Merci jeanphi
Vous et moi avons vécu quelques instants dans le voisinage de gens devenus depuis célèbres !
Notre anonymat ne nous diminue cependant pas du tout.
Chacun sa destinée.

Dans les années cinquante j’avais quinze ans, je vivais à Béziers. Un dimanche en matinée au théâtre municipal était venu se produire Georges Brassens, dont j’étais fan inconditionnelle et connaissais par cœur les premières chansons. Fille de parents pauvres, sans argent de poche, impossible de payer une place pour assister au concert. Sur le côté du théâtre se trouvait une porte menant aux coulisses. Je savais que les artistes s’attardaient là, après le spectacle, pour signer des autographes. N’osant pas y aller seule, j’entraînai avec moi ma jeune cousine. Effectivement, notre chanteur-poète était là, assis devant une petite table. Ses fans lui tendaient un de ses disques ou une photo de lui et il se pliait avec bonhommie au sacro-saint exercice des dédicaces. Je me sentis frustrée, n’ayant bien sûr ni disque ni photo de lui à proposer à son stylo. Dans mon petit sac à main, je n’avais qu’une photo de moi, prise par ma sœur lors des dernières vendanges, en short, assise sur le bord d’une comporte. Sans réfléchir à la stupidité de ce geste et avec toute la candeur de mes quinze ans, je lui tendis ma petite photo. Il la prit, la regarda, leva les yeux sur moi avec un beau sourire, puis, sans hésiter, écrivit " amicalement ", suivi de sa signature, dans la marge entourant ma binette. Comme je ne bougeais pas, tétanisée sur mon petit nuage, il me tendit sa main que je serrai timidement. Devenue vieille dame, quand je me remémore ce souvenir, je ne peux que rendre hommage à l’intelligence, la bonté, la simplicité de ce personnage hors normes, et la sensation de cette poignée de main est encore en moi, très présente.

C'est très touchant de voir que certains souvenirs restent aussi importants tout au long de la vie.
Merci embellie.
Si vous avez d'autres anecdotes à partager, je suis sûr que Vadim les emportera dans sa besace avec grand plaisir ... Vadim ?

Bonjour jeanphi
Oui, j'en ai une autre, véridique, mais pas personnelle, découverte dans un bouquin d'histoire de l'art. La voici.

« Il doit y avoir un juif enterré ici ». C’est ainsi que juraient certains Allemands avant la seconde guerre mondiale lorsqu’ils trébuchaient sur une pierre. Cette expression couramment utilisée à l’époque en dit long sur l’antisémitisme qui régnait alors. Aujourd’hui, lorsqu’on se balade à Berlin, il peut nous arriver de trébucher sur un de ces petits pavés si typiques de la capitale. On ne jure plus comme auparavant. Et si l’on se penche à la découverte de l’aspérité que notre pied a heurté, on aperçoit parfois un humble pavé en bronze qui porte une inscription. Sa face affleurante dépasse légèrement du sol, juste ce qu’il faut pour nous faire trébucher, d’où son nom Stolpersteine, c’est-à-dire « la pierre qui fait trébucher ». Ces petits pavés dorés constituent une œuvre mémorielle de l’artiste conceptuel Gunter Demnig qui en a disséminé plus de 25 000 depuis 1993. Chaque pavé, réalisé manuellement par l’artiste est unique. Ces petits mémoriaux sont ensuite entretenus et astiqués par les riverains. Encastrés devant le dernier domicile des victimes, ils témoignent humblement. Sur la face affleurante est inscrit : Hier wohnte, c’est-à-dire « Ici habitait » suivi d’un nom, d’une date de naissance, d’une date d’arrestation et d’une date probable de mort dans un camp d’extermination. Ainsi, chaque fois que nous trébuchons nous nous rappelons qu’une femme, qu’un homme, qu’un enfant ont vécu et qu’ils sont symboliquement enterrés à nos pieds. Il doit y avoir un juif, un tzigane, un communiste, un homosexuel, un résistant, un handicapé enterré ici. Victimes de l’abomination.

Bonjour embellie
Votre anecdote est bien émouvante, il est en effet bon de ne pas oublier toutes ces malheureuse victimes innocentes d'une folie meurtrière.
Merci pour Elles.

poldutor

Merci poldutor pour ton mot gentil et la jolie fleur. De temps en temps, quand l'occasion se présente, une petite piqûre de rappel ne fait pas de mal, je trouve, au sujet de certaines idéologies aux relents mortifères.
Je suis étonnée que ce fil ne rencontre pas plus de succès auprès des Oniriens. Il est impossible que personne n'ait d'anecdote à raconter !

Bonsoir !!!

Super ces anecdotes, on dérive un peu de l’idée de base mais du coup on en apprend un peu sur les plumes d’Oniris et les anecdotes sont conçues brèves et sont chaudes d’esprit, elles ont toutes un souffle littéraire, donc c’est très bien comme ça.
Je vais en créer une nouvelle demain j’ai plein d’idées.

Je suis absolument d’accord pour limiter à 1000 caractères.

Bonjour Vadim
Je me permets d'intervenir en insistant sur le fait que l'anecdote doit être (à mon avis) authentique, sinon ce ne serait qu'une micro-nouvelle (cela dit sans dédain).
J'imagine comme embellie que certains des oniriens ont un souvenir lié "aux arts" qui pourrait faire l'objet d'une anecdote authentique.
Cordialement.
poldutor

Puisque le fil n’est pas submergé, je me permets de raconter encore une anecdote authentique (poldutor) en rapport avec l’Art et l’Histoire, et non la littérature. C’est du vécu.
Pendant vingt années j’ai pratiqué le métier de tapissière- décoratrice d’intérieur, qui est un métier d’art. Lors de la réfection d’un fauteuil Voltaire très vieux, très délabré, j’eus la surprise de découvrir une inscription, gravée à la pointe sèche dans le bois d’un accoudoir : 1853 Vive la République – Nollin.
Ainsi l’artisan Nollin a voulu exprimer sa conviction, un pied-de-nez peut-être envers son noble client … Il ne se doutait pas, sans doute, que son cri du cœur, bien caché, serait un jour découvert par une femme portant pantalon ! Je me suis soudain sentie très proche de cet homme et fière d’avoir découvert ce message ayant traversé les siècles pour arriver jusqu’à moi.
Et c’est les larmes aux yeux que j’ai terminé mon travail, recouvrant avec soin l’émouvante inscription.

Wouawouw, quelle belle histoire !
Mieux que mes amis qui volaient une sérigraphie à l'expo Dali de passage à Stevelot ...
Vous devriez en faire une nouvelle ! Nous ferions comme si nous n'avions rien lu en E.L.