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Re : Ce matin, Pierre est parti.
Visiteur 
Dommage que ça aille si vite et qui plus est en forum... J'aurais bien vu un truc du type Le diable a perdu un œil...

Mais c'est bien aussi comme ça, ça anime :)

Contribution du : 10/04/2010 13:22
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Re : Ce matin, Pierre est parti.
Visiteur 
Ce matin Pierre est parti. il aurait pu me dire qu'il allait acheter des cigarettes mais il ne fume pas, ça n'aurait donc fait que compliquer les choses. Alors il est parti sans rien dire et d'ailleurs c'est aussi bien , je n'aurais rien su entendre. Il est parti et n'a rien emporté, c'est un peu gênant finalement, peut-être que je devrais faire un paquet de tout ce qu'il n'a pas pris pour les laisser en poste restante. Parce que toutes ces miettes, ces brins de rancœur, ces notes de chansons qui traînent dans la maison prennent trop de place maintenant, j'ai du mal à respirer. Depuis ce matin, j'ai beau ranger et nettoyer tout est gris et sale et je me surprends à penser qu'il l'a fait exprès. Un moment l'envie m'a traversé de tout jeter par la fenêtre mais les voisins auraient été trop contents de ramasser les miettes de nous.

Ce n'est pas grave, je vais faire ma valise et partir moi aussi, à moins que ne me jette moi par la fenêtre. C'est la petite vieille d'en face qui sera contente !

Contribution du : 11/04/2010 14:04
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Re : Ce matin, Pierre est parti.
Visiteur 
Xrys, les règles pour ce texte sont les suivantes (voir le premier fil) :
Sur une idée de Bucolic, voici un exercice d'écriture dont le sujet est le suivant :
-La première phrase sera "Ce matin, Pierre est parti"
-Votre nouvelle doit s'inscrire dans une des catégories suivantes :
*Horreur/épouvante
*Fantastique/merveilleux
*Sentimental/romanesque
-Elle ne doit pas se dérouler à notre époque (Soit plus loin dans le passé, soit plus loin dans le futur)
-Un des personnages est étranger
-Les personnages devront utiliser un journal à un moment ou un autre.

-Longueur de la nouvelle au choix.
Vous publierez votre nouvelle avec pour titre "Ce matin, Pierre est parti"

Contribution du : 11/04/2010 15:17
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Re : Ce matin, Pierre est parti.
Visiteur 
Ben, j'ai écrit un truc aussi. Mais on joue là, ou en nouvelles ? Dans ce cas-là, suis pour que chacun choisisse son titre, la phrase d'entame suffit.

Contribution du : 11/04/2010 17:04
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Re : Ce matin, Pierre est parti.
Visiteur 
citation de Pat : Citation :
Voir donc "les histoires à poursuivre" et "les exercices d'écriture" (les deux forums qui permettent ces défis et ne sont pas des détournements de publication).

Contribution du : 11/04/2010 18:18
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Re : Ce matin, Pierre est parti.
Visiteur 
ok, j'y vais alors :

CE MATIN, PIERRE EST PARTI


Ce matin, Pierre est parti.

Je l'ai appris en ouvrant le journal, tandis que ma douce Mary préparait le petit-déjeuner, à l'anglaise, comme il se doit pour cette jeune londonienne qu'un sentiment fort - oserai-je parler d'amour sans paraître prétentieux - avait arrachée au vacarme de sa ville natale pour venir se perdre dans la campagne normande.

Ce matin, Pierre est parti.

La voix de Mary me parvenait, assourdie, ses mots voletaient comme un essaim d'abeilles bourdonnantes jusqu'à mes oreilles, mais je n'y prêtais pas attention, je l'avoue. Une autre voix, intérieure celle-là, n'arrêtait pas de marteler ces quelques mots imprimés, comme si leur répétition pouvait me persuader de la funeste réalité qu'ils évoquaient : Ce matin, Pierre est parti. Je tentai de concentrer mon attention sur l'article : Nous avons appris dans la soirée le décès de monsieur Pierre Rolland, plus connu sous son nom de plume, Pierre, journaliste talentueux qui travaillait régulièrement pour... Mes yeux fixaient les phrases, mes doigts fébriles effleuraient, incrédules, la feuille de papier, imprégnant ma peau d'encre noire mais mon esprit hébété ne parvenait, ou ne voulait pas à y croire. Songeur, je portai instinctivement mes mains à mon visage, arrêté à temps par la perspective de me retrouver avec un front de charbonnier, pas assez cependant pour ne pas être saisi par l'odeur si particulière du précieux liquide que Pierre avait, voilà bien des années de cela, la lourde tâche de verser dans nos encriers d'écoliers...

