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De l'endormie |
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Chevalier d'Oniris
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Bonjour à tous,
Avant toute chose, un grand merci à : Marite, Jano, Raoul, funambul, brabant, macaron, ristretto , placebo et melancolique. Ils ont fait l’effort d’aller vers ce texte et de m’en rapporter leur lecture : elle est toujours précieuse. Ils m’ont aussi rassuré sur un point : non, on n’en veut pas à ceux qui n’aiment pas notre texte ; au pire, on se sent vaguement bête ! (J’avais une certaine appréhension à commenter des textes que je n’aimais pas jusqu’à présent). Bref, je me suis essayé, pour ce poème qui a froncé quelques sourcils, à l’introspection difficile du « pourquoi que j’ai écrit ça ? ». Exercice intéressant mais dangereux, tant il peut amener à ne donner de son texte qu’une mauvaise excuse. J’éssaye quand même. Peut-être certain trouveront plus intéressante cette explication que le texte… je dirais juste que c’est possible qu’elle le soit ! Donc ce texte, « la muse endormie », entretient avec l’œuvre éponyme de Brancusi un rapport intime. Je pense qui si je veux vous clarifier ma démarche, je dois d’abord tenter d’expliciter mon regard sur cette œuvre : le voici. I. Brancusi - ou la tête d’ampoule. Constantin Brancusi « Ce qui est réel n’est pas la forme extérieure, mais l’essence des choses ». La Muse endormie, 1910 Bronze, 16.5 x 18 cm. La Muse endormie, c’est ça : un visage de femme, les yeux fermés dans un mouvement introspectif et contemplatif. Qu’est-ce qu’elle regarde, tout au fond d’elle-même ? Ou même, qui est-elle ? C’est là le beau mystère de cette œuvre… Brabant l’a écrit, je le pense aussi : il y a une « infinie sérénité » dans ce visage replié, une délicatesse primale, élémentaire, universelle même : celle de l’œuf - dont la lumière semble sortie toute entière, éclatante de tendresse et de vitalité. L’œuf allégorique (présents dans la plupart des mythes cosmogoniques) représente traditionnellement la cellule primordiale, celle qui contient en germe la multiplicité des êtres ; il est l’image de la totalité originaire antérieure à toute différenciation. Matrice originelle, espace d’union, bigbang sans frontières : j’y vois quelque chose comme la traduction du mur de Planck / de l’éternité (l’endormie ne ressemblant-t ’elle pas à une décapité ?). Œuf rayonnant, œuf clos, donc : c’est ainsi qu’on m’a parlé d’amour. L’être aimé, toujours en fuite, insaisissable et lumineux, c’est bien pour moi celui dont on peut imaginer le regard se poser sans toujours en saisir le sens : parce qu’il échappe à la comprehension, il ne devient qu’existence. Voilà ce qui m’attire dans cette muse endormie : elle est de l’ordre de la présence, posée là, comme une pierre sur le temps. L’objet, s’il est autonome, est aussi d’une fragilité folle, à la limite de la dilution totale. Elle est la réminiscence d’un fragment archéologique, une stèle antique devenue presque indéchiffrable, gardienne de quelque chose… qui serait « quoi » ? C’est la zone d’ombre. On connait le secret, pas ce qu’il dit… Tout ça étant de mon ressenti, je pense qu’il est bon de mettre une explication plus institutionnelle de l’œuvre. Celle que placebo a liée dans son commentaire me plait, je vous la copie ici. « La Muse endormie est, à l’origine, le visage de la Baronne Frachon dont il a déjà réalisé plusieurs portraits en 1908-09. Avec cette œuvre, toute l’expression se dilue dans la forme ovale de la tête. Le visage semble naître à une nouvelle naissance, plus spirituelle, d’où émane une impression de stabilité. Une sensibilité d’une extrême douceur affleure à la surface de la bouche, des yeux, des cheveux. Un espace infime existe entre l’apparence possible du visage et sa disparition imminente. La main de l’artiste s’est effacée pour laisser la place à la matière particulièrement pure du marbre ou du bronze (note de vicon : Brancusi a fait de nombreuses versions de cette œuvre, je n’en ai connu qu’une, en bronze). L’être contenu dans cette