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Re : Défi de nouvelles n°3 : Partir ailleurs |
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L'EXPLORATEUR
Maman me demande si j'ai terminé tous mes devoirs... "Sinon, tu n'iras pas jouer dehors !" Je lui répond que oui, ils sont presque terminés. Je m'ennuie. La maîtresse veut que j'écrive ce que je fais pour me détendre... je n'ose pas le dire, mais en réalité je rêve, je rêve... Je rêve d'Amandine, qui joue avec Christophe, mon voisin, plus âgé. Il dessine des maisons, à la craie, sur le sol qui sépare nos deux habitations. Amandine joue au papa et à la maman avec lui, ça ne me plaît pas, j'ai envie d'être seul avec elle. Maman, dans le salon, est absorbée par son scrabble. Je lui demande si je peux aller jouer dehors, avec Amandine. Amandine, qui me prend par la manche, et non par la main, quand on fait une ronde avec la maîtresse. "Les garçons, c'est sale", elle dit. Je crois bien que jamais je ne l'embrasserai, elle ne se laissera pas faire. Maman me répond : "Non. Va jouer dans ta chambre !" Je lui obéis, même si j'aimerais vraiment jouer dehors aussi. Amandine y est, en train de jouer avec Christophe, je les vois par la fenêtre. Dans ma chambre, mes Legos, mes peluches sont les seuls à me tenir compagnie. Le p'tit lapin, espiègle, me glisse d'un air conspirateur, "Tu vas quand même pas te laisser faire ? Rebelle-toi, petit homme !", me lançant un regard en coin, de son oeil de travers, que Maman à rapiécé. Non, je ne vais pas me laisser faire. Mes mains façonnent, avec mes Legos, une forme quasi-humaine, dotée de bras et d'antennes : un robot. Je vais l'appeller Colin, je pense. D'un mot, le lui insuffle la vie. Dorénavant, il me servira dans tous mes desseins. Le p'tit lapin se félicite déjà d'avoir un nouvel ami... Je plaque tout. Je pars. Une fusée, faite des briques du jeu de construction, est prête à effectuer le grand voyage. Maman, je te quitte ! Amandine... je te quitte aussi. Désolé, tu n'es peut-être pas la femme de ma vie. Et Christophe, qu'il aille au diable ! Accompagné de mon robot, Colin, et du p'tit lapin, j'entre dans mon engin, j'actionne le dispositif qui me permettra de quitter l'atmosphère terrestre ; je me laisse dériver au gré du vent sidéral, vers une destination plus clémente. Colin, par l'intermédiaire de l'ordinateur de bord, m'informe que nous traversons une colonie d'astéroïdes. Je lui dis d'allumer le champ de force anti-collisions, ce qu'il fait. Nous nous en sortons sans dommage. J'enclenche le pilotage automatique : le voyage s'effectuera sans anicroches jusqu'à notre destination, même si j'ignore laquelle. Les étoiles défilent à travers le hublot de la fusée. Parfois, nous croisons un soleil, une lune. Les constellations nous félicitent : nous avons réussi à nous arracher à la pesanteur, à nos vies terriennes, futiles, et à nous élever vers un ailleurs plein de promesses. Elles nous envient, voudraient nous rejoindre dans notre voyage. Mais elles nous ralentiraient ; nous ne pouvons que les laisser à leur immuabilité. J'ai dormi, je crois. Colin, de sa voix électronique, me réveille, ainsi que le p'tit lapin, qui a dormi avec moi, comme d'habitude. Nous avons atterri sur une planète ressemblant à la Terre, dont l'atmosphère semble respirable. Ensemble, nous nous tenons prêts à quitter la fusée par le sas. Alors que la porte de celui-ci s'ouvre, je suis pris d'un vertige : la fusée se trouve au sommet d'un pic rocheux escarpé. Entre nous et le sol se dressent rochers et ravins façonnés par les éléments, aux angles aigus et affûtés, qui me fait douter des chances de survie d'une espèce intelligente en ce monde inhospitalier : nous sommes sûrement la seule forme de vie foulant cette planète, située aux confins de l'univers. A l'issue d'un voyage périlleux vers le sol, descente lente et précautionneuse - heureusement, nous nous