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Re : "Je l'eusse cru du roi", remerciements et explications
Visiteur 
Pimpette, je n'ai pas osé réécrire ta prose.
C'était très bien comme ça, y avait rien à changer

Contribution du : 25/06/2014 23:09
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Re : "Je l'eusse cru du roi", remerciements et explications
Maître Onirien
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Normal!

C'était du Bossuet dans son meilleur style!

Tu te gausses vilain stony

Contribution du : 26/06/2014 12:59
_________________
"""Soyez réglé dans votre vie ordinaire
comme un bourgeois, afi n d’être violent et original
dans vos oeuvres. »

Gustave Flaubert
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Re : "Je l'eusse cru du roi", remerciements et explications
Chevalier d'Oniris
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Une précision s'impose à destination de ceux qui ne pratiquant pas le vers classique ne comprennent pas de quoi vous parlez, MIGUEL, concernant ces rimes en –eur. Cet éclairage sommaire est conçu pour les orienter.

En poésie soignée, si le suffixe -eur constitue une rime, elle est plus que faible. La rime entre deux mots en -eur (sans lettre d'appui) doit être autant que possible évitée, pour ceci qu'elle présente deux défauts majeurs a) identité de suffixe, b) et plus grave, elle constitue une homophonie du langage vulgaire (assimilable en tant que telle à une assonance. C'est de la prose, en somme, ou du vers libre).
Toutefois, lorsque l'idée l'impose, il sera effectivement loisible de la recevoir dans un texte à prétention classique.
Exceptionnellement.
Sur un texte de 24 vers, on dira qu'il s'agit de licence lorsqu'elle apparaît une fois. Mais lorsqu'elle se présente deux fois, on parlera de négligence (et Malherbe ne l'aurait pas tolérée).

Ceci dit, on ne peut dénoncer certaines notations (extravagantes, j'en conviens) des commentateurs dans ce même temps que l'on rejette une observation objective au motif qu'elle ne nous plaît pas en faisant de la réthorique pour se justifier.

Comme vous le savez, MIGUEL, la rhétorique n'a pas sa place dans une analyse sérieuse. On argumente.

Illustration avec les rimes en -eur.

Quant on se réfère à Malherbe, on sait que, pour son époque, le mot «classique» ne possédait pas le sens que nous lui prêtons. Il ignorait qu'il deviendrait la référence absolue d'une conception de la poésie qui lui est postérieure et qui s'est structurée en se recommandant de ses idées.
De son point de vue, il n'y avait que les poètes sérieux (lui) et les autres.
Par conséquent, j'ai cherché mes exemples dans son environnement chronologique depuis Du Bellay jusqu'à La Fontaine.
Voyons comment ils traitent la rime en -eur.
On rencontre chez du Bellay : cœur / vainqueur ; rigueur / vigueur ; guerdonneur / honneur ; horreur / fureur ; grandeur / ardeur ; grandeur / grand heur ; ardeur / froideur. Notons la présence systématique de la lettre d'appui.
Chez Ronsard idem, j'ai bien relevé un fleurs / meurs, mais durant ce temps-là, la vingtaine de eur qu'il utilise le sont tous avec une lettre d'appui (et puis Ronsard, pour Malherbe, c'était pas le top).
Dans «La solitude» chez Saint-Amant on trouve flatteur / hauteur ; vigueur / rigueur ; ardeur / splendeur. Dans «Pluie» du même auteur, langueur / vigueur ; ailleurs, je vois froideur / candeur.
Chez certains on trouve, langueur / vigueur ; cœur / rigueur (les sons «k» et «g» étant voisins sont tolérés, comme «f» avec «v»).
Chez d'autres : fleurs / couleurs ; successeur / sœur ; noirceur / sœur.
Cherchons encore. Fleurs / pleurs ; malheur / douleur ; douleurs / couleurs ; couleurs / pleurs ; cœur / liqueur ; fleurs / pleurs ; odeur / pudeur ; horreur / fureur ; cœur / langueur ; serviteurs / auteurs ; acheteurs / sauteurs ; chaleur / malheur. Toujours la lettre d'appui.

Jusqu'à La Fontaine, les poètes soigneux se détournaient de cette homophonie triviale en -eur en évitant de l'utiliser sans lettre d'appui. Ce n'est même pas une affaire de classicisme, puisque Boileau n'était pas passé par là, mais de bon goût. Ayant passé en revue plus d'un millier de vers, si j'y ai trouvé quelques rimes réduites au seul -eur, il en est fort peu.

Mais à partir de La Fontaine qui en fait carrément un élevage (il aimait les bêtes), bon nombre de rimailleurs vont en abuser.