forme ovale semble s’ouvrir à la conscience du monde. » II. vicon - ou l’ampli à lampe. Bon alors, je vais ici m’attarder sur le pourquoi de la forme : le fond du poème étant globalement au-dessus. Mais avant, je voudrais parler de sa lecture. Je ne connais pas exactement les règles de lecture d’un poème en vers libre, alors j’y mets les miennes. Toujours les mêmes : prononce le « e » devant une consonne, respiration en fin de vers… Ca donne ici quelque chose comme « niséclaténibrilleuqueu lefleveukinondeuleuflev » (je suis d’un naturel illisible…). C’est une question qui m’interesse beaucoup. Je ne sais pas comment donner des indices de lecture dans ce genre de poème. Mais je reviens au texte J’ai écrit ce poème alors que je travaillais dans un musée. Chaque jour, j’y croisais l’endormie qui veillait sur son petit monde, et je me demandais à quoi elle pensait. C’est l’idée de ce poème : je ne l’ai pas voulue exactement un commentaire poétique de l’œuvre, mais plutôt une réaction de l’œuvre. J’ai voulu me donner les moyens de la faire parler, cette muse endormie, imaginer son langage, ce qu’elle m’aurait dit. Imaginer sa pensée : je la voyais circulaire, extrêmement vaste, concise. Aussi, je la voyais fragile. Quelque chose comme un paysage en chute constante, la pensée d’un espace qui tombe, toujours à regarder plus au fond de lui-même, toujours en digression de lui-même. C’est le pourquoi de cette forme libre plutôt que d’une forme en prose : la chute amène la chute qui amène la chute qui… L’idée, donc, c’est de créer une parole qui accepte un cycle de vertiges, qui n’ait aucune peur du vide. (Maintenant que j’ai explicité ça, il me semble que je devrais rendre ce poème beaucoup plus long, en faire plusieurs cycle qui retomberait sur « il n’y a pas de hasard … », seul garant de la stabilité du tout… A méditer ? A faire, plutôt.) Rq : Je dis parole, parce qu’il y a chez moi un réflexe quand j’écris : j’écris toujours à voix haute, et le poème n’étant pour moi que le support d’une parole, il trouve son achèvement dedans. C’est encore plus le cas pour celui-là, où j’ai voulu faire du langage de la muse une parole poétique en claire-obscure. Claire ? Dans le choix de mots simples, en voyelles et en hiatus (« ouverture »), dans le silence des interlignes. Claire dans la tonalité et dans le minimalisme de la ponctuation. Obscure : avant tout dans l’opacité d’un langage où le sens est en fuite, d’un langage qui accroche. J’ai voulu en réduire l’accès premier à la simple musicalité de la parole comme ensemble de son et de couleurs, le faire flirter avec l’abstraction lyrique. Ensuite, je pense que pour vouloir saisir le sens de ce texte, il faut l’investir en puissance et en vertu de croyance. Comme l’a bien dit Nietzsche (de mémoire) : « si tu plonges trop longtemps ton regard dans l’abîme, l’abîme lui aussi te regarde ». C’est au fond un peu l’idée de ce texte… Parce qu’il est difficile à prononcer, il doit être prononcé lentement : c’est, comme l’ont dit Jano et macaron, un « exercice ardu », mais que j’aime bien parce qu’il force à l’articulation et ouvre grand le bouche, ce qui donne aux mots un joli rayonnement je trouve. Voilà, pour ma démarche. Le rendu global, c’est autre chose bien sûr. J’avoue que n’écrivant que pour moi-même ou pour un cercle de très proches – qui aiment bien à se moquer de ma petite lubie- , j’ai tendance à aller dans mes poèmes un peu au bout de mes délires. Ça en limite l’accès aux autres, c’est parfois dommageable, mais je ne désespère pas d’un jour écrire un texte parfaitement personnel et tout à fait compréhensible ! En attendant, ces autres textes resteront près de moi, pierre vivante à leur tour, présence ou bien secret. Voilà pour la démarche. J’espère qu’elle a pu vous intéresser, elle m’a permis quant à moi de clarifier mes émotions. _______ Je vais rapidement manger, je répondrais aux commentaires que j’avais reçu ensuite ici. Ils m’ont amenés, comme je l’espérais, à remettre le texte en question ; et si je devais le réécrire, il serait surement différent. Bonne expérience, donc.
