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Un dernier verre pour mon ami poète.
Visiteur 
Merci à tous ceux qui ont permis la parution de ce texte. Il paraît qu’il y a un tas de monde derrière le rideau, alors encore merci de votre patience.

Je suis bien sûr très content de l’accueil global. Pas moins de neuf commentateurs ne m’avaient jamais attribué une meilleure note. C’est que tout de même quelque chose a bien fonctionné.

J’avais le choix de ne pas ouvrir de forum, sachant que sinon ça risquait d’être long. J’ai bien essayé de déléguer le boulot à Stony, mais il avait d’autres chats à fouetter.
Un point fréquemment soulevé à propos de la forme du dernier vers m’a décidé à vous répondre en deux temps. Mes messages personnels viendront donc juste après ces questions de forme. Je recommande à ceux que ça n’intéresse pas de sauter ce premier post, je n’accepterai aucune réclamation sur l’endormissement au volant :)

Tout d’abord, je ne pensais vraiment pas que ça pouvait coincer sur la compréhension du dernier quatrain. Mais bon, je dois bien m’y résoudre puisque plusieurs d’entre vous ont fait la remarque.
Je pense que tout le monde au moins aura compris le contexte du poème : cet ami poète emprisonné puis exécuté pour avoir écrit et diffusé des poèmes, les siens ou ceux d’autres poètes.
Et comme je ne pensais induire aucune confusion possible, il me semble ne pas avoir d’autre choix que de dire en deux mots le sens que j’ai voulu donner au dernier quatrain :

« Cette peur, cet espoir, comme une délivrance,
Mêlent dans mes douleurs les souvenirs de nous,
Ta vie en son miroir avait figé l’enfance,
Qu’est-ce vivre si c’est toujours vivre à genoux ? »


1- « Cette peur, cet espoir, comme une délivrance, »
Il s’agit là bien sûr des sentiments de l’ami poète. Celui-ci écrivait ou diffusait des poèmes avec la crainte d’une arrestation mais aussi l’espoir qu’un jour la liberté gagnerait.

2- « Mêlent dans mes douleurs les souvenirs de nous, »
Là je crois qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur le propriétaire des douleurs. Il s’agit de moi (disons le narrateur). Le narrateur se souvient de cette peur et de cet espoir que lui confiait son ami.

3- « Ta vie en son miroir avait figé l’enfance, »
Ce poète avait, comme beaucoup d’autres je crois, gardé la capacité de s’émerveiller du monde, à la manière des enfants. Dans une dictature c’était même devenu pour lui un refuge.

4- « Qu’est-ce vivre si c’est toujours vivre à genoux ? »
Là encore, c’est évidemment (pas si évident que ça apparemment) l’ami poète qui parle. Il a choisi la mort plutôt que la soumission. A quoi sert de vivre si c’est pour vivre à genoux.

J’aimerais vraiment que quelques lecteurs (même non commentateurs) viennent me donner leur avis sur leur compréhension de ces vers, surtout ceux qui ont compris sans problème ce que j’ai voulu dire, parce que là j’avoue que je désespère un peu de moi :) A ce stade, l’échantillon est trop faible pour me faire vraiment une idée.

***********************************************

J’en viens enfin au dernier vers. Pour ceux qui le considèrent comme un trimètre, disons que c’est un trimètre comme je ne les aime pas du tout :
« Qu’est-ce vivre/ si c’est toujours/ vivre à genoux ? »

Ce serait utiliser la même accentuation que Victor Hugo dans ce vers cité en exemple par le Sorgel :
« Ils se battent,/ combat terri/ble, corps à corps »
qui précise que le trimètre admet donc des coupes diverses, en particulier, l'e muet à la fin de la première période (ils se battent) mais non de la deuxième (combat terri/ble). Curieux passe-droit tout de même, à ce bon Victor Hugo qui a souvent fait la loi pour arranger ses vers. Car si l’on s’en tient à la règle selon laquelle ce sont les syllabes toniques qui dictent le vers français, alors ce vers devrait se décomposer en :
« Ils se ba/ttent, combat terri/ble, corps à corps » qui n’est plus un trimètre.
D’ailleurs, Victor Hugo utilise cette fois normalement la règle des toniques :
« La vie augus/te, goutte à goutte,/ heure par heure, »

