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1 Utilisateur(s) anonymes
La ponctuation - Accessoire ou colifichet ? |
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Organiris
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Citation :
Et bien plus nombreux encore les poèmes – et écrits – des siècles précédents. La ponctuation telle que nous la connaissons aujourd'hui, avec ses dix signes, n'a pas plus de trois siècles. Une démonstration rapide, à partir du poème pris comme exemple par Maëlle, célebrissime ode de Ronsard : tapez "mignonne allons voir si la rose" dans votre moteur de recherche préféré et suivez les trois premiers liens. Avec Google (pourquoi pas ?), ça donne ceci : - Premier lien. - Deuxième lien. - Troisième lien. Trois versions, trois ponctuations différentes. Pourquoi ? Parce que Ronsard n'en a probablement mis aucune, de même que La Fontaine dans ses fables ou Voltaire dans ses pamphlets. La ponctuation a été rajoutée par les éditeurs et/ou imprimeurs, dont cela a été le privilège jusqu'à la fin du 19e siècle, pratiquement. Et donc, selon celui qui publiait, et qui avait une lecture différente, la ponctuation pouvait changer. Elle a été très longtemps considérée comme "négligeable" par les auteurs, qui laissaient leurs imprimeurs en décider à leur goût (le premier qui parle de sur-correction va faire un tour dans la marre aux crocos...). En poésie, elle a été maintenue à un rôle exclusivement respiratoire, pendant très longtemps. Selon les pauses, les temps, le rythme nécessaire à la lecture, la ponctuation s'imposait, en dehors de toute règle syntaxique. J'insiste sur "nécessaire" : la ponctuation n'avait pas, dans cette acception, de rôle signifiant, elle n'était là que pour découper le souffle. Il faut lire l'article "Ponctuation" de l'Encyclopédie de Diderot, il vaut quand même son pesant de cacahuètes... Vous le trouverez ici. Je vous recommande tout particulièrement, vers la fin de l'article, la citation de l'abbé Girard, plus particulièrement centrée sur la ponctuation en poésie. Mais cette vision contenait quand même une bonne part de vérité. La conclusion de cet article est de toute beauté, et me semble être l'une des meilleures définitions qu'on puisse donner de la ponctuation : Citation : De même que l’on ne parle que pour être entendu, on n’écrit que pour transmettre ses pensées aux absents d’une manière intelligible. Or il en est à-peu-près de la parole écrite, comme de la parole prononcée : Donc, la ponctuation était déjà considérée comme un peu plus qu'accessoire, malgré les affirmations de quelques grammairiens. Il n'en reste pas moins que très rares étaient les auteurs qui s'y intéressaient (comme quoi, rien de nouveau...). Il a fallu attendre le 19e siècle, et des écrivains plus que pointilleux, jaloux de leur écriture, comme Sand, Hugo, Verne ou Zola, pour que le conflit s'ouvre en grand entre eux et leurs éditeurs à propos de la ponctuation. Ils refusaient que ces derniers corrigent leurs virgules (et ô combien à juste titre !). Dès lors, les auteurs se sont progressivement réapproprié la ponctuation, quitte, pour certains, à en abuser (il existe quelques spécialistes bien connus des points de suspension, notamment...). Les éditeurs du 19e ont fixé les "règles de ponctuation", fondées sur la grammaire et la logique, au détriment de l'aspect respiratoire. La ponctuation est devenue LEUR problème, leur affaire. Il faut comprendre que, comme la guerre est un art trop difficile pour le confier aux militaires, la ponctuation est bien trop complexe pour la confier aux auteurs... Les règles sont "fixes, basées sur la syntaxe, elles n'admettent ni la fantaisie, ni les caprices" (Larousse). Au-delà de cette "dictature" des imprimeurs (qui n'a jamais cessé, en vérité : ceux qui ont vécu toutes les phases de l'édition d'un ouvrage savent à quel point les salles de corrections des éditeurs sont remplies de virgulo-maniaques...), le 20e siècle a vu une trêve s'installer avec les auteurs. On a pu mener des expériences de déponctuation ou d'autres ponctuations, dans la foulée des travaux des Futuristes, de Marinelli à Aragon, en passant par Mallarmé, Apollinaire, Verlaine, et d'autres. La ponctuation a une histoire très mouvementée. Inventée il y a des millénaires, elle a mis infiniment de temps à s'imposer, et n'a jamais atteint le degré d'exigence de l'orthographe. Il y a une raison simple à cela : s'il n'existe en général qu'une seule manière d'écrire une phrase, il peut y avoir plusieurs façons de la ponctuer, et chacune d'elle peut prendre un sens différent. C'est bien ce qui fait à la fois l'intérêt et toute la beauté de la ponctuation. Et accessoirement, ce qui la rend indispensable.