sommes équipés en prévisison de ce genre de situation - nous sommes confrontés à une mer déchaînée. Les flots impétueux n'ont de cesse d'assiéger la roche, des vagues immenses, bien plus hautes que le plus haut des géants, viennent frapper la grève, l'eau érodant les roches, glacée et insidieuse. Une jetée naturelle, partant du rivage et s'avançant vers l'eau écumante, nous fournit un moyen de nous échapper : nous nous y engageons, et nous avançons péniblement, trempés jusqu'aux os, sur la roche glissante. Au terme de ce périple, nous abordons de riches plaines limoneuses. Ici, tout est calme et paisible, les végétaux partent à l'assaut de la terre riche, ensemençant de qui aurait dû être aride, empoisonné par ces volcans se dessinant au loin... ne voulant pas être confrontés au feu qui jaillit des entrailles de cette terre étrangère, nous entreprenons de nous éloigner et de retourner vers la fusée, mais la terre tremble, tout à coup, et nous assistons à la naissance d'un cratère vomissant de la lave en fusion, nous barrant le passage. Un volcan. Cette Terre n'est manifestement pas disposée à nous accueillir, mes amis et moi... Il nous faut donc repartir vite. Nous fuyons la coulée de lave, contournant le cratère, effectuant le chemin inverse, pour regagner la sécurité de notre fusée. Dommage. La vie eût pu naître ici ; pour une raison inconnue, elle n'avait jamais su y trouver sa place. Enfin, peut-être notre incursion en son sein lui donnera, un jour, l'envie d'y prendre part. En chemin, malgré l'urgence, Colin préleve des échantillons, de roches, de végétaux, sur mon ordre. Le p'tit lapin me presse de rentrer, de retrouver la quiétude de la maison maternelle. Nous ne pouvons rien faire pour ce monde. Sinon revenir à notre point de départ. Je m'installe au poste de pilotage, Colin démarre les moteurs. La fusée effectue son voyage de retour, je lâche les commandes, le pilotage automatique est de nouveau enclenché. Les étoiles entament leur ballet, comme lors du voyage aller, alors que nous revenons vers notre planète natale... Je retourne vers Maman, vers le vaste monde, et vers Amandine, qui, somme toute, n'a jamais cessé de me manquer. La lumière de l'après-midi inonde ma chambre. Maman, qui a fini son scrabble, m'invite enfin à jouer dehors. Dehors, Christophe est là, à tracer des chambres et des pièces à sa maison, sur le sol en béton, avec une craie. Amandine est là aussi. Elle me sourit.
Contribution du : 22/11/2020 20:25
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Re : Défi de nouvelles n°3 : Partir ailleurs |
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L'APPEL
Véronique prépare un risotto aux champignons et crevettes, plat préféré de sa fille, Agathe. Tout en remuant le riz, elle se sent inquiète, Agathe ne va pas bien. Depuis plusieurs semaines, lors de leur repas hebdomadaire, sa fille est de plus en plus morose. Véronique ne comprend pas, elle a tout pour être heureuse. Elle est en couple avec Romain, garçon adorable et sérieux, contrôleur de gestion chez Total. Agathe a un excellent métier, elle est vétérinaire associée dans une clinique vétérinaire. A son âge, c’est inespéré, tellement de jeunes sont au chômage. Véronique résume dans sa tête : compagnon idéal, emploi passionnant et rémunérateur, achat d’une maison en vue, bébés qui vont suivre. - Franchement, que peut-elle rêver de mieux ? dit-elle tout haut. Un poids demeure au fond de son ventre. Pourquoi sa fille est aussi absente à elle-même ? Elle ne la reconnaît plus. Si rien d’objectif n’explique sa morosité, n’est-ce pas un trouble dépressif ? Ou bien une maladie grave ? Ses préoccupations viennent de lui faire oublier le minuteur, et elle sait que le temps de cuisson est essentiel pour la réussite de son risotto. Véronique se force à se concentrer, cette idée de trouble physique ou psychologique fait son chemin. Effectivement, rien de