Donc, je n’aime clairement pas cette sorte de licence, et je me refuse à considérer mon vers comme un trimètre. Je n’envisage le trimètre que divisé 4/4/4 sur des syllabes accentuées, ce que d’ailleurs la plupart des poètes ont souvent respecté.
Si mon vers n’est pas un trimètre, c’est donc qu’il comporte deux hémistiches.
« Qu’est-ce vivre si c’est/ toujours vivre à genoux ? »
dans le même esprit que le vers de Hugo :
« J’ai disloqué ce grand / niais d’alexandrin. »
que certains traités considèrent donc avec deux hémistiches, précisant qu’il peut éventuellement se décomposer en trimètres, comme le sous-entendait la pique de l’auteur : « J’ai disloqué / ce grand niais / d’alexandrin. »

Victor Hugo n’a jamais osé dans ses trimètres couper un mot à l’hémistiche, ce dont ne se sont pas privés d’autres poètes après lui. Normal, une fois le loup entré dans la bergerie, pourquoi ne pas refaire les peintures ? Et puis, toutes sortes de chapelles s’étant formées après Malherbe, pourquoi ne pas profiter de celle-ci qui vient m’accueillir et accepte cette césure interdite chez les plus classiques ? Après tout, il ne me semble pas en abuser dans mes textes, c’est même rarissime et je me tape sur les doigts en les écrivant.

Simplement, si un récitant devait dire mon texte, je lui demanderais de suspendre à peine son débit après si c’est, comme s’il y mettait deux points de suspension :
« Qu’est-ce vivre si c’est.. toujours vivre à genoux ? »

Voilà comment j’ai vu les choses au moment de les écrire.
Car j’aime ajuster la forme au propos, le signifiant au signifié. La rupture formelle de ce dernier vers symbolise la mort, l’ultime résistance de cet ami poète face à la dictature. Ce vers, pour moi il était comme évident de le torturer un peu. Je remercie Cristale de m’avoir soutenu dans cette démarche. J’ai senti comme un courant passer entre nous :)

Ce n’est pas le seul symbolisme que j’ai voulu introduire dans mon texte. Il y a par exemple l’écho à la césure miroir/espoir. Même s’il est à distance de deux vers et donc pas considéré comme un écho (les traités ne définissent généralement l’écho qu’à une distance maximum d’un seul vers) j’ai voulu là encore que le mot miroir trouve son image juste en face. Il y a la règle et l’esprit de la règle. D’ailleurs, ces mêmes traités acceptent l’écho à un vers de distance lorsque l’auteur souhaite produire un effet, ce qui me paraît normal.

Le mot figé, dont Cristale et peut-être d’autres ont noté la répétition à dix vers d’intervalle, est là encore voulu (je passe tous mes textes au Répétoscope et au Caribon :). Dans une comparaison j’aime reprendre le même liant : le sang figé dans la prison/l’enfance figée dans le miroir. J’ai précisément cherché un terme unique dont le sens varierait d’une expression à l’autre, laissant ainsi le miroir donner forme à plusieurs réalités. L’effet miroir de l’avant dernier vers est aussi prolongé par sa structure 2442, une sorte de chiasme dans la versification.

Je suis très attentif au rythme des vers, lequel est marqué, dans la versification française, par l’emplacement des toniques. S’agissant des hémistiches de l’alexandrin, les coupes les plus fréquentes sont 3/3, puis 4/2 et 2/4, puis plus rarement 1/5 et 5/1, et presque jamais 2/2/2 ou 3/2/1 et ses variantes.

Toujours dans le souci de lier la forme au fond, j’avais donc le choix d’enfermer mon ami poète dans sa cellule en privilégiant des vers aux coupes courtes et saccadées, soit privilégier ses rêves de grands espaces par des vers du premier type 3/3, 4/2, 2/4. C’est cette dernière solution que j’ai choisie. J’y déroge une seule fois volontairement au vers « Mêlent dans mes douleurs les souvenirs de nous, » où les toniques partagent le premier hémistiche en 1/5, précisément parce que le sens induit un bouleversement des sentiments. Bouleversement prolongé sur le vers entier (1/5/4/2), puisque c’est le seul vers qui comporte quatre coupes différentes. Ici c’est donc le rythme voulu qui a déterminé le choix des mots et non l’inverse.