Contribution du : 14/12/2011 21:12
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Re : De l'endormie |
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Chevalier d'Oniris
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III. Vo comment.
(désolé d’avoir un peu trainé… on mange très très très lentement par ici !) @ Marite : Uhm, j’ai exposé l’enjeu de la découpe plus haut (je pensais à votre commentaire en l’écrivant). A mon avis, le problème se tient plus dans la lecture du texte que dans sa découpe : il n’arrive peut-être pas à exposer la manière dont il devrait être récité ; et du coup, toute la découpe perds son sens… Après, arrivé là… c’est sûr que la découpe devient très mauvaise, puisqu’elle fait perdre au texte son sens (ce qui reste voulu, mais n’est plus à assumer que comme une erreur… ). D’où mon idée d’en faire un texte plus long pour habituer un peu au contre-rythme du texte et en clarifier la lecture. Une autre solution serait de n’en faire qu’une version orale (j’ai une vieille idée là-dessus, je l’ai exposée à macaron si ça vous interesse !)… @ Jano : Tout comme pour le commentaire de Marite, j’ai éssayé de répondre au votre dans l’explication de la démarche – en ce qui concerne la prononciation extrêmement lourde. Vous faites tous les deux la grosse critique à faire sur ce texte à mon avis : il est difficile à lire (je persiste à penser qu’il n’est pas tout à fait illisible). Je me demande si j’aurais pas du en rajouter un peu plus pour que ça apparaisse comme volontaire, le rendu est peut-être trop nuancé ? Après, le vers que vous citez ne me plait pas trop non plus, je vous l’avoue, je vais réfléchir à une manière de le changer. @Raoul : J’ai l’impression que vous avez bien vu ce que j’ai voulu faire, que vous avez bien saisi le jeu du texte. Sur le retranchement… c’est moi-même ce que je commence à penser : ce genre de texte est peut-être par nature trop instable pour le traiter de manière minimaliste… Je ne sais pas trop. Bon sinon, concernant le peu d’image et de musicalité… Bah pour le coup je l’aime bien comme ça, donc après c’est peut être affaire de gout. Je crois que si je veux garder l’aspect dilué du texte tout en ajoutant de l’image, il faudra juste que je le rallonge – ce qui me semble de moins en moins une mauvaise idée. Aussi, j’apprécie que vous parliez de « démonstration ». J’aime bien créer des objets paradoxaux en écriture et puis, à la fin, juste me dire : « eeeh ouais vic, ça peut éxister, un truc comme ça ! ». @ funambule : Eheh j’aime bien ce petit commentaire que j’interprète comme un « j’ai rien compris, mais ça a l’air vachement profond ! » Je vous remercie de poser sur ce petit texte un regard bienveillant tout en faisant confiance à votre instinct de lecteur. J’espère en tout cas que le fil ci-dessus vous aura donné quelques clés de lectures… @ brabant : Déjà, merci beaucoup pour ce commentaire très détaillé. Je suis heureux que vous soyez sensible au rendu, et j’aime beaucoup votre analyse des [ :] qui témoigne bien je trouve de ce que j’avais en tête. J’aime aussi votre manière de nommer ce qu’est « le comble de l’achèvement », c’est une problématique que je poursuis depuis longtemps… je crois qu’elle se retrouve un peu dans tous mes textes ! J’en ai pris conscience ici en postant ce fil où quelques-unes de mes différentes obsessions littéraires se sont revelées : l’autonomie de l’objet, l’aboutissement comme dilution, la pensée circulaire, … , j’en dis pas plus ! Question de marketing poétique : je garde certains atout dans ma manche !! J’ai éssayé de répondre dans le fil au-dessus au pourquoi de la forme. Elle n’est peut etre toujours pas convaincante, mais… Quoi qu’il en soit, heureux de vous avoir réveillé dans la douceur de Brancusi :) ! @ macaron : Récitation à haute voix difficile. « cassures ne me gênent pas ». Pas tout saisi. J’aime bien. Déjà, j’apprécie le fait que vous ayez fait l’effort de le lire à haute voix. C’est difficile, mais à mon avis c’est là le nœud du texte. A vrai dire, je pensais le faire réciter par une voix synthétique sur fond de musique électro lol (quand je vous dis que j’aime aller au bout de mon