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1 Utilisateur(s) anonymes
Re : Les sonnets classiques |
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Voilà une évidence qu'il n'était pas inutile de rappeler, loin s'en faut !
Et qui par ailleurs répond brillamment à la question soulevée par David... Entièrement d'accord avec vous, Monsieur ! Le monopole de la clarté, c'est vous qui venez de l'acquérir ! Mais soyez prudent ! David ne saurait tarder à vous demander de présenter des contre-exemples à l'appui de vos affirmations ! Allez hop !... un sonnet de chaque...
Contribution du : 16/08/2018 07:22
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Re : Les sonnets classiques |
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Je souscris à votre demande, non pour le mérite d'enfoncer une porte ouverte mais pour le plaisir de rappeler des beaux vers.
Voici par exemple, et de Malherbe, le sonnet qu'André Chénier considérait être le plus beau de son oeuvre, pour son harmonie et sa musicalité justement : Beaux et grands bâtiments d'éternelle structure, Superbes de matière, et d'ouvrages divers, Où le plus digne roi qui soit en l'univers Aux miracles de l'art fait céder la nature. Beau parc, et beaux jardins, qui dans votre clôture, Avez toujours des fleurs, et des ombrages verts, Non sans quelque démon qui défend aux hivers D'en effacer jamais l'agréable peinture. Lieux qui donnez aux coeurs tant d'aimables désirs, Bois, fontaines, canaux, si parmi vos plaisirs Mon humeur est chagrine, et mon visage triste : Ce n'est point qu'en effet vous n'ayez des appas, Mais quoi que vous ayez, vous n'avez point Caliste : Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas.
Contribution du : 16/08/2018 14:01
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Re : Les sonnets classiques |
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Pour l'exemple inverse, voici ce très célèbre sonnet baroque de Pierre de Marbeuf, qui me semble clair comme de l'eau de roche, si j'ose dire :
« Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage, Et la mer est amère, et l'amour est amer, L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer, Car la mer et l'amour ne sont point sans orage. Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage, Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer, Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer, Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage. La mère de l'amour eut la mer pour berceau, Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau, Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes. Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux, Ton amour qui me brûle est si fort douloureux, Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes. » Les deux sonnets me semblent tous deux pouvoir prétendre à l'éloquence, à l'harmonie, et posséder une musique. Qu'on veuille par suite les hiérarchiser, soit : y parviendrait-on, qu'on aurait moins cependant hiérarchisé le sonnet classique et le sonnet licencieux en eux-mêmes que deux œuvres de deux auteurs.
Contribution du : 16/08/2018 14:06
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Re : Les sonnets classiques |
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Dans le sonnet de Malherbe je trouve que le dernier vers résume bien l'ensemble du poème et fait un petit trait d'esprit qui n'est pas déplaisant et qui pourrait presque se passer des treize vers précédents.( je lui reprocherais ce petit "et " de départ, si j'en avais l'audace)
Dans celui de Marbeuf les répétitions de " mer", " mère", "amour", " feu" passent encore, par contre le dernier vers vient en conclusion plus qu'en condensé et j'ai du mal avec ce " j'eusse" et surtout ce "la mer de mes larmes" (après " mère de l'amour")... Désolé, mais j'entends " merde" ( c'est peut- être voulu, remarque)
Contribution du : 22/08/2018 20:08
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Re : Les sonnets classiques |
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Dans celui de Marbeuf les répétitions de " mer", " mère", "amour", " feu" passent encore, par contre le dernier vers vient en conclusion plus qu'en condensé :
Vous avez pleinement raison : Marbeuf n'a pas une esthétique classique mais baroque. C'est pourquoi il recourt ici aux homonymies et aux paronomases ainsi qu'à une forme de pointe finale. Boileau dira d'ailleurs à ce propos : Jadis de nos auteurs les pointes ignorées Furent de l’Italie en nos vers attirées. Le vulgaire, ébloui de leur faux agrément, À ce nouvel appas courut avidement. Quant au plus-que-parfait du subjonctif, l'oreille contemporaine n'est plus très habituée à cette forme soutenue, elle peut surprendre. Quant au ''mer de'' là encore je crois qu'il s'agit d'une perception contemporaine : je vous avoue que mon oreille ne s'y arrête pas.