Pour conclure sur ce thème, le poème commence par des coupes 3333 au premier vers et finit de même, montrant qu’un nouvel équilibre est trouvé, la mort cette fois. Mais aucun auteur ne peut attendre d’un lecteur qu’il aille aussi loin dans l’analyse d’un texte qui ne fait que passer. Cela fait partie du domaine réservé de l’auteur, que j’ai légèrement entrouvert ici.


Du coup je suis un peu dans le doute, même si au fond de moi j’ai vraiment envie de conserver la forme initiale du dernier vers. D’un autre côté, je ne suis pas insensible aux réactions des lecteurs lorsque je les sens de bonne foi, ce qui est indéniablement le cas ici. Je vais donc réfléchir à ce dernier vers, c’est sûr ; merci pour ça aussi. Bon, là je pense ne plus parler versification pendant au moins deux ans.
Vous avez compris pourquoi je cherchais Stony. Pardon.

A+
Frenchkiss

Contribution du : 11/05/2019 19:32
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Re : Un dernier verre pour mon ami poète.
Visiteur 
- « Qu’est-ce vivre si c’est toujours vivre à genoux ? »
Bonsoir,
C'est surtout la lecture de se vers qui n'est à mon goût pas aisée par rapport à l'intégrité du poème .

Ce que je comprends dans ce vers est qu'il ne vaut pas la peine d'écrire si on n'a pas une once de liberté d'expression .
Le poète a refusé de se plier aux règles ( de se mettre à genoux ) et en a payé de sa vie.
Bon...c'est mon interprétation...vous m'en direz plus, je me plante peut être...
Bonne soirée .

Contribution du : 11/05/2019 20:40
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Re : Un dernier verre pour mon ami poète.
Visiteur 
Citation :

J’ai bien essayé de déléguer le boulot à Stony, mais il avait d’autres chats à fouetter.


Mon pauvre ami, je fouette à tout-va !

Quatre plumes seulement ?!
Vous flanchez.
Une taquinerie prévue par l'algorithme de Nico ?

Bravo quand même. Vous ferez mieux la prochaine fois :)

Contribution du : 12/05/2019 00:12
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Re : Un dernier verre pour mon ami poète.
Maître Onirien
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Bonjour Frenchkiss,

rassurez-vous, je me suis garée sur le bas-côté avant de lire votre très instructive explication de texte. Cela sonne même comme un cours de littérature à mes yeux (sans doute êtes vous prof d'ailleurs?).
Du coup je suis doublement admirative car je me rends compte que vous cumulez, à l'instar de quelques uns ici qui se comptent sur les doigts de la main, à la fois le savoir, une connaissance quasi irréprochable des règles de prosodie et un magnifique talent qui finira par se reconnaître dès les premiers vers savourés(en EL je veux dire).
Mais ce n'est pas tout. A vous lire, je me rends compte que si j'avais cette connaissance doublée d'une patience pointilleuse pour remettre son travail sur le métier jusqu'à la perfection, j'aurais peut-être une petite chance de monter une marche vers la poésie classique...
Mais quel boulot quand même ! Je vous livre ici mon admiration très sincère.
Je ne suis pas ainsi, je fonctionne à l'émotion et à l'inspiration brute. Ma seule exigence étant la musique, ma seule maniaquerie étant le soin pointilleux que je mets au choix des mots.
Je me reconnais d'ailleurs fort bien dans la précision que vous apportez sur le fameux "figé" : il arrive parfois qu'en commentaire, on reçoive des interrogations, des conseils, un nouveau choix de mot, voire même une ré -écriture d'un vers ..
A cela je réponds toujours la même chose: comme vous; choix délibéré, voulu, calculé.

Au sujet de mon propre commentaire, je voudrais encore vous dire que je n'ai pas exploré toutes les pistes de lecture qui m'étaient proposées. C'est volontaire. J'ai préféré laisser libre cours à l'émotion ressentie à la première lecture. Pour tout vous dire, votre poème m'en a rappelé un autre édité ici il y a fort longtemps par un ami- poète qui n'a pas été emprisonné mais a choisi de porter ses mots ailleurs...