Toutefois, les poètes soigneux répugnerons toujours à cette faiblesse qu'ils n'emploieront que rarement (ici, deux fois dans une même pièce de 24 vers, quand même ! Ce n'est plus de la licence, c'est du vandalisme !)
Lorsqu'on se place sous les auspices de Malherbe, on revendique le statut de poète soigneux qui était le sien. Et l'on ne peut décemment pas lui infliger ces -eur. Un à la limite, passons, mais deux, non ! C'est bel et bien un attentat contre sa mémoire.
Au nom de la cohérence, se mettre sous le patronage de Malherbe, c'est s'obliger à faire de la poésie soignée, ou alors, c'est qu'on se fout de lui. D'où ma question sur la contre-litote.

Bien sûr que la règle est là pour être bafouée. C'est d'ailleurs le seul intérêt des règles. Mais prétendre enfreindre les règles dans la légalité, c'est absurde, a fortiori lorsqu’on se réfère à Malherbe.

Par "enfreindre les règles dans la légalité", j'entends en faisant du classique qui n'est pas classique (pourquoi pas une section intermédiaire entre le néo et le classique : le "classicoïde", dans lequel chacun arrangerait le classique à sa propre sauce ?)
Quel dommage qu'il y ait ces deux foutues rimes ! Car s’il est, ce texte, réellement exceptionnel et sa lecture m’enchante, hélas, d’un point de vue malherbien, techniquement, il pêche. J’insiste bien là-dessus, d’un point de vue malherbien.

Il se peut que je me plante, MIGUEL, mais au moins, accordez-moi que c’est argumenté, ce qui vous facilitera la tâche pour, éventuellement, me démentir.

Je m’en voudrais de vous fâcher car grande est mon estime pour vos analyses toujours très enrichissantes.

Et puis, vous le savez bien, un PRO sait, un amateur croit savoir, or, je ne suis qu'un amateur.

Contribution du : 26/06/2014 17:58
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Re : "Je l'eusse cru du roi", remerciements et explications
Chevalier d'Oniris
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Petite rectification.
La rime fleurs / meurs de Ronsard est tout à fait valable.
Tout simplement parce que mourir étant un verbe, le –eurs de meurs n’est pas un suffixe, mais une désinence.
Eh oui ! Ce sont les subtilités de la rime.

Contribution du : 26/06/2014 19:56
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Re : "Je l'eusse cru du roi", remerciements et explications
Maître Onirien
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S'il n'eût été de vous" serait l'équivalent de "s'il n'avait été de vous" ; et avec cette forme, on voit bien que c'est "était " qu'il faut : l'imparfait ici n'a pas sa valeur de passé mais sa valeur d'hypothèse ; le plus-que-parfait (ou son équivalent recherché, que vous me proposez), ajouterait cette nuance de passé qui n'a pas lieu d'être puisque le sonnet, pour Malherbe, est, et n'a pas été, du gentilhomme. Donc Malherbe dit :"s'il n'était point de vous, si vous n'en étiez point l'auteur (et non : si vous n'en aviez point été l'auteur), je l'aurais cru, au moment où je l'ai lu, du roi.
Pour les rimes en "eur", certes ; mais il n'est que de lire les auteurs de théâtre : Racine, Corneille et Molière, qui pour leur prosodie se réclamaient aussi de Malherbe, pour voir qu'ils font un usage plus détendu de la rime en "eur".

Contribution du : 26/06/2014 21:30
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Re : "Je l'eusse cru du roi", remerciements et explications
Visiteur 
Je comprends, Miguel, et je ne cherche pas à suggérer une autre formulation à votre vers ! Comme j'ai dit, je vous ai fait part de cette possibilité parce qu'elle me trottait dans la tête et que c'était très énervant ; j'espère à présent en être débarrassée, et je vous prie encore de m'excuser de m'être en quelque sorte déchargée sur vous de mon souci...

Contribution du : 26/06/2014 23:23
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Re : "Je l'eusse cru du roi", remerciements et explications
Visiteur 
Bonjour, Miguel,

Je connais votre profession, dont je ne possède pas les compétences, et je me place sous votre autorité.

