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Mallarmé, le Ptyx et toute cette sorte de choses... |
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Expert Onirien
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17/02/2016 15:44 De Bordeaux, la belle endormie...
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Bonjour à tous,
Je profite de la publication du texte de Reptile sur Mallarmé pour proposer quelques idées à la discussion. On ne peut qu'être bluffé par l'érudition de l'analyse, qui ouvre les portes les mieux fermées… mais ne touche-t-on pas par là-même aux limites de la poésie moderne française ? Je m'explique : même si on peut être emporté par les sonorités sublimes, exceptionnelles de ce sonnet, beaucoup de lecteurs seront arrêtés dés les premières lignes par un texte ésotérique dont le ou les sens sont volontairement dissimulés et très difficiles à découvrir. Ce niveau de préciosité ne révèle-t-il pas que les limites de la forme ont été atteintes ? Au-delà des doctrines et des courants littéraires, on pourrait considérer un contexte historique un peu large qui irait des Fleurs du Mal (1857) à La Jeune Parque (1917), et qui correspondrait à la fois à l'apogée mais aussi à la fin du vers français moderne. On devrait prendre en compte deux éléments : d'une part, la psychologie particulière de Mallarmé qui le pousse à cacher le sens (il est le premier à s'orienter vers l'hermétisme, qui devient une méthode de travail) et d'autre part la fin de siècle dans laquelle il évolue : le Romantisme est mort, il a emporté avec lui la prosodie classique et une jeune génération va faire évoluer le vers loin des carcans considérés comme trop lourds… mais rapidement trouver d'autres limites : Baudelaire ne publiera qu'un seul recueil et mourra presque aphone (!) et condamné par la justice, Rimbaud pense avoir fait le tour des possibilités du vers nouveau en quelques années et part, Mallarmé meurt d'un spasme au larynx (!) sans avoir réussi à écrire son Grand Livre. Paul Valéry, qui fréquentait les soirées littéraires de Mallarmé, et donc l'élite culturelle qui s'y pressait, abandonnera la littérature pendant vingt ans et ne reprendra qu'à cause de l'insistance d'André Gide à publier ses œuvres de jeunesse. Le succès immédiat (on se représente mal aujourd'hui la notoriété et le prestige de Valéry pendant l'entre-deux guerre) n'est-il pas anachronique, dans le sens où il conclut les ambitions et les impossibilités formelles de ses grands prédécesseurs du dix-neuvième siècle ? Son nouveau chemin, ses nouvelles solutions, seront l'introspection mentale, l'abstraction rendue par une forme rigoureuse et parfaite mais ne seront guère suivis au vingtième siècle. Il est intéressant de noter qu'à la même époque, la jeune génération des futurs surréalistes regarde ailleurs, vers le Dieu Appolinaire et préférera Rimbaud et Lautréamont à Mallarmé.
Contribution du : 05/04/2016 10:42
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Ca veut dire ce que ça dit, littéralement et dans tous les sens. Arthur Rimbaud |
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Re : Mallarmé, le Ptyx et toute cette sorte de choses... |
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Bonjour Alcirion,
Alceste ? Alcyon ? :- ) Merci pour ce fil et cette proposition de discussion, ainsi que pour le point d'histoire littéraire. Citation : Ce niveau de préciosité ne révèle-t-il pas que les limites de la forme ont été atteintes ? Qu'entends-tu par forme ? Je suis tout à fait d'accord pour dire que Mallarmé se situe au niveau de la mort du romantisme, après laquelle viendra autre chose, ses poèmes sont aux confins du romantisme et du moderne. Il bénéficiait d'une notoriété confidentielle mais beaucoup d'auteurs contemporains le tenaient en haute estime et il est enseigné dans les livres de présentation de culture littéraire française (Mitterrand, Lagarde et Michard). Surtout, en le magnifiant, il dit quelque chose sur ce "rien" de notre vie moderne, que j'attribue au retrait de la croyance religieuse. Je pense que les surréalistes sont volontiers portés sur l'arbitraire. Valéry, je connais peu mais j'aimerais beaucoup connaître. As-tu un poème qui illustre le nouveau chemin dont tu parles ? bien amicalement,
Contribution du : 05/04/2016 12:51
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Re : Mallarmé, le Ptyx et toute cette sorte de choses... |
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Maître Onirien
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Pour ce qui est du surréalisme et de l'arbitraire, oui. Du moins d'après André Breton:
