Chers tous,

Un grand merci pour vos lectures et commentaires, que je lis toujours avec attention.

Comme l'a dit Bellini il ne s'agissait pas ici d'embrasser la totalité des gènes du poète, mais uniquement de grossir à outrance ("l'œuvre d'art est une exagération", disait Gide) l'un de ses visages qu'on a tendance à trop cacher ou ignorer, je trouve. C'était un geste volontairement réducteur qui fatalement fait violence à l'extrême hétérogénéité des formes et des intentions poétiques ; désolé donc Vincente si vous n'y retrouvez pas les modernes, même si je ne pense pas que le sens ou la sincérité priment particulièrement chez eux, à l'inverse des classiques comme vous le suggérez. Certes, les poètes lyriques se soumettent sans doute plus facilement à la beauté des impressions fugitives, amorales et illusoires qui leur traversent le cœur et l'esprit ; mais in fine, il me semble que c'est dans le plaisir du jeu verbal et non dans la recherche ou l'expression de la vérité que se trouve le dénominateur commun de toute poésie.

Qu'on n'y voie pas ceci dit une condamnation complète du poète : comme l'a bien senti Miguel, cette critique ne se fait pas sans un certain sourire complice et affectueux, car nous sommes tous plus ou moins ce vampire dès que nous nous retrouvons face à la page blanche avec pour seul mot d'ordre : "je veux écrire quelque chose de beau." Et en un sens il faut chercher à conserver cet esthétisme amoral et potentiellement trompeur, car il garantit notre liberté en tant que poètes et révèle bien souvent à notre insu certaines vérités puissantes, par le simple hasard du jeu verbal et des contraintes poétiques qui, mine de rien, nous obligent à affiner notre pensée.

C'est un sujet complexe ceci dit, on ne se débarrasse pas aussi facilement de l'exigence d'authenticité : trouver sa propre voix en poésie constitue un enjeu éthique et politique autant qu'esthétique. Mais bon, pas le temps de m'étendre davantage dessus :)

Bref, encore merci à Gemini, Miguel, Bellini, Wencreeft (désolé, j'essaierai de viser l'exceptionnel la prochaine fois, même si quelque chose me dit que c'est le meilleur moyen de le louper), Annick, Vincente, Cristale (enfin quelqu'un qui reconnaît ma juste valeur sur Oniris ! ;) ), Stéphane, Donaldo75 et ferrandeix.

Merci pour votre commentaire, Hananke.

Mais je ne vois pas trop comment vous pouvez souscrire au vers "Tout est bon pour nourrir ce vampire du Beau" alors que vous vous opposez totalement au reste du poème.

Je ne dis pas que tous les poètes sont insincères et sacrifient l'honnêteté intellectuelle sur l'autel du bel art, "travestissent la pensée pour la beauté d'un vers" : mais je pense que tous les poètes ont cette tendance en eux, plus ou moins actualisée selon les cas, car si c'était la Vérité qui les intéressait le plus et non pas la Beauté, ils seraient philosophes. Dans le mythe de la caverne, le poète est celui qui fait danser les ombres sur le mur, beaucoup plus que celui qui entreprend de sortir pour voir la lumière du soleil.

Il n'y a qu'à voir leur propension à utiliser l'hyperbole et autres figures de l'exagération ou de la distorsion du réel. La poésie est un art du mensonge, de l'outrance, de l'artifice et de la dissimulation ; pourtant elle constitue souvent une expérience puissante de vérité, ce qui n'est pas la moindre de ses contradictions.

Pour une personne qui sait manier les mots et sait l'emprise qu'elle peut avoir sur son public, la tentation est parfois grande d'écrire ce qui plaira aux gens, ou ce qui lui semblera meilleur rhétoriquement parlant, plutôt que d'écrire ce qu'elle pense vraiment. C'est le cas de W.H. Auden par exemple, grand poète anglais qui a dit regretter certains de ses poèmes marxistes écrits dans les années 30, pour la raison qu'il n'y croyait pas à l'époque mais avait écrit ce que ses amis et son lectorat voulaient entendre, ce qui lui vaudrait les louanges de tous.

Bonjour Hiraeth

"Tout est bon pour nourrir ce vampire du Beau"

Oui, profondément car je suis un grand amoureux du beau sous
toutes ses formes.

Mais jamais, ô grand jamais,je ne serai d'accord avec cette phrase-là :

Il n'y a qu'à voir leur propension à utiliser l'hyperbole et autres figures de l'exagération ou de la distorsion du réel. La poésie est un art du mensonge, de l'outrance, de l'artifice et de la dissimulation ; pourtant elle constitue souvent une expérience puissante de vérité, ce qui n'est pas la moindre de ses contradictions.

Surtout le passage du milieu sur le mensonge, l'outrance et l'artifice.

Bon dimanche.

H

Le mot "vampire" a quand même dû vous choquer, alors ?

Pourtant il me semble que c'est bien ça dont il s'agit. En écrivant un beau poème à partir d'un sujet triste (n'avez-vous pas écrit sur les cancéreux, Hananke ?), les poètes tirent un plaisir esthétique du malheur des autres, voire de leur propre malheur. Baudelaire n'a-t-il pas dit : "je suis de mon cœur le vampire ?"

Du reste, Hananke, prenez garde : je vais relire tous vos poèmes et traquer la moindre hyperbole, la moindre métaphore, le moindre artifice poétique enjolivant la réalité, pour vous mettre en face de vos contradictions :)

Bon dimanche à vous !

Non, je n'ai pas le sentiment de tirer un plaisir esthétique
du malheur des autres.

Vous auriez bien du temps à perdre à relire tous mes textes.

H