Bonjour,

Le style de Baudelaire m'intéresse beaucoup, j'aimerai seulement avoir vos avis sur le poème "Une charogne" dans les Fleurs du Mal et surtout sur l'image de la femme qui en dégage. Cela pourrai m'aider sur dans ma réflexion à ce sujet.

Merci

Que voudrais-tu savoir ? Notre avis sur quoi exactement ? Le style ? Est-ce que le poème est dédié à une femme ? Et si oui, laquelle ?

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux:
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague
Ou s'élançait en pétillant
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion!

Oui! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés!

Je ne pense pas qu'il soit soit vraiment destiné à une femme mais une certaine image de celle ci s'en dégage. Ce que j'aimerai avoir en fait c'est un maximum d'avis sur l'impression que donne ce poème à chacun de vous sur l'image de la femme par rapport au style.

L'image de la femme est, il me semble, associée à celle de la charogne seulement dans le deuxième quatrain, et je suis d'accord avec le fait que ce poème ne soit pas destiné à une femme, mais il s'agit, à mon avis, d'interpeler son âme, au sens propre. Peut-être Baudelaire jouerait-il sur les ambigüités ? Peut-être aussi...

Quant au style, il décrit tout ce qui vit (mouches, larves, s'élançait, pétillant, fleur) dans ce qui est mort (charogne, carcasse, ossements, décomposés) et voit l'âme (essence divine) imputrescible comparée aux chairs, matières vivantes. J'y vois plus comme une vision religieuse ou une réflexion philosophique et ne décèle guère de style précis, dans ce poème, concernant l'image de la femme... ou alors un contraste paroxystique : métaphore femme-charogne, femme-reine des grâces/essence divine.

Assez d'accord avec l'idée du contraste, sinon, ce poème est l'un de mes préférés, il dégage une impression de puissance, je trouve.

Sinon, je pense que la pensée du fond s'inscrit dans la logique de celle si chère à ronsard ' on va tous se fâner et se flétrir, même vous, fleur entre les fleurs', etc