Dans le décor ruiné de la vieille foire, sous un pinceau chétif de lumière blafarde, l'euphorie du dément laboura le bas-ventre juteux dans une sarabande morbide, le geste éclaboussé d'incohérence.
Dans le tremblement d'une aube incertaine, le corps noueux de l'athlète tira sur la haussière pour suspendre son œuvre aux regards innocents.
D'un geste cavalier, il tira sa révérence en mimant une roulade improbable vers la brume livide.


hi hi hi, improse hivernale avant de passer à table. Mdr, j'me suis coupé la chique...

Voici ma petite contribution :


L'esprit de Philippe errait un peu à côté de son corps étendu et meurtri.

Il ne voyait ni n'entendait rien. Ce n'était pas du vide mais juste un ensemble de lumières qui formait une image incohérente et un brouhaha qui lui rappelait les vagues agitées de la mer qu'il avait affronté lorsqu'il était allé contribuer à une de ses innombrables batailles qui opposaient français et anglais.

Il était de nouveau sur les flots et, tirant sur ses muscles luisant du sel marin comme l'huile brillait sur le corps des athlètes grecs, il tirait sur la haussière qui reliait le bateau au port.

Son esprit rejoignit son corps maintenant redressé. En face de lui, un homme en armure se tenait en garde. Le cavalier qui l'avait désarçonné était descendu de sa monture pour lui porter un coup fatal mais la fureur qui s'échappait de ce regard dément l'avait paralysé.

Sans plus aucun contrôle de sa rage, Philippe fendit vers son ennemi, maniant sa lourde épée comme un peintre manierait un pinceau. Ses gestes étaient rapides et si puissant qu'une estoc déchiqueta le plastron de son adversaire et se ficha dans sa poitrine dans un bruit de pomme délicieusement juteuse qui se ferait écraser.

Le vainqueur retira son arme du corps de son ennemi qui, sur un dernier spasme, s'écroula, le casque glissant au sol sur une dernière roulade.

L'euphorie de la victoire s'estompa rapidement. Philippe réalisa soudain où il était. Autour de lui, une foule béate le contemplait, interdite. La foire s'était arrêté. La mort était certes fréquente en tournoi mais ce degré de sauvagerie avait rarement été atteint. Aussi la foule se mit soudain a hurler son plaisir de voir un spectacle aussi démesuré.

La pièce était plongée dans une semi obscurité. La lumière, tamisée par quelques abat-jours sombres, empêchait quiconque entrerait dans la pièce d'apercevoir l'ombre des cafards galopant sur le linoléum crasseux. Dans cette atmosphère crépusculaire se détachait le profil d'un homme en train de classer des timbres. Très pointilleux, il les alignait à l'aide d'une petite pince.
Un fracas soudain fit sursauter le philatéliste. Scrupuleux, il ferma son classeur, rangea les non-classés et ré-aligna ses outils manipulateurs avant de sortir de la pièce. Avançant à petit pas dans le couloir, il s'arrêta comme d'habitude devant le miroir afin d'observer son reflet. Narcissique, il prit le temps de réajuster quelques mèches de cheveux et...
Un coup de matraque le cueillit à l'arrière du crâne. Il s'effondra sur le sol alors que deux hommes se faufilaient dans le petit appartement.

Dans la lueur crépusculaire, la matraque faucha l'abat-jour qui tomba sur le linoléum avec fracas. L'assassin, peu scrupuleux mais pointilleux, planta quatre fois son poignard dans le flanc de cet imbécile narcissique qui s'était cru fin manipulateur. On ne trompait pas Jo le Cafard !

Je suis échauffé alors c'est parti ! Je me suis juste permis d'utiliser le féminin pour manipulatrice.


Sa main fine et longue – une main de pianiste – tenait une brosse qu’elle passait dans ses longs cheveux d’or. Son geste était doux, presque lent. Elle ne voulait pas réveiller l’homme encore endormi dans la pièce d’à côté.

Seule la lueur de l’ampoule preque morte du plafond de la salle de bain éclairait son corps nu. Les reflets orangés, faibles mais violent – le plaffonier n’avait pas d’abat-jour – s’adoucissait sur sa peau comme la lumière crépusculaire du soleil sur une plage de sable fin.

Délicatement elle enfila une robe fine tout en prenant soin de se mettre en valeur. Ses yeux fixaient le miroir qui la flattait de sa propre image. Sous ses dehors de princesse issue d’un conte de fée se tapissait une ombre narcissique et manipulatrice.

Quand elle sortit de l’appartement, silencieuse silhouette qui glissait sur le linoléum comme un fantôme, c’était bien entendu en possession des doubles des clés.

