Vingt jours qu'il est parti, Isa n'en dort plus de ne pas savoir. Et rien, pas un seul indice. Elle le hait. Comment a-t-il pu lui faire ça ? Elle a failli appeler la police, tant pis pour l'argent, et puis elle a pensé au "cousin" Vince. Lui, il le retrouverait. Et tant pis pour le prix à payer...

Quelqu'un qui part sans donner d'adresse c'est un peu comme une prise d'ôtage sans ravisseur. Elle fit changer les serrures.

Comme tous les matins, pourtant, il s’était levé, rasé. S’était aspergé le visage en frissonnant. Isa s’était tournée contre le mur, elle voulait dormir. Alors, il avait pris sa veste, l’enveloppe, et avait fermé la porte.

(Oui enfin ça se voit que c'est pas mon histoire parce qu'au moment ou elle se tourne, il se lève pas, enfin, pas pour aller s'asperger...)

Quand la porte fut refermée elle se leva, alluma la télé, écrivit un texto à son amant. Rendez-vous dans une heure.

Vince l'observait. Pfff, un amateur, ce Baldù. Vince n'avait eu aucun mal à retrouver sa trace. Un jeu d'enfants. De dégoût, Vince cracha dans la neige, il n'aimait pas qu'on lui mâche le travail. Sa main droite serra la crosse de son Sig. Baldù avançait lentement dans sa direction. C'était presque trop facile...

Baldù marchait, les mains dans les poches, la tête penchée pour scruter l’étroite bande de neige tassée. Ses gants en peau, chauds et fourrés, il les avait perdus. Qu’il était con, aussi ! Oublier des gants neufs sur un banc, en fuyant un vieux birbe qui lui causait de sa guerre…

— Baldù ?

Il sursauta. Qui donc…

Vince comprit trop tard son erreur. Avant qu'il puisse sortir son arme de sa poche, Baldù se jetait de tout son poids contre lui, le faisant chuter sur le quai. Malgré le tapis de neige, sa tête heurta lourdement le sol. Etourdi, Vince sentit qu'on le fouillait. Son sig ! Une peur atroce le saisit, il ferma les yeux comme un gosse. "Non, s'entendit-il gémir, non, je t'en prie !"

L'ennui pour Vince, mais il s'en appercut trop tard, c'est qu'au lieu de prendre la crosse de son Sig entre les mains, c'était la queue du chat qu'il serrait à outrance. Lorsqu'il s'en rendit compte, il était trop tard. Le chat était déjà loin, Baldu approchait en dodelinant de la tête,et Vince avait à présent une queue de chat encre frissonnante entre ses penottes.

— Rado avait raison : trop de mal entre nous, cousin, trop d’années de tueries, de collines assiégées et de maquis trop rêches.

Il tira une première balle. Le recul du Sig faillit l’envoyer rouler. Putain de glace ! Le bruit s’étouffa dans le grand vide alentour. Vince geignait, un peu de mousse rose se mélangeait à la neige. Une deuxième balle, pour la tête, pour le faire taire.

Baldù lanca le Sig par-dessus la jetée. Le port était encore loin, une heure de marche peut-être.

Derrière un banc, un chat miaulait à la mort.

Baldu lacha, comme un coup de fouet
-"Je t'y prend sale gosse, tu étripes les bestioles à présent"
- Non je t'attendais, je savais bien que tu n'allais pas tarder !
- T'en as combien ?
- Combien quoi ?
- B'en de queues
- Une pourquoi ?
- Et de Sig ?
- A -pu !