[center]-o-[/center]

- Monsieur Rolland, vous avez encore versé à côté ! Faut-il que vous soyez maladroit tout de même ! C'est la troisième fois aujourd'hui, je vous avais pourtant prévenu. Venez ici, je vous prie.

Tétanisé tout à la fois par le ton dangereusement calme de notre professeur et par la promesse du châtiment qui allait suivre, Pierre ne bougeait plus, moineau tremblant sous le regard impavide et cruel de ce vieux hibou acariâtre qui s'escrimait à nous enseigner les rudiments du latin et du grec, à grands renforts de coups de règle et autres délices dont il paraissait détenir le brevet. Un sourire menaçant déforma les traits de monsieur Lecointre.

- Allons, monsieur Rolland, j'attends.

Dans ses mains, la longue règle en bois semblait se tordre d'impatience à l'idée de s'abattre sur l'extrémité des doigts joints de sa jeune victime, frappant au plus tendre de la chair pour que la douleur, affamée, vicieuse, brutale, incendie d'abord les doigts, puis gagne toute la main avant d'irradier le bras jusqu'à exploser près du cœur, provoquant chaque fois le réflexe incontrôlé de retirer ses mains avant le second coup. « Vous avez bougé » constatait alors le professeur d'un air faussement navré ; « Vous connaissez la sanction dans ce cas-là, je vais devoir doubler la punition », soupirait-il encore avec une résignation trompeuse.

Pierre n'était parmi nous que depuis quelques semaines, mais, pour une raison que j'ignore, cette courte période avait suffi à faire de lui le souffre-douleur de notre professeur. Avec une perversité qui confinait au sadisme, celui-ci lui confiait diverses tâches dont notre camarade s'acquittait pourtant au mieux, mais sans jamais contenter monsieur Lecointre qui se voyait alors contraint de recourir à une sanction qu'il aurait pourtant voulu à tout prix éviter ; « Vous n'en doutez point j'espère, monsieur Rolland ? » ajoutait-il d'un ton doucereux et presque humain à la fin de chacune de ses réprimandes. Pierre se murait dans un mutisme prudent, mais de peu de poids face à la cruauté à peine masquée de son bourreau.

Le reste de la classe assistait, passive, à cette lente mise à mort quotidienne, trop heureuse que la fureur de notre professeur ait trouvé à s'exprimer sans avoir à en souffrir à titre personnel.

- Monsieur Rolland, vous éprouvez ma patience, il me semble.

Pierre paraissait cloué au sol, à l'évidence terrifié par sa propre inertie mais incapable du moindre mouvement. Ses regards affolés cherchaient désespérément auprès de nous un soutien, un miracle presque, mais tous, l'un après l'autre, nous baissions lâchement les yeux en priant pour que cela se termine au plus vite. Un silence insoutenable avait envahi la pièce, à peine troublé par le bruit mat de la règle que le professeur faisait battre contre sa paume avec une régularité lourde de menaces.

- Allons, j'attends. Allez-vous donc m'obliger à me déplacer ?

