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Re : Le larcin restitué
Visiteur 
Ensuite, sur cette histoire de recherche du sens profond donné par l'auteur (extrait d'une intervention sur ce sujet fait par quelqu'un de plus érudit que moi )
Citation :
L'auteur est mort
Roland Barthes étant passé par là, il est établi que l'auteur est mort, ou, plus exactement, « la naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’auteur ».
Roland Barthes a été particulièrement concis sur cet aphorisme (même si, bien entendu, il développe dans son article célèbre), il ne m'en voudra donc pas, à mon tour, de vouloir faire l'exégète sur sa pensée (même si je risque fort de le trahir au passage).

Le lecteur, lorsqu'il aborde une œuvre, le fait avec une certaine somme de connaissance, ce qu'Umberto Eco appelle l'Encyclopédie. Cette Encyclopédie n'est pas la même pour tous, même si certains éléments sont supposés universellement connus (“Nul n'est censé ignorer l'Encyclopédie” !).
Cette disparité de connaissances, parfois uniquement due à l'âge (on n'aborde pas Le petit prince de la même manière à sept et à trente ans), mais aussi au contexte socio-culturel, et la grille de lecture selon laquelle on effectue la lecture d'un livre, font que chacun est susceptible d'en retirer une lecture différente.
Ainsi le lecteur est capable d'aller en-deçà ou très largement au-delà de ce que l'auteur avait prévu, et dans des directions radicalement divergentes (ou même en arrivant au même résultat par un chemin tout à fait différent). Et l'auteur n'y a pas son mot à dire.

Bien évidemment, parfois, il n'y a rien à dire. Certains auteurs le revendiquent même, en prétendant affirmer qu'ils souhaitent que leurs « lecteurs ne ratent pas leur correspondance dans le métro » ou que ce qu'ils écrivent n'est « pas de la littérature ». Le livre est alors conçu comme simple support d'occupation des yeux et de l'âme (si on distingue “âme” et “esprit”), c'est-à-dire un livre qui ne nécessite pas une coopération active de l'intelligence du lecteur, qui se laisse mener par l'auteur. C'est ce que[quote=Noëlle Sorin, professeur à l'université du Québec]Depuis quelques décennies, la tendance est de contraindre la littérature pour la jeunesse à se plier aux besoins du lecteur empirique, c'est-à-dire du sujet concret de l'acte de lecture... 1 On pourrait user d'un oxymore pour décrire cette production : “livres non littéraires”, c'est-à-dire ouvrages ne cherchant en aucune manière à aller plus loin que ce qu'ils narrent. Cela dit, j'ai parlé de livres, mais il est évident que cette remarque se justifierait tout à fait en ce qui concerne d'autres arts, et singulièrement le cinéma. À rebours du cinéma dit “hollywoodien” actuel (du moins de certains de ses éléments représentatifs), mettons par exemple d'un quelconque Jurassic Park, qui n'offre à trouver d'autre sens que celui du récit, certains films peuvent être vus sous différents angles. Je pense spontanément à It's a wonderful life de Capra, mais Mission également, ou encore Va, vis et deviens.

Contribution du : 26/02/2011 12:30
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Re : Le larcin restitué
Chevalier d'Oniris
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Tout cela est bel et bon, mais complètement contradictoire (à moins de lire Barthes comme un mort de plus). Comment pourrais-tu prétendre qu'un texte a quelque chose, ou "rien à dire", si tu n'y mets que ce que tu veux ?
Un lecteur halluciné ne survivra pas longtemps à l'auteur.

Contribution du : 26/02/2011 14:28
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Re : Le larcin restitué
Visiteur 
Citation :
Un lecteur halluciné ne survivra pas longtemps à l'auteur.

Je ne comprends pas cette histoire de survivre à l'auteur.

Par ailleurs, je pense qu'en tant qu'auteur il faut faire son deuil de la maîtrise total du sens de son texte du moment qu'on le soumet à un lecteur. Ce dernier n'a ni les mêmes connaissances, ni le même vécu, ni le même caractère, ni le même ressenti, souvent pas le même âge ni le même sexe que l'auteur. Il s'agit d'une personne différente.
Exiger du lecteur qu'il ait exactement la même interprétation que moi de mon texte, ne serait-ce pas nier sa propre individualité, sa liberté?

Contribution du : 26/02/2011 16:57
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Re : Le larcin restitué
Chevalier d'Oniris
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La phrase de Barthes est bien pratique. Au nom d'une lecture qui prétend le prendre au mot, l'interprétation que tu cites peut ainsi affirmer l'équivalence entre exégèse et interprétation délirante.
Tout le monde pourrait donc être Toscanini expliquant à Ravel : « Vous ne comprenez rien à votre musique. »
L'auteur n'est pas le gendarme de son texte. Si tu lis blanc dans mon texte alors que c'est écrit noir, ce n'est pas mon problème. Mais on ne peut pas dire « comme le dit Barthes » si on n'est pas sûr de savoir ce qu'il dit.

Citation :
Bien évidemment, parfois, il n'y a rien à dire.
C'est extrêmement péremptoire, surtout de la part de quelqu'un qui prétend que toutes les interprétations se valent !
Et même : Si le lecteur ne cherche en aucune manière à comprendre autre chose que ce qu'il a décidé de comprendre, il peut se contenter de ces auteurs « ne cherchant en aucune manière à aller plus loin que ce qu'ils narrent ». Puisque de toute façon il "se fait son film" et que ça lui suffit.
Et que ça ne l'intéresse pas de savoir ce qui a disparu dans la Disparition !

