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Re : Mais pourquoi donc écrire sous une forme contrainte ?
Maître Pat de Velours
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De Quelque part entre ma tête et mes pieds
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wancyrs a écrit :
Les contraintes ? je suis d'accord avec ça, car dit on, sans rigueur, aucune science ne peut subsister. Mais donnons nous de nouvelles contraintes, pour innover, pour marquer notre temps. C'est au présent qu'on écrit le passé et je me demande ce qu'on retiendra de notre temps si nous le passons à dépoussiérer les fossiles de styles littéraires d'antan et à nous exercer à reproduire des gestes qui ont fait leur temps et qui ont été abandonnés à cause de leurs limites.


Reproduire sert en premier lieu à apprendre : avant de créer ses propres tableaux, on commence par apprendre à dessiner, peindre en recopiant d'autres artistes, histoire de mieux saisir comment ça marche. Une fois qu'on a appris les techniques, on peut les modifier, en utiliser certaines. C'est la même chose en musique : tout musicien classique, par exemple, commence par jouer d'autres morceaux avant d'en composer lui-même. Ce sont des gammes... C'est tout. Après, qu'on s'éloigne plus ou moins de la technique initiale va faire notre originalité.

Pour l'écriture, on s'imagine qu'on devrait d'emblée savoir faire quelque chose d'original. Ce qui, à mon avis, est une erreur. Il y a l'écriture qu'on apprend à l'école (écrire, connaître la grammaire, la syntaxe, etc.) qui est une base nécessaire, mais ce n'est pas l'écriture telle qu'on la conçoit en littérature. Il est nécessaire de lire d'autres auteurs pour appréhender différents genres, styles, etc. Ça, l'école y pourvoit (un peu) mais ça ne suffit pas. Et c'est tout l'intérêt des ateliers d'écriture qui ont fleuri un peu partout. Là, on découvre d'autres auteurs, on essaye d'écrire "à la manière de", on dépasse nos blocages. On copie, donc.

Ne pas rester dans le copiage est important (on en garde un vieux relent de péché, d'ailleurs : c'est pas bien de copier : "M'sieur, il copie sur moi !), mais on ne peut s'en passer, à condition de ne pas en rester là. De bien garder à l'esprit qu'il ne s'agit que d'une (tentative de) reproduction. Mais comment faire quelque chose qui soit original sans même connaître ce qu'on modifie ? Pour dépasser les règles, il faut au moins les connaître. Il existe le risque de reproduire sans même savoir qu'on plagie, en croyant inventer du nouveau.

D'ailleurs, on a tous intégré des histoires, des styles, des techniques, sans parfois, nous en rendre compte. En lisant, écoutant, etc. C'est ce qu'on appelle "l'intertextualité". Ce qui fait qu'on n'est jamais complètement original. Même si on le veut. Tout ce qu'on écrit emprunte à quelque chose d'écrit antérieurement, plus ou moins... C'est dans cet écart entre une simple reproduction (copie conforme) et l'original que va se nicher notre subjectivité (plus ou moins proche de l'original, d'où cette impression des lecteurs de "déjà vu" ou au contraire "d'invention". On ne crée pas à partir de rien. La page blanche, rien de plus angoissant...

Pour en revenir au sujet de départ : les contraintes en poésie (mais ça marche aussi dans d'autres domaines) servent à travailler son écriture (les gammes), mais aussi à donner un cadre dans lequel sa propre subjectivité peut loger (on peut garder la structure d'un poème de Baudelaire, sans copier Baudelaire). C'est aussi s'inscrire dans un cadre donné qui permet de laisser sa liberté s'épanouir sans risque (je peux avoir envie de jouer du blues, composer un morceau que personne n'a entendu avant. Mais ça gardera le rythme, les accords qui spécifient ce style.). L'originalité, et c'est ce qu'on voit beaucoup aujourd'hui, c'est de mélanger les genres... rien ne vient du néant. Le rock est issu du blues, qui lui-même est issu de la musique traditionnelle africaine... et on peut multiplier les exemples.

En littérature, on mélange, par exemple, l'humour et la science fiction. Et pas mal de trucs sont vraiment réjouissants, comme des reprises d'anciennes oeuvres (il existe des tas de versions du chaperon rouge, par exemple). L'humour vient justement du décalage qu'on peut percevoir, parce qu'on reconnaît l'ancien derrière le nouveau.

Tout ce qu'on crée, on le doit à d'autres, avant. Se donner des contraintes pour écrire peut servir à s'exercer, à bien connaître une technique mais aussi à respecter un genre. Il y en a toujours de toute façon, des contraintes, qui ne sont que des cadres nécessaires (ne serait-ce que celui de la langue). L'important est de savoir le reconnaître, les connaître pour pouvoir en faire quelque chose qui vient de nous. L'être humain est toujours pris dans cette double contrainte : être « comme » et être « autre ».

