Citation :

Bonsoir Euranie et Louis

Je dirais plutôt que les commentateurs ont relevé non pas une impression d'immobilité mais une impression de lenteur. Je n'ai pas commenté car j'aurais répété à peu près ce que les autres ont déjà dit. Quand j'ai lu votre nouvelle Louis, j'ai été plombée par cette lenteur comme certains films asiatiques où les personnages ont deux de tensions alors qu'il se trame quelque chose, j'ai envie de les secouer "mais bouge!!!" moi je perds patience.
Elle est belle votre nouvelle, ça vit mais dans le silence, la bille symbolise une tension. Leur bouche est close. C'est très très psychologique.
Mais qu'est-ce que c'est lent.

Merci Uranie de cet "aveu" qui me touche, et pour cette discussion de fond que vous avez lancée.
Je voudrais réagir à ce qu'écrit diva-luna. C'est "très très psychologique" dites-vous. Oui, d'une certaine façon, et pourtant, j'ai voulu faire de l'anti-psychologie. Je n'ai pas voulu exprimer et décrire les sentiments et émotions, qui traversent les personnages dans cette rupture, de façon classique.
J'ai essayé de ramener toute la psychologie à des positions et des mouvements dans l'espace.
Elle est en haut, il est en bas ; ils ne dialoguent pas, ils ne dialoguent plus, la communication n'est plus possible; ils ne font pas un pas l'un vers l'autre.
Ils ont une obsession du mouvement dans l'espace, un mouvement de va et vient pour elle, un mouvement circulaire pour lui. Toute leur "psychologie" s'exprime dans ce mouvement.
Chacun se distingue de l'autre par un mouvement différent.
Et il me semble que ce mouvement en dit plus sur les personnages que des descriptions d'émotions classiques.

Bonjour Louis !

Je vois que mon commentaire vous a intrigué...
La physique nucléaire est plus concrète en un sens car elle suit des lois et décrit la réalité -on peut l'observer-. Certains concepts peuvent paraître abstraits par leur approche probabiliste mais une fois de plus les règles sont là. Pour moi, votre texte pose un fond, un univers, dont les règles sont elles-mêmes abstraites. Il y a cette sorte de lyrisme permanent qui fait qu'il est difficile de séparer le concret de l'image, qu'est-ce qui est vrai et qu'est qui est la pensée des personnages, qu'est ce que la bille (une image qui n'est là que pour le récit, ou une bille réelle dans cet univers?), que sont les souvenirs et qu'est-ce qui se déroule au moment du récit ? etc.. Tout est brouillé. Voilà pourquoi je dis qu'il y a les couleurs mais pas de dessin : oui vous avez esquissé des contours mais ils sont impossibles à suivre ! Pour vous cela paraît évident, heureusement vous êtes l'auteur, pour d'autres visiblement beaucoup moins.

Je me rends compte que votre texte est également victime d'autre chose que je n'apprécie pas (mais ce sont mes propres goûts) : L'absence de contraste. En fait je préfère un texte simple qui possède ses envolées, en cela elles sont mises en valeur, un contexte palpable auquel on ajoute de manière savante quelque chose de poétique ; cela créé un contraste et pour moi cela créé une émotion. Ici, d'emblée, nous somme dans l'envolée et il n y a pas de contexte "simple", du coup la beauté du texte s'en trouve d'autant diluée. Pour en revenir aux métaphores musicales (heureux que vous appréciez le jazz, j'adore) : c'est comme un morceau qui serait joué forté ou mezzo du début à la fin, ou sans variation de temps, c'est vite lassant et l'émotion s'en va. Cela rejoins un peu le free-jazz : tout est donné en même temps.

Par ailleurs je ne vois pas "d'immobilité" dans ce texte mais plutôt quelque chose s'apparentant à une cocotte minute =))

Pas touche pour moi à ce qui est du domaine du ressenti. Je m'incline, mais une chose est sûre, c'est que si Diva y a vu de la lenteur, moi du mouvement, Shepard une cocotte, le texte ne manque pas de diaprures.

@Diva : Euranie c'est mignon, erreur de frappe ou ça rapporte à quelque chose? Saint google invoqué demeure muet.

Pour moi, qualifier une oeuvre (livre, film...) de lente, c'est un compliment.

Il faut faire la différence entre le lent et le long.

Les films asiatiques (ou ceux de Robert Altman pour ne citer que ce réal là) sont souvent lents, mais rarement longs et ennuyant pour autant.

