Voici le sonnet de Pierre de Marbeuf

L'amour de mes pensers...

L'amour de mes pensers, comme de son pinceau,
Vous peint à mon esprit, si je clos ma paupière,
Je vous vois en dormant, si je suis sans lumière,
Pour m'éclairer de nuit vous êtes mon flambeau.

Si je suis sur la terre, ou si je suis sur l'eau,
Vous me suivez sur terre, et dessus la rivière,
Car je vous vois toujours et devant et derrière
La croupe du cheval, la poupe du bateau.

Encor que de mon corps le vôtre soit absent,
A mon esprit toujours votre corps est présent :
Concevez-vous cela, ma divine maîtresse ?

Si pénétrer les corps par son agilité
Est la propre action de la divinité,
L'amour m'avait bien dit que vous étiez déesse.


L'intérêt de ces rimes, c'est que ce sont des mots du langage courant dont certains ont plusieurs acceptions. (bateau, maitresse, eau ...)

Vraiment je préfère vos sonnets que celui de Marboeuf qui répète plusieurs fois le même mot (honte à lui !) dans ce temps-là les règles devaient être moins strictes...

Bravo Alex pour ton sonnet d'adoubement, nous voici acceptés dans cette confrérie avec tous les honneurs... Que ses membres deviennent plus nombreux, c'est en effet notre souhait le plus cher. (Le dernier tercet m'a rappelé "Le Cid").
Je suis d'ailleurs stupéfaite de la maîtrise rapide de Méléagre dans cet "art" jugé si difficile à assimiler (j'ai mis moi-même plusieurs lustres); vraiment Méléagre tes sonnets sont maintenant impeccables, tu as tout compris et je te dis bravo pour le dernier qui est un modèle du genre (difficile en plus de produire du nouveau après les autres, mais tu t'en es sorti sans problème).

Pour le prochain je propose :

Pensant – chose – dispose – absent
Agissant – éclose – repose - puissant
Epie – attaché – impie
Caché – paupière - pierre

Le sonnet de Marbeuf est médiocre.
Je l'ai retenu pour ces rimes qui, nous l'avons vu étaient faciles à caser, ce qui permettait de libérer l'inspiration.
Du coup tout le monde a gazé.

Avec des rimes soutenues et directrices comme en trouve dans les meilleurs textes, l'exercice devient beaucoup difficile.
Ça m'est arrivé d'avoir envie de passer mon tour.

Mais celles que tu proposes Mona me sont très sympathiques

Tant mieux Tizef. Le mien a coulé de source, si l'on peut dire ! Seul le titre me pose problème, si vous avez une autre idée je prends.

Conclusions

L’homme, dit-on parfois, est animal pensant.
Il faut bien convenir qu’entre toute autre chose,
Parmi les instruments dont sur terre il dispose,
Le pratique usuel est trop souvent absent.

Il lui faut réfléchir et, par force agissant,
S’écriant : « Euréka !» sur une idée éclose,
Il va creuser, bâtir, avant que se repose
L’imagination qui l’a rendu puissant.

Même si le trépas d’un œil torve l’épie,
Il s’invente le ciel pour contrer cet impie,
Espérant sans faiblir son paradis caché.

Et quand se fermera pour toujours sa paupière,
Il saura reposer sous une lourde pierre
Avec pour compagnon son fantasme attaché.

Tiens, un poème philosophique. C'est un genre auquel on ne s'est pas beaucoup essayé dans notre petit atelier.

Pourtant, comme le montre votre sonnet, cette forme s'y prête bien.
Chaque strophe développant un argument jusqu'au tercet de chute (définitive en l’occurrence)

L'opposition est bien marquée entre les quatrains, simple constat critique, et les tercets qui prennent de la hauteur.

Belle réflexion

pour le titre, pourquoi pas reprendre le second hémistiche du vers 1
"Un animal pensant"

En effet, Tizef, j'y avais "pensé" mais le titre ne doit pas reprendre les mots du texte : dilemme !
Un autre sous une autre forme :

Vengeance

Sur les cailloux rugueux je chemine pensant :
Comment te satisfaire entre toute autre chose ?
Il est si peu d’argent dont ma bourse dispose,
La chance court encor, le succès est absent.

Tu voudrais, c’est certain, me voir plus agissant :
Je t’offre cette fleur, elle est à peine éclose,
Ce trop pauvre présent dans le vase repose,
Sans que sur ta faveur elle ait d’effet puissant.

Alors je te regarde et l’air de rien j’épie
Ce que t’offre Julien, ce vaurien, cet impie,
Et que près de ton sein tu portes bien caché :

Cupide, ton œil dur frémit sous ta paupière.
Puisque ainsi l’on obtient ton amour attaché,
Précieuse sera dans ma fronde une pierre !

En relisant je constate une erreur : lire

"sans que sur ta faveur il ait d'effet puissant" (c'est du présent qu'il s'agit, pffttt !)

Mona. Ta facilité m'étonnera toujours.
Entre les deux sonnets mon cœur balance.

Voici mon épître à un alter égo

De mon logis, j'étais, jusqu'à hier, absent.
Ce n'est que ce matin que je lis cette chose
Qui, depuis quinze jours, dans ma boîte repose :
Votre fameux sonnet. Il est assez puissant.

Il est à votre image, utile et bien pensant.
Vos vers ont un parfum de fleur à peine éclose,
Ils laissent au lecteur l'âme fraîche et dispose
Afin qu'à ses travaux il s'en aille, agissant.

Bien sournois celui qui le trouverait impie,
Ce texte généreux, plein de philanthropie.
Vous savez à quel point je vous suis attaché,

Je vous devine ému, la larme à la paupière,
Attendant le verdict. Croyez-moi, mon cher Pierre,
Vous avez du talent, mais il est bien caché.

Merci Alex, pour cet adoubement, et Mona, Tizef, Méléagre conséquemment...

Je cherchais un cénacle et monte en une Eglise,
Ainsi je m'agenouille au pied du tabernacle...

Bravo Mona, doublement, et Tizef aussi...

Voici mon oeuvrette :


La révolte


Le Titan fracassé, tel le roseau pensant
Est d'une humeur obscure et rumine une chose.
Pourquoi du clair savoir le seul Dieu Roi dispose ?...
Le plaisir en son for est pour toujours absent.

De son cerveau pourtant le pouvoir agissant
En un terreau puissant perçoit la fleur éclose
Dont la beauté d'airain tel un lys pur repose.
Des sens exacerbés c'est l'élixir puissant !

Son oeil effarouché le vol de l'aigle épie.
Faut-il qu'au lourd rocher de granit attaché
Il efface d'un trait toute mémoire impie ?

De l'oeuf originel guignant le sens caché
Prometheus rebelle en levant sa paupière
D'un battement de cils fait frissonner la pierre !