tangible n’explique ce changement d’humeur. A moins, à moins que Romain ne soit pas le gentil gendre qu’elle imagine. L’autre soir, elle a regardé un documentaire sur les femmes battues. Bien trop souvent l’entourage n’a rien perçu du drame que vivaient ces femmes à côté d’un compagnon apparemment très gentil. - Mince ! Le riz a attaché ! Arrête de penser, fais ton job ! dit-elle en fulminant. Véronique est déterminée d’en parler à Agathe lors du repas, cette décision lui permet de se concentrer sur ses préparatifs. Un peu plus tard, les deux femmes sont attablées. Véronique est de plus en plus soucieuse. Agathe est arrivée, sans un sourire, le regard fuyant. La mère se demande où est partie l’âme de sa fille, elle ne semble plus habiter ce corps. Véronique lui a posé des questions sur son quotidien, se centrant pour commencer sur des points anodins, afin de trouver des indices, et attraper ainsi un fil qui lui permettrait de rejoindre le cœur du problème. Agathe répond par oui, par non, et n’arrête pas de regarder son portable. L’ambiance est très lourde. De plus en plus agacée, Véronique finit par lâcher sèchement : - Agathe, ce n’est plus possible, que se passe-t-il ? La jeune femme lève un regard étonné vers sa mère, la question et le ton piquant l’ont déstabilisée. - Bah rien maman ! Pourquoi cette question ? - Tu es ailleurs ! Je vois bien que depuis plusieurs semaines, il y a quelque chose qui ne va pas ! Tu es soucieuse ? - Soucieuse ? Agathe a les yeux écarquillés, elle reste la fourchette en l’air. Devant l’air choqué de sa fille, Véronique adoucit son ton mais est déterminé à poursuivre son questionnement. - Tu ne me parles plus, tu as l’air triste, même quand tu arrives, pas un sourire… Je sais qu’il y a un problème. Dis le moi, je m’inquiète de trop. Agathe regarde sa mère, ouvre la bouche pour parler, à ce moment précis, une notification fait sonner son mobile. Elle se penche pour lire. Véronique assiste à une métamorphose stupéfiante. Les joues pâles de sa fille rosissent d’un coup, un large sourire épanouit ses lèvres, ses yeux noirs brillent d’un éclat surprenant. Agathe s’écrie : - Maman ça y est !!! La jeune femme s’est levée, elle tend les bras vers le ciel, rejette sa tête en arrière et pousse un grand « Yes ». Puis, Agathe se précipite vers sa mère, la fait se lever et l’enlace et lui claque des bises sonores sur chaque joue, puis, lui prend les deux mains pour lui faire faire une ronde endiablée autour de la table. Véronique est abasourdie et en même temps le poids dans son estomac s’est évaporé. Voir sa fille si heureuse lui déclenche un rire nerveux. - Arrête tu vas me donner le tournis ! Mais que se passe-t-il ? - Maman, ça y est !!! Tu te rends compte ? ça y est !!! Véronique fronce les sourcils. - A vrai dire, non. Je ne comprends pas du tout ce qui se passe. Dis-moi ? Agathe rayonne. Elle applaudit. Puis plaque sa main contre sa bouche pour hululer comme des sioux en courant et sautant autour du canapé. Véronique, médusée, voit Agathe retomber en enfance. En effet, lorsque sa fille avait une bonne nouvelle, réussite à une épreuve, annonce d’avoir un animal de compagnie etc… Elle entamait sa fameuse danse des sioux. Agathe essoufflée se laisse choir dans le fauteuil en éclatant de rire. - Bon maintenant, tu vas me dire ce qui se passe une fois pour toute ? Véronique a posé cette question en retenant à grand peine un fou rire devant ces démonstrations exubérantes. Elle est tellement contente d’avoir retrouvé sa fille. - Maman, c’est formidable ! J’ai été acceptée au Kenya dans une de leurs réserves naturelles. Tu te rends compte ?! Je vais aller soigner des animaux sauvages ! Mon rêve !!! Véronique est abasourdie. - Mais ton job d’associé ? Romain ? Tes projets de maison ? et … - Maman, ce n’est pas ma vie, ça ! Fini pour moi de soigner les chienchiens à sa mémère. Il me faut du sauvage, du vrai !