Bon, et je m'arrête là car je me rends compte que c'est votre droit de réponse et non le mien .

Bon dimanche Frenchkiss



myndie élève dissipée

Contribution du : 12/05/2019 08:29
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"Les mots peuvent être "impuissants" et pourtant ils sont tout ce que nous avons pour étayer nos ruines". Joyce Carol Oates
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Re : Un dernier verre pour mon ami poète.
Expert Onirien
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Bonjour FrenchKiss,

Pardon de vous contredire et de vous décevoir en affirmant que ce dernier vers est à mon sens un trimètre. Si je ne discute pas votre explication technique, permettez-moi d'y apporter mon idée musicale. La poésie n'est-elle pas destinée au chant ?

J'ai lu et relu votre magnifique poème à haute voix et je n'ai jamais, même en essayant comme vous le souhaitez, lu "qu'est-ce vivre si c'est... toujours vivre à genoux ?". Je trouve le ton, le rythme mous, pas assez tourné vers la révolte. Je préfère, et mon accent sudiste m'y aide peut-être, dire "qu'est-ce vivre ? Si c'est toujours ! vivre à genoux..." Ainsi, plus de renoncement ni lassitude mais une volonté de sacrifice, une dernière résistance : alors tuez-moi car je ne plierai pas. Alors, même si déclamé de la sorte, le vers est techniquement imparfait, il me semble parfait musicalement.

Loin de posséder votre virtuosité prosodique, j'ai juste laissé parler mon oreille qui n'est que la mienne.

Encore un grand bravo pour vos textes.

Contribution du : 12/05/2019 09:21
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Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques. (A. Chénier).
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Re : Un dernier verre pour mon ami poète.
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Bonjour FrenchKiss,

Tout ça est passionnant, cette "mécanique" qui se dévoile en partie, ces raisons et raisonnements qui nous atteignent, toute cette matière à réflexion... Merci de nous livrer toute cette intimité d'auteur.

Concernant ce fameux dernier vers, et sachant que je n'ai aucun avis académique, je dirais que sa réussite doit être si ce n'est limpide, du moins fluide à la lecture. Vu que j'ai été un des premiers commentateurs et le premier (je crois) à être dérangé par ce vers "discutable", je voudrais proposer une humble remarque quant à la forme, suite d'ailleurs à votre explication ci-dessus et à la "solution" que j'avais adopté intuitivement (bien que dans un deuxième temps) : ne pourrait-il pas figurer avec trois points de suspension derrière le c'est "« Qu’est-ce vivre si c’est... toujours vivre à genoux ? » Est-ce rédhibitoire pour rester en classique ?. Parce que ce temps mort aurait aussi un sens, celui d'appuyer la difficulté sous-jacente de la réponse.
Ceci dit cette fluidité que je n'ai pu emprunter intuitivement n'est pas le seul "reproche" que je lui ferais. Comme le soulignait @Hersen, le "vivre à genoux" tout fort soit-il a été je pense déjà bien requis par d'autres. Le brio de votre poème ne me laissait pas entrevoir une dernière note sans étonnement. D'où une petite déception. C'est vrai que plus l'accomplissement frise la perfection, plus le lecteur/spectateur devient difficile, c'est injuste, mais comment cela pourrait-il en être autrement. La qualité n'invite pas à la médiocrité (cette fin n'est pas médiocre à mes yeux, ne vous méprenez pas, relativement au reste, elle est moins inspirée, c'est tout, mais c'est beaucoup !).

Pour la question du "figé" répété, dans ses deux sens, je n'en ai pas été du tout gêné. En fait, pour moi qui ne suis pas dans un registre a priori "confortable" en classique, ce qui m'importe c'est ce que produit l'aisance de la maîtrise formelle. Négligeant tout avis technique, il me faut de l'harmonie qui sache gommer sa rigueur aristocratique. Ce qui m'importera donc c'est la facilité toute mystérieuse que je ressentirai à me faire prendre par le texte, la forme est secondaire, elle tient son essentialité à sa fonction d'outil.

