Comme les carottes sont cuites, du huitième montons au neuvième avec notre plat tout chaud et là, comme c'est l'étage des goinfres, des goulus, des morfals, nos carottes seront vite englouties dans ces estomacs toujours avides de nourritures. Mais ces individus sont effrayants. Ne montez jamais chez eux avec un nourrisson dans les bras. Ils le regarderaient avec des yeux exorbités, prêts à le dévorer tout cru sans sel ni beurre. Bheurc ...!!!

Etage 10

Bigre, le 9 est flippant ! Au 10, c'est plus cool, le soleil inonde tout ce qui veut bien, mais au fil du temps, on s'inquiète : un sable tout fin commence à s'immiscer, et on a peur que, de jour en jour, on se retrouve ensablé. Les habitants écopent le sable, le jette par les fenêtres.
Finalement, ce n'est pas plus cool qu'au 9, les inquiétudes sont vivaces.
Ceci dit, dans un appartement du 10, une femme a planté des cactus et un homme sur le palier d'en face, a le projet de voir une dune majestueuse les relier au sol.

L'étage onze est l'étage de celui qui disait "après moi le déluge" et qui fut exaucé : à sa mort, le déluge fut.

Le onze est empli d'eau, au-dessus semblant minuscule surnage une drôle d'embarcation, pas si minuscule au final : elle contient un couple de chaque espèce animale, ce qui commence à faire un peu de monde à se pousser du coude, de l'aile ou de la nageoire. Tanguant mais ne coulant point la barcasse a une drôle d'allure, faut dire qu'elle a été construite à la hâte - à l'arrache comme on dit dans le bled de Noé, son bâtisseur, d'où l’appellation un peu énigmatique du rafiot : l'arrache de Noé.

L'urgence urge maintenant à grandes enjambées, il pleut toujours et l'arrache se rapproche dangereusement du plafond. Noé homme d'action et de parole, agit et parle, un conciliabule plus tard l'affaire est dite : kraken et krakenne de la baille plonge à la baille, le couple file vers le fond qu'il atteint bientôt, de leurs adroites tentacules enserrant les outils adéquats, la paire de monstres creusent des trous dans le plancher.

L'eau baisse au onzième. Après le soleil c'est l'eau qui inonde le dixième sous l’œil étonné de la femme au cactus.

Etage n°11.1

C'est un étage qui se gagne. Celui des multiples des 1 par 1, en admettant que cela veuille dire quelque chose. Chaque porte s'ouvre et se referme sur une première fois.

Il y a la porte du premier émoi, celle du premier baiser, celle du premier saut à l'élastique, du premier bain de minuit, de la première surprise-partie, du premier Noël, de la première barbe-à-papa, du premier qui-s-y-frotte-s-y-pique, du premier pas sur la lune, de la première dernière fois.

Et ainsi de suite, jusqu'à remplir l'arche de Noé à ras-bord en faisant bien attention, toutefois, de ne pas se piquer aux cactus de la dame d'en-dessous qui s'apprêtait à sauter sur le nourrisson grassouillet qu'elle avait confondu avec une carotte sans sel ni beurre, en disant, oui-oui, mais moi je suis bobo chic...

Et nous voilà déjà à l’étage 12 où nous avons tous grimpé, sans hésitation, avec allégresse et légèreté. Merci à TomAstral. Cette idée est géniale ! Mais à présent, nous sommes à l’étage Hésitation. Certains se demandent s’ils vont continuer à grimper, d’autres s’ils vont atteindre le septième ciel, un suicidaire se demande s’il est allé assez haut pour que la chute lui soit bien fatale, un sportif souhaite faire construire une rampe du haut jusqu’en bas pour que les enfants jouent à glisser dessus à kali-fourchon, un superstitieux préconise de passer directement à l’étage 14 le chiffre 13 portant malheur (c’est bien connu), enfin un minimaliste dit qu’on est allé trop haut, qu’il vaut mieux démolir un ou deux étages afin de rester dans des proportions raisonnables. Ne devrait-on pas aviser TomAstral pour lui demander son avis? Qu'en pensez-vous les amis?

L’étage 13 a ceci de particulier qu’il ne peut s’atteindre sans risquer la mauvaise fortune que le vendredi. Il est notoire que le vendredi 13 porte bonheur. Aussi y a-t-il une semaine d’embouteillage dans l’escalier qui y mène. On s’y fait des politesses insincères et des croche-pattes, si bien que beaucoup d’entre les candidats au bonheur retombent au rez-de-chaussée ; on s’y raconte des histoires de gens qui on sauté le 13 et sont allés directement du 12 au 14, laissant leur unique chance s’envoler ; d’autres qui ont voulu faire fi des superstitions et sont montés qui un lundi, qui un jeudi : de ceux-là on n’a pas de nouvelles ; d’Unetelle qui y rencontra Untel et se sont mariés au 14, la traîne de l’épouse tombant en avalanche sur les marches ayant entraîné un nombre considérable d’aspirants au vendredi 13 dans une chute sans fin jusqu’à des étages négatifs dont nul encore n’avait entendu parler... Et cætera et cætera, les légendes n'en finissent pas de s'embellir de vérités alternatives, toutes recensées dans les archives de la tour universelle, qui se trouvent à l'étage... mais à quel étage au fait ?

Etage 14.0

Du temps a passé, de l'eau a coulé, des cactus ont poussé, des gens se sont aimés, des portes se sont ouvertes ou fermées, des marches à n'en plus finir... l'humanité s'est hissée, au propre et au figuré. Au 14.0, c'est bien simple, les occupants n'ont plus rien à faire sauf appuyer sur des boutons et demander à haute voix ce qu'ils veulent. ils sont le silicon étage, la technologie trop avancée. Ils ont faim, ne produisant rien. Heuseusement, les habitants des étages inférieurs leur apportent parfois une pomme, parfois un poisson, parfois un lapin (l'arche est encalminée et les lapins prolifèrent à donf)

MERCI À VOUS, Ô CAMARADES…

J’adore vos étages / vos univers.

Que dire à part : Le plaisir est pour NOUS !


…



[Étage 14.9]

Entre, je t’en prie. Choisis un couloir et prends-le.
La première porte mène à une cour de collège déserte, avec ça-et-là, des boulettes de papier froissé qui tombent des nuages.
La seconde porte mène au sommet des montagnes, quelque part au creux d’une galaxie.
La troisième porte, à une plage au bord d’un océan, sur une exoplanète lointaine.
Je te laisse découvrir le reste…
Voilà qui est fait ? Alors, continuons.
Rendez-vous au prochain étage.

[Étage 15]


[Premier rapport d’exploration]
En arrivant à l’étage 15, vous vous retrouvez d’abord
dans un couloir sombre d’environ neuf mètres de longueur.
La seule porte est devant vous, à l’opposé. En l’ouvrant,
vous vous retrouvez dans un autre couloir de cinq mètres de long,
avec au bout une autre porte. Une fois ouverte cette porte,
vous êtes à présent dans cette pièce éclairée par une ampoule
grésillant. Les parois sont en bois. Il flotte une vague odeur
d’air salin. Par la fenêtre se laisse voir et entendre le souffle
d’une forêt aux alentours de minuit.
Vous ouvrez la porte suivante.
Vous vous retrouvez alors au cœur d’une zone immense.
Cette zone est un vaste réseau de voies ferrées, sur lesquelles
passent périodiquement des trains, de toutes les provenances
et de toutes les destinations.
Vous entrez peut-être dans l’un de ces trains.
Tout comme j’entre moi-même dans l’un d’eux.
Je vous souhaite le meilleur des chemins.

[Trente-cinquième rapport d’exploration]
[Objets trouvés dans le 3ème wagon du trente-troisième train du secteur 5]
– Une photo de lune à travers des murs en verre.
– Une lettre d’excuse à Dame Tartine du cinquième étage pour avoir croqué
dans sa chaise en caramel (Note : l’écriture enfantine est sans doute
un peu laborieuse mais elle est tout de même accompagnée d’un
dessin d’arc-en-ciel plutôt convenable)
– Un ouvrage sur l’alter-architecture interne de l’étage Pi.
– Un trèfle à quatre feuilles cueilli à l’étage 13.
– Un livre d’Histoire relatant les évènements relatifs
à l’inondation de l’étage 10 (avec notamment une mention
à deux autres livres, l’un ayant pour titre « Déplacement de déluge »
et pour sous-titre : « La vérité sur l’étage 11 », et l’autre ayant pour
titre : « Numéro 11.1 : L’étage des premières fois » et pour sous-titre :
« Un univers peut en pardonner un autre ».).
Note : À la fin du livre, on trouve une brève allusion au phénomène
d’ensablement qui semble concerner un certain nombre d’étages.

À l’étage 16 se trouve une vaste forêt de cactus.

Selon un récent rapport d’exploration, cette forêt a été
progressivement plantée toute entière par une femme
venue d’un autre univers, plus précisément celui du
dixième étage. Aux explorateurs et exploratrices qu’elle
a rencontré, la femme a parlé furtivement de cet homme
qu’elle n’a jamais revu depuis la Grande Pluie, cet homme qui,
selon ses dires, voulait la rejoindre par un chemin de sable.