Contribution du : 22/11/2020 20:29
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Re : Défi de nouvelles n°3 : Partir ailleurs |
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Organiris
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Texte d'Eclaircie
20 novembre 2020 ♪ Partir un jour… Mon amour ♫…. Tain ! Mais pourquoi diable avoir ce refrain dans la tête depuis ce matin? Nostalgie de l’année 1997 ? Qu’avait-elle de plus ou de moins cette année-là. Ok, elle était impaire, on n’était pas encore au 21è siècle mais …la fin du monde approchait…déjà. Ah ! Oui ! C’était le bon temps, j’étais jeune, enfin plus jeune. Je bossais à plein temps pour un salaire d’employée de bureau sans qualif’. Trois enfants à la maison. Un seul mari mais jamais là. Pas encore l’Euro, déjà l’Europe et depuis belle-lurette. Les 35 heures mais le plafonnement des allocs’ (m’en fous, pas concernée). Les RTT, encore un acronyme mais assez sympa, c’lui-là. Bref, pas de motif particulier d’avoir ce refrain qui me torpille le crâne, mille fois entendu, craché par la radio de ma fille, 11 ans ; quand ses frères cadets mais de si peu préféraient écouter Balavoine ou le top des tout p’tits. *** D’ailleurs, ce ne sont pas les paroles, non ils n’auraient pas osé, si dégoulinant de banalité. Ou peut-être si. Alors que « Partir », voilà un mot plein d’avenir, d’ouverture….ou de frustration, ok. *** Partir ; si je devais partir, où irais-je ? *** Est-ce possible de n’avoir envie d’aller nulle part ? Est-ce simplement que je suis bien où je suis. Oui, oui, c’est ça, je suis très bien où je suis. Tout de même, je n’ai rien vu du monde sauf à travers mes écrans. Rien ? Si : Paris, l’Ardèche, la Côte d’Azur, même la Bretagne. Et la Corse. Et aussi la Grèce, oui, la Grèce, deux fois, même ! Bien sûr, des destinations qui me font rêver, ça ne manque pas. Par exemple, l’Islande. Voilà un pays qui me tente. Assez froid- je crains le chaud, avec ses sources chaudes- j’aime les bains chauds, pas trop d’habitants –je suis un peu sauvage, ses paysages à couper le souffle – une paire d’années que mon souffle s’amenuise. De plus en plus de touristes, par contre ; je l’ai vu dans je ne sais-plus quel reportage à la télé. Même la nature commence à tirer la gueule, à cause de ça. Et puis, qui sait ? Rencontrer Arnaldur Indridason… Oh ! J’y pense, aller en Belgique, rencontrer Amélie Nothomb. Ou encore Paul Valet …je ne sais pas où il habite. Françoise Ascal, non plus. Mais je dois pouvoir trouver sur le net. Voilà une chouette idée, lister ceux que je voudrais croiser un jour, sans bagage, sans me retourner…alors, partir. Alice Massénat (même si elle m’impressionne un peu), Sylvie Huguet, Élisa Romain, Nancy Huston, Pierre Rabhi. Les cinq premiers qui me viennent en tête. Je dois en trouver bien d’autres, en fait. C’est facile d’avoir envie de partir. J’ose ? Et partir dans le temps, et rencontrer alors Pierre Reverdy, Joyce Mansour, Henri Bosco et Virginia Woolf ? Et puis Jean-Claude Barbé. Oui, Jean-Claude Barbé (sans attendre son recueil à paraître en 2021 ?). J’hésite. *** Quel super programme ! Me voilà ragaillardie pour tout ce qu’il reste d’automne, peut-être même aussi pour l’hiver. *** Revenons à nos moutons. Tiens, pourquoi le petit voisin n’est pas parti ? J’espère qu’il n’est pas malade ou en grève, pire au chômage. Suis-je bête, on est dimanche ! Mais pour sûr, un jour, je partirai ailleurs. Caractères 3116, sans le titre, espaces compris.
