Il m'a toujours semblé qu'un poème contenait toujours en lui-même, explicitement ou non, tout ce qui le faisait exister. Comme un être vivant. Un poète n'a pas besoin de "théorie" pour son poème, c'est l'existence même du poème tel qu'il est qui importe et qui dit tout. Qui dit assez. De plus, pour reprendre un peu ce que disait Breton sur le poète "sismographe", il me semble que la poésie ne se discute pas. C'est là, comme une herbe poussée, comme un arbre parfois, comme un nuage ou comme une brise, une tempête, un ouragan. Ça pousse, ça ne se construit pas, selon moi. De même qu'on ne discute pas du temps qu'il fait, inutile de "discuter" de poésie. A chacun de donner la sienne, de devenir le météorologue de ses sensations, de ses bonheurs ou malheurs. De la façon la plus juste, la plus précise possible. On a la chance parfois de tomber sur une perle, une fleur, une aurore, la lumière d'un jour profond ou léger, de "tomber sur" un émerveillement inattendu, imprévisible. Et c'est ce qu'il m'arrive ici aussi, dans Oniris, parfois. Aussi ai-je été très sensible à vos critiques pour la plupart très positives.
Parfois les poètes sont des prophètes de malheur, c'est qu'ils vivent mal, j'ai connu ça jadis... Depuis quelques années je me sens plutôt l'envie d'annoncer de la joie, ou de dire celle que je vis. Peut-être, jeune, a-t-on trop de vie en soi. Plus âgé, celle qui reste, on la choit. Amour, délices et orgues...
Enfin, la poésie ne m'a jamais semblé devoir être un "but en soi", elle est moyen de mieux vivre, et mieux sentir, mieux penser, je crois. Merci beaucoup, en tout cas, de vos lectures sensibles, éclairantes, critiques parfois, toujours pertinentes.

Ou bien, pour préciser ma pensée, non pas tant "météorologue" de soi-même que de son rapport au monde, aux autres, à soi... Parce que, comme je le disais par ailleurs, le poète est un homme du lien, il relie l'homme aux autres, à soi, au monde, aux animaux, c'est pour cela qu'il est de toute façon "lyrique", même s'il refuse a priori le lyrisme... Le poète relie, ou bien il n'est pas. Il refuse en tout cas cet individualisme d'aujourd'hui qui nous ferait croire que nous sommes des "isolats"... Nous sommes reliés à la vie, aux autres vivants et nous crevons de ne pas en tirer les conséquences. Le poète le sait plus que tout autre à mon sens.

Je suis tout à fait d'accord avec cette perception de la poésie comme lien au monde et aux autres, Mauron !