délire…). J’ai ce projet depuis longtemps, (pour d’autres textes aussi, qui suivent le même schéma de forme absente). J’essaye de me familiariser avec les logiciels du genre, mais c’est pas encore ça ! Un jour, peut être… @ ristretto : Je crois qu’on aime les même choses dans ce texte. « Ouvrent les limites », « boucle sans fin », c’est aussi ce qui m’a donné envie de partager cet écrit plutôt qu’un autre… Texte peut-être pas net, mais qui parfois trouve un lecteur. Les lignes indéfinies… très bien dit ! (et en trois mots !) Merci en tout cas pour ce commentaire poétique. @placebo : Déjà, je suis ravi que vous alliez trainer dans les coins sales des ateliers de Brancusi à cause de moi ! Pour parler un peu de lui : oui vous avez bien raison, c’est un grand cinglé de l’épure et de la liberté. A ce sujet, on lui prête une citation célèbre : « rien ne pousse à l’ombre d’un grand chêne ». Il aurait dit ça à son maitre, puis il aurait pris son baluchon et se serait tiré. Son maitre ? Rodin! Rien que ça ! Sinon, votre remarque sur l’aspect destructeur de la création évanescente, je la trouve particulièrement pertinente : elle cherche à se nourrir de l’angoisse, du vide ou de l’absence, ce qui est potentiellement très dangereux, c’est vrai... Pour autant, je pense que c’est le problème de toute création qui n’admettrait pas de transcendance, et donc pas de stabilité possible… Stabilité religieuse j’entends. Ici, c’est ce que j’aime chez la muse endormie de Brancusi, la stabilité est rendue possible, mais on sait pas par quoi. N’étant pas croyant, je l’ai lue comme une stabilité de l’instable, une forme d’acceptation totale du vide… mais bon ! Je ne suis pas forcément très à l’aise sur ce genre de sujet et doit surement avoir déjà dit trop de bêtise pour continuer l’esprit serein, en lettres modernes, on étudie plus l’ancien français que ce genre de trucs… [J’arrête la digression] Pour ce qui est de l’évanescence des mots… C’est la raison pour laquelle je conçois la poésie en général comme un support de parole : les lecteurs passent, lisent (à voix haute parfois), et l’œuvre existe quelques secondes dans l’air avant de retourner à son état inerte. C’est à mon avis le même principe pour un tableau qui n’existera que dans l’œil du regardeur… Je ne crois pas trop à la distinction observateur passif / lecteur actif, je pense juste qu’un poème demande plus de temps qu’une image à être décodée, puisque par nature plus conceptuelle. [J'arrête, vraiment, les digressions] En ce qui concerne le texte : J’aime bien l’image que vous employez du glissement de la boucle que je trouve jolie. Elle reflète bien l’esprit que j'ai voulu donner au texte. Après, sur les trois nons... J’aime bien leur sens ('ne voyez pas de frontière derrière la nuit sans frontière', en gros, ils disent un peu tous les trois ça), j’aime bien la syntaxe qui est bien dans l’esprit du poème, mais je les trouve un peu lourds aussi. A cause du rythme surtout, trop appuyé à mon gout (non non non / boum boum boum). Le deuxième que vous ne comprenez pas… je pensais à quelque chose qui serait, « les choses ne baignent pas dans l’espace-temps », réflexion que je m’étais faites en voyant un petit cristal de souche inondé de lumière… Ca n’avait pas grand sens (et n’en a toujours pas), mais j’ai gardé le vers pour la tonalité du tout, et aussi parce qu’inconsciemment je vois un lien entre la muse endormie et ce cristal. Pour le reste... Voilà voilà, merci pour votre long commentaire @mélancolique : Merci à vous d’être passé, mélancolique ! Un poème "original", je le vois déjà comme un beau compliment (il est si dur d'etre original en poésie...)! Bref bref... Au plaisir de vous lire !
Contribution du : 15/12/2011 02:03
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Re : De l'endormie |
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Maître Onirien
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Bonjour Vicon et merci pour ces longues explications. Je comprends mieux votre démarche. Bon, sachez aussi que "la muse endormie" de Brancusi je ne connaissais pas et donc, j'ai découvert quelque chose. C'est en cela que ce site est intéressant.