"L'image surréaliste la plus forte est celle qui représente le degré d'arbitraire le plus élevé , celle qu'on met le plus longtemps à traduire en langage pratique, soit qu'elle recèle une dose énorme de contradiction apparente , soit que l'un de ses termes en soit curieusement dérobé, soit que s'annonçant sensationnelle, elle ait l'air de se dénouer faiblement, soit qu'elle tire d'elle-même une justification formelle dérisoire , soit qu'elle soit d'ordre hallucinatoire, soit qu'elle prête très naturellement à l'abstrait le masque du concret, ou inversement , soit qu'elle implique la négation de quelque propriété physique élémentaire, soit qu'elle déchaîne le rire." Pour ce qui est de parler du "rien" de la vie moderne (ce qui reste à prouver, encore faudrait-il définir ce "rien") et l'attribuer au retrait de la croyance religieuse. Je suis moins d'accord. D'une part parce que la croyance religieuse n'a pas franchement pris sa retraite et d'autre part parce que cela sous-entend que le "tout" est associé à un dogme divin, ce qui ne me convainc guère. Je parle du "tout" bien évidemment en opposition à votre "rien". Personnellement je ne pense pas, enfin je parle pour moi, qu'une croyance religieuse puisse combler totalement, nourrir entièrement l'humain. Je trouve même cela dangereux.
Contribution du : 05/04/2016 12:56
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La compréhension n'est pas nécessaire à la poésie, mais la poésie est nécessaire à la compréhension. |
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Re : Mallarmé, le Ptyx et toute cette sorte de choses... |
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Expert Onirien
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Merci à vous,
Je me suis mal fait comprendre sans doute. L'hermétisme recouvre à la fois le fond et la forme, notamment par la préciosité : Mallarmé décide de suivre ce chemin, en toute conscience. L'idée que j'avais, c'est qu'indépendament de ses motivations littéraires, il fait partie d'une époque, de conceptions qui touchent à leur fin, notamment les règles classiques de composition. Vous me corrigerez si je me trompe, mais je crois que le Styx n'a pas été publié de son vivant, bien qu'il lui ait consacré vingt ans de sa vie... D'où cette idée d'impossiblité, dont je donnais d'autres exemples contmporains. Je trouvais intéressant d'évoquer Valéry, qui fréquentait les salons de Mallarmé vers 1891, mais qui fera le choix de ne pas écrire pendant vingt ans, peut-être en partie parce que le vers français ne lui permettait pas de le faire. La Jeune Parque constituera la solution espérée et longuement mûrie : 512 alexandrins très bien reçus en 1917 peut-être aussi parce qu'ils bouclaient la boucle. Le "respect du métier" pour la forme, face aux expérimentations modernes, et pour le fond : "Mes vers ont le sens qu'on leur prête". L'idée du "rien" est intéressante : pour moi la spiritualité n'est pas forcément mystique, et dans cette période de recul du religieux, Valéry l'a trouvé en apprenant à se connaître lui-même pendant vingt ans à travers la rédaction de ses carnets.
Contribution du : 05/04/2016 14:22
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Ca veut dire ce que ça dit, littéralement et dans tous les sens. Arthur Rimbaud |
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Re : Mallarmé, le Ptyx et toute cette sorte de choses... |
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Discussion des plus intéressante je vais me joindre à vous.
Alcirion : oui je suis d'accord avec vous. Le sonnet en X représente pour moi une sorte de point d'arrivée de la fuite de la forme lancée par Baudelaire, continuée par Rimbaud et terminée par Mallarmé.
Contribution du : 05/04/2016 19:06
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Re : Mallarmé, le Ptyx et toute cette sorte de choses... |
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Pouet, comparez les affres de la modernité, ses rivalités, ses vanités, ses souffrances, son vide, ses frontières entre les gens, entre ce qui est humain et ce qui ne l'est pas, entre ce qui est sain et ce qui est fou, entre ce qui est bête et ce qui est intelligent, entre les riches et les pauvres --- avec d'autre part l'effet des interdits religieux qui agissaient avec la même force sur tout le monde et mettaient en pratique une certaine égalité devant ce qui n'existe pas, ce Dieu censé être l'être et distribue une certaine beauté. C'est l'athéisme avec sa binarité qui est dangereux, non pas le christianisme, le logos est arbitraire mais il a été remplacé par la publicité, par les films au mieux par la philosophique dans un très petit nombre de cas.