Contribution du : 26/09/2009 12:16
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"Il faut deux ans pour apprendre à parler et toute une vie pour apprendre à se taire." Proverbe chinois
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Re : Mais pourquoi donc écrire sous une forme contrainte ?
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La question est légitime... et appelle à la nouveauté stylistique.

Merci Pat pour cette jolie réponse...

Comme toi, je suis persuadé qu'au delà de l'apprentissage ...la contrainte aiguillonne la créativité.

Allez Wan... colle t'y !!!

eric-paul

Rien ne se crée.... rien ne se perd.... tout se transforme !!!

Contribution du : 26/09/2009 12:30
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Celui qui écrit, lit deux fois.
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Re : Mais pourquoi donc écrire sous une forme contrainte ?
Chevalier d'Oniris
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Pour avoir fréquenté dans un atelier d'écriture un seul après-midi, l'animateur-auteur nous racontait qu'il préférait surtout pour des débutants donner des contraintes, donner un cadre, qui permet à l'esprit, l'imagination de se mettre en route pour contourner les obstacles, donner un point de départ aussi. Pour la plupart c'est un stimulant pour un carcan dont ils ont du mal à se défaire.

J'ai fait partie d'un atelier d"écriture en ligne. Certaines contraintes me bloquaient complètement, et par contre, d'autres m'ont permis d'explorer certaines facettes de l'écriture.

Sinon concernant la copie, je me retrouve dans les propos de pat.

Je suis animateur d'un club photo et c'est peu ou prou le discours que je tiens : 1) voir de bonnes photos, d'autres styles, d'autres genres, 2) faire des photos le plus souvent possible 3) montrer son travail aux autres pour avoir des retours, des avis et des opinions.

Contribution du : 26/09/2009 13:47
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Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d'eux (René Char).
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Re : Mais pourquoi donc écrire sous une forme contrainte ?
Visiteur 
Contrainte ? C'est une question d'état d'esprit. Je pratique presque exclusivement l'écriture classique (ou néoclassique, parfois, pour les puristes) parce que j'en apprécie infiniment l'harmonie, la rythmique, la beauté auditive et visuelle ; et non pas pour le simple souci ou défi de respecter des règles.
Ecrire pour moi, c'est comme composer une mélodie, l'enrichir pour en faire un morceau qui coule bien à l'oreille, et non pas m'efforcer à tout prix de faire tenir des notes dans un laps de temps donné ...

La seule chose que je vis comme une contrainte, c'est de devoir - si je veux que mon texte soit considéré comme classique - compter des "e" qui n'existent plus dans la langue parlée actuelle, ou m'imposer des diérèses aussi disgracieuses qu'anachroniques. A vrai dire je me refuse à l'un comme à l'autre, et selon mon humeur et mon envie, j'utilise un autre mot, ou je choisis la catégorie néoclassique.
A quand un traité de prosodie classique dépoussiérée des archaïsmes de prononciation ? Je signe tout de suite ...

Pour en revenir à notre sujet, il y a trois ans encore, j'écrivais en "libre", ignorant tout de la prosodie classique ; depuis, elle m'a comme "révélée" à moi-même, je m'y suis épanouie, et les rares fois où je m'en affranchis, je ne me trouve plus la même qualité poétique ... Alors, contrainte ? Non, plutôt un support, un révélateur même, en ce qui me concerne.

Voilà, c'était ma vision des choses, toute partielle et partiale qu'elle soit !

Contribution du : 26/09/2009 22:31
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Re : Mais pourquoi donc écrire sous une forme contrainte ?
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Cette séduction de la poésie classique ou néo-classique qui, au prix de son apprentissage exigeant, apporte son harmonie et sa musicalité est une évidence.

Henri de Régnier (1864-1936), admirateur de Mallarmé et principal artisan et partisan du vers libre finit pourtant par l'abandonner pour revenir définitivement au néo-classicisme, prenant le contre-pied de son époque. Il faut dire que son beau-père était José-Maria de Hérédia.

Contribution du : 26/09/2009 22:50
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Que ma muse amuse et m'use !
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Re : Mais pourquoi donc écrire sous une forme contrainte ?
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Je n'aime pas les contraintes, j'aime la liberté et surtout dans toute forme d'expression.A respecter les règles d'il y a des siècles on ne risque pas de faire évoluer la poésie, de découvrir de nouvelles formes d'expression.

Le conformisme bien pensant, je suis décidément de moins en moins en phase avec ce qui se fait sur ce site et ce qui se dit....

Contribution du : 27/09/2009 07:40
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Re : Mais pourquoi donc écrire sous une forme contrainte ?
Visiteur 
En ce qui me concerne, je ne suis vraiment à l'aise que dans l'écriture libre...

Il reste que je me fixe régulièrement mes propres contraintes et que pour maîtriser la liberté, je me suis efforcé de connaître le classique.