Comme ma nature est très peu dans " l'abstraction lyrique " et " l'exercice ardu " pour la lecture, vous imaginez combien c'était difficile pour moi de comprendre. J'ai toujours l'impression de perdre du temps quand il faut chercher ... chercher ... avant de comprendre ce que l'auteur a voulu exprimer et j'ai aussi toujours tendance à "mettre en ordre" les mots, le rythme, même dans la poésie libre. C'est pourquoi mon commentaire était tel que vous l'avez découvert. Très bonne journée à vous !
Contribution du : 15/12/2011 09:10
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J'aimerais être esprit pour traverser l'espace et modeler le temps, à jamais, à l'infini. |
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Re : De l'endormie |
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Expert Onirien
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J'aime cette lumière là... et je pense justement que n'étant pas un inconditionnel du "trop lyrique" c'est cette façon de traiter sans emphase excessive mais qui livre un réel sentiment qui m'aura touché... et surtout "embarqué"... dans mes ailleurs à moi. Merci.
Contribution du : 15/12/2011 11:30
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Re : De l'endormie |
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Chevalier d'Oniris
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@ Lunar-K–Lunar-K-Lunar-Kaaaaluunaaarghhh (je me fais toujours avoir !!)
Merci à vous, donc, pour ce long commentaire aussi détaillé qu’intéressant. Vous l’engagez à mon avis très justement sur l’angle de la forme et du rythme, et vous citez ce qui me semble être aussi les trois vers les plus emblématiques de cette tentative. (qu’une boucle qu’unit la tendresse n’y s’éclate et n’y brille que le fleuve qu’inonde le fleuve.) Là, c’est très très appuyé, et c’est d’ailleurs pourquoi j’ai autant insisté sur la lecture à voix haute du texte pour en percevoir l’idée ! J’essaye souvent de faire une poésie un peu éléctronique, samplée, avec des sons courts et très agressifs qui poncturait une mélodie qui serait celle des voyelles, des hiatus, des consones mouillées, au rayonnement plus ample (boucle, fleuve, brille, éclate, inonde, les y…). C’est un projet que j’ai depuis plusieurs mois, que j’ai appelé « à corps perdu », et qui s’achèvera peut etre un jour dans sa mise en musique… D’ailleurs, j’avais dans ma présentation cité une « chanson » qui est à l’origine de ce poème, mais ça a été supprimé à la publication je crois (pas certain de ça : j’ai eu un retour sur ce texte pour en changer sa graphie, c’était peut-être dans l’autre version)… En tout cas elle est superbe !! j’en suis fou !! Il s’agit de Vordhosbn, d’Aphex Twin. De tout ce que j’ai entendu, c’est ce qui se rapproche le plus de la parole claire-obscure d’une muse endormie. Toute la chanson se fait sur un glissement de sons (inconsciemment, c’est le motif de la boucle qui essaye de le reproduire je pense), sur ce que vous appelez un « faux équilibre ». Je ne sais pas si vous y serez sensible, mais ça peut pas faire de mal : voici le lien http://www.youtube.com/watch?v=Qwe10iDlFQo Pour le lien poème/sculpture. Uhm je sais pas trop. Comme je le dis dans le fil, j’avais très clairement la sculpture en tête pour ce texte, mais comme je ne voulais que créer son « langage », et pas la décrire, il est possible que les deux soient autonomes. Et puis le titre de la sculpture – La Muse endormie – forme déjà un concept trèèèès puissant, qui peut ptete suffire à la cohérence du poème. Disons que connaitre l’œuvre de Brancusi (l’avoir aimé peut être) permet à mon avis de saisir beaucoup plus intuitivement le langage du poème… La question du sens. Vous entrez dans une analyse très pointue, et comme je vous l’ai dit en mp, je suis pas très à l’aise sur les questions philosophiques ( j’ai toujours l’impression de dire des bêtises). Je vais essayer de vous répondre selon mon émotion : Plutôt que déploiement de moi vers moi, je vois ça plutôt comme une chute du « moi qui tombe en moi ». Comme une manifestation de « l’obscurité de moi », ou du « vide de moi ». En tout cas, quelque chose de pas net ! Et puis plutôt que L’éternel retour de Nietzsche, je préfère le tout-aussi-mystérieux-mais-plus-tendre « L’origine est devant nous » d’Heidegger. Enfin, Tout ça me laisse pensif… Dernière remarque : l’aspect sexuel est un des aspects de l’aboutissement à mon avis,et je pense que s’il est présent, c’est comme tel... « car l’amour et la mort N’EST qu’une même chose » ( j’ai oublié qui a écrit ça… Ronsard peut etre ?) Merci en tout cas pour votre long commentaire, Je vous souhaite une bonne soirée !