W

@Widjet : C'est mon avis également sur les films lents, Le film turc que j'ai évoqué hier, que le texte m'y a fait penser pour d'autres aspects (photographie seulement), est de cet acabit, les critiques découvertes hier pour la première diront à son propos :

(...)C’est d’une grande beauté, mais, il faut l’avouer, le réalisateur nous propose deux voies : soit on est fasciné, soit on s’ennuie à mourir. A chacun sa vérité
Nouvel Obs ( François Forestier )

(...)L'ennui au cinéma c'est bien aussi. Cela permet de diverger, penser, dormir. Il était une fois en Anatolie n'invite pas à sombrer mais, pour être en phase avec lui, à se laisser engourdir par son lent voyage sur une humanité épuisée.
Fluctuat ( Jérôme Dittmar )

Dissimulé derrière son postulat de film policier, Nuri Bilge Ceylan signe en réalité son film le plus difficile d’accès : hypnotique et touchant au sublime pour certains ou ennuyeux à mourir pour d’autres. Et si le film était tout cela à la fois ?
A voir à lire ( Virgile Dumez )

Une épreuve pour certains, une splendeur pour d'autres.
Le JDD ( Alexis Campion )

Dire que pas une seule seconde je me suis ennuyée..

Je reviens à la lecture de Widjet et à ce qu'il cherche.
Je crois en toute franchise que le cartésianisme est à son paroxysme dans tous les domaines de la vie. En France notamment (où, je viens de le lire, il y aurait autant de lois que dans tous les autres pays du monde réunis).
Je fais partie de ceux qui apprécient une lecture claire, compréhensible, bellement et originalement imagée et évoluant vers une finale, une apothéose de grandeur ou de ruines...
J'apprends, je ré-apprends plutôt, ici, à apprécier la poésie plus technique malgré, souvent, un fort désappointement et agacement devant une signification qui se dilue dans des lieux communs ou des mots alambiqués ou des tournures de vers dont le déchiffrement demande quelques minutes. Tout cela au profit d'addition de syllabes selon des règles pré-définies.
Ne croyez pas que je ne le respecte pas mais j'aime la virtuosité quand elle émeut aussi. Comme vous.
Ce texte comme d'autres est d'une autre engeance.
Il surgit, part d'une évocation de l'auteur qui lui est personnelle et que le lecteur se doit de contribuer à recréer en lui avec ses différences, son histoire personnelle, son propre contexte de vie.
Des textes comme ceux-ci demandent un autre type de rigueur pour rester cohérents et que ce partage à recréer chacun de son côté puisse emmener, envoûter, extasier ou désepérer...
Et, Louis, Larivière, d'autres nombreux ici, écrivent, suggèrent, nous emportent dans notre propre faculté de rêver et d'imaginer.
Et on le voit bien dans les commentaires : selon le type de poésie le commentaire sera basé sur des aspects techniques, d'autres sur une relecture, une ré-écriture. Ce que Louis excelle à faire, nous en convenons tous.
C'est pour cette raison que je me permets de revenir sur ce fil.
Amicalement bien-sûr.

Citation :

Il est des allers-retours délectables.

Oup's Uranie, oui une erreur.

À part ça rien à dire juste merci Louis pour vos explications surtout concernant une vision de la (anti) psychologie s'exprimant dans le mouvement et non dans les émotions des personnages. Ça change et c'est très intéressant, et c'est ce qui permet aux lecteurs d'ouvrir ses horizons sur une façon d'aborder une littérature sortant du lot.

Je pense que c'est un texte typique l'on aime ou que l'on déteste, il n y a pas vraiment d'entre deux.

Je reviens sur ce que vous dites RB (bien que ce n'est plus tout à fait le sujet mais ça m'a fait réagir) : il est surprenant que vous trouviez que le "cartésianisme est à son paroxysme dans tous les domaines de la vie" je dirais que c'est plutôt totalement l'inverse (si vous entendez cartésien par rationnel), il n y a jamais eu autant de charlatans et d'escrocs peu rigoureux ou regardant. Personne ne sait plus rien et "croit", tout devient si complexe qu'il est plus facile de se reposer sur du tout fait. Et comme on "croit" et qu'en réalité on ne sait pas il est facile d'abuser les gens, mais ça c'est une autre histoire.

Pour en revenir au texte, oui il est techniquement très avancé (je serais à des années lumières d'écrire cela), mais vous voyez on retombe dans les travers évoqué ci dessus : il est si techniquement avancé qu'on ne sait plus, on croit. Alors on se repose sur du tout fait (l'explication d'Uranie... =)) pour y voir plus clair. Mais si Uranie se trompe... Enfin vous avez comprit ou je veux en venir !

Heureusement Uranie ne s'est pas trompée !