Pepito s’étant emparé du créneau « pouetique », j’ai voulu prendre le contre-pied. C’est bien sûr de la fiction, avec des bouts de vrai dedans.

La voisine du 84

J’ai fait un courant d’air parce que la maison est humide, avec ce temps. On a basculé d’un coup dans l’automne, vous avez vu ? Ce matin, je suis sortie jusqu’au Simply. J’ai longé la nationale, c’est calme à cette heure. Seuls deux cyclistes sont passés, en maillots jaunes, les présomptueux : « ça a changé, ici » a dit le premier en pointant le Midas pas encore ouvert. Oui, ça a changé. C’était Monsieur Weber, celui du 12 de la rue des frênes, avant. Il tenait « Le garage Royal », il vendait des occasions. Il a réparé mon pneu crevé pour 30 euros l’an passé. Et puis, je ne sais pas, il a dû vendre. J’espère que ce n’est pas à cause de sa fille Manon. Elle est apprentie pâtissière, vous savez. L’été dernier, en embauchant à quatre heures du matin, là, tout près, à la boulangerie de la gare, elle s’est fait agresser. Deux jeunes l’ont tabassée : lèvre fendue, deux dents cassées, ils lui ont mis des coups de pieds dans les côtes et les genoux. Tout ça pour un portable et quoi… vingt euros.
Le long du parking, un type fouillait dans les poubelles des immeubles. Je l’ai évité. Le magasin était décoré de baudruches rouges et or mais ça ne faisait pas sourire les employés qui fumaient devant l’entrée des livraisons.
Le pain, un citron pour le thé et un steak pour ma fille ce soir. Elle ne mange que des sandwichs à midi. Charolais, vache à viande, faut pas acheter de la vache laitière, m’a dit ma cousine qui s’y connait, elle est bourrée d’antibiotique. La viande, et ma cousine aussi, avec son implant qui a raté.
Moi, j’ai de bonnes dents, et de bons os aussi. La carlingue est solide, m’a dit le toubib, ce sont les voiles qui s’affaissent. Un marrant, Bordier. Mais je n’aime pas sa minuscule salle d’attente surchauffée. J’hésite toujours à prendre un magazine, avec tous les microbes qui doivent trainer. Ça me fait bien rire, ces filles « évanescentes » (moi, je dirais plutôt aussi perchées que squelettiques) qui posent en short de soie et en talons hauts dans un désert, des roses des sables en décor.
Pourquoi pas Lawrence d’Arabie en maillot de bain?
C’est pas tout ça, l’heure tourne. Jean-Pierre va pas tarder. Oui, les rosiers fleurissent de nouveau. Tenez, je vais vous cueillir un bouquet de fleurs : elles embaument. Si si, ça me fait plaisir. Je vais retirer les épines, pas que vous vous blessiez. Faut faire attention aux petites choses. Ce sont celles qui nous restent, n'est-ce-pas ? Les petites choses.

Et comme c'est bien de commenter, le texte de Pepito:

- les mots enfournés à la suite, emballez c'est pesé ! :)
- St Ex écrit bien, y a pas à dire...
- Une ligne que j'aime beaucoup et qui n'est pas en italiques: "tandis que chacun de leurs pas découvrait l’ombre cachée sous le sable." Très chouette !

Merci pour être le premier courageux à tenter l'exercice !

@ Placebo : ne me dis pas que tu n'as pas pensé au PP en écrivant les contraintes ?! Cela m'a semblé un sacré clin d’œil ;=)

@ Perle-Hingaud : Ben oui, quoi, c'est encore les vacances... on va pas forcer. ;=) D'ailleurs la phrase "au pas de sable" aussi, est pompé... dans Raoul !

Et gaffe, hein, j'ai la détente du commentaire sensible...

« J’ai fait un courant d’air » ?!!! Haaargh !… l’espace d’un instant, j’ai eu peur. Puis je me suis rappelé… c’est de la fiction ! Ha pouésie, quand tu nous tiens…

« décoré de baudruches » « des roses des sables en décor » décor encore, décor d’accord ;=)
« La viande, et ma cousine aussi, avec son implant qui a raté. » ;=))) Ma mère !?

Ma fois, que voilà une bonne reprise CC !

rhôôô: le courant d'air ! quel mal pensant, ce Pepito !
décoré: ah oui, pas fait gaffe, pas trop relu...
que vient faire ma pauv' maman là-dedans ? J'aurais peut-être dû préciser "implant dentaire ?"

Alors, si ce que je trouve toujoli dans votre texte est toupompé chez les poètes...

En ce qui concerne les contraintes, c'est vrai qu'il est difficile d'éviter certains thèmes: j'espère lire d'autres propositions !

Pour la contrainte de la semaine prochaine: sérieux, Libourne ? Le challenge: trouver Libourne sexy.