Contribution du : 22/11/2020 20:53
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Re : Défi de nouvelles n°3 : Partir ailleurs |
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Organiris
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En partance
Elle remit l'éléphant en bronze à sa place. Elle détestait faire le ménage, mais c'était toujours pareil et comme pour tout. Il lui suffisait de se lancer pour qu'elle réalise qu'elle aimait bien ce qu'elle faisait. Le prix du début. L'effort vite oublié et le plaisir de s'adonner à ces parcelles de rien qui lui offraient tous les possibles. Faire la poussière en soulevant chaque bibelot, arroser les plantes, passer l'aspirateur, récurer. Au fond, c'était une manière de se mouvoir, de faire un peu de sport et de sortir un peu de ces paysages qui l'avaient envoûtée. Avait-elle besoin de fermer les yeux ? Elle avait peint mille tableaux, écrit mille fois. Le petit éléphant venait de loin. Elle ne connaissait rien de son histoire. Quelqu'un l'avait sculpté. Elle ne s'était même pas fait cette réflexion quand on le lui avait donné. Juste émue par le geste. Un cadeau d'anniversaire. Elle ne saurait jamais. Le temps avait filé. Le lierre qu'elle venait d'arroser pouvait en témoigner. Il avait continué à prendre ses aises au-delà de la saison. L'hiver aurait dû être pour lui un repos. Elle s'était déjà dit cela à l'automne. Le lierre avait une force incroyable. On le lui avait aussi offert. Rien ne mourait. Pourquoi mourrait-il d'ailleurs ? Quelle drôle d'idée... Il n'était pas encore dix heures. Elle avait encore la journée devant elle. Tout était identique et différent autour d'elle. Elle avait commencé par soulever un premier meuble, le fauteuil dans lequel elle aimait lire pour le déplacer un peu plus sur la gauche et finalement le mettre ailleurs. Elle réaménagea tout son salon, toute sa cuisine, et tout son balcon. Elle s'occuperait de sa chambre plus tard. Sa salle de bains était peut-être ce qui était le plus difficile à réinventer, sans doute ce qui lui donnait le plus envie de partir. Si exiguë et si peu isolée. Elle y entendait ses voisins. Depuis quand n'était-elle plus seule ? Fort heureusement, ils étaient rarement là. Elle voyageait peu, mais ne se plaignait pas. Elle aimait son petit confort, sachant qu'elle avait encore beaucoup de choses à apprendre. Tout à l'heure, en débarrassant la poussière de sa bibliothèque, elle passa en revue quelques-uns des livres qu'elle n'avait pas encore lus. Un livre, puis un autre ; un salon, puis un autre. Des façons de voir. Dorénavant, elle lirait plus tranquillement dans ce coin de la pièce, plus proche de la lumière du jour et suffisamment loin de la fenêtre pour ne pas être gênée par les bruits de la ville. Le double-vitrage n'empêchait pas d'entendre cette rue où les véhicules ne cessaient d'aller. Elle avait décidé de partir, mais elle fut arrêtée par le hasard. Elle s'était imaginée dans un autre logement. Un peu plus loin. Peut-être une autre ville. Avait-elle besoin de fermer les yeux ? Le ciel était bleu, comme ailleurs sûrement. Depuis peu, elle regardait la télévision en fin de journée. Elle avait récupéré une vieille télé en très bon état qui lui donnait à voir d'autres horizons. Ce fut d'abord des animaux qui courraient de par le monde en des endroits où elle savait qu'elle n'irait jamais, puis des spécialistes qu'elle avait presque oubliés. Comment avait-elle pu se passer de cette sorte d'actualités ? Cette manière de l'approcher ? Les livres... Bien sûr, il y avait eu Tchekhov. Une de ces premières découvertes en librairie lorsqu'elle avait eu la possibilité de s'offrir un livre qu'elle pourrait garder, lire et relire. Ado, elle avait cueilli son premier désert. Qu'en restait-il ? Des paysages fabuleux, des personnages en partance parcourant des contrées qu'elle découvrait seulement. Novgorod. Il y avait eu ce chemin... Quel joli nom. Novgorod... En ce samedi, tout était curieusement calme. Presque un dimanche dans les allures. Le ciel était gelé. La brume avait laissé place aux immeubles d'en face. Ils étaient baignés d'une lumière qu'elle aimait. Le jour... Le plaisir de voir le jour. La lumière naturelle au-delà d'eux-mêmes. Elle savoura un instant les couleurs, puis jeta de nouveau un regard sur son nouveau salon. Son fauteuil était à la bonne place. Pourquoi n'y avait-elle pas songé avant ? Aucune importance... Elle s'y installa après une douche, se mis du vernis transparent sur les ongles, puis ouvrit le livre qu'elle avait entamé la veille avant de s'endormir. C'était le week-end. Elle n'avait pas besoin de courir. Elle se préparerait un bon plat pour le déjeuner. Dans une heure sans doute. Elle avait le temps de lire son bel ouvrage. Elle contempla une fois encore la couverture de ce recueil de poésie qui ne lui avait rien dit d'abord, puis revint sur