Pourquoi me suis-je levé à cet instant ? Je ne saurais le dire de façon précise. Peut-être à cause de ce détail, un peu trivial, que je ne me remémore pas sans embarras aujourd'hui encore, alors que tant d'années se sont écoulées depuis. Pierre venait de recharger l'encrier de mon bureau quand le professeur l'avait apostrophé, le statufiant sur place. Assis à moins d'un mètre de l'endroit où il se tenait, j'avais vu tout son corps se raidir à l'appel de son nom, la sueur commencer à perler à son front tandis que toute la classe s'immobilisait et retenait son souffle dans l'attente du dénouement dramatique qui se préparait. Quand le professeur fit mine de s'approcher, peut-être ai-je tout simplement été le seul témoin du bruit léger, infime, presque imperceptible mais pourtant bien réel, qui échappa à notre infortuné camarade, pris de panique et trahi par ses entrailles ; ce vent timide, incongru en de telles circonstances, ce pet – osons dire les choses – dont il rougit violemment, confirmant si besoin était que je n'avais pas rêvé, me parut ajouter plus qu'il n'était possible l'humiliation à une détresse déjà si profonde pour un enfant de son âge. De notre âge, devrais-je dire, mais en raison peut-être de sa fragilité ou de son air malingre, Pierre me parut toujours plus jeune que nous.

Quoi qu'il en soit, je me dressai soudain devant notre professeur.

- C'est pas d'sa faute, m'sieur, c'est à cause de moi s'il a renversé l'encre, j'l'ai chatouillé !

La stupeur figea les traits de monsieur Lecointre. Il resta un instant bouche-bée, l'air stupide, mais il se reprit aussitôt. Avec une solennité étudiée, nous le vîmes poser la règle pour se saisir de la canne, instrument qu'il réservait aux sanctions les plus graves. Je commençais déjà à maudire mon audace, à regretter mon geste. Mais, bizarrement, la présence de Pierre à mes côtés, sa respiration oppressée, me réconfortèrent et chassèrent tout regret de mon esprit. Avec une joie sans doute un peu puérile, je savourai cette émotion nouvelle d'avoir bravé l'autorité, non par jeu ou par provocation gratuite, mais pour une cause qui me paraissait juste. Et les vingt coups de badine que m'administra rageusement notre professeur ne suffirent pas à étouffer ce sentiment de fierté. Je quittai enfin l'estrade, le corps en feu, l'esprit engourdi par la douleur mais les yeux secs, refusant de donner à notre bourreau la satisfaction de m'avoir fait plier. Tandis que je regagnais ma place, je croisai le regard de Pierre. Jamais je ne devais oublier la gratitude que j'y lus.

[center]-o-[/center]

La voix de Mary me tira de ma rêverie. Elle se tenait penchée au-dessus de moi, la main posée sur mon épaule. Son parfum à la lavande se mêlait à celui de mes souvenirs.

- Oh mon dieu ! Mais c'est ton ami Pierre ! Que s'est-il passé ?

Sans rien dire, la gorge nouée par l'émotion, je me retournai brusquement et lui enserrai la taille de toutes mes forces, blottissant mon front contre sa poitrine, enfouissant mon visage dans les replis de sa robe. À travers le tissu fleuri me parvinrent les battements apaisants de son cœur.

- Oh mon chéri, je suis désolée... murmura-t-elle en me lissant mes cheveux.

Alors, pour la première fois depuis longtemps, je m'autorisai à pleurer.

Contribution du : 11/04/2010 18:31
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Re : Ce matin, Pierre est parti.
Maître Onirien
Inscrit:
08/05/2009 17:44
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Ma foi, oui, le souvenir des coups de règle et de badine... on n'a pas pu les oublier.
Bien agréable texte, jphil.
Florilange.

Contribution du : 11/04/2010 18:40
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Re : Ce matin, Pierre est parti.
Visiteur 
Ouais, tu trouves ? merci Florilange. A vrai dire, j'ai hésité à la garder pour la travailler un peu et la proposer en nouvelle.

Contribution du : 11/04/2010 18:43
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Re : Ce matin, Pierre est parti.
Visiteur 
Bon, voilà, c'est parti ; nous avons 3 textes dont un qui ne respecte pas les règles (encore fallait-il les lire au tout début du fil). Celui de Jphil m'a rappelé des choses pas très agréables. Le texte lui l'est. Merci.

Contribution du : 11/04/2010 19:01
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Re : Ce matin, Pierre est parti.
Visiteur 
Euh... je précise tout de même qu'il s'agit d'une pure fiction. Je suis beaucoup trop jeune pour avoir vécu cela, moi !

Contribution du : 11/04/2010 19:04
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