(et la bonne journée aux libournais et aux libournaises, ainsi, tant que j'y suis, aux limougeauds et à leurs dames)

Bonjour à tous,

Joli Pepito et Perle-Hingaud, j'ai trouvé vos textes super. J'espère avoir bien compris le jeu.
Si je me fourvoie, n'hésitez pas à me le dire.



Crash poétique.

Dans le désert des lassitudes, la rose des sables est son emblème.
Le pilote d'avion, prisonnier de cet écrin, poétise auprès de sa carlingue.
L'avion est tombé du ciel comme une vieille baudruche, et s'est échoué sur le sable.
Avachi sur le ventre, on dirait un gros crabe. Il a la couleur du citron,
dont le nectar brillant et amer fait saliver l'homme, qui n'a plus que
l'eau sale de son moteur pour l'abreuver.
La soif le taraude, et ce mirage évanescent, l'espace d'une minute, d'où s'écoulait toute l'eau du monde à travers les palmiers et les minarets, n'a pas réussi à leurrer sa bouche sèche.
Dans le désert des lassitudes, naît l'enfant et le renard. Un serpent aussi, et des planètes, plus farfelus les unes que les autres.
Fallait-elles qu'elles brillent ces étoiles, pour que le poète ce soir-là,
malgré la peur, puisse s'imaginer dessiner un mouton.

@ Perle-Hingaud : hep, hep, Raoul, la nouvelle, pas Raoul l'auteur qui, bien qu'à la hauteur, n'a pas ici été plagié... ouf, j'y suis arrivé ! ;=)

@ Personne : sans faute total ! Voilà un texte bien balancé ! Mais le PP n'était pas forcément parmi les obligations... A parler de mouton, avec un tel patronyme, j'eu bien vu une histoire de grotte, de cyclope et autres questionnement de sortie. ;=)

Oui oui, vous avez bien compris, les mots sont là !

Encore un avion, du sable et des poètes.
Perso, le citron ne me fait pas vraiment saliver, mais placebo n'a pas proposé "glace à l'italienne" ni tartiflette", alors...
J'aime bien "le désert des lassitudes", un petit côté "désert des Tartares" très évocateur.

J'avais rendez-vous avec un type, Léon, il fourguait des antiquités, aux puces et dans sa boutique. Il avait mis la main sur un truc unique selon lui, une rose des sables spéciale, genre carte au trésor.

En allant quai de Marceau, jpasse devant une fête forraine, le truc que j'avais pas vu depuis des plombes. Jm'arrête pour rgarder les gamins, jsuppose que vous avez des gamins inspecteurs, moi j'ai jamais pu, ma femme en voulait pas et puis elle s'est barrée avec un ami, sale histoire, mais jlui en veux pas, c'est la vie. Les gamins ça mfait chialer tellement c'est beau et innocent, ils connaissent pas toute la merde de cmonde et jparie que vous devez en voir un paquet inspecteur.

Y en avait un, heureux comme un roi, avec son ballon de baudruche à la main, en train de faire des tours de manège dans la carlingue de l'avion. C'était un moment rare.

De voir ça, je retombe en enfance, je m'achète une glace au citron pour deux euros trente – tout augmente hein ? Le vendeur avait une bedaine, une cicatrice au menton et sa roulotte était jaune.

Et puis bon, jme rappelle que Léon m'a proposé vingt billets pour son truc, alors jme remets en chemin. Jcroise un type chelou, genre habillé prof de fac, cheveux au vent, cartable en cuir et la gueule pleine de phrases comme « la beauté évanescente de l'indicible », bref un chieur. Mais clui-ci avait l'air particulièrement chelou, bourré comme un coing à deux heures de l'aprem. J'ai un mauvais pressentiment, mais vu qu'il se dirige vers les enfants, je lui conseille de s'allonger un peu et de se calmer, gentiment vous voyez ?

Il me fiche son poing dans le nez, je saigne, là j'ai une envie de le tabasser mais deux type arrivent, voient la scène, ils se trompent de cible et me tabassent moi, me laissant plus mort que vif. Je suis allé chez Léon me soigner, et j'ai passé toute la soirée chez lui. Il me rafistole, on évoque le bon vieux temps, maintenant qu'on est rangé. Sa rose des sables, il avait trouvé un acheteur, plus besoin de moi, je saurai jamais à quoi elle ressemble.

Voilà pourquoi ça peut pas être moi qui ai fait le casse de la banque populaire rue de Signeuré où on a pris soixante-sept mille euros entre quatorze heures et quatorze heures sept.

Ha, j'aime bien aussi cette version : les mots imposés coulent sans problème et pourtant tu renouvèles le genre.
Pour les "jpasse" et cie, j'ai cru à une coquille sur les premiers mots: je ne sais pas, mais peut-être faut-il une subtilité typographique, comme "j'passe" ?
La dernière phrase arrive un peu abruptement, non ? Un nouvelle sans chute, ça le fait aussi ! ^^

Placebo : bien vu le holduppe façon postiché . Pour « la beauté évanescente de l'indicible » je t'enlève un point, trop facile quoi, quoi, quoi ! ;=)