"Pour ce rien cet impondérable
Qui fait qu'on croit à l'incroyable
Au premier regard échangé
Pour cet instant de trouble étrange
Où l'on entend rire les anges
Avant même de se toucher
Pour cette robe que l'on frôle
Ce châle quittant vos épaules
Je vous aime Je vous aime..."

Jean Ferrat

Au risque de paraître pour un insensible mais - pourquoi ? Pour un homme qui n'a plus rien fait de notable depuis 1994, mort 15 ans plus tard, un humain comme il en meurt d'autres en même temps, pourquoi tant d'émoi ?

Franchement, la mort d'aucun artiste ou personnage célèbre - au moins un peu - ne m'a jamais ébranlé (et Dieu que j'aurais pu apprécier) plus que celle des autres humains morts et avant, et en même temps, de même que tout ceux qui mourront après. Les dégénérescences me font plus de "mal", dans la considération des bestioles humaines, qu'une fin que toutes se partagent, considérant cela plus "haut" - leur mort, simple, ne m'intéresse pas. Posthumément, le personnage beaucoup plus.

La mort en elle-même, dans le processus créatif, pourrait me sembler naturelle, une voie de faits - mais je préfère admettre l'inéluctabilité de celle-ci, partant du caractère biologique, de la simple mortalité de l'homme. Jean Ferrat est mort à l'âge de 80 ans, alors que l'espérance de vie moyenne chez les français est de 77,6 ans - je ne vois pas, non, le trouble que cela peut engendrer ; cet homme, et ce n'est là nulle insulte, ce n'est manquer d'aucun respect, a bien vécu, voire même un peu plus que la moyenne de ses contemporains. Grand bien cela pusse-t-il lui faire, pour le reste, tant pis : c'est inéluctable, oui ! , les gens meurent.

Tant pis.

Donc, si je te suis bien, Platonange, on ne devrait pleurer la mort de personne, c'est ça ? Effectivement, dans l'absolu, les gens meurent, c'est inéluctable, nous le savons tous. Pour autant, cela n'empêche pas le chagrin. L'homme n'est pas un robot, enfin, pas encore.

Quant à associer la force du sentiment de perte au fait que quelqu'un ait ou n'ait pas fait quelque chose de notable depuis un certain temps, j'avoue que là, ça me dépasse complètement, je n'arrive pas à saisir la logique de ce raisonnement.

Il s'agit ici d'un hommage à Jean Ferrat et non une discussion philosophique sur la finitude inéluctable de la vie... Même si ce genre de discours est fréquent lors de l'annonce d'un décès.

Il est préférable que les personnes qui ne se sentent pas concernées s'abstiennent... plutôt que de venir exprimer leur discordance. Personne n'est obligé d'aimer Jean Ferrat.

C'est juste une question de respect pour les Oniriens qui ont envie d'exprimer une pensée pour cet artiste, comme nous le faisons régulièrement en pareil cas. La participation aux forums est facultative... s'il était besoin de le rappeler.

Je vous informe par la même occasion que j'ai supprimé le sujet de forum qui parlait de Jean Ferrat sur un mode ironique. Même si j'aime beaucoup Dante Alighieri, moi aussi. Inutile de faire de la spéléo dans des cercles enfumés...

Pat, modératrice.

J'ai envie de témoigner mon admiration pour cet artiste et signifier l'importance qu'il a pu avoir dans l'histoire de la chanson française; Avoir mis en musique Aragon comme a pu le faire Léo Férré, ce n'est pas rien ! J'ai le souvenir de ces deux chanteurs entrevus au théâtre de Nice en 1971 je crois... A cette époque Jean Ferrat a participé à sa façon, à la célébration du centenaire de la Commune avec des chansons très fortes, dans la mouvance libertaire de l'après-68... Encore un pan de notre jeunesse qui s'en va un peu plus...

"Ma mome ce n'est pas une starlette, elle ne pose pas pour les magazines, elle travaille à l'usine à Créteil"...

un chef d'oeuvre de romantisme, "aimer à perdre la raison":

Aimer à perdre la raison
Aimer à n'en savoir que dire
A n'avoir que toi d'horizon
Et ne connaître de saisons
Que par la douleur du partir
Aimer à perdre la raison

Ah c'est toujours toi que l'on blesse
C'est toujours ton miroir brisé
Mon pauvre bonheur, ma faiblesse
Toi qu'on insulte et qu'on délaisse
Dans toute chair martyrisée

Aimer à perdre la raison
Aimer à n'en savoir que dire
A n'avoir que toi d'horizon
Et ne connaître de saisons
Que par la douleur du partir
Aimer à perdre la raison

La faim, la fatigue et le froid
Toutes les misères du monde
C'est par mon amour que j'y crois
En elle je porte ma croix
Et de leurs nuits ma nuit se fonde

Aimer à perdre la raison
Aimer à n'en savoir que dire
A n'avoir que toi d'horizon
Et ne connaître de saisons
Que par la douleur du partir
Aimer à perdre la raison

je précise juste que ce dernier texte est d'Aragon (ce qui n'enlève rien au talent de Jean Ferrat naturellement)

Effectivement, Jean Ferrat a joliment mis en musique des poèmes d'Aragon et celui-là en fait partie.
la Chanson est tellement belle que j'ai voulu la rappeler à votre bonne mémoire

Platonange... a-t-on besoin de se poser la question du pourquoi d'une émotion, et de l'envie de la partager ?

On ne se demande pas pourquoi le chagrin, pourquoi la joie, pourquoi on tombe à genoux devant la beauté, pourquoi la mort si biologiquement normale continue de nous provoquer de telles réactions, ou pourquoi on éprouve le besoin incoercible de partager une émotion avec d'autres humains... c'est comme ça, la rationalisation n'a pas vraiment sa place là-dedans je pense.
C'est toute la beauté de l'âme humaine, qui ne s'embarrasse pas de logique ou de cohérence quand elle se contente d'éprouver, de vivre les choses au plus profond.

Bref, en ce qui me concerne, la tristesse que j'éprouve est également directement liée à un parcours perso, c'est un peu pour moi la fin d'une époque. Ferrat a bercé ma jeunesse, il a été le bruit de fond de pas mal de mes activités quand j'avais 20 ans, il m'a fait sourire ou pleurer plus d'une fois grâce à ses chansons ou ses interprétations, et donc j'apprécie qu'on se donne le temps d'apprivoiser l'idée de son départ définitif.
J'ai éprouvé la même chose à la mort de Reggiani, et plus on avance en âge, plus ça marque je crois, parce que ce sont des pans de vie qui s'ébranlent, des brassées de souvenirs qui se réveillent, des odeurs, des bruits et des couleurs qui se rappellent à notre souvenir, et plus seulement des "vieux" qui meurent à un âge statistiquement normal.

je suis , moi aussi, émue du décès de jean Ferrat.
un homme qui a su avec talent porter la poésie auprès d'un public populaire ( sans aucune connotation péjorative).
un homme engagé, mais libre.
censuré plus souvent quà son tour.

se souvenir !
au moment où sort le film "la rafle" et que de jeunes générations ne savent pas de quoi il parle - se souvenir que Ferrat a chanté "Nuit et brouillard"

pour sa "complainte à pablo Neruda"

mais aussi pour la légèreté suave de "l'amour est cerise"

se souvenir et faire découvrir

au revoir Monsieur Ferrat