Bonjour et un merci sincère pour vos lectures, impressions et critiques laissées sous le dernier texte publié.

Je rebondirai sur trois points en particulier :

*Abandonné / par un ami / qui s'ennuyait

Quand on a le malheur d'écrire des vers de 12 syllabes autrement coupés qu'en 6+6, et qu'on jette un trimètre (au rythme ternaire 4+4+4) avec en prime l'effacement de la césure, par ci, par là, beaucoup d'Oniriens friands de "classique" s'en émeuvent et voient au mieux une maladresse, au pire une erreur : or il s'agit d'un vers tout à fait acceptable ; certes, il n'est pas "classique" au sens littéral du terme (relatif à une période particulière et un contexte littéraire précis) mais il est et demeure tout à fait acceptable et ce modèle se rencontre souvent sous la plume de ceux que nous admirons, de Lamartine à Jacques Réda, en passant par Hugo et Verlaine.
Il suffit de les lire. J'en écris régulièrement moi-même et l'on en retrouvera dans d'autres textes.
Suite à ce genre de reproches, j'avais lancé et nourri un topic détaillé et argumenté sur la question une fois, puis deux, puis trois, jadis, sous d'autres pseudos, et je renonce à faire de même aujourd'hui.
Qu'on se cultive donc soi-même sur la question si on manque de renseignements.

* "n'en pouvant mais" :

Il ne s'agit pas, comme semblent le croire quelques lecteurs, d'une faute de français mais d'une expression soutenue, certes surannée ; "ne pouvoir mais" signifie : être incapable de.

Si on le veut, on peut s'informer ici :

http://www.expressio.fr/expressions/n-en-pouvoir-mais.php


* Je n'ignore pas qu'un papillon naît d'une chenille et non d'un cloporte. Ne pas prendre la chose littéralement : on essaie de faire de la poésie, non ?
Simplement, je voulais reprendre l'évocation du premier quatrain dans le dernier pour traduire l'idée d'une renaissance lumineuse, aérienne, joyeuse, sous l'effet de l'amour ; le papillon incarne cette gaieté et le cloporte, crustacé assez repoussant, habitué des lieux ombragés et humides, la laideur dans laquelle végète celui qui n'aime ni n'est aimé.

Je vous souhaite une bonne semaine,
E.

Merci EricD de vos éclairantes explications.
Le 4/4/4 est évidement utilisé par bien d'autres et plus savants que moi. Vous dites l'utiliser sciemment mais, jeté comme vous dites, isolé parmi les 6/6, il me fait l'impression que je vous ai exprimée sans reproche. Je suis ici pour apprendre (et j'en apprends aussi par vos écrits) mais je ne comprends pas l'agressivité qu'on lit trop souvent ici.
Ca gâche un peu le plaisir du partage...
Bonne semaine à vous aussi.

Toutes mes excuses si je vous ai paru "agressif". Ou si je l'ai été.
Je confesse avoir écrit sous le coup d'un certain agacement : à chaque fois que j'emploie le trimètre, on me dit que je commets une faute de prosodie, et cela depuis des années.
Merci à vous.
E.

Bonjour Ericd.
Je ne manipule pas encore moi-même toutes les règles, complexes, de la poésie classique pour me permettre de juger la technique d'autrui. Ma remarque portait sur mon impression de rythme cassé pas sur le trimètre en lui-même. Je pense qu'il est parfaitement légitime en lui-même. Mais pour moi, son isolement au milieu d'alexandrins fait boiter un peu votre joli poème. C'est une rose plantée dans un champ d'œillets (de poète) qui risque de blesser à la cueillette. C'est le soldat qui fait de plus petits pas au milieu de la troupe en cadence. Je crois que j'aurais le même ressenti pour un alexandrin parmi les trimètres, un morceau de musette à un concert de jazz.
Poétiquement vôtre.

Bonjour,

Si je puis me permettre : Le trimètre (dit romantique) est parfois utilisé dans une pièce en alexandrins pour interpeller le lecteur, mettre l'accent sur une situation ou une image particulière, ce qui est parfaitement réussi dans le poème de EricD au vu des réactions que l'emploi de ce rythme a suscitées.

"Abandonné / par un ami / qui s'ennuyait"

Ce vers est harmonieux et musical. Utiliser le trimètre c'est aussi le faire connaître.

Merci à vous,
Cristale

Merci Cristale de vos éclairages qui viennent éclairer ma lanterne et confirmer l'analyse de JFMOODS.
Et merci à Ericd d'avoir permis cette discussion constructive.

Au fond, Anje, vous remarquez (avec justesse) que le trimètre fait soudain entendre sa musique différente, et c'est bien pour cela qu'on l'emploie. Merci pour votre retour.
Pardonnez-moi de n'aller pas plus loin sur le sujet : je l'ai déjà fait souvent ici, sous d'autres pseudos.

Merci Cristale (pour votre lecture bienveillante), merci Ingoa (pour m'avoir fait part de vos impressions), merci JfMoods (pour l'analyse toujours généreuse et pour m'avoir fait découvrir ce poème-fleuve de Miron qui est animé d'une belle vibration)

J'avais moi aussi relevé l'étrangeté du trimètre en question, mais sans aucune intention de blâme -- tout le contraire, en fait. Il me semblait juste que ce genre de variations (souvent heureuses) relevait du néo-classique. Je m'interrogeais donc sur la pertinence de la catégorisation du poème, rien de plus. Et au fond, on s'en fiche. C'est juste que, comme Anje, j'ignore encore beaucoup de règles de la poésie classique pure alors que je tiens à les connaître -- pour mieux les briser, car entre nous, quoi de plus chiant (et parfois de ridicule à la lecture) qu'un poème parfaitement classique ?

Puis-je encore me permettre ?
Dans le règlement des classifications, concernant la poésie classique il est stipulé :

– césures conformes à la métrique, hémistiche obligatoire pour l'alexandrin (sauf le cas particulier du trirème 4/4/4, accepté en classique)

Voici le lien pour ceux que cela intéresse :
http://www.oniris.be/forum/reference-les-classifications-en-poesie-t12522s0.html

Merci Cristale, d'ailleurs il me semblait bien que j'avais déjà rencontré ce trimètre chez Racine.

Mon cher EricD, je crains que vous ne soyez pas assez rebelle si le trimètre est accepté en classique : vous pouvez disloquer ce grand niais d'alexandrin encore davantage