Merci AnnaPanizzi, merci Cyrill, merci Angieblue pour vos réponses.

Au théâtre, il est vrai qu'il n'y a à peu près que les personnages pour se déplacer et rompre le silence, malgré un développement récent de la mise en scène dirai-je cinématographique.

Ce n'est pas le cas du récit romanesque ou poétique, où le discours peut entièrement tenir dans la narration (on peut imaginer une pièce de théâtre avec un plateau vide et une voix off, mais), où les dialogues peuvent être tenus par on ne sait qui, où la voix n'implique pas d'incarnation.

Le courant naturaliste a beaucoup insisté sur les arbres généalogiques dans le roman, en Angleterre, en Allemagne, en France, en Russie, et de descriptions physiques psychologisantes — j'admets volontiers qu'il est de mon goût d'en avoir ma dose lorsque ces portraits sont utilitaires plutot qu'à tendance artistique. Demeure que j'aime en général moins les portraits en peinture, en photographie, en littérature, que les panoramas, les scènes de vie ou les natures mortes.

Mes questions sont volontairement vagues pour permettre une entrée facile dans le sujet et y inviter toute remarque : je n'attends pas de réponse mais des réflexions.

Je constate que les personnages et l'histoire d'un récit ont l'air d'importer beaucoup aux lecteurs, et c'est ce à quoi je résume mes lectures lorsque l'on me demande de parler d'un livre, si je n'en discute pas avec un amoureux du style, quoi que cela veuille dire. Pourtant, je n'ai jamais trouvé de vitalité que dans la narration : c'est l'auteur qui me vit à travers ses livres, et j'aimerais mieux comprendre ce que les singularités de caractère ont d'important pour d'autres lecteurs. Que sont-elles d'autre que des exotismes ? Qu'y a-t-il en jeu entre les personnages qui fasse sauter des passages aux lecteurs qui n'aiment pas les descriptions ? Qu'est-ce qui rend la description de l'action des personnages autre chose qu'une description à certains lecteurs ? Qu'y a-t-il d'incisif à la description d'un sentiment ? Pourquoi revient-on à la réception de tel événement par tel puis tel personnage, souvent ? Pourquoi aime-t-on des tics de langage, pourquoi encourage-t-on des caractères bien affirmés, alors que tout passe par la narration et pourrait n'avoir pas besoin de personnages pour explorer des rages, des excès, des tristesses, des extases, des peurs ?

Ces questions sont sincèrement ouvertes. Merci d'avance pour vos participations.

Bon je réponds...

"D'accord, mais pourquoi le personnage est-il aussi important dans un récit ? Quelle est l'urgence à le définir précisément ?"
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La question est sans objet. On a pu croiser dans nos lectures des personnages flous, par exemple à la première personne, ou des personnages mystérieux qui soudain se révèlent.

Que porte-t-il d'autre qu'un ricochet de telle ou telle péripétie ?
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? Comprends pas porter un ricochet.

Est-ce un bon personnage un personnage faisant effet de réel ?
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Sûrement. L'auteur dans ce cas met les chances de son côté.


Incarne-t-il la promesse d'un changement, d'un rétablissement, d'une paix, d'un triomphe ?
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Oui, un triomphe je pense, systématiquement.


Je sens bien qu'il y a plus de vie en les personnages pour beaucoup de lecteurs, mais je ne suis pas sûre de savoir pourquoi. Et je ne saisis pas ce qui fait un bon personnage, sinon un personnage partageant des inquiétudes et intérêts avec ma personne, ce qui constitue une bien fade définition.
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Fade, ou plutôt subjectif, car cela vous empêche de vous rattacher à la multitude, à l'humanité. On a envie de se retrouver sur une idée.

Sur la question principale, je répondrais par mon ignorance. Un bon personnage peut être plus intéressant qu'une intrigue mal faite, qui sert de contexte. Mais les réponses sont si diverses que je peine à trouver un axe majeur. Je lâcherais simplement le mot de problématique.

Je ne vais pas répondre aux question posées par JeanneSansDoute, mais apporter une réflexion à propos du cadre :

Je crois que j'apprécie une lecture d'autant plus que le cadre est en étroite intimité avec le personnage, comme on peut plus facilement se le représenter en peinture ou photo peut-être.
Lorsque cadre et personnage interagissent, sont au service l'un de l'autre. Que ce soit un cadre géographique ou historique, d'ailleurs.
C'est en cela que les passages descriptifs ont toute leur valeur, et concourent à l'unité du récit.

Vos questions sont derechef assez plénières dans leurs formulations mais je vais tenter d’apporter quelques réflexions personnelles en essayant d’être concise sur la globalité du sujet.

Le travail d’un créateur de littérature est de donner à ses personnages fictifs une identité, un caractère, une couleur, selon qu’il tente de les rendre vraisemblables, proche du réel, ou doté d’une signification particulière ou remarquable. En d’autres mots il fournit une description explicite ou indistincte selon ses vouloirs. Avec ses propres outils linguistiques, syntaxiques et même sémantiques, il ordonne à son personnage un « portrait » en couches superposées qui peuvent être nombreuses et variées. Ses pensées, son histoire, ses traits physiques, sa démarche, ses gestes, voire des tics de langages, comme vous dites, etc. C’est une création inévitable et nécessaire dans la logique de l’univers imaginaire de l’auteur et du regard qu’il souhaite porter sur le monde. Comme le dit Angieblue, un sens de l’observation aiguë et une mémoire photographique sont très utiles pour parvenir à ces finalités mais il y a d'autres leviers narratifs. Cyrill le résume aussi assez bien à sa manière quand il parle d’un cadre intime entre l’auteur et son lecteur pour parvenir à une unité complice.

Anna

Toutafé, Anna

Citation :

Non non non Anna, pardon j'ai lu trop vite. Je n'ai pas parlé de cadre intime entre auteur et lecteur, mais d'une intimité entre cadre et personnage. Que ces deux-là soient d'une même couleur ou chacun d'une couleur complémentaires, ils "discutent" entre eux.

Vous évoquez le cadre d'intimité entre auteur et lecteur, c'est autre chose et pourquoi pas. L'auteur peut avoir la volonté d'instaurer, ou de proposer cette complicité avec le lecteur, mais je ne suis pas persuadé que ce soit nécessaire. Je n'ai pas forcément besoin d'appel du pied de la part d'un auteur pour apprécier ce qu'il écrit. Et si je le ressens je serais plutôt circonspect. C'est ce que m'évoque cette complicité mais vous pensez peut-être à quelque chose de différent.
Les auteurs que j'aime me sont en grande partie des mystères et d'ailleurs se laissent oublier derrière leurs histoires, sans que je désire forcément savoir ce qu'eux-même pensent de celles-ci.

Alors moi aussi j’ai lu trop vite ah ah. Mais je suis également OK avec la relation cadre/perso. Néanmoins, quand je parlais de complicité AL, qui ne concernait évidemment pas le microcosme Oniris, je voulais dire que c’est le lecteur qui l’instaure parce que l’auteur, lui, une fois qu’il a livré son œuvre au public, il ne peut savoir qui le lit, hormis ceux qu’il rencontre au hasard de ses dédicaces ou d’apparitions publiques et médiatiques. Voire d'échanges épistolaires. L’ « appel du pied » ce sont les éditeurs qui s’en chargent avec leurs quatrièmes de couvertures souvent tapageuses^^