Être libre, c'est tordre les règle ou s'en foutre, mais pour le faire de manière consciente et maîtrisée, il est important de les connaître.

Tordre les règles et les contraintes classiques, c'est paradoxalement aussi avoir du respect pour elles.

Contribution du : 27/09/2009 07:47
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Re : Mais pourquoi donc écrire sous une forme contrainte ?
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Je n'écris pas de poésie. Qui sait un jour... Et donc encore moins de poésie classique. A vrai dire j'ai commencé à l'apprécier à travers le site d'Oniris, dans certains poèmes magnifiques.
C'est donc en toute liberté, celle du lecteur, que je voudrais parler.
Je pense qu'il s'agit d'un faux débat. Et je m'explique.
Très longtemps la poésie a été un art réservé à une élite de naissance et de culture. Elle l'est nettement moins de nos jours. Mais pendant longtemps elle a été un jeu de distanciation culturelle. "Je joue dans le registre du compliqué, du très compliqué car je me me différencie du peuple". Comme la connaissance du latin, du grec.
Aujourd'hui les conditions ont en grande partie changé. Sans doute accéléré par Internet (sites d'écritures, connaissances des formes par un simple clic) et c'est très bien.
J'en arrive à ce que je tenais à dire:
d'une façon générale toute écriture entre déjà dans de multiples contraintes, d'orthographe, de syntaxe, de modèles d'écriture, de genre, etc. La plupart est acceptée avant même l'acte d'écriture. Alors des cadres en plus? Pourquoi pas? C'est un jeu. Avec d'autres règles.
Il reste que les contraintes du classique, et là je parle de goût personnel, induisent des poèmes souvent classiques; des formes, des tournures des siècles précédents. Mais pas toujours, et c'est ce que j'ai découvert ici, et cela m'a plu.
Inversement, je n'ai rien contre l'écriture que certains appellent "expérimentale", seul compte le résultat, le ressenti du lecteur.
Tout est là.

Contribution du : 27/09/2009 10:21
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Re : Mais pourquoi donc écrire sous une forme contrainte ?
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Je pense que c’est l’inspiration, la muse, qui impose sa loi, qui fixe les règles et dicte sa forme, classique ou libre. Ce n’est pas le poète qui décide...

Contribution du : 27/09/2009 10:38
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Re : Mais pourquoi donc écrire sous une forme contrainte ?
Maître Pat de Velours
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L'inspiration, elle s'appuie sur quelque chose. Pas forcément conscient d'ailleurs. Les contraintes, telles que celles utilisées en atelier d'écriture, sont là pour dépasser des blocages. Par la suite, les auteurs se donnent eux-mêmes des contraintes, ne serait-ce que sur le thème (et souvent plus, comme le genre, par exemple).

On ne peut pas écrire de façon complètement libre. Il y a toujours un cadre. Mais les blocages sont fréquents (rien que l'idée de devoir être lu, par exemple). Par contre, les contraintes peuvent être (et sont souvent) des moteurs pour avoir un appui ou les transgresser, les contourner. C'est une simple résolution de problème. Comment vais-je m'en sortir avec cet interdit, cette barrière devant moi ? C'est là qu'on peut trouver des solutions inattendues.

L'expression libre, je suis désolée, mais ça n'existe pas. D'une part, pour s'exprimer, il faut déjà pouvoir se faire comprendre. Donc, le minimum, c'est d'utiliser une langue avec ses contraintes pour ce faire. Mais surtout, on est pris dans un tas de choses qui nous empêchent de le faire (notre personnalité, notre éducation, le fait d'appartenir à une communauté humaine, tout simplement...), évidemment à notre insu. Ce qui donne l'impression (et c'est important d'avoir cette impression) d'être libre. Mais cette liberté est déjà bornée. On ne peut qu'aller le plus vers...


Sur Oniris, personne n'est obligé d'écrire des poèmes classiques. Personnellement, je m'en fous de la forme. Seul compte le fond, le résultat, en terme de ce qui me semble poétique ou pas. C'est la puissance évocatrice et les émotions que cela suscite grâce au choix des mots, des images, des sons, du rythme (la musique), etc. qui importent. Les questions de structure ne sont là que pour avoir un site un peu rangé, dans lequel on s'y retrouve.

Pour répondre à Fabio, Oniris ne peut répondre à toutes les attentes. C'est la raison pour laquelle, la toile fourmille de sites dont les modes de fonctionnement sont différents et peut-être plus adaptés à ce qu'on cherche. Il est aussi possible de construire son propre site. Avec le net, la liberté d'expression a fait un grand pas... (avec toutes ses dérives, aussi. Mais ça, c'est un autre débat).

Contribution du : 27/09/2009 11:24

Edité par Pat le 27/9/2009 12:23:28
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