(Il est vrai que même dans le christianisme, il y a peu d'élus, tout comme je ne confondrai pas le sort des paysans au XVIIIe siècle et le paradis.) Mais religion ou pas, le rien dont je parle est constitué de l'absence de sens, l'absence de croyance. Le "projet" au sens du développement personnel moderne semble donner une impulsion à la vie mais ne me convainc guère, par son caractère artificiel "aller, faut y aller, soyez vous-même", ce qui ne veut rien dire selon moi. Il peut arriver que des êtres exceptionnels aient un grand projet et le mettent en oeuvre pour le bien de tous, mais les autres ? Je pose vraiment la question.
Contribution du : 07/04/2016 10:37
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Re : Mallarmé, le Ptyx et toute cette sorte de choses... |
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"Mallarmé décide de suivre ce chemin, en toute conscience."
--- Tout à fait, j'en suis persuadé. "L'idée que j'avais, c'est qu'indépendament de ses motivations littéraires, il fait partie d'une époque, de conceptions qui touchent à leur fin, notamment les règles classiques de composition." --- C'est aussi l'idée que j'en ai, que l'on pourrait étayer. "Vous me corrigerez si je me trompe, mais je crois que le Styx n'a pas été publié de son vivant, bien qu'il lui ait consacré vingt ans de sa vie..." --- Je ne sais pas ! : - ( Quand vous dites le Styx vous parlez du sonnet en yx ? "La Jeune Parque constituera la solution espérée et longuement mûrie : 512 alexandrins très bien reçus en 1917 peut-être aussi parce qu'ils bouclaient la boucle. Le "respect du métier" pour la forme, face aux expérimentations modernes, et pour le fond : "Mes vers ont le sens qu'on leur prête"." --- Quand vous dites "solution", c'est à quel problème ? L'idée du "rien" est intéressante : pour moi la spiritualité n'est pas forcément mystique, et dans cette période de recul du religieux, Valéry l'a trouvé en apprenant à se connaître lui-même pendant vingt ans à travers la rédaction de ses carnets. --- D'accord. Je crois qu'il a été très actif dans sa vie également, n'est-ce pas (pour se connaître lui-même). R.
Contribution du : 07/04/2016 10:47
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Re : Mallarmé, le Ptyx et toute cette sorte de choses... |
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Maître Onirien
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Reptile,
Vous pensez vraiment que seule l'époque moderne connait la rivalité, la vanité et la souffrance? Avant non? Hmmm... Quant au fossé entre le riches et les pauvres... C'est vrai que sous la royauté l'égalité était fort présente... Vous parlez de la "binarité" de l'athéisme. Je ne vois pas en quoi ce dernier est plus binaire que le christianisme. Je ne comprends pas. Les deux parlent de l'existence ou non de Dieu. Deux choix. Binarité. Bref peu importe après tout. Je ne crois pas qu'une personne puisse se résumé à son athéisme ou à son christianisme ou, son bouddhisme, son communisme... Que sais-je. Les idées religieuses ou non ne sont pas et heureusement les seules composantes de la complexité humaine. La religion ne comble pas "tout" ou alors encore une fois c'est dangereux. Regardons les informations pour s'en convaincre... J'avoue ne pas cerner votre réflexion je suis certainement trop simplet. Je n'ai guère d'éloquence et me contente de mes petits mots, de mes petites idées. L'absence de "projet" je ne suis pas d'accord. Il y a partout dans le monde des gens qui pensent, innovent. Les associations sont très nombreuses en France et les gens qui s'y investissent sont motivés, désintéressés. Dire que plus personne ne s'investit, que tout est foutu, que tout le monde ne pense qu'à sa gueule est faux. Désolé. Ce qui est binaire à mon sens c'est de penser que tout le monde est à mettre dans le même sac. Pour moi une société qui n'est pas gouvernée par la religion n'est pas synonyme de "Rien".
Contribution du : 07/04/2016 12:06
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Re : Mallarmé, le Ptyx et toute cette sorte de choses... |
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Désolé pour les fautes, j'ai écrit trop vite. (se résumer, notamment)
Contribution du : 07/04/2016 12:23
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Re : Mallarmé, le Ptyx et toute cette sorte de choses... |
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Pensez-vous que ces associations fassent le poids ?
Contribution du : 07/04/2016 12:25
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