Contribution du : 07/04/2010 10:48
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"Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries que sa connerie sur des choses intelligentes" (Proverbe Shadock) |
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Re : La ponctuation - Accessoire ou colifichet ? |
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Maître Onirien
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25/06/2009 19:48 De Les Alpes
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Absolument. Je crois que la ponctuation est un progrès qui rend le discours écrit plus intelligible.
Ne pas ponctuer, c'est risquer de voir ce que l'on voulait exprimer gauchi par la personne qui lit, car bien entendu, elle jugera à son aune si aucune indication n'est fournie. Il n'est pas aisé, parfois, de formuler son ressenti, alors sans ponctuation on baigne dans l'à peu près. Sans tomber dans l'excès inverse, oui à la ponctuation, auxiliaire précieux de l'écrivain et du poète.
Contribution du : 07/04/2010 11:17
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Re : La ponctuation - Accessoire ou colifichet ? |
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Visiteur
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La ponctuation est selon moi un accessoire colifichet.
Je m'explique: elle sert surtout à se faire comprendre de son lecteur dans le cadre d'une lettre administrative par exemple ou d'un courrier banal. Mais dans le cadre poétique par exemple ou quelque fois romanesque, elle a plus une vocation d'embellissement. Certes le lecteur comprendra mieux un roman ponctué selon nos normes actuelles, ce qui lui rend parfois la lecture de certains textes du Moyen Age plus compliqué. Mais il se trouve que certains romanciers s'en défont facilement soit en la réinventant (les célèbres ... de LF Céline qui défréyérent la chronique en 1932), soit en la supprimant plus ou moins (je pense notamment à Butor, Sarraute et quelques autres du Nouveau Roman). Enfin, la poésie. Il semblerait que certains soient les tenants d'une poésie ponctuée, parce que c'est plus ou moins la règle. Or, la poésie n'est elle pas le lieu parfais de la transgression des règles, surtout de ponctuation? Certes, on peut considérer que la poésie classique a ses règles plus ou moins intangibles, mais en même temps qu'est ce qui nous prouve que ces règles doivent être respectées, et pas seulement en classique? Rien. Un poème c'est une émotion et je pense que ce sentiment ne doit absolument pas s'effacer devant les points et virgules. Reprenons l'exemple de Ronsard donné dans un autre forum: et ponctuons le de manière exclamative. Mignonne ! Allons voir! Si la rose, qui ce matin avait déclose sa robe de pourpre au soleil, a point perdu cette vêprée, les plis de sa robe pourprée et son teint au vôtre pare ! Est ce que ça change quelque chose à l'intention de Ronsard? Je ne pense pas. L'idée est d'aller voir une rose et de la comparer à une jeune femme, rien de plus rien de moins. C'est en ça que je considère la ponctuation comme un colifichet. La mise en forme sera plus parlante que la ponctuation proprement dite: mignonne allons voir si la rose qui ce matin avait déclose sa robe de pourpre au soleil a point perdu cette vêprée les plis de sa robe pourprée et son teint au vôtre pare Pas de ponctuation, mais des retours à la ligne, renforce la lecture bien plus qu'une simple virgule.
Contribution du : 08/04/2010 14:27
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Re : La ponctuation - Accessoire ou colifichet ? |
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Maître Onirien
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01/01/2007 18:59 Groupe :
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Citation :
Mais dans le cadre poétique par exemple ou quelque fois romanesque, elle a plus une vocation d'embellissement. Euh... voui, bon. Disons que pour moi, la ponctuation, ça correspond aux percussions en musique: on est pas obligé de prendre une batterie ou des tambour, n'empéche que du hard rock ou une symphonie sans percu, c'est difficilement imaginable. Citation : Reprenons l'exemple de Ronsard donné dans un autre forum: Là, je me dis que le deuxième prénom de Cassandre était probablement Zézette, et que Ronsard devait lui gueuler ses poème d'en bas de la tour... Ce qui, effectivement, change pas mal l'intention de l'auteur. (a noter que l'idée de l'auteur, dans ce poème, c'est d'expliquer à Cassandre qu'elle à interêt à profiter des hommages viril tant qu'elle en aura - et ceux de l'auteur en particulier). Citation : La mise en forme sera plus parlante que la ponctuation proprement dite: Effectivement, le retour à la ligne (et la césure, d'ailleurs), peut suppléer à la ponctuation. Mais est-ce heureux dans tout les cas? (dans celui-ci à mon sens, pas du tout).
Contribution du : 08/04/2010 15:18
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écri-vaine; écri(ré)veuse; écri-vante; écri-vente... et critique! Les auteurs viennent sur Oniris pour être commentés. Et vous, vous commentez souvent? |
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Re : La ponctuation - Accessoire ou colifichet ? |
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Visiteur
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Moi, j'aime à considérer, à "penser" la ponctuation (comme Léo si j'ai bien lu son post et ses liens), comme une "évolution".
