L’étage 41 est une voie d’accès menant à l’intérieur
du cerveau d’une entité biomécanique géante.

Note : L’entité est actuellement en état de rêve
et vient d’atteindre sa phase de sommeil paradoxal.

Rendez-vous ensuite à l’étage 41 virgule 102.

Vous pourrez y voyager en train et loger dans un
bungalow le temps d’une nuit.

Bien ronflant dans le train de nuit, sautons allègrement le 41,102 puisque le contrôleur lui-même a fermé les yeux sur l’ouverture des portes.
Et a-étagisons en petite fanfare asthmatique et grande rébellion de principe au 41,103 les yeux gonflés du sommeil du juste ciel.
Cet étage est le double virtuel du 201,14 en valeur absolue et racine exponentielle, mais nous ne le savons pas encore.
Aussi y allons nous gaiement, fleur au fusil et clope au bec, tels les hologrammes sans conscience que nous sommes devenus.
Nos doubles ont l’avantage de l’illimité, la légèreté de la plume et l’épaisseur du même tonneau.
Nos pixels se démonétisent en grande pompe et sans égard pour les vieux de la vieille qui dodelinent de la tête en regrettent le bon temps de l’étage paire de tous les étages :
le zéro, dont nous nous fichons comme de l’étage 40, remisé depuis des éternités au catalogue des désuétudes non assumées.

À l'étrange étage Zzz, on trouve messieurs-mesdames, des monstres comme tout le monde amalgamés bras et jambes mêlés dans un effroyable capharnaüm. À cet étage, les enfants dorment sur le palier, à même le sol en terre battue.
On y trouve donc, tout droit premier vasistas face à l'ascenseur :
- le bibliothécaire véreux féru de papillons et de verrues en tous genres ;
- une gentille sorcière danseuse de balai, avec deux yeux devant, un œil derrière ;
- un mirliton chef d'orchestre et ses charmantes sonates bleues portées en cocarde ;
- un toréador de pacotille avec deux cornes et la queue d'un taureau camarguais fichées dans sa demi-lune ;
- une apocalypse balayée par la tornade du siècle ;
- un obus de la prochaine guerre fiché entre les dents de sabre d'un tigre emmailloté dans une gangue d'argile précolombienne.
On y trouve aussi, derrière le local des poubelles débordantes :
- la fée Clochette qui, sur un air de flûte traversière, a envoyé bouler le fils Pan ;
- des paquets enrubannés de feuilles mortes répondant à la pelle dans la cour de l'école buissonnière ;
- une échelle à l'envers posée jusqu'au ciel ;
- et sur le toit, des flamands roses pêchant la crevette grise dans les eaux givrées des marais galants...

L'étage **.** cale sans six hommes et s'ouvre sur une sorte de clinique forestière. L’orage d'intérieur semble vouloir s’émouvoir, bonne chose, on aime l’orage, et surtout quand après la nature nous offre de jolies couleurs…
Il y a des trembles qui poussent sur des pintades, et des pigeons sur des cerisiers, fin de printemps, des coucous volent, certains coucous ne volent pas, la température est grasse, les arbres s’épanouissent de toute leur identité végétale, il y a du vent, il y a peu de vent, des oiseaux se racontent entre eux des récits fabuleux, ils se souviennent peut-être de l’époque où ils volaient sur la Terre en évitant les fleurs….
Puis l'hospitalier en arrière-cour - plus contreplaqué asepsie - et la dentellière à la seringue, la lune du carrelage et le dragon... Dring, une discussion d’infirmières ou un appui sur un bouton, il y a des fenêtres au plafond qui s’ouvrent sur un ciel fermé où des nuages s’éclaboussent, il y a des lianes qui dégoulinent sur des moquettes de marbre jaune, la solution parle au problème, des dromadaires détruisent un mobil home, j’écris sur un coussin, je suis un rescapé.
Vite quitter cet état-je.

