Ma réponse - tout à fait personnelle - est que non, ça ne dénature pas forcément l'émotion d'un poème de le retravailler.

Entre mon premier jet et un poème que je propose à la lecture, il y a chez moi presque toujours pas mal de travail et de retravail, que ce soit suite à ce que je vois moi-même, ou suite aux remarques de mes quelques premiers lecteurs privilégiés.

Parfois je tiens compte de ce qu'on me dit, parfois je campe sur mes choix parce qu'ils me correspondent et me reflètent, mais dans tous les cas, je remets l'ouvrage sur le métier un grand nombre de fois, et je réfléchis à ce qu'on me dit.
(Je viens moi-même d'avoir un retour sur un de mes textes récemment, et je dois dire que ça me fait cogiter, parce que les remarques qu'on m'a faites m'ont vraiment prises au dépourvu).

Pourtant, je ne pense pas que ça ait jamais dénaturé l'émotion que je pouvais faire passer dans mes textes, étant donné les retours que j'en ai. La sincérité et ce que j'y mets de moi est toujours présent. Et ce n'est pas d'avoir changé quelques mots ou tournures qui modifie le poids de ce qui est exprimé.

Bien sûr, il m'arrive aussi de ne presque pas toucher à un premier jet parce que je le trouve "juste" comme ça, mais c'est assez rare.

Mais en tout cas, comme on te l'a déjà dit : l'important c'est de ne pas se faire violence, et d'attendre le bon moment pour le faire. Sinon, si tu te sens incapable de le modifier sans le dénaturer, alors tant pis pour la publication, garde-le tel qu'il est, c'est qu'il te correspond et c'est le principal.

Je me rends compte d'une chose, c'est que quand j'achève un texte, surtout un poème, je suis comme Belaid, je le trouve "parfait". Un peu comme un papa devant son nouveau né. Et puis, le temps passe et je me rends compte que comme tous les bambins il a des défauts: il trébuche, il se heurte etc..
Souvent, je n'arrive pas à le retravailler, parce que je garde trop cet oeil ému, et rarement parce que je ne peux pas.
Ces poèmes là je les garde pour moi et basta.
Mais les autres, et bien je les mets en couveuse et j'attends, des fois ils ressortent et je les fais grandir. Souvent ils restent des bébés, beaux, mais des bébés et ce n'est pas grave si?

La poésie c'est ça pour moi, d'abord de l'émotion brute, pure et ensuite une lente maturation pour la sublimer au mieux cette émotion.

donc, c'est comme la pâte, faut laisser reposer!

OUI ! ET AU FRAIS SI POSSIBLE... C'est-à dire l'oublier pendant un certain temps, voire un temps certain. Tout est perfectible, c'est pourquoi je n'aime pas la "chose" imprimée que l'on ne peut plus travailler.

Je triture beaucoup les mots, les arrange, les dispose et parfois vient l'illumination : "Mais c'est bien sûr" ! Le mot, la tournure de phrase... Malheureusement c'est souvent à la faveur de l'obscurité et le lendemain matin... Pfftt ! envolée la tirade suprême. Aussi il faut avoir crayon et papier sur sa table de chevet et ne pas craindre d'allumer, bien que parfois l'illumination préfère les ténèbres (paradoxe).

Il m'arrive de sortir de mes tiroirs des poèmes (ou des écrits) très anciens que je re-découvre avec un sourire ému mais condescendant, où je recherche pourtant une image, une idée qui pourrait encore être utile à un autre poème (pourquoi pas ?) L'inspiration tient à si peu de chose finalement.

Allez, cent fois sur le métier remettez votre ouvrage et... bon courage !