J'aurais tout de même aimé connaître votre avis au sujet du changement de temp entre les vers 21 et 22. Je ne le crois pas le moins du monde fautif, mais... comment vous décrire mon impression ?
Aux vers 1 à 12, l'imparfait et le plus-que-parfait de l'indicatif plantent le contexte historique (avec toutefois un présent, au vers 2, lorsqu'il s'agit d'effectuer une comparaison avec l'auteur et le lecteur). Nous ne sommes pas encore tout à fait dans la narration. Le récit démarre réellement au vers 13, relaté au passé simple que l'on trouve au vers 14. Au vers 15, un conditionnel a valeur de futur du passé. Au vers 16, vous faites une audacieuse "ellipse de conjugaison" en vous dispensant d'un verbe pour décrire une action que vous translatez habillement au vers suivant alors que nous sommes déjà dans une citation (vous reproduirez ce procédé aux vers 22 et 23). La graphie ne permet pas de trancher, mais je suppose que cette action (dire) est encore relatée au passé simple. Dans cette citation, on trouve également l'impératif, le présent et le futur. Voilà bien une richesse de conjugaison ne pouvant jamais, je crois, être prise en défaut !
Cette richesse s'accroit encore au vers 21, lorsque vous abandonnez le passé simple pour poursuivre la narration au présent. Cette richesse me plait et trouvera son accomplissement ultime avec la chute au dernier vers et le plus-que-parfait du subjonctif.
Mais j'ai été étonné, et même un peu déçu, que vous soyez revenu, au vers 22, au passé simple, comme si vous vous étiez brutalement ravisé, surpris par votre propre audace.

Je ne veux pas vous titiller sur un sujet que vous maîtrisez mieux que moi, mais profiter au contraire de votre compétence et connaître votre sentiment à ce propos.

Contribution du : 27/06/2014 02:17
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Re : "Je l'eusse cru du roi", remerciements et explications
Maître Onirien
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Socque, si j'ai pu contribuer à vous débarrasser d'un souci j'en suis très heureux, ne vous en excusez pas. Ce n'est pas tous les jours qu'un enseignant se sent utile.
Stony : il n'y a pas vraiment d'ellipse au vers 16 : l'adjectif "fier" est apposé au pronom "il" du vers suivant, lequel n'est pas dans la citation, bien qu'il soit encadré par elle ("dit-il à quelque gentilhomme" est une proposition incise, un élément de la narration). Pour le passé simple de "lut", j'aurais pu employer le présent de narration que j'emploie pour "prend" et "va", et j'y ai songé, mais il m'a semblé que, dans l'ensemble du vers, la sonorité "li" était moins heureuse que "lu", ce qui est peut-être subjectif ; mais ne pensez-vous pas que "Le vieux maître le lut et..." sonne mieux que "Le vieux maître le lit, et..."? Au reste, ce passé simple prépare à celui de "soupira" qui, également pour des raisons euphoniques, me semble préférable au présent. Evidemment, de ce point de vue, le verbe "dire" est bien pratique, puisqu'il évite ce genre de dilemme.

Contribution du : 27/06/2014 18:52
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Re : "Je l'eusse cru du roi", remerciements et explications
Visiteur 
Citation :

il n'y a pas vraiment d'ellipse au vers 16


Si ce n'était ce deux-points, je l'eusse cru.
J'ai bien compris que "dit-il à quelque gentilhomme" est une incise narrative dans la citation, simplement incrustée dans celle-ci afin d'éviter une surchage typographique que n'auraient par manqué de proquer l'interruption et la reprise de la citation par deux guillemets supplémentaires, avant et après l'incise. Il s'agit d'une manière classique de faire, comme celle de même nature consistant à introduire une incise narrative dans un élément de dialogue précédé d'un tiret.
Je crois que c'est la présence du deux-points qui donne l'apparence d'une phrase non verbale. En arrivant à ce deux-points, j'ai l'impression que la phrase est clôturée et que je ne dois donc plus attendre l'arrivée d'un verbe qui arrivera pourtant - nous sommes bien d'accord - dans l'incise présente au sein de la citation.
Il n'y a donc globalement aucune ellipse, bien entendu, si l'on considère l'ensemble des vers 16 à 20. Mais la présence de ce deux-points en fin du vers 16 me donne l'impression d'une ellipse, provoquant d'ailleurs l'effet d'accélération communément recherché par l'utilisation d'une phrase nominale.
Je ne vous faisais aucune critique sur ce point. Bien au contraire, j'apprécie beaucoup cette subtilité permise uniquement par la ponctuation.

Quant aux vers 22 et 23, je crois que je n'aurais pas été choqué par les sonorités en "i" et "e" plutôt qu'en "u" et "a", mais je cromprends votre justification.

Merci d'avoir pris le temps de me répondre.

Contribution du : 28/06/2014 00:46
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Re : "Je l'eusse cru du roi", remerciements et explications
Visiteur 
Bonsoir Miguel,

Bravo pour ce somptueux poème qui rend hommage tant à votre talent qu'aux mânes de Malherbe.
Un grain de sel que vous me pardonnerez, s'il vous plait. Que penseriez-vous de "N'eût-il été de vous, je l'eusse cru du roi..." sans conjonction, ce qui me semble être plus léger.
Amitiés

Contribution du : 28/06/2014 00:52
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