offrandes, des bouquets de fleurs aux couleurs éclatantes qui tranchent dans le brouillard ambiant. Toutes les ombres sont vêtues de blanc et oscillent au rythme d'une musique quasi imperceptible, comme un lointain écho assourdi par la ouate du halo. Le balancement est hypnotique.

Soudain, allant crescendo une clameur monte, le vacarme devient assourdissant, pénétrant jusqu'aux os. Lancinant, il annihile toutes pensées. Une terrible autant que délicieuse envie de se laisser-aller fait danser les papillons dans le ventre. Quelques sourires émergent de la brume... Un sourire, puis deux, puis trois, puis celui de ma mère...

L’étage 48 est sorti de son précédent comme une génération spontanée de l’ère post-apocalyptique retournée.
Il s’est autoproclamé inaccessible par les communs, mais certains résidents peuvent espérer y accéder par le truchement d’une demi-mort existe en ciel.
Un dieu leur a été assigné de temps à autre pour les temps morts de peur.
Il faut dire que les zombis y prolifèrent depuis que les canalisations complices leur ménagent des passage à tabac pour les enfumer.
Autant rester sur son garde à vous les studios, ici étage autodétruit...

À l’étage 48 tiret 1, vous êtes à l’intérieur d’une grande horloge.
Un robot vraisemblablement usé par les lustres vient à vous.
Vous avez le choix entre trois options :
-Être changé en sable.
-Être changé en méta-humains, puis en sable.
-Aller à l’étage que vous voulez.
Si vous choisissez la troisième option, le vieux robot vous dira seulement :
« À cet étage dorénavant, vous ne faites plus partie de l’écoulement du Temps... ».

Message inter-étage : FAUTE à l'étage précédent
Il faut écrire " Être changé en méta-humain, puis en sable."
Le "s" du pluriel n'a rien à faire là, sot que je suis, bon sang de bonsoir.

[Étage 48 et quelques broutilles]

Ici, c'est l'étage du monde parfait. Le monde tel qu'on se l'imagine sans jamais réellement le voir. Le monde du tout possible, du tout permis sans que jamais l'autorité n'ait à sévir. Le monde où la guerre n'est qu'un mot creux, à l'étymologie rauque et barbare. Un mot flou, qui ne veut pas dire grand chose et que chacun remplit comme il le peut, au petit bonheur la chance, tirant son sort aux dés ou au jeu de go, ou encore l'interprétant à la roulette russe...

Ici, c'est l'étage d'un monde qui n'existe pas.

À l’étage 49 moins le quart, on joue la pendule à l’heure pile.
La face cachée de la lune émet des gongs élégiaques et désespérants, l’auditoire est à deux doigts de la seconde près.
Autant chercher le nord montre en main et cheveux en bataille, il est perdu pour la cause.
Les fanatiques de dernière minute prônent la vérité par tous moyens légaux.
Les indécis de première bourre se voient gratifiés d’appellations contrôlées garanties de contrefaçon.
D’autres préfèrent arrêter les horloges, le temps s’en sortant très bien tout seul dans l’espace qui lui est imparti.
La majorité silencieuse hurle au dictât du tic-tac mais c’est dans le vide intersidéral d’un étage à demi dilettante.

_ Étage 49 moins cinq _


_ _ _ _ Rapport d’exploration (bribes)_ _ _ _ _
… […] … la plupart des explorateurs et exploratrices y communiquent avec des talkies walkies … […] … le lierre qui serpente et lézarde les murs
d’une très ancienne cité-refuge de pierre, presque ensevelie sous la broussaille et la boue des marécages… […] …
………………… (texte rendu illisible par le temps et la pluie) ………………………
……………………………………
……………………

_ Étage 49 _


À l’étage 49 se trouve une cité étendue sur des milliers de kilomètres… puis l’inconnu.

Secteur 4. Le château de sable a pris forme au pied de l’immeuble. Le sable a été récolté dans le chantier d’en-face. Le château a été improvisé, en quelques minutes prolongées, par leurs mains attentives. En fait de château, la construction est cet édifice fragile à la forme incertaine, et qui semble guetter la rue et les alentours. Les enfants sont satisfaits. L’un plaisante en disant que ça va faire venir la mer. Un bref moment passe. La mer va bientôt venir ? interroge le plus petit d’entre eux. Rires de ses camarades. Papotage et jeu de cache-cache pour la fin de l’après-midi.
Un an après, ils remettent ça, accompagnés par quelques animateurs bénévoles de rue, cette fois-ci avec le sable qui a partiellement envahi le secteur 7. Leur œuvre est à présent plus ambitieuse : un ensemble de ces petits tas qui font les huttes, les cases et les tentes, les tours et les cabanes, les avant-postes et les remparts, les centres et les périphéries. Un labyrinthe fragile d’humeur troglodyte, une cité dans la cité.

À l’orée de l’inconnu…
D’étranges mains immenses sculptent, affinent,
modèlent des montagnes et des cités dans la nuit…
de part et d’autre du ciel et de la terre…
un autre labyrinthe troglodyte défiant toute perspective.

Ô ami, où veux-tu te perdre ?

Étage-perdu-pour-l’histoire, on ne lui a attribué aucun numéro.
Impossible d’y accoster, les déferlantes découragent toute espèce de velléité.
J’ai néanmoins percé l’écume afin d’avoir ne serait-ce que l’idée de l’ombre d’un début d’image nébuleuse d’un commencement de représentation.
Il est toutefois vain d’en tenter l’once d’une traduction en langage vernaculaire, épithètes et autres adverbes étant définitivement frelatés et les figures de style se dérobant à toute tentative d’asservissement aux contingences descriptives.
Je fus tenté par une explication convexe mais une part non proportionnelle de moi liée à des circonstances autres se faufila dans ce qu’il restait en moi d’humainement plausible.
Autant dire pas grand-chose, je dus donc renoncer.
Mais les faits sont têtus et s’acclimatent à l’indifférence numérique aussi mal qu’au mutisme.
Quant à moi, je fis machine arrière et jouai l’interlude en attendant mon prochain.

> Étage du goût retrouvé, et des choses faciles <

Ici, la vie a la saveur des douceurs anciennes. Celles d'un passé édulcoré, délesté des rancœurs assassines.

À chaque fenêtre de chaque logis, une jardinière de fleurs printanières aguiche les regards. Multicolores et de formes variées, elles laissent éclater le simple bonheur d'exister suspendu entre terre et ciel.