Contribution du : 15/12/2011 20:28
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Re : De l'endormie |
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Chevalier d'Oniris
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@ Marite : Je suis content de vous avoir fait partager cette muse endormie. C'est toujours interessant de partager un peu les influences, et puis ça ne fait pas de mal !
Oui j'avais bien vu que vous étiez passé un peu à côté de l'enjeu du texte, mais c'est aussi une réaction tout à fait valable... et imputable à l'auteur !!! Il est toujours difficile de voir, sur un texte obscur, qui a ressenti quelque chose et qui non, donc ce genre de réaction sont très précieuses aussi . J'ai heureusement quelques textes ordonnés, j'espère vous les faire partager un de ces quatres ;) @ funambule : merci à vous encore une fois pour votre lecture. J'ai beaucoup parlé de ce texte - parce que c'est le premier que je poste et qu'il n'était pas forcément très clair-, mais je pense, au fond, que la manière la plus juste de le lire est la votre... tout en simplicité et en curiosité.
Contribution du : 15/12/2011 20:46
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Re : De l'endormie |
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Expert Onirien
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Merci pour votre réponse, Vicon.
Je ne suis pas particulièrement friand de musique électronique en général, sinon quelques très rares groupes, et Aphex Twin en fait assurément partie (tout particulièrement ce titre que j'aime aussi beaucoup). En ce qui concerne ce "moi qui tombe en moi"... Et bien... c'est exactement le sujet que je traite actuellement dans ce qui, je l'espère, sera mon prochain texte. Je ne vous en dis donc pas plus... Par contre, je ne connais pas vraiment Heidegger, deux ou trois lieux communs, c'est tout. Je ne sais donc pas du tout ce qu'il entend par "L'origine est devant nous". Sinon, cette citation que vous faites : "car l’amour et la mort N’EST qu’une même chose", me fait évidemment penser à la citation de Césaire que j'avais placé dans l'incipit de mon "Ourobore et Caducée" : "quand l'amour et la mort seront / un même serpent corail ressoudé autour d'un bras sans joyau"... PS : Je reviendrai peut-être un peu plus là-dessus lorsque je trouverai le temps de répondre à votre mail (vraiment très intéressant, d'ailleurs !). Dans l'immédiat, ça m'est difficile, je n'ai pas encore tout assimilé... ^^
Contribution du : 16/12/2011 16:04
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Sans puissance d'expansion, sans une certaine domination sur les choses, la vie est indéfendable. Une seule chose est exaltante : le contact avec les puissances de l'esprit. A. ARTAUD |
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Re : De l'endormie |
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Chevalier d'Oniris
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@Pitch 24 : Aïe c’est dommage ! J’aurais été très intéressé d’entendre vos explications ! Comme je l’ai dit, j’aime bien faire des poèmes qui ne soient pas forcément de l’ordre de l’accès mais de la présence, donc j’aime bien toutes les digressions possibles sur mes textes.
Pour ce qui est du « yod de la poésie » (je comprends votre plaisir à utiliser ce joli terme malheureusement inemployable !) , je me suis posé la question sur ce texte. Dans ma manière de parler qui est ce qu’elle est, j’ai tendance à dire « il ya », voire même « ya », et au contraire toujours « il n’y a », donc j’ai laissé tel quel. Pour les trois temps du cristal… comme je l’expliquais à placebo c’est ma bête noire. Sur le moment je l’aimais bien et me suis donc dit « fais confiance à ton instinct » ; mais maintenant je peux plus le sentir, je trouve qu’il jure. Pour donner un semblant d’explication : il y avait, au musée dans lequel je travaillais, une souche de cristal qui baignait dans la lumière et qui me rappelait la muse endormie et sa manière de baigner dans le temps. Ce n’est donc malheureusement qu’une association d’idée que suis seul à pouvoir comprendre, « Texte sans doute areligieux, mais dont on devine une sensibilité bouddhiste ». Assez d’accord avec ça. En tout cas, l’idée du temps comme cycle est une idée assez orientale à mon avis – en occident, le christ marque le début du calendrier : depuis le temps est linéaire. Puis ya aussi l’idée de l’aboutissement de soi, donc… Merci à vous d’être passé, d’avoir lu le texte et son à-propos, d’avoir réagi. D’avoir pris le temps quoi !