Je ne savais ceci et je l'avoue bien humblement. Il n'en demeure pas moins pour moi qu'une surcharge de ponctuation peut envenimer le rythme d'un poème. Au risque de me répéter, un poème "n'existe" que par son rythme, sa musicalité. Dés lors pourquoi mettre des "balises voyantes" là où la lecture se délie naturellement, où les prunelles du lecteur inventent leur propre clignement? En tout cas, merci encore une fois à Léo qui aime la ponctuation et la défend fort bien. Je ne saurai, en définitive, me prononcer '"pour ou contre" cette dernière, pour autant je ne pourrai nier la "liberté" de l'écrivant".
Contribution du : 08/04/2010 15:22
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Re : La ponctuation - Accessoire ou colifichet ? |
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Visiteur
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Citation :
(a noter que l'idée de l'auteur, dans ce poème, c'est d'expliquer à Cassandre qu'elle à interêt à profiter des hommages viril tant qu'elle en aura - et ceux de l'auteur en particulier). C'est tout à fait vrai, mais qu'est ce qui nous prouve que Ronsard, plein de malice par ailleurs, n'était pas un fort en gueule et Cassandre sourde? J'éxagère volontairement le trait, mais en fait, parfois, j'ai l'impression qu'on prête plein d'intentions aux auteurs, notamment avec la ponctution, intentions qu'ils n'avaient ou non, pas. C'est pour ça que je suis partisan de laisser la ponctuation "à l'auteur" et de ne pas juger de celle-ci. Si il a écrit son texte avec (ou sans) ponctuation bien précise, c'est que son intention à lui, lui était claire non?
Contribution du : 08/04/2010 15:29
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Re : La ponctuation - Accessoire ou colifichet ? |
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Visiteur
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Pitêtre que, pour prendre les choses à l'nverse, mettre des virgules et des points là où il faut dans un texte libre ou versifié, ne fera pas forcément de ce dernier une poésie.
Contribution du : 08/04/2010 15:39
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Re : La ponctuation - Accessoire ou colifichet ? |
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Organiris
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Citation :
Les enlever pas davantage. Le problème est que pour savoir dé-ponctuer, il faut d'abord savoir ponctuer.
Contribution du : 08/04/2010 19:41
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Re : La ponctuation - Accessoire ou colifichet ? |
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Visiteur
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Oui Léo, le "savoir" étant tout relatif quand l'interprétation montre le bout de son appendice nasal.
Une "bonne" ponctuation, c'est quoi? Celle qui se conforme à la règle ou celle qui développe les acquis?
Contribution du : 08/04/2010 19:45
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Re : La ponctuation - Accessoire ou colifichet ? |
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Organiris
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Citation :
Je ne sais pas si je l'ai dit sur ce fil ou sur un autre (la discussion se poursuit un peu tout azimuts), mais le principal problème de la ponctuation, par rapport à l'orthographe, est que s'il y a en général une seule orthographe possible, pour une phrase donnée, il peut y avoir plusieurs ponctuations, toutes valables, qui vont donner chacune un sens différent. En effet, il y a interprétation, et c'est bien là tout le problème, et toute la difficulté – voire l'impossibilité – de la correction. Citation : Une "bonne" ponctuation, c'est quoi? Celle qui permet à l'auteur de transmettre exactement, avec précision et sans ambiguïté, le message qui veut faire recevoir à son lecteur. Avant de protester, notez que ce fil porte sur la ponctuation en général, pas sur la ponctuation en poésie uniquement. L'approche, même si elle reste globalement la même est tout de même un peu différente, de par le fait que la poésie peut se permettre d'utiliser l'espace très librement, bien plus que l'écriture d'une nouvelle. La ponctuation, d'un point de vue de l'écriture poétique, n'est pas uniquement affaire de signes typographiques. Fondamentalement, elle est une respiration – c'était d'ailleurs, en poésie, le seul rôle qui lui a été assigné pendant longtemps. Il peut y avoir d'excellents poèmes (en libre, en classique, c'est pratiquement impossible) sans ponctuation symbolique. Comme son absence peut aussi être préjudiciable à d'autres. Dans une écriture de type "nouvelle", il est impossible en revanche de se passer de la ponctuation symbolique. Le texte deviendrait très vite illisible. Et là, la précision de l'idée est essentielle. Je reprends un exemple utilisé ailleurs. Contexte : un homme voit son fils lui annoncer son départ. Quelle est la charge émotionnelle de ces deux versions ? Citation : Il n'en revenait pas. Il prenait conscience que son fils, Lionel, ne reviendrait plus. Ah... Citation : Il n'en revenait pas. Il prenait conscience que son fils Lionel ne reviendrait plus. Ah... Question subsidiaire : "il" a combien de fils ? C'est dans des cas comme celui-là que la ponctuation, ici deux simples petites virgules de rien du tout, sont essentielles. Et permettent à l'auteur de transmettre une information précise.
Contribution du : 08/04/2010 19:59
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