En tous les cas, je salue à nouveau ce dernier bijou qui montre dans la véracité de la langue contemporaine une poésie classique de si belle tenue.

Vincente

Contribution du : 12/05/2019 11:02
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Re : Un dernier verre pour mon ami poète.
Visiteur 
Myndie (Passionnément en EL), merci pour ce thème du double que vous évoquez. Je m’en suis expliqué plus longuement dans mon post précédent. Merci aussi pour ce commentaire qui est riche de ce qu’attend un auteur.
En réponse à votre post #4, j’ajouterai que je suis un éternel élève et certainement pas un prof :) J’essaie de mettre un peu de conviction dans ce que je dis, au risque parfois j’en conviens, de paraître pédant, étant par ailleurs conscient que tout ce que je dis peut être contestable. Nous partageons ici nos expériences de lecture et d’écriture, et je vous remercie de m’attribuer quelque patience à le faire. Que le lecteur soit intéressé, sourie, ou soit agacé, n’est pas un problème pour moi.

Oui je suis assez méticuleux dans certains domaines, dont la poésie classique fait partie ; je lis à peu près tous les traités qui me tombent dans les mains, et certains traités du passé se lisent comme des romans. J’apprécie particulièrement de comprendre l’essence et l’évolution du vers classique à travers la critique, parfois acerbe, que font certains auteurs des poètes du passé. Il y a beaucoup à dire et à penser sur la poésie classique. Merci encore à vous pour vos mots que je ressens toujours très justes.

Anje (Passionnément en EL), vous êtes de ceux qui ont aimé le dernier vers. Non, je ne m’adressais pas à Hashem Shaabani, mais vous avez bien fait de rappeler qu’il est l’archétype du sujet traité.
En réponse à votre post #5, je suis très heureux que vous lisiez le dernier vers comme vous le faites et comme j’imaginais que la majorité des lecteurs le ferait. La syntaxe commande en effet cette évidence. J’ai voulu profiter de ce vers pour donner mon avis sur le trimètre, forme que je n’apprécie pas beaucoup et dont il est conseillé par les auteurs de traités classiques de ne pas abuser. Pour moi, que le lecteur choisisse le trimètre, comme vous, ou la césure non classique, comme moi, je voulais que la rupture formelle de ce dernier vers symbolise l’ultime résistance de cet ami poète face à la dictature. Qu’il y ait plusieurs choix possibles de lecture ne fait que renforcer l’idée de déstructuration. Je suis heureux que ce vers crée le désordre. Je comprends aussi que si vous avez l’accent sudiste, le E de Qu’est-ce vivre/ soit accentué et que dans ce cas le trimètre soit parfait 4/4/4 :)

Gabrielle (Beaucoup en EL), oui comme vous dites, la poésie c’est faire vibrer le monde en quelques vers anodins. C’est ce que j’ai essayé d’exprimer en disant : « Les rendre à l’innocence, aux vœux de liberté, ». Le monde ordonné de la dictature n’est pas toujours d’accord avec ça.

Vincente (Passionnément-), vous êtes de ceux un peu circonspects à propos du dernier vers. Je m’en explique plus haut à défaut d’avoir convaincu. Je retiens bien sûr votre appréciation globale qui me comble. Merci de votre fidélité.

En réponse à votre post #6, je suis bien conscient que le travail de l’auteur s’efface devant le ressenti du lecteur. Mais je crois aussi que ce sont ces petites touches non directement perceptibles, ce domine réservé de l’auteur, qui font la personnalité d’une écriture ou d’un style à mesure qu’on découvre peu à peu sa production complète. Il finit par y avoir comme une sorte de reconnaissance intuitive de qui a écrit ces mots, juste parce que on pense avoir effleuré ce domaine réservé de l’auteur. Enfin, c’est comme ça que je crois reconnaître certains poètes du site.
Concernant l’expression cliché vivre à genoux, je suis bien d’accord avec vous, comme je l’ai évoqué dans mes réponses à Luz et Hersen. Je ne reprends pas toutes les idées de votre post #6, qui comme toujours me semblent frappées d’une réflexion enrichissante. Merci.