Quelques instants plus tard, l’homme se réveilla seul. Son euphorie bisée dans ce fracas de solitude l’avait dégonflé de toute volonté. Il se sentait comme un petit cafard, celui qui se croit inviter à un festin mais qui n’était en fait pas désiré.

Malheureusement familier de ces coups de matraque sentimentaux, il se plongea dans ses habitudes, ce qui lui permit sans le savoir de le sauver d’une nouvelle déception.

Car ce matin comme tous les matins, pointilleux à l’excès, il voulut intervertir ses clés usuelles avec ses doubles. Ne les trouvant pas, il fit rapidement changer les serrures et porta plainte.

Quelques jours plus tard, la jeune femme était arrêtée en flagrant délit. Un policier trop scrupuleux dessera les menottes qui âbimaient ses mains d’artistes et personne ne la revit dans le quartier.

- Eh bien Stewart, je vous écoute.
- Je ne sais pas trop que penser de toute cette histoire, mon Père.
- Avez-vous songé un instant que le manuscrit, écrit par ce soi-disant moine, Sanchez c'est ça, pouvait être le fait d'un fou, d'un manipulateur, n'être qu'une simple mystification ? 

A la lueur de l'abat-jour, le visage creusé de Stewart Connelly avait revêtu la couleur de la cendre. Une fièvre poisseuse semblait l'habiter. Son regard halluciné laissait entrevoir les sombres tourments qui le consumaient depuis plusieurs semaines.
Après quelques minutes de silence qui parurent s'éterniser, le Père Esteban se leva, saisi la matraque et s'avança vers la carte en faisant crisser le linoléum. Quelques cafards apeurés filèrent se réfugier à l'ombre des larges fissures.
Esteban se racla la gorge, un énigmatique sourire apparu sur son visage et, d'un geste narcissique, il pointa la zone cerclée de rouge.

- Bien. Reprenons. Ce Sanchez, si tant est qu'il existe...
Stewart explosa :
- La bibliothèque nationale de Madrid m'a confirmé l'existence de ce moine. Sanchez n'est pas un fantôme, mon père, il fut l'un des compagnon de Pizarre, cela ne vous suffit donc pas ?
- Oui. Bien-sûr... mon fils. Je peux... en effet vous paraître pointilleux, scupuleux mais, convenez que l'enjeu est de taille. Nous sommes en train de parler du « Soleil Vert des Incas ». Imaginez mon embarras. Vous m'affirmez avoir retrouvé cette mine légendaire...
- cette mine n'est pas une légende !
- sans doute, Stewart. Sans doute. C'est que... les émeraudes offertes par Atahualpa (1) aux Espagnols étaient si... belles...
- Ces émeraudes, que vous le vouliez ou non, existent pourtant bel et bien. Et vous le savez, mon père.

El loco, ainsi que l'avaient surnommé les indiens chez lesquels il venait de passer plusieurs semaines, plongea son regard crépusculaire dans celui du père Esteban, sur le point de céder.
Dans un chuchotement tendu, il s'efforça de bien détacher chacun des mots qu'il avait à prononcer :

- J'ai besoin de votre aide, mon Père. La mine se trouve bien ici, au coeur de cette forêt d'Oriente. Je suis parvenu à gagner la confiance des indiens, grâce au barbasco (2). Pour eux, je suis un Baruna (3). Ils nous laisseront passer. Mais j'ai besoin de vous pour constituer mon équipe. Je vous en conjure, aidez-moi.
Esteban, le visage crispé, s'apprêtait à répondre lorsque soudain, un immense fracas retentit à l'extérieur.

- la carte, prenez-là !

Tandis que les lourds battants de l'accès principal venaient de céder, les deux hommes disparurent dans les profondeurs humides de la maison. Esteban ouvrit une porte dissimulée qui donnait directement sur l'inextricable jungle. Il saisit une dernière fois Stewart par l'épaule, en exerçant une forte pression :

- Nous nous reverrons, mon fils. Je vous en fais la promesse. Allons, fuyez maintenant. Je saurai les contenir.

(1) : dernier empereur des Incas ;
(2) : En cassant la tige de cette plante, on recueille une sève. En s'enduisant le corps de cette substance, Stewart Connely qui, pour les recherches qu'il menait, s'était fait passer pour un fou chez les indiens qui avaient consenti à l'héberger, se fit passer pour un Baruna (3), le Dieu de la rivière. En effet, l'odeur âcre et insupportable que la sève exhalait sur son corps enduit, permit à Stewart de faire fuir les crocodiles qui abondaient dans le Rio Napo. Il put ainsi nager librement et gagner l'estime et la bénédiction des indiens.