Contribution du : 22/08/2018 22:39
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Re : Les sonnets classiques |
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Maître des vers sereins
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"Beaux et grands bâtiments d'éternelle structure,
Superbes de matière, et d'ouvrages divers, Où le plus digne roi qui soit en l'univers Aux miracles de l'art fait céder la nature. Beau parc, et beaux jardins, qui dans votre clôture, Avez toujours des fleurs, et des ombrages verts, Non sans quelque démon qui défend aux hivers D'en effacer jamais l'agréable peinture. Lieux qui donnez aux coeurs tant d'aimables désirs, Bois, fontaines, canaux, si parmi vos plaisirs Mon humeur est chagrine, et mon visage triste : Ce n'est point qu'en effet vous n'ayez des appas, Mais quoi que vous ayez, vous n'avez point Caliste : Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas." J'ai mis en gras les "licences", en passant sur les verbes répétés à la même formes. "« Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage, Et la mer est amère, et l'amour est amer, L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer, Car la mer et l'amour ne sont point sans orage. Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage, Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer, Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer, Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage. La mère de l'amour eut la mer pour berceau, Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau, Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes. Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux, Ton amour qui me brûle est si fort douloureux, Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes. » La même licence qu'au précédent pour caser, quand même, une rime vocalique, mais surtout de très nombreuses répétitions ici, même un holorime : "Et la mer est amère, et l'amour est amer" -> la mer est ta mère, l'amour est ta mère aussi... Le dernier tercet se comprend, mais la phrase n'est pas bien construite : "Si... " devrait être suivi d'un "alors... " et c'est occulté : "Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux, (alors) Ton amour qui me brûle est si fort douloureux, Que j'(aurais) éteint son feu de la mer de mes larmes." ça doit être à peu près l'intention, sans la licence syntaxique. donc ce ne sont pas des "vrais sonnets" boilesque, en changeant le pseudo de l'auteur, ils se faisaient étriller. Ce sujet ouvre bien entendu, entre autres, sur le "deux poids deux mesures" implicites à une vision strictes des règles de prosodies.
Contribution du : 22/08/2018 23:39
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Un Fleuve |
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Re : Les sonnets classiques |
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Bonsoir (ou Bon matin) à vous,
Votre message me laisse un peu perplexe sur certains points. Que vous eussiez souhaité corriger Malherbe à propos de ses règles, j'ai trouvé cela plutôt rigolo à vrai dire. Mais je ne suis pas sûr de vous suivre pour la suite : souhaitiez-vous démontrer que ce sonnet de Pierre de Marbeuf n'obéit pas aux règles classiques ? A dire vrai, personne ne l'a affirmé. C'est évident et c'est le contraire qui a été dit. Je reviens un moment sur l'affirmation suivante ''Le dernier tercet se comprend, mais la phrase n'est pas bien construite : "Si... " devrait être suivi d'un "alors... " et c'est occulté'' Non pour le premier point. Introduire une subordonnée consécutive par l'adverbe alors n'est pas obligatoire surtout dans un système corrélatif. On peut très bien s'en passer pour ne pas alourdir le style. Concernant le choix du subjonctif imparfait, il faudrait un meilleur expert que moi de la langue du XVIIème pour trancher. Sans être un spécialiste de grammaire, je remarque que nous sommes en effet en présence d'un système corrélatif où la conséquence est simplement envisagée, et où la subordonnée pourrait recevoir à la rigueur un subjonctif. J'entends déjà votre objection : c'est un argument recevable après ''trop'' ou ''assez'' suivi de ''pour que''. Dans tous les autres cas, la consécutive doit user de l'indicatif. Vous auriez raison. Toutefois, je ne suis pas sûr que la règle tienne à l'époque de Marbeuf, où les consciences et les écritures sont si imprégnées encore du latin en quoi la phrase se tournerait effectivement au subjonctif. S'agit-il donc d'un latinisme volontaire ou inconscient de Marbeuf qui signerait un écart par rapport à la norme d'écriture de l'époque ? J'espère qu'un expert pourra répondre. J'en doute cependant au premier examen, et je suis enclin à y voir une tournure acceptable . Petits détails sans importance : "Et la mer est amère, et l'amour est amer" n'est pas à strictement parler un vers holorime. Marbeuf ne dit pas par ailleurs que l'amour est notre mère. En revanche il rappelle le mythe : Aphrodite est née de l'écume et de fait de la mer. Eros, l'amour, est le fils d'Aphrodite.
Contribution du : 23/08/2018 01:57
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Re : Les sonnets classiques |
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A vrai dire je me suis emmêlé les pinceaux, comme on dit :
On peut écrire ''Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux, j'eusse éteint de la mer de mes larmes''. C'est un irréel du présent et le subjonctif plus-que parfait est parfaitement acceptable. La principale du tercet est ''Ton amour qui me brûles est si fort douloureux'' qui introduit le système hypothétique, parfaitement régulier et au contraire soutenu avec une principale au plus-que parfait du subjonctif rendu possible par une subordonnée à l'imparfait. Il n'y aurait aucune faute à dire ''Ton amour est si fort douloureux que si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux, j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes''. Marbeuf a simplement changé l'ordre des propositions, mais je ne vois pas de faute non plus.