Contribution du : 16/12/2011 17:52
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Re : De l'endormie |
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Chevalier d'Oniris
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@ Lunar-k : Ahhh Aphex Twin, je l’adore ! D’ailleurs je l’ai vu deux fois en concerts malgré le fait que moi non plus, je ne suis pas un puriste de l’électro(j’étais un ado à mèche et à guitare sèche).
J’attends votre texte, et en attendant : voici quelques mots sur Heidegger. Je les tiens d’un ami à moi qui m’en avait parlé dans un mail. C’est une source très fiable sur les questions de philo ; et j’ai une parfaite en confiance en lui : « Chez Heidegger, l'Origine est l'une des formes par lesquelles s'exprime la question de l'Etre. L'Origine est, comme l'Etre, ce dans quoi nous sommes "jetés", ce qui nous englobe éternellement et que nous ne pouvons que pressentir dans son retrait dans l'inconnu, dans le mystère (Fureur et...). Aussi, l'Origine est, métaphoriquement, comme le terrain de jeu sur lequel nous sommes projeté et où nous devons agir, bâtir, penser et éclaircir, disposer le monde dans une quête philosophique de l'Etre. Ca me rappelle une autre citation exceptionnelle de Heidegger : "L'important n'est pas de sortir du cercle mais de s'y engager convenablement". C'est comme la Parole - terme encore plus intéressant - qui est ce dans quoi nous nous trouvons avant toute communication, le silence absolu sur lequel viendront se poser les mots, les phrases - le langage. C'est pourquoi la poésie, et l'art en général, en révélant l'au-delà du mot, l'indicible, cad éclaircissant plutôt son mystère que son essence, sont les expressions de l'Etre, de la Parole, de l'Origine. Ils font signe au silence, il renvoie à l'absent, à ce qui se retire, ce qui demeure caché. » Plus loin : « C'est une chose que Heidegger m'a appris - revenir à l'existence, à nos modes premiers d'existence : s'occuper, se préoccuper des choses, interagir primitivement avec l'environnement (l'ouvrier et son marteau, agripper la poignée de la porte, taper sur mon clavier...). C'est seulement dans la perturbation de cette existence pratique dans le monde de l'utile/utilisable/disponible que nous commençons l'analytique, la réflexion esthétique, rationnelle, et finalement, la contemplation. Il y a une espèce de vérité, selon moi, dans nos comportements primitifs, un mode originelle et nu de perception du monde comme apparition disponible, certaine, unie, structurée et cohérente - la sphère des choses disponibles » Voilà voilà...
Contribution du : 16/12/2011 17:53
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Re : De l'endormie |
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Maître Onirien
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15/02/2009 19:42 De banlieue tranquille & terrifiante
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Bonjour Vicon,
Intéressant développements conceptuels. Il y a un axe dont vous ne parlez pas et qui me semble bien fonctionner avec votre texte c'est l'enfermement //isolement* Sculpture certes apaisée, protégée et s'abandonnant au(x) monde(s) dont celui clos de ses rêves et pensées si intimes qu'elles sont dans la langue secrète de certains diaristes. À cet égard, le premier et le dernier vers me semblent bien convenir… Pour ma part j'ai toujours un mal fou de langue avec ces négations de négations, et ses [y] lieux de non-lieux, mais c'est somme toute cohérent avec l'infra langage de cette "musette" si polie et longuement caressée par Constantin. De plus le texte m'évoque aussi l'univers onirique sans passer par la description, et je trouve ça plutôt fort… Merci en tous cas. <];o) *(question abordée par Brancusi lui-même avec le travail qu'il a souvent fait sur ses socles…)
Contribution du : 29/12/2011 20:06
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" Je résous maintes questions en ne me les posant pas." Scutenaire |
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