Bonjour à tous,

Quelques éclaircissements sur « Craque le temps » que, quasiment à l'unanimité, les lecteurs ont pris pour une beuverie fort peu inspirée.

Du coup, la gueule de bois est pour moi !

Il n'y a pas une once d'alcool dans ce poème, mais il y en a peut-être l'effet. Le temps qui passe, qui nous est compté, en est le responsable. Car c'est grisant, le temps, on croit toujours en avoir tellement ! Et c'est de cette griserie dont j'ai voulu parler, celle qui nous fait vivre à cent à l'heure, et
du moment où on dessaoule. Nous nous retrouvons alors comme un mendiant et on fait tout ce qu'on peut pour prolonger ce temps désormais compté.

Le temps nous cerne tous, il est dès le départ notre facteur limitant. Mais nous avons pour nous une jeunesse, une soif de vivre, une énergie, une inconscience aussi. Alors « Je » boit de cette eau limpide, s'en abreuve sans compter. Il vit à fond.

Et puis il se passe dans la vie de « Je » des choses, au cours du temps, qui font qu'il la maudit quelquefois, cette putain de vie, mais il en veut cependant encore. Il est accro et veut vivre ses jours, même les moins bons. Il mendie même ce temps-là.

Arrive le moment où « Je » comprend la confrontation au temps, il découvre alors la taverne du temps. Et ce qu'elle cache de trafic. Ton argent pour du temps, un peu plus de ce temps que tu vivras misérable, mais du temps quand même. De ce temps que le tavernier va chercher au fond du trou, du puits, mais n'en ressortent que des secondes dégoulinantes. C'est tout ce qu'il reste à « Je », des secondes.

Par bravade, parce qu'il sait que c'est fini, « Je » va rassembler sa fortune d'un fond de poche trouée car tellement gaspillée. Entouré d'acolytes pas plus frais que lui, tous au comptoir, chopes sur le zinc, les copains de temps savent ce qui attend « Je » qui brave le temps, il veut finir en beauté mais eux n'ont pas cette force, après des vivats hypocrites, ils ne peuvent que se taire quand « Je » va boire ses dernières secondes que le tavernier lui a servies. Il n'en aura pas d'autres, le crédit temps n'existe pas. Alors, une fois les ultimes treize secondes bues, « Je » n'a que le temps de voir un vide abyssal au fond de sa chope, ainsi que d'autres face vieillies, boucanées d'avoir aussi, comme lui, vécu leur temps imparti. Ils se taisent, les copains dézingués, car ils sont les spectateurs de ce qu'ils feront bientôt. En claquant fièrement ou non la chope de leurs dernières secondes sur le zinc, bravement ou lâchement, nul ne le sait.

Et puis, avant la bascule, avant que ne craque la vie, « Je » a le temps, ultime cadeau, de revoir des bribes de sa vie heureuse, des secondes dorées et des minutes aimées.

Et son temps est alors irrémédiablement écoulé.

Craque la vie.


Je remercie tous mes lecteurs.

Avec un merci spécial pour mes commentateurs :

Johannes, MissNeko, Wall-E, Pizzicato, Bidis, Lulu, Plumette, Papipoète, Proseuse, Charivari, Corbivan, Fabio, Ananas.

J'ai apprécié que certains y aient trouvé un rythme et une ambiance. C'était un de mes buts.

Bidis, votre œil de lynx m'est toujours aussi précieux : je retire le « en », ce qui donne «  me souffle le tavernier ricanant ».

Cordialement,

hersen.

Bonjour Hersen,

je confirme que l'on perçoit bien un rythme et une ambiance dans ce poème. C'est d'ailleurs sa force. Le rythme colle bien au personnage qui s'exprime et aux vers libres que je trouve particulièrement bien maîtrisés.

S'il est vrai qu'il n'y avait point d'alcool dans ce poème, l'effet est réussi !

Enfin, je ne crois pas qu'il s'agisse dans ce texte d'une simple beuverie peu inspirée. En tout cas, à relire ce poème, avec recul, j'y perçois une réelle densité du personnage. Il boit, c'est sûr et cela nous apparaît comme quelque chose de négatif pour lui, voire son entourage, comme toute personne qui boit vraiment d'une façon excessive, mais le poème a tout de même cette capacité à nous le montrer, lui, en tant que personnage.

Je disais dans mon commentaire que je n'étais pas fan du thème, mais avec recul, je perçois mieux l'intérêt qui a pu présidé à son traitement. Le personnage est singulier, alors pourquoi ne pas le montrer ? Puis, c'est toujours un petit plus de sortir des thèmes habituels en poésie...

Merci Lulu de votre intérêt encourageant;

Avec le recul, je vois que j'ai peut-être un peu forcé la dose...de la métaphore !

Il se peut que je le retravaille dans ce sens.

En tout cas merci.

hersen.

merci, Letho, de votre passage et bien sûr que non, il n'est pas trop tard;
C'est ce que j'aime sur le site, les oeuvres, même les plus anciennes, ne sont jamais bien loin.

Merci d'avoir été prise par ces vers du sentiment du temps qui passe, nous y sommes tous confrontés, n'est-ce pas ?

j'apprécie que vous ayez pris le temps de vous y arrêter et de le commenter,

Cordialement,

hersen