Contribution du : 23/08/2018 02:32
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Re : Les sonnets classiques |
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Alors là, on se régale !... sauf David, cloué au lit pour la journée, voire jusqu'à la fin de la semaine, sa bouillotte sur la tête !
Quand je pense que je suis responsable de ça, j'en rougirais presque de plaisir ! Messieurs, chapeau bas et grand merci ! Ce fut réjouissant ! ( sans compter que c'est peut-être pas fini ! )
Contribution du : 23/08/2018 07:57
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Re : Les sonnets classiques |
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Maître des vers sereins
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On est d'accord qu'il n'est pas facile à saisir ce tercet...
Je ne parle jamais de fautes (c'est un terme moral) ni même d'erreur (c'est plus judicieux à propos de prosodie), j'emploie le terme "licence". On est bien d'accord que je ne suis coupable de rien dans ce que j'écrivais ci-dessus, que je parle en mon nom, et que ce que j'ai surligné des poèmes sont des licences communément admises comme telles en poésie classique ? Pas besoin de grands mots de rhétorique, on est dans le sens commun. Je le répète donc : le premier sonnet n'est pas un "vrai" sonnet Boilesque du fait des passages en gras, bien qu'ils soient moins nombreux que dans le second. Ce second fait entendre en premier : "Et la mer est ta mère, et l'amour est ta mère" En écrivant : "Et la mer est amère, et l'amour est amer," Si c'est encore nié, c'est que l'on n'est pas dans une discussion de bonne foi. Il suffit de lire, il y a des "mèr" de partout. J'ai rien contre l'explication mythologique, mais ça fait coureur cycliste surpris pour dopage : c'est chercher loin pour cacher ce qui saute aux yeux. Dernièrement, écrire : "Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux, Ton amour qui me brûle est si fort douloureux, Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes." Pour exprimer : "Ton amour est si fort douloureux que si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux, j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes" Je trouve que c'est de la flatterie de qualifier ça d'érudition, alors que sous tout autre plume ou sans le nom de l'auteur, ça serait simplement vu pour ce que c'est : une formule inutilement alambiquée. Le premier sonnet est certes "éloquent" mais est-ce que ce terme est une vertu en soi ? Le poème est un joli compliment à base de surenchère, il colle à son époque, il a fait son boulot et beaucoup d'autres ont suivi depuis, également oublié. Il n'y a pas d'enjeu, pas de mystère, puisque c'est "éloquent". Le second sonnet tente d'enivrer sur fond de véhémence amoureuse, c'est un narcissisme qui tente de démontrer quelque chose qui n'a jamais été mis en doute : la sincérité des sentiments d'un amoureux éconduit. Il n'est manifestement pas resté dans les mémoires, d'autres poètes ont voulu faire le leur, c'est le problème avec le narcissisme... La prosodie fait une musique du mètre et des rimes, les licences l'accentuent, l'éloquence l'appauvrit. Ici, le second sonnet est manifestement plus musical que le premier. Encore une fois, musicalité et éloquence ne sont pas des vertus à empiler pour surenchérir de compliments. Si jamais quelqu'un admire vraiment ces poèmes, il est en train de les réciter en haut d'une falaise, pas d'en écrire l’exégèse, parce que c'est un travail de publicitaire qui vend du soda le mardi et des pâtes le lendemain. Les discours à base de "vertus" se fabriquent, il reste que ces poèmes sont oubliés, objectivement. La musique reste, l'éloquence file avec son temps. et donc, la musique n'est toujours pas inoubliable dans ces exemples. Le défi, c'est de citer un sonnet classique "boilesque", c'est à dire sans aucune (ou très peu... ) de licences, pour en montrer la poésie, dans ce sens le plus primaire de quelque chose qui reste en mémoire. La beauté est belle et la tristesse est triste, c'est le tout venant de la poésie (la mélancolie est mélancolique, la nostalgie est nostalgique, etc.) je ne veux pas cacher mes préjugés mais je n'ai bien entendu aucun pouvoir d'enlever quoi que ce soit à ce genre de poèmes s'ils nous venaient dans ce sujet.
Contribution du : 24/08/2018 00:09
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Un Fleuve |
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