Lire : S'occuper la tête en y faisant passer des mots ?

Contribution du : 27/02/2011 03:04
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Re : Le larcin restitué
Maître Onirien
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Je demande officiellement aux propriétaires de cette charmante bâtisse d'Oniris, de nous amener disons 150 litres de boue (dans la cave ça ira très bien, juste là, à côté des cartons de nouvelles oubliées) afin d'organiser un combat entre i-zimbra et reveanne.
Qu'on en finisse une bonne fois pour toutes !

Promis, je nettoierai tout après !

Plus sérieusement, -et sans vouloir jouer les arbitres sur le ring (je ne tiens absolument pas à recevoir les premiers coups !)-, je dirais simplement que chaque personne perçoit le texte à sa façon, certes, mais que ça n'empêche pas, pour mieux l'apprécier, d'avoir à rechercher les clefs du texte, soit tout seul comme un grand, soit avec l'aide de l'auteur lorsque cela est bien sûr possible : ne serait-ce que pour savoir ce que voulait vraiment dire ce dernier. Et si ça ne colle pas avec l'idée que l'on se faisait du texte, et bien tant pis, je suis également d'accord pour dire qu'un récit vit sa propre vie !

(Voilà, je ne me suis pas trop mouillé, et j'espère que ça va calmer tout ce beau monde avant d'en venir aux mains !!)

Bon dimanche à tous !

P.S. : si la boue devient inutile à la cave, je veux bien qu'on la monte dans la salle d'eau de ma chambre, je me ferai un bain de boue...

Contribution du : 27/02/2011 11:06
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Re : Le larcin restitué
Visiteur 
bon toujours pas d'explication de:
Citation :
Un lecteur halluciné ne survivra pas longtemps à l'auteur.


Par ailleurs quel mépris affiché pour les malheureux lecteurs qui ont l'outrecuidance de ne pas analyser le texte telle tel que l'auteur le souhaite ou telle que l'auteur à voulu l'écrire. Attention, le lecteur pourrait faire valoir son droit premier, celui de ne pas lire.

Ma maigre expérience (avec plus de trente textes écrits et publiés, avec plus de 1 500 commentaires de lecteur reçu) m'a montré que les lecteurs peuvent avoir une compréhension/interprétation bien différente de mon texte que celle que j'en ai.
J'ai donc appris à faire mon deuil de l'interprétation unique, la mienne. (même si je suis ravie quand un lecteur analyse le texte comme moi.)


Bon, je crois qu'on ne pourra jamais se mettre d'accord, même sur un consensus mou, alors je vais aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs.

Bonne continuation.

Contribution du : 27/02/2011 11:26
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Re : Le larcin restitué
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Pascal31, si tu vois de l'acrimonie dans nos posts, c'est ta lecture.

reveanne, bien sûr qu'il y a un consensus mou : Chacun lit comme il veut. Si tu penses que j'ai reproché à quelqu'un d'outrecuider, c'est ta lecture. Je croyais seulement avoir proposé la mienne aux curieux éventuels (zut l'auteur bouge encore).
Pour l'explication qui te manque, je ne peux pas croire que tu sois à court d'interprétation personnelle.
Bonne continuation à toi également.

Contribution du : 27/02/2011 13:51
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Re : Le larcin restitué
Chevalier d'Oniris
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Voici le texte de présentation d'Alain Dorémieux à la nouvelle originale de Matheson dans l'édition française de 1974 :

Citation :
Écrite en 1955, cette nouvelle est une des plus singulières de Matheson, un exemple typique d'histoire à lire entre les lignes. Encore une fois le texte n'occupe que quelques pages, et encore une fois le maximum est dit avec le minimum de mots. Ce n'est qu'aux tout derniers paragraphes que l'on comprend où l'auteur voulait en venir, et une seconde lecture n'est alors pas superflue pour repérer au détour des phrases les allusions qui explicitent son propos. Outre son côté exercice de corde raide, outre le brio avec lequel elle atomise de l'intérieur un thème de SF célèbre, cette histoire est en plus, au second degré, une subtile peinture de l'aliénation par la solitude : aliénation qui devient en fait le garde-fou permettant de résister à cette solitude. À sa parution en 1956 dans Fiction, ce texte suscita des lettres indignées de lecteurs protestant auprès de la rédaction qu'ils n'avaient rien compris. La rédaction en fut d'autant plus stupéfaite qu'elle avait cru bon de faire suivre le récit d'une petite notice destinée à mettre les points sur les i (pratique détestable mais malheureusement coutumière en ce temps-là, où le lecteur moyen en France débarquait de sa province quand il s'agissait d'aborder les sophistications de la SF d'alors). Le lecteur d'aujourd'hui aura-t-il l'esprit plus délié que celui de 1956 ? »


(Matheson est censé être d'un accès plus facile que Roland Barthes.)

Contribution du : 05/03/2011 14:34
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Re : Le larcin restitué
Maître Pat de Velours
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De Quelque part entre ma tête et mes pieds
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Du coup, je comprends mieux la référence à Matheson.

Contribution du : 05/03/2011 14:37
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"Il faut deux ans pour apprendre à parler et toute une vie pour apprendre à se taire." Proverbe chinois
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