L’étage Ω∜π n’en demeure ni plus ni assez celui de tous les accès.
Arrive-t-on du sous-sol, du fa dièse, de plus haut ou d’à côté de ses pompes, il est de notoriété que ce niveau nivelle le plus généralissime d’entre nous et d’entregents compétents plus haut que leur cul.
Un joyeux melting-pot de clones en habits réversibles vous accueille en dansant la gigue du retournement, danse pratiquée par groupe de tristes sires et sinistres olibriis quand toutes les apparences vous accusent réception, et qu’on est prié de rejoindre de main moite.
Des tuniques pile-ou-face sont à disposition de chacun, en toute taille unique et en madras seyant.
On est prié de donner de la voie, qu’elle soit de garage ou sans issue, étant entendu que la danse se chante en entresol et la corde toujours vocale.

Étage ●●●│●●

Indescriptible…
Indescriptible… Indescriptible…
Indescriptible…

L'étage 42, dit étage S.O.S. ou encore étage de la patte à modeler (*)

Ici l'homme se prend pour dieu. Il façonne, sculpte, burine et peint tout ce qui lui tombe sous la main, H24, ou presque, n'hésitant pas pour l'occasion à utiliser des chars-obus-missiles qu'il fait fabriquer par poignées de mille, dans un pays neutre de préférence.

La femme, elle, n'ayant pas de pommier où porter son ennui, lassée des pommes aussi, il faut bien l'admettre, et de faire reluire les parquets, s'est décidée à reprendre en main son destin hors normes. Elle s'est donc mise, parfaite égale de l'homme, à poser sa patte partout, partout, partout...

Tous les ratés, de part et d'autre, ont fait naître une foultitude d'ouvrages répertoriant leurs embardées plus ou moins guignolesques. Ils se tiennent à disposition dans la salle de la Bibliothèque Universelle, tout au fond du couloir, dernière porte à gauche avant le vide sidéré devant la somme de bêtise monumentale qui n'est pas près de tirer sa révérence.

Si les curieux s'y bousculent la bouche en cul de poule horrifiée, peu en retiennent les leçons.

Et c'est dommage...


(*) il y a du boulot !

L’étage quarante-trois s’atteint en toute lettres.
N’y seront admis que les retardataires patentés, les distraits ayant oublié de compter les marches et les erreurs de calcul.
Ce niveau se caractérise par sa qualité de nombre premier qui en fait la dernière des préoccupations de ses locataires, peu respectueux des us et coutumes érigés en religion d’étage.
On est censé y aduler le laisser-aller, l’aléatoire et la rébellion, mais les plus fervents adeptes refusent de désobéir au hasard de la procrastination, se fichent du tiers comme du quart et se retrouvent fatalement au pinacle et le front ceint d'épines et promus en sous-fifres quinteux à bretelles d’autoroutes.
Pantalonnade bien remontée à destination de la gente en culotte courte, tant il est vrai que les chemins du faire sont pavés de bonnes à tout.

L’étage suivant est ainsi nommé par sa position d’étage suivant le précédent.
On pourrait aussi bien le nommer précédant en vertu du fait qu’il précède le suivant.
Mais on est en droit de convenir qu’il se précède lui-même s’il est admis qu’il précède le suivant, qui n’est autre que lui-même.
Au regard de cette anomalie syllogistique, on en restera comme deux ronds de flan ronflants, bardés des certitudes de leur circonférence, puis on se bornera à constater le problème :
d’étage à ce niveau il n’y a que l’idée, ce qui en soi constitue le risque de créer un précédent suivi des emmerdes afférentes.
Conséquemment, ceux d’entre les inconséquents risque-tout qui ont tenté l’aventure du suivant le précédent cédant le pré carré conviendront en chœur être tombés de haut dès l’entrée en matière puisque de matière il n’y a que celle à réflexion, le miroir aux alouettes n’étant convoqué que pour le fond du tain.

(Dialogue d’explorateurs à l’étage suivant)

- Sérieusement ? L’étage « suivant » ?!
- Oui.
- Un étage purement conceptuel où l’on peut être présent physiquement même si cela est impossible et totalement absurde ?
- Oui.
- Et pour « l’étage d’avant » et « l’étage après », c’est la même chose ?...
- J’imagine que… oui.