Davide (Beaucoup+), non, il ne s’agit pas de Victor Hugo qui n’est pas mort pendu. Il a même eu droit à des funérailles nationales comme Johnny. La France a toujours su reconnaître ses vrais héros :)) Vous avez été gêné comme quelques autres par le dernier vers, voir plus haut ma pitoyable défense :). Bien sûr, votre commentaire me fait très plaisir, je connais votre envie d’approfondir le classique. Merci de venir renforcer cette catégorie.

Hananke : je ne vais pas faire l’hypocrite, mais depuis notre accrochage sur le forum de votre texte (Décembre), je ne lis plus aucune de vos interventions. J’ai été sevré. Je vous souhaite néanmoins un bon dimanche.

Castelmore (Beaucoup+), vous vous êtes perdu sur le sens du dernier quatrain, c’est donc un peu pour vous que je donne quelques explications plus haut. Je ne cherche pas à convaincre, juste à partager. Merci aussi pour tous les vers que vous citez. J’ai beaucoup aimé votre Venise 1902. Le temps m’a manqué pour commenter un si long texte. Je vous promets je ne sais quoi, mais je vous le promets :)

Senglar (Passionnément) : Ah Senglar, obtenir cette note de vous, je n’y croyais sincèrement pas. En fait, je crois que ce que vous n’aimez pas trop chez moi, c’est ma façon de traiter le libertinage :) J’ai remarqué, même pour d’autres auteurs, que ce sujet vous semblait futile. C’est peut-être un pressentiment erroné… mais vous savez ce que c’est, on ne peut pas s’empêcher de porter des jugements à tort et à travers.

Oui Garcia Lorca. Si je devais en choisir un, ce serait lui. Parce que voyez-vous, son histoire fait plus que me parler. Vous comprenez ? Non, vous ne pouvez pas comprendre. Pour mon poème j’ai choisi la pendaison plutôt que les fusils. Il y a quelque chose de noble à être fusillé. La pendaison c’est différent, elle ramène l’homme à l’état de bête immonde, au sentiment de culpabilité. J’ai voulu mieux dire ce que les dictatures pensaient des poètes.
Merci bien sûr pour votre appréciation globale. Vous êtes un chic type, mais ça je crois l’avoir déjà dit.

Leni (Passionnément) : Je pense au contraire que tu connais beaucoup en poésie. Si rester moi-même semble te convenir, alors je vais tout faire pour respecter ce vœu. Parler à plus de 200 plumes, c’est comme voir voler un albatros au-dessus de sa tête. Si encore j’étais sûr que tu sois maladroit sur la terre ferme… :) Toi qui a toujours le bon mot, je te remercie d’avoir entendu les miens. A très bientôt chez toi.

Papipoète (Beaucoup+) : Oui le courage n’est pas l’apanage des seuls hommes. Malala a su crier trop fort pour être bâillonnée. Son prix Nobel de la paix lui a probablement sauvé la vie.
Tiens donc, vous avez adoré mon dernier vers ! Ça va pas ou quoi ? Vous voulez vous faire lyncher ?

Sympa (Beaucoup) : Heureusement que ce dernier vers n’est arrivé qu’à la fin. Je m’en serais voulu que vous interrompiez votre lecture avant. Merci pour les compliments annexes. Vous m’avez pardonné, c’est cool.

Luz (Beaucoup) : Non, je vous jure que mon dernier vers n’est pas du Charb remanié. Pardon mais je trouve le sien plus trivial encore que le mien :) Cela dit, c’est vrai qu’autour de cette idée et du cliché « vivre à genoux », on peu décliner à l’infini. Je vous jure, je ne lui ferai pas un procès en plagiat. Et puis s’il vous plait, quand vous me parlez Charlie, pensez plutôt à me parler Cavanna, Reiser ou Willem :)
Pauvre Charb, paix à son âme.

Stephane (Beaucoup+) : Votre charge sympathique contre mon dernier vers est un peu à l’origine de mon long exposé initial. Je prends tout votre message pour alimenter ma réflexion personnelle. Merci.

Cristale (Passionnément+) : Ah Cristale, la corde était prête ! Merci pour le tabouret. J’en étais à un point où je me suis mis à trembler en attendant votre appréciation. Je vous jure que ça fait du bien de poser un doigt de pied sur un tabouret. Bon, je crois que j’ai pas mal développé vos idées sur la versification. Je jure que j’avais déjà préparé ma copie avant votre intervention. Je n’ai pas changé un seul mot, au risque de paraître avoir pompé. Vous avez lu j’imagine mon post d’introduction. Je suis fier de participer de temps en temps à cette catégorie classique dont vous êtes l’emblème absolu du site.

BlaseSaintLuc (Beaucoup+) : Oui les poètes meurent mais pas la poésie. Enfin j’espère, parce que des fois j’ai l’impression qu’il n’y a plus besoin de dictateurs pour ça :)

Hersen (Beaucoup) : Si je me décide à modifier le dernier vers, ce sera uniquement pour la raison que vous donnez : « déjà entendu ». J’avais ce sentiment-là en l’écrivant et je m’attendais à être davantage critiqué pour ça que pour la versification. J’ai essayé de varier la formulation. L’appréciation des lecteurs semble être assez bien partagée 50/50. Bon, j’ai peur que ça n’entraîne un changement total du quatrain. Va encore falloir que je trouve dix minutes dans mon emploi du temps :)) Je ne vous remercie pas :))

Jfmoods : Je profite de votre commentaire pour préciser que « brunes » dans le premier vers « J’ai donné plus d’un rêve au silence des brunes, » est synonyme de « crépuscules ». Sinon, merci de toujours associer si bien nos mots aux figures de style correspondantes et d’en creuser le sens et l’harmonie. Vous nous faites croire que nous sommes poètes :)

Malitorne (Bien), qu’un auteur de Fantastique se pointe en poésie classique, me paraît une expédition bien plus extraordinaire que celle de votre conquistador dans la forêt équatorienne, ou des lutins du légionnaire :) Alors un grand merci à vous. Si vous m’aviez collé un Vraiment pas je vous aurais remercié tout autant. Bon, le style que vous trouvez un peu empesé, comme vous dites, fait un peu partie du barda classique. C’est un peu comme si vous enleviez les lutins à votre légionnaire, il en faut toujours un, visible ou discret, pour rester dans la famille. Je ne parle pas comme ça à ma nana. A elle je lui dis tous les matins :
Jt’ai dans la peau
Pleine de bobos

Faisons un jeu, Malitorne : essayons chacun d’attirer l’autre dans sa catégorie, ce sera déjà pas mal.

Robot (Beaucoup-), apparemment vous préférez les brunes aux blondes, même si comme je l’ai précisé à Jfmoods, mes brunes à moi ne sont que des synonymes de crépuscules :) Pour une fois j’ai abandonné mes fantaisies farceuses (dixit Papipoète). Concernant le quatrain final que vous n’avez pas trop apprécié, vous trouverez mes intentions dans mon post #1. C’était clairement un risque, d’ailleurs, si d’aventure il me prenait l’idée de proposer ce texte dans un concours classique quelconque, je réécrirais ce dernier quatrain. Ici je sais que nous sommes entre amis et que nous pouvons tout tenter car tout nous sera pardonné :))

Merci encore à tous.

FrenchKiss

Contribution du : 12/05/2019 12:46
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Re : Un dernier verre pour mon ami poète.
Visiteur 
Bonjour, Frenchkiss,

J’espère que vous me pardonnez de m’être immiscé sur votre fil sans avoir commenté votre poème. Je l’ai lu, je l’apprécie, mais, à tort ou à raison, ne me sens pas à l’aise pour commenter un poème. En tous cas, la lecture des vôtres fait partie de l’indispensable enseignement qu’il me faut suivre (1)(2) avant d’un jour peut-être tremper ma plume dans un encrier différent de celui que je connais moins mal, en espérant qu’il ne soit jamais carmin.
Sachez donc que même parmi ceux qui n'ont pas l'élégance de vous en témoigner par un commentaire, il en existe auxquels vos poèmes profitent.

Et à propos de plumes, puisque votre nouvel avatar a surgi lorsque nous discutions des plumes attribuées aux textes, également puisque vous rappeliez vous-même au post #1 que la concision n’est pas mon fort, je ne peux que m’incliner devant la concision, à la fois de vos textes en quatorze lignes, mais encore de l’avatar illustrant parfaitement le dernier d’entre eux.

Tant qu’il y a de la plume, il y a de l’espoir.

(1) le débat concernant votre dernier vers, par exemple, fait partie des choses que j’aime suivre pour tout ce qu’elles peuvent m’apprendre.
(2) Le féminin clôturant le premier hémistiche du deuxième vers est un excellent exemple des choses auxquelles je renonce lorsque je tente de me prêter à semblable exercice, ne sachant jamais exactement ce qui est ou non autorisé, ou ne me le rappelant pas. Il me suffit de le voir écrit dans l’un de vos poèmes pour le graver immédiatement sur la pierre des commandements qui guideront mon éventuelle future conversion.

Contribution du : 12/05/2019 16:03
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Re : Un dernier verre pour mon ami poète.
Visiteur 
Bonjour Stony,

Ouais… je vous soupçonne de faire prendre un peu l’air à votre modestie. J’ai dans ma bibliothèque tous vos sonnets, tirés de votre forum « D’un sonnet l’autre », dans les « Exercices d’écriture ». J’aime votre façon de considérer qu’ils ne sont qu’un jeu, en même temps je me désole de ne pas voir l’essai transformé par des publications plus… officiellement reconnues.

Peut-être avez-vous la pudeur du prosateur/nouvelliste/romancier pour qui la fiction serait un refuge plus anonyme et plus discret que l’étalage introverto-sentimenthe à l’eau-cémoiqueje de la poésie. Ou alors, les quatorze lignes d’un sonnet vous paraissent-elles un peu réductrices pour la densité habituelle de vos productions en forum. A ce propos, ne seriez-vous pas le chaînon manquant à l’œuvre de Proust ? J’ai toujours pensé qu’un tome s’était perdu dans ce récit d’aventures.

Je ne sais pas si vous me manquez en tant que nouvelliste (je m’y aventure peu car j’ai trop de chefs-d’œuvre en retard et ma femme m’a donné une semaine pour liquider la bibliothèque), mais vous me manquez en tant que versificateur, en attendant de vous apprécier en tant que poète. On manque de bras en classique.

FrenchKiss
recruteur de sonnetistes

Contribution du : 12/05/2019 17:49
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Re : Un dernier verre pour mon ami poète.
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Si je voulais faire prendre l’air à ma modestie, je sélectionnerais, dans « D’un sonnet l’autre », quelques morceaux de l’anthologie du plantage, et c’est bien parce que je ne suis pas modeste que je laisse ce fil bien planqué où il l’est. Même en prose, vous aurez naturellement remarqué l’erreur de conjugaison monstrueuse que je ne peux plus corriger dans mon post précédent.

Vous avez fait la juste distinction. J’ignore pourquoi, mais la versification, je trouve ça amusant, même en n’en connaissant que les quelques principes de base, et encore. Mais la versification ne fait pas la poésie. Dès que je tente un truc sérieux, c’est du n’importe quoi. Croyez-moi, j’ai essayé, et personne n’en a heureusement jamais rien vu. Il n’y a que dans le comique qu’un peu d’inspiration peut malgré tout me venir. Là encore, j’ignore pourquoi. Je ne considère donc pas qu’il ne s’agisse que d’un jeu, mais jusqu’à preuve du contraire, il n’y a que dans le jeu que je puisse être un peu moins ridicule. Je me console en me disant qu’il a pu m’arriver de faire un peu de poésie en prose, ou du moins l’idée que je m’en fais.

Les poèmes sont en général courts et lorsque les mots sont bien disposés, une impression de facilité peut s’en dégager. C’est le contraste entre cette apparente facilité et l’énorme difficulté que représente en réalité l’exercice qui m’impressionne.

Mais bon, au point où nous en sommes, plutôt que de nous cirer mutuellement les pompes en singeant la modestie, pourquoi ne proposeriez-vous pas un sujet pour « D’un sonnet l’autre » ? Je sais qu’à défaut d’être pour vous un concurrent sérieux, je pourrais y faire venir Cristale sans même l’appeler.

Trimètre accepté :)

Contribution du : 12/05/2019 19:08
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