le premier poème. Un poème étrange, peut-être écrit à la façon dont naissent les images avant qu'elles ne soient transcrites en phrases. Une image, un mot ; un mot, une image. Une entrée en matière si singulière propre à François Cheng. Dans le silence retrouvé, elle dut remettre ses lunettes. Elle voyait de plus en plus flou. Verrait-elle un jour le Pacifique ? Elle avait tant aimé l'Atlantique. Était-ce l'Atlantique ou juste la mer ? Que savait-elle des autres mers ? N'était-ce pas juste la mer ? Ce bleu, ce noir, cette clarté... Rester au bord, juste au bord, sans aller trop loin. En reparcourant ce poème ouvrant À l'orient de tout, elle entrevit un monde. Ce n'était pas le poème qu'elle préférait, mais elle avait senti le besoin de le redécouvrir. Des mots, un sens ; un sens, des mots. Passé cette étape, elle profita de la belle lumière du jour offerte par les fenêtres et entama les lignes, la musique, les vers. Elle avait le temps. Sur la partition, un poème. Un début : Tu es pagode qui élève Et tu es pont qui relie Les premiers mots... Qu'était-ce qu'une pagode ? Elle se leva pour aller chercher le dictionnaire. Elle se demanda alors si elle avait su et oublié le sens de ce mot. Une pagode, mais oui, bien sûr... Elle s'était imaginée tout autre chose. À mi-chemin entre la nouvelle et le poème se fit un silence. N'était-elle pas libre de lire, d'écrire, de sortir marcher ? Elle reverrait la mer. Elle la voyait déjà. Elle se rendit compte qu'elle tournait le dos à son plus beau tableau. Horizon maritime. Juste un horizon. Elle le verrait mieux tout à l'heure, au moment du déjeuner. Là était le vrai silence. Elle reposa le recueil de poésie et prévit sa semaine. Une semaine de vacances bientôt. Et pourquoi pas partir ? Il ferait beau. Elle entendrait les oiseaux. N'était-elle pas sur Terre ? Une planète bleue.
Contribution du : 22/11/2020 21:06
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Re : Défi de nouvelles n°3 : Partir ailleurs |
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Visiteur
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Merci Lulu, finalement je suis par là au créneau dit, tu auras travaillé pour moi pour "du beurre". J'espère que ça n'a pas été compliqué.
Mummm, je me régale d'avance de nous lire, le ferai dès que possible, après dormir, après nettoyé mes lunettes, etc et pis, on n'est peut-être pas encore tous là. je repasse .
Contribution du : 22/11/2020 22:04
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Re : Défi de nouvelles n°3 : Partir ailleurs |
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Maître Onirien
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bonjour à tous,
plaisir de découvrir vos textes ce matin! 7 participants au défi: Djymee, Dugenou, Luz, Tiramisu, Eclaircie, Lulu et moi Une belle diversité de plumes et de nouveaux venus en défi ( Djymee et Eclaircie) plusieurs ont traité le thème de l'ailleurs sans partir, dans l'imaginaire, ou dans un changement de regard sur son propre monde. voici une petite impression sur chacun de vos textes. Djymee : humour philosophique et forme très alerte avec ce dialogue entre je et son reflet. je me suis bien amusée et ta nouvelle donne à réfléchir :il arrive que des injonctions internes nous empêchent de vivre. Ceci dit, ton personnage ne me parait pas complètement tiré d'affaire! Les petites notes de bas de page sont savoureuses. Luz : beaucoup d'émotions dans ce texte qui relativise les aspirations à "partir ailleurs" je me sens tellement en phase avec ce que tu écris ! Toujours cette délicatesse pour évoquer l'enfance, les souvenirs et honorer ceux dont sommes faits ( pas que les humains, les animaux aussi, et les lieux) bon, je retourne travailler et je reviens dans la journée! Dugenou le rêve est un ailleurs sans limite! et ton narrateur va loin, très loin, il se fait des peurs et se rend compte finalement que jouer avec ses copains est plus confortable, bien qu'un peu frustrant parce qu'il faut partager. mon bémol pour ce texte est le décalage entre l'âge supposé du narrateur et son mode d'expression trop élaboré. Mais l'univers enfantin est bien là ! Tiramisu Les parents connaissent mal leurs enfants! Et la représentation que cette mère se fait de sa fille est pleine de projections. Cette mère a cependant des "antennes" puisqu'elle sent que sa fille est ailleurs .Mais ce qu'elle imagine n'a pas grand chose à voir avec la réalité. Une situation très réaliste, comme je les aime!
Contribution du : 23/11/2020 10:05
Edité par plumette le 23/11/2020 16:56:16
Edité par plumette le 23/11/2020 16:57:33 |
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Re : Défi de nouvelles n°3 : Partir ailleurs |
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Maître Onirien
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Je n'ai pas commencé les lectures par le début...
