J'habite seul avec maman dans un très vieil appartement rue Cataracte.. Celui qui m'a écrit m'a transmis un peu de sa dérision, de son humour fin.
Je suis petit garçon et je m'appelle. Le plus important est toujours ce qu'on n'entend pas. Je ne parle qu'aux échos. Je suis petit garçon autant que je ne suis rien, autant que je suis vous. Celui qui m'a écrit n'a pas trop voulu me montrer, me dévoiler, il me laisse me débattre avec ma substance. Celui qui m'a écrit c' est un sacré enfoiré. Il a caché maman dans le coffre à pirates, pour qu'elle se retire, pour la faire écumer. Je suis petit garçon j'habite pas vraiment seul avec maman. Il y a les chats. D'où le grillage aux fenêtres, par peur panique de suicides félins. Maman me dit toujours qu'elle préfère les chats aux humains, pas d'bol, je ne suis pas un chat. Celui qui m'a écrit a fourré maman dans le coffre à pirates. Le monstre lui il se cache dans maman. Parfois il sort et parfois non. Maman elle dort beaucoup quand elle se tape pas la tête contre le mur en rythme, pendant des minutes, pendant des heures. Au fait c'est quoi le Temps ? J'aimerais bien connaître celui qui l'a écrit, le Temps, il est certainement plus intéressant que l'autre enfoiré. Je m'ennuie. J'ai peur. Je compte les voitures et parie sur leurs couleurs. Je voudrais bien quitter un peu ce monde que je ne comprends pas et qui ne semble pas avoir envie de me comprendre. Je suis coincé ici, quand vous me lisez je sors un peu, le temps du court passage dans vos têtes et je reviens ici. Je suis triste, probablement, j'aimerais bien aussi connaître celui qui a écrit les sentiments.


Un petit texte à fonction plus interprétative qu'explicative, je reviendrai de l'autre côté du grillage pour remerciements et autres précisions éventuelles.

vous nous éclairez déjà, cher poète ; " j'habite seul avec Maman... "

Salut papipoete, oui je crois que je suis au max de ma lampe torche...

Whaouh Pouet ! Je trouve très très inspirée cette incidence poétique, "Je suis petit garçon et je m'appelle. Le plus important est toujours ce qu'on n'entend pas. Je ne parle qu'aux échos. Je suis petit garçon autant que je ne suis rien, autant que je suis vous.".

Ah.. Ben merci. C'était sur l'instant, rien de préparé ni de réfléchi. Tant mieux si ça parle alors, au moins pour toi, à toi.

Le petit garçon qui s'appelle n'a plus envie de s'exprimer. Il m'en veut pour quelque chose, mais il ne sait pas pourquoi. Même si bien sûr il prétendrait le contraire. Il va donc demeurer dans son espace-temps, comme dans une prison c'est vrai, mais dont il peut sortir par le pouvoir de l'imaginaire. Sans doute ne serait-il pas d'accord, mais tout n'est pas noir pour lui, il y a de l'amour et plein de choses sucrées aussi, parfois enfouis, parfois déformés ou véritables mais il y en a de l'amour et plein de choses sucrées. Les monstres sont toujours incomplets et le plus effrayant n'est pas forcément de les avoir en face. La peur du monstre est bien plus puissante que le monstre lui-même. Et le monstre a tant de visages...
Je ne pense pas qu'il soit important de savoir si ce petit garçon qui s'appelle c'est moi il y a trente ans. Ce qui est important en revanche c'est que des petites filles et des petits garçons qui s'appellent, il y en a plein, partout, tout le temps et que c'est bien je crois de les faire vivre un peu dans nos têtes.

Je remercie le CE et les correcteurs ayant permis la parution de ce texte.

Je ne vois pas trop ce que je pourrais apporter de plus en remerciements détaillés individuellement. Merci beaucoup pour vos lectures, votre réceptivité et sensibilité à vous

Eskisse
Cyrill
hersen
papipoete
gage
Raoul
Provencao
Vincente
Lirian
Luz
Cristale
myndie
Myo

Bonjour Pouet,

Ton retour "plus interprétatif qu'explicatif" sur ton pouème me reste en bouche de la plus belle des manières, je dois te dire qu'il forme un formidable "récit poétique".

Cet enfantement qui voudrait évoquer l'originel matière de ton pouème me parle dans une véracité plus accomplie, à la fois plus fragile, comme à peine structurée, et à la fois plus authentique, comme parole d'enfant. De fait son élaboration plus directe, plus sensitive, plus "première" marque cette "histoire" émotionnelle comme une pure impulsion créative là où le poème se montre plus élaboré, mais aussi plus "fabriqué" malgré le talent qu'il sous-tend ; le récit apparaît donc plus fort, plus habité dans ses envolées narratives et disruptives.

Le récit est l'enfant, le pouème est l'adulte. Tu aperçois les deux modes d'expression différents, bien que complémentaires ? Moi je préfère celui de l'enfant, je lui donnerai le meilleur des bonpoints, un "passionnément", alors que l'adulte devra se contenter d'un "beaucoup". :)

Ce qui est troublant c'est que l'intentionnel, le réfléchi est donc le poème en amont. Et l'œuvre accomplie, le récit à mon sens, est celle qui est première dans la véracité émotionnelle pour moi (alors qu'elle est seconde dans le temps) ; d'où, je crois, ce trouble qu'elle m'a provoqué.

Salut, merci pour ce retour, pour cette sincérité, cette capacité que tu as "d'analyse" de l'émotion, même si cela peut sembler contradictoire au premier abord.

Le poème n'est pas forcément "réfléchi" non plus, mais l'aspect que tu ressens "fabriqué" (je crois d'ailleurs que tu m'avais déjà fait part de ce sentiment sur d'autres de mes textes) provient, je pense, de ma recherche perpétuelle de métaphores, sans doute à l'excès. Cette recherche étant très égoïste, par pur plaisir personnel car c'est ainsi que je me "trouve" en poésie. Je n'ai pas de volonté esthétisante, encore moins une appétence pour le brouillage de pistes, simplement j'aime à me perdre dans les mots et leurs associations.

Il m'est difficile d'extraire quelque véracité factuelle sur moi-même, mes souvenirs, expériences et dédales intérieurs et ce même par le truchement d'un "moi" extérieur, mais j'aime à convoquer l'enfance et son langage m'est assez naturel et je suis donc heureux que la parole de l'enfant qui s'appelle puisse faire écho en toi.

Je peux ajouter aussi concernant le trouble que tu évoques à la fin de ton post, qu'il ne me semble pas impossible ni étonnant que l'inspiration naisse (parfois ou peut-être même toujours) du poème et non l'inverse. De la même manière, le "sens profond" (ce qu'il dit de son inconscient) d'un texte ne pourra apparaître à l'auteur qu'après son élaboration, chose probablement assez commune.

Oui Pouet, je partage cette sensation que le poème est autant et même bien souvent plus une source qui révèle qu'une destination qui entérine une émotion sous des atours harmonieux et singuliers.
Ainsi le geste poétique est essentiellement un catalyseur d'un événement émotionnel qui attendait son "messie" en quelque sorte, sa forme messagère pour annoncer sa révélation… il aura fallu donc le texte pour que la notion cachée, enfouie, ouvre sa parole. D'autres en ont fait une religion... Pas nous ici, on est bien d'accord !

Quant à la révélation du "message" via les métaphores et autres vecteurs rhétoriques, je pense que vue depuis l'angle du lecteur, elle se devrait de se fondre au point de faire oublier sa gestuelle créative, celle dont tu avoues "aimer te perdre dans les mots et leurs associations". Je comprends ô combien ce plaisir, mais je sais aussi comme il peut desservir parfois la finesse de l'ouvrage, j'en subis si souvent les dérives.
En libre comme en classique, je suis persuadé qu'elles se doivent d'accepter la modeste situation d'être au service de… au service du fond, ceci pour le servir dans le meilleur.
De fait, vue à hauteur d'auteur, la gestuelle peut être prépondérante, voire bien suffisante à son niveau, à son besoin, à son plaisir, à son bonheur, si telle est sa destination. Mais si elle doit aller au lecteur, l'auteur doit-il le laisser s'en débrouiller ?