J'ai bien aimé la nouvelle sympa de Dugenou. L'enfant s'évade de sa chambre et fait un beau voyage vers l'ailleurs, loin de la Terre. Il se retrouve sur une planète un peu inhospitalière. Peut-être était-elle habitée, finalement ; il aurait pu envoyer le robot en éclaireur, en restant, lui et le p'tit lapin dans la fusée... Merci pour cette lecture spatio-temporelle !
Contribution du : 23/11/2020 17:20
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Re : Défi de nouvelles n°3 : Partir ailleurs |
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Visiteur
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Plumette : la figure parentale du père étant absente du texte, peut être que l'enfant est appellé à devenir 'l'adulte' de la maison ? Cette impression se ressent dans le texte... Oui, partager, c'est dur...
Luz : merci pour ton commentaire. J'ai essayé, comme toi je suppose, de faire revivre mon enfance et de remixer mes souvenirs. Le p'tit lapin et moi, on a tellement vécu, au travers de mon imaginaire...
Contribution du : 23/11/2020 18:54
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Re : Défi de nouvelles n°3 : Partir ailleurs |
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Visiteur
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Pour ma part j'ai lu toutes les nouvelles, et voici mes premières impressions.
Tous les textes sont de bonne facture, mais ça je m'y attendais; cependant à lire certains je me suis un peu ennuyé. Il ne faut pas le prendre mal, question littérature je suis très difficile à combler (Proust est un de mes auteurs préférés mais je n'ai jamais réussi à en lire plus de trois pages d'affilée...). J'ai trouvé dans chacun des récits des choses intéressantes: - Jymmy: toi je te dirai plus tard. Ah, non, Djymee c'est moi. Oui, bon, mais ce n'est pas une raison pour écorcher l'orthographe de mon nom, malappris! - Luz: de magistrales descriptions, toutes en finesse. En peu de mots on est calé dans le paysage. Très poétique. - Plumette: le portrait de cette petite fille est très émouvant. Le voyage depuis son arrivée difficile dans notre monde à nous jusqu'à son arrivée dans son monde à elle, monde que nous la laissons volontiers parcourir à son gré, est narré de façon simple et naturelle. -Dugenou: rien à dire, j'ai adoré, si ce n'est que je ne partage pas le "bémol" de Plumette. Le mode d'expression élaboré ne m'a pas dérangé. Peut-être parce que j'étais trop absorbé par le voyage... - Tiramisu: j'ai fini par copieusement la détester, cette Agathe. C'est courageux (et difficile)de faire le portrait de gens comme ça et pourtant on en voit tellement autour de nous! On voit bien que c'est son rêve depuis toujours d'aller en Afrique soigner des animaux sauvages, alors pourquoi commencer à construire quelque chose qu'elle sait qu'elle fichera en l'air à la première occasion, laissant son associé et son mari dans la merde? Pour se préserver un semblant de petit confort bourgeois, sans doute? Et puis qui est-elle pour critiquer les chienchiens à sa mémère? Eclaircie: j'ai aimé la construction du texte, le cheminement un peu déjanté. C'est ce qui se rapproche le plus de ce que je pourrais écrire moi-même. Bon, j'ai moins aimé les longues énumérations, mais ça fait partie du tout. Lulu: "Tout était identique et différent". A quoi bon parcourir des kilomètres quand on peut voyager tout en restant chez soi? C'est ce que j'ai cru comprendre en lisant cette nouvelle, mais maintenant j'ai un doute: il y a certainement beaucoup plus et je pense qu'il faudrait que je lise plus de textes de Lulu pour le découvrir. Voilà mes impressions "à chaud". J'espère n'avoir froissé personne... Merci Plumette pour ton petit commentaire.
Contribution du : 23/11/2020 19:56
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Re : Défi de nouvelles n°3 : Partir ailleurs |
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Maître Onirien
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J'ai lu la nouvelle de Jymmy, pardon, Djymee... :
J'ai trouvé ce texte "devant la glace" très intéressant, avec beaucoup d'inventivité et d'humour. C'est vraiment plaisant, fin et original. Il faudrait faire une suite pour voir ce que devient Nico, peut-être Président de quelques chose... Merci pour cette lecture.